Chapitre 21 - partie 1

— Sérieusement le troisième ?

— Encore une réflexion et je te fais bouffer ta serviette.

— Recommence. Tu as à peine tenu une trentaine de levés, siffle Kim. Pitoyable.

De l'autre côté, j'entends Brett se foutre de moi et je n'hésite pas à lui lancer ma bouteille d'eau. L'entrainement pourri d'hier matin a l'air d'être oublié pour chacun de mes coéquipiers. Jonas est de nouveau souriant et il reparle à Kim, quand ce dernier n'est pas sur mon dos avec Ness. Comme maintenant.

L'arc-en-ciel se penche par-dessus la barre, alors que je suis allongé en-dessous sur le banc, et son sourire me donne envie de l'étouffer aussi. A l'autre bout, devant le banc de muscu, Kim me foudroie toujours du regard alors qu'ils ont décidé de me faire travailler mes bras. J'ai eu beau leur dire que le foot, ça se faisait principalement avec les jambes, ils sont restés sur leur position. Je me retrouve à soulever des poids, avec l'aide de Ness quand je ne tiens plus et ça commence à ne plus les faire rire.

— J'ai besoin d'une pause, je marmonne. Allez emmerder quelqu'un d'autre. Lael par exemple !

— C'est pas moi qui ai besoin de m'endurcir, s'exclame le blond sur une autre machine. Pousse plus fort !

— Tu l'as entendu ? sourit Ness avec malice. On s'y remet. Ou alors, tu prends ta pause et je te rajoute cinq kilos.

— Plutôt crever. Je vous déteste, vous n'imaginez pas à quel point.

— Arrête de te plaindre, tu n'es plus un gamin.

Si je pouvais, j'aurai enfoncé mon pied dans la tronche de Kim mais son air narquois me retient. Il s'éclate avec ses allusions que personne ne peut comprendre, à part nous. Et j'ai beau me dire que c'est sympa qu'il n'y ait plus ce mur entre nous, j'ai dû mal à apprécier le Kim qui m'humilie dès que je ne suis pas à la hauteur. Il me fait sacrément bien payer l'obligation de jouer avec Daren.

Je serre les dents et ferme les yeux en attrapant de nouveau la barre. Près de mes mains, je sens Ness poser les siennes, sa peau frôlant à peine la mienne. Le vide qui se creuse en moi me tord l'estomac et j'expire en me concentrant sur autre chose que le manque total de sensations.

— Fais un effort, minaude Ness et je grogne. Pousse sur tes bras !

— J'en peux plus !

— Oh bordel, on arrête, s'énerve Kim en frappant mon genou du sien. A ce rythme-là, tu ne seras jamais prêt.

— Lâche-moi, je crache en posant la barre avec l'aide de Ness.

— Discorde au paradis ?

Je fusille Ness du regard alors qu'il croise de nouveau ses bras sur la barre en le regardant. Toujours allongé, je laisse mes bras pendre en arrière tout en reprenant ma respiration. Kim s'éloigne de nous sans répondre à Ness et je roule des yeux quand ce dernier a les yeux qui pétillent de malice, amusé par la situation. Il s'éclate à nous suivre, nous écouter et à nous pousser à bout, tout ça pour comprendre ce revirement de situation. Kim a accepté de jouer avec Daren mais il a demandé à Brett s'il pouvait s'occuper de moi pendant les séances de musculation, en plus des sessions d'endurance auxquelles il ne participe toujours pas. Notre co-capitaine ne le sait pas et c'est grâce à ça qu'il a accepté sans poser de questions : il lui fait confiance. Et moi, je n'ai pas eu mon mot à dire.

Je me retrouve donc à serrer les dents quand le bulldozer passe à côté de moi, laissant son regard noir croiser rapidement le mien. Ness n'a pas bougé d'un pouce, il continue de me dévisager avec son sourire plein de malice.

— Alors vous avez vraiment fait la paix.

— On n'a plus dix ans, je soupire en tâtonnant le sol pour attraper ma serviette. Et l'équipe en avait besoin.

— L'équipe, répète Ness en se penchant un peu plus vers moi. Tu me surprends une nouvelle fois.

— T'as pas une autre personne à emmerder ? Jonas par exemple ?

Ness penche la tête, l'air plus dur. Puis il hausse les épaules en jetant un regard par-dessus son épaule.

— Plus je suis loin de lui, mieux je me porte.

— Il dit que tu le détestes, j'avoue en le faisait rire jaune. C'est la vérité ?

— Il n'y a pas plus vrai que ça. Tu me dois un secret maintenant, rajoute Ness quand j'ouvre la bouche. Et si, le fait que je déteste Jonas est un secret. L'équipe pense qu'on s'entend bien mais qu'on a simplement des opinions différentes.

— Sauf que ça n'a rien à voir avec ça, je murmure tandis qu'il sourit avec ironie. Tu veux savoir quoi ?

Il réfléchit en regardant son reflet dans le miroir et je m'assois enfin sur le banc. Nos yeux se croisent à travers le mur alors que j'attrape ma bouteille. Son sourire s'étire un peu plus et je guette les gars autour de nous, pour être certain qu'aucun d'eux ne nous écoute. Ça fait ricaner Ness avant qu'il attrape mon épaule pour me faire légèrement reculer vers lui.

— Vu que c'était un petit secret, je ne vais pas être horrible. A ton tour de me dire la vérité : rien ne s'est arrangé avec Daren, n'est-ce pas ?

Je l'ai vu venir à dix kilomètres. J'esquisse à mon tour un sourire en écartant sa main d'un coup d'épaule. Il n'a pas posé la bonne question et c'est exactement ce que j'espérais. Je n'ai pas à mentir et en même temps, je protège l'équipe.

— Tu as tort : ça s'est arrangé.

Pendant une seconde, Ness perd son sourire et je suis tétanisé par son reflet froid. Mais il l'affiche de nouveau, bien plus mauvais, avant de s'écarter brusquement sans ajouter un mot. Brett lui ordonne de se calmer quand il balance sa bouteille dans un coin avant de sortir de la pièce. Je cligne de nombreuses fois des yeux, sans comprendre son attitude, jusqu'à ce que Charleston me rejoigne.

— Tu as réussi l'exploit de l'enrager.

— Il va finir par me rendre dingue, je réponds en fixant la porte. Faut qu'il sache ce qu'il veut à un moment donné.

— Il le sait, m'assure Charleston. Et c'est sûrement pour ça qu'il s'est énervé.

Je me tourne vers lui, histoire de lui soutirer d'autres infos parce qu'il a l'air d'en savoir plus qu'il veut en dire, mais Memphis nous rejoint pour surveiller et distribuer des conseils, ce qui fait fuir Charleston. Ness ne revient pas, Kim s'est décidé à me laisser tranquille alors je rejoins Lael sur les tapis de course. La séance de musculation se termine et on retourne au dortoir à pied avec les perruches, Charleston ayant la voiture d'Omare pour aller en cours. Je suis toujours aussi ravi d'y avoir échappé quand Memphis m'a demandé de modifier mon emploi du temps, en début d'année.

Le reste du week-end, je le passe à bosser mes cours et rattraper le retard que j'ai pris dans certaines matières, notamment en bio-chimie. Lael me file un coup de main étant donné que c'est sa branche tout en me rabâchant que je suis une plaie et totalement désorganisé dans mon travail. Forcément, avec un Charleston organisé qui révise aussi dans la même pièce, je ne peux pas me défendre alors les perruches en rajoutent une couche quand ils passent en coup de vent manger le dimanche midi.

Le soir, je laisse tout en plan sur la table en souriant avec narquois à Charleston lorsqu'il roule des yeux et je sors de l'appart. A notre étage, je ne croise personne jusqu'à ce que les portes de l'ascenseur s'ouvrent.

— Tu vas à ta session avec Kim ?

— Je prends de l'avance sur lui, je réponds à Brett. Vous étiez sortis ?

— Ouais, on bossait notre jeu.

Le co-capitaine pointe Daren du pouce et je hoche simplement la tête en leur passant à côté pour prendre les escaliers. Mais Brett me hèle et je serre les dents en me tournant vers lui. Dans son dos, le bulldozer me fixe et la menace plane de nouveau au-dessus de ma tête.

— J'ai parlé avec Memphis, Daren est au courant : tu devrais reprendre ta place après les vacances de Noël. Le coach est de mon avis mais évite d'en parler à Jo, je le ferai moi. J'ai hâte de te récupérer !

L'estomac en vrac, je m'oblige à sourire et le remercier avant de détaler. On est fin novembre, c'est-à-dire que dans un peu plus d'un mois et demi, je dois avoir trouvé une solution sinon adieu la LO, que ce soit pour moi ou l'équipe.

Je fonce au stade, l'esprit qui part dans tous les sens à la recherche d'une solution mais ça ne vient pas. Je ne peux rien y changer pour le moment car à part Jonas, personne ne sait que c'est une putain de mauvaise idée. Et il va devenir dingue quand il l'apprendra. J'enfonce la porte de la salle de muscu quand j'y entre et je m'assois sur un banc, le cerveau en ébullition. Les mains qui tirent les cheveux, je m'engouffre dans un puit sans fond, je suffoque. Je ne sais pas quoi faire.

Alors je me redresse et je retourne sur le terrain où je cours. Je cours et je ne m'arrête qu'au moment où mes jambes me lâchent. Je tombe à genoux, les poumons en feu alors que je suis incapable de reprendre mon souffle. J'ai mal à la cheville, à la gorge, aux cuisses. Je suis à bout de force et je m'allonge sur le dos l'instant d'après, les bras écartés alors que les étoiles dans le ciel sont la seule chose qui illumine le stade.

Les projecteurs sont éteints, l'hiver s'est installée et je crève de froid, sur l'herbe humide de ce début de soirée. Mais je ne veux pas bouger et rentrer au dortoir sans solution. Le temps de retrouver mon souffle, je n'ai pas eu d'illumination. Je grimace quand je me lève et je me douche dans les vestiaires pour réchauffer mon corps. Face au miroir, je ne regarde pas mon corps, encore moins mon bras qui est bien marqué. Je n'ai pas le droit de me taper une nouvelle crise, pas une nouvelle fois, pas encore à cause de lui.

J'enfile ma contention puis mes fringues en quatrième vitesse et quand je quitte le stade, je réponds au troisième appel d'Omare qui m'engueule en me rappelant que j'étais attendu une demi-heure plus tôt pour manger. Je raccroche en lui répondant que j'arrive et c'est à peine si j'entends le rire de Lael derrière. Passer la soirée avec eux m'évite de penser à Brett, Daren et les vacances de Noël qui se rapprochent, avec tout ce que ça entraîne.

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