Chapitre 20 - partie 2

J'esquive habilement Brett et fais la passe à Anton qui renvoie le ballon à Lael. Il tire mais Ness a déjà récupéré le ballon quand je tourne la tête vers lui. Pour la dixième fois, je fulmine entre mes dents en le dévisageant et il me sourit un peu plus, mesquin. Plus d'une heure qu'on essaye de mettre un point mais l'arc-en-ciel a décidé de ne laisser passer aucun but. Encore heureux que de notre côté, Charleston fasse la même chose.

— Déçu ? me chambre Brett et je lève mon majeur. Vexé en fait !

— Pauvre petit chaton, minaude Ness. On n'est plus aussi utile ?

Je me tétanise en croisant son regard narquois. Et je m'écarte brusquement vers Lael qui s'excuse de ne pas avoir marqué. Ness a tapé pile là où ça fait mal. Il y a encore huit jours, j'étais avec Jonas à l'orphelinat et je lui faisais découvrir un bout de ma vie. Aujourd'hui, il est contre moi et il est de moins en moins patient parce que le bulldozer essaye de m'éjecter du terrain à chaque occasion au lieu de lui permettre de marquer. L'ambiance est électrique, tout le monde l'a remarqué et je suis le seul à faire comme si de rien n'était.

Memphis nous siffle du rond central et on le rejoint alors qu'il nous donne de nouvelles indications sur nos placements. Les yeux plantés sur mes pompes, je me concentre sur ma respiration pour ne pas avoir à affronter Jonas, Ness ou le bulldozer. Leur regard sont déjà assez pesant, pas besoin d'en rajouter une couche avec un air suffisant.

— De toute façon, je vois pas pourquoi on continue de jouer comme ça ! s'énerve soudain Lael. Ça ne marche pas, cette répartition.

— Explique-toi, l'invite Memphis en croisant les bras. Ton avis a l'air d'être réfléchi.

— Je suis le seul à voir que Daren et Kim n'arrivent pas à jouer ensemble ?

Je serre les dents en gardant les yeux rivés sur le coach. Il n'affiche aucune expression alors que Ness ricane en même temps que Jonas réplique qu'ils sont obligés d'apprendre si on veut avoir une chance de gagner.

— Je suis d'accord, rajoute Brett en passant une main dans ses cheveux. Mais Lael a aussi raison... Je t'adore Daren, tu es vraiment un bon élément.

Les battements de mon cœur se font plus sourds, mon sang se glace dans mes veines alors que je vois la catastrophe arriver à pleine allure. Je devrais ouvrir la bouche, renchérir, arrêter ce merdier avant qu'il ne balance le fin fond de sa pensée mais tout le monde a déjà saisi ce que Brett s'apprête à dire. La gorge nouée, je ne peux qu'écouter et constater l'effet qu'ont les mots du co-capitaine des Racoons sur le bulldozer.

— Sauf que cette combinaison ne marche pas aussi bien qu'on l'aurait voulu. C'est la place à Max, même si vous mettiez toute votre volonté pour apprendre à jouer ensemble.

Le silence glacial qui suit m'empêche de respirer jusqu'à ce que le rire sinistre de Daren résonne. Ça me tétanise un peu plus alors qu'il fait courir son regard sur nos capitaines et le coach sans s'arrêter sur moi.

— C'est une vaste blague ? Il vous a fallu deux mois pour réaliser ça ou vous avez voulu attendre avant de me retirer ma place ?

— Ça n'a jamais été ta place, cingle Kim froidement.

— Si enfoiré, depuis les sélections en juin, crache Daren. Il n'a jamais été question qu'un troisième type débarque et joue avec toi. Mais il est arrivé comme une fleur et vous essayez de m'évincer depuis, toi et ton petit-copain.

— Ouh, jaloux, susurre Ness.

— Ferme-la, marmonne Brett avant de faire face à Daren. Et toi, je te conseille de redescendre d'un ton. Personne ne te retire ta place : tu restes dans l'équipe, en défense, avec moi ou Georges. Mais Max doit être sur le terrain pour jouer avec nos tireurs si on veut une meilleure chance de gagner.

— Donc, grosso modo, je suis incapable de nous faire gagner ? Il est meilleur que moi ?

— T'as réussi à douter de ça ?

Je n'hésite pas avant d'enfoncer mon poing dans l'épaule de Ness qui gémit en s'écartant d'un pas. Ses yeux écarquillés me dévisagent alors que son putain de sourire narquois devient mauvais. Memphis nous dévisage froidement sans prendre de parti et c'est le mieux. Tout est en train de partir en couilles, à cause de moi, et il faut que je fasse cesser ça avant que ça ne m'échappe.

— Tu la fermes, je grince entre mes dents. C'est clair ?

— Pourquoi ? réplique Ness avec une main sur l'épaule. Tu n'aimes pas entendre la vérité ? Moi qui pensais gonfler ton égo.

— Ça suffit, s'énerve Jonas. Daren garde la même place, point final. Ça a été décidé et accepté par tout le monde, surtout par les principaux concernés.

— Je n'ai jamais été d'accord ! réplique Kim. Bordel, Max, dis quelque chose !

Je déglutis alors que je croise son regard fulminant. Je lui ai dit que je serai toujours derrière lui, qu'il n'avait pas besoin de se retourner pour s'assurer que je serai là. Sauf que je ne peux pas, pas quand le bulldozer attend la moindre occasion pour me dégager du terrain. On doit continuer à se répartir les périodes des matchs, je dois continuer de rester en retrait une partie du temps pour être certain d'amener les Racoons à la victoire. Je n'ai pas le choix. J'ouvre la bouche, certain que Daren va obtenir ce qu'il veut : Kim va me détester, encore plus qu'il ne le fait déjà. Mais c'est la voix de Jonas qui coupe court à cette conversation.

— Max n'a pas son mot à dire, siffle-t-il. Si tu veux aller en finale, tu me fais confiance.

— Je commence à avoir des doutes sur toi, cingle Kim et Jonas se crispe. T'es sûr de faire le bon choix ? Tu n'es pas en train de te berner d'illusions et de recommencer à laisser le contrôle aux autres ?

— T'essayes de me dire quoi au juste ?

Le reste de l'équipe est paumé alors que la tension entre notre duo de tireur devient électrique. Ils se font face, mauvais, bouffé par la rage.

— Que tu nous amènes droit dans le mur parce que t'es incapable de prendre des décisions. La pauvre petite chose fragile fait son grand retour et tu perds...

— Tu la fermes.

Choqué, Jonas se tourne vers moi. Mais je fixe simplement Kim. Il est tendu, complètement à bout de nerfs mais il se retient de balancer tout ce qui lui traverse l'esprit quand il se rend compte qu'il y a du monde autour d'eux. Il lui faut un temps pour réaliser que je connais l'histoire de Jonas, un autre pour comprendre qu'il a failli bousiller sa confiance et un troisième pour fermer les yeux et s'excuser froidement.

— On en reparlera, marmonne Jonas en le dévisageant avant de revenir sur le reste de l'équipe. Cette conversation est terminée : personne ne change de place. Si vous voulez aller en finale et gagner, vous faites les efforts qu'il faut.

— Jo, on devrait quand-même y réfléchir, tente Brett.

— Non. Tu joues avec Daren. Le prochain qui fait une autre réflexion sur ça, je le fous sur la touche.

— On est en dictature maintenant ?

Ness fait un pas sur le côté lorsque je lui lance un regard mais il ne lâche pas des yeux Jonas qui fulmine. Brett soupire et secoue la main, capitulant.

— C'est bon, on continue comme ça. J'espère que tu sais ce que tu fais, Jo.

Brett s'écarte en ordonnant à la défense de son équipe de le suivre et je reste planté là, avec mon équipe, face à Kim qui me dévisage en silence. Memphis écarte Jonas pour lui parler, Charleston ne bouge pas à côté de moi et les autres discutent à voix basse. Je me tends quand Kim se plante devant moi, très proche, son index planté dans mon sternum et son regard encore plus noir que d'habitude.

— Tu ne tiens pas ta parole, tu es en train de tout foutre en l'air une nouvelle fois. Tu aurais dû me soutenir au lieu de...

— Je t'ai empêché de faire une connerie, je l'arrête en attrapant son poignet. Tu pensais que Jonas allait accepter sagement que tu le démontes devant tout le monde ?

— Ça, c'était mon problème. Le tien, c'est que tu fais encore le mauvais choix, siffle Kim. Pourtant, tu devrais avoir appris de tes erreurs.

— Désolé, j'ai pas été assez éduqué pour marcher sur le bon chemin.

Si Kim était énervé, il a atteint un tout nouveau niveau. Ses doigts se resserrent violemment autour du col de mon haut et je lève une main pour empêcher Charleston d'intervenir. Qu'il entende notre conversation, je m'en contrefous actuellement. Par contre, je ne veux pas qu'il croit que Kim me terrifie. S'il y a bien une seule personne qui peut poser une main sur moi sans que je m'étouffe sous la panique, c'est lui.

— Tu as dit que tu serais derrière moi.

— C'est exactement pour ça que Jonas a raison de te faire jouer avec Daren, je grince. Arrête ton caprice et fais-lui confiance.

— C'est sûr qu'il ne vaut mieux pas compter sur toi.

Mes mains le repoussent violemment et Charleston le rattrape par le bras avant qu'il s'éclate au sol. Son sous-entendu a raison du peu de maîtrise que j'arrivais à garder. Il ne sait pas ce que j'ai sacrifié, il n'a aucune idée de l'horreur que j'endure, à chaque fois que je vois Daren derrière lui, là où je devrais être. Il ne comprend pas que c'est la seule chose à faire pour l'instant, jusqu'à ce que je trouve un moyen d'assurer ses arrières sans risquer la finale.

Je n'attends pas une seconde de plus qu'il ouvre la bouche pour rajouter une énième connerie. Je m'écarte du groupe et Lael me rejoint immédiatement avec Anton. Ils continuent de discuter stratégie alors qu'on reprend nos places. Memphis siffle en faisant un cercle de la main au-dessus de sa tête et chacun retourne sur sa partie du terrain. Si je m'écoutais, je serai déjà parti du stade en plantant la totalité de l'équipe pour la fin de l'entrainement.

Pourtant, c'est tout autre chose que je fais lorsque le coach siffle pour nous dire d'arrêter lorsqu'on a terminé. J'ignore les gars que je croise et je hèle le bulldozer qui fait signe à Brett de continuer sans lui tout en me dévisageant. A sa hauteur, je serre les dents alors que je suis obligé de lever les yeux pour le regarder. J'aperçois Jonas, un peu plus loin, nous surveiller et je force un semblant de sourire qui attise celui de Daren, mauvais.

— Tu as peur ?

— Va te faire foutre, je grince entre mes dents. Je me suis foutu Kim à dos mais si tu continues comme ça, les gars vont capter que c'était toi, mercredi.

Il se crispe un instant et je suis satisfait de voir l'élan de panique le traverser alors qu'il jette un regard sur le côté, vers les bancs où le reste de l'équipe nous attend.

— Impossible.

— Tu ne fais que revendiquer cette place en me rabaissant. Ils sont loin d'être con et dès que l'un d'eux aura des doutes, il en parlera aux autres, je lâche en secouant ma main entre nous. Ta place va sauter bien avant la mienne : ils ne laisseront pas un gars qui intimident les autres dans l'équipe.

— Tu me menaces ? grogne-t-il en se retenant de me coller son poing dans la tronche. Je te le déconseille.

— Je veux juste sauver ma peau. Les gars doivent croire qu'on est en train de régler nos comptes alors soit tu décides de jouer le jeu, soit dans deux semaines ils te foutent à la porte.

J'accentue mon sourire et lui tends ma main, l'expression loin d'être amicale. Je comprends mieux ce que ressent Ness quand il a cet air malicieux, mesquin, prêt à retourner le cerveau des autres pour obtenir ce qu'il désire. Je n'ai pas le choix d'agir ainsi : Jonas va finir par exagérer les faits dans son crâne et vouloir tout balancer à Memphis. Je dois réussir à calmer le jeu avant que l'équipe se brise.

La main de Daren attrape alors la mienne et j'écarquille les yeux quand il me la broie en m'attirant vers lui. De loin, ça doit ressembler à une accolade entre deux potes. De près, c'est l'enfer. Ses doigts brûlent ma peau, réveillent des fourmillements qui me retournent l'estomac alors que son autre main serre bien fort mon bras. Cet enfoiré va encore me laisser des marques.

— Si tu me la fous à l'envers, je te bute.

Il s'écarte brusquement et affiche un visage d'ange. L'instant d'après, il attrape mon épaule et m'oblige à avancer vers le reste des gars, conscient que j'ai raison. Je suis terrifié par sa présence qui obnubile mon cerveau, par les contusions qu'il a dû créer sur ma peau, par le souvenir de ses doigts partout où il les a posé.

— Vous parliez de quoi ? nous demande Brett quand on les rejoint.

— On parlait de l'équipe et de nos places respectives, pour régler le problème, je marmonne en attrapant la bouteille que me lance Lael.

— Et vous avez réussi ? ricane Ness en venant s'appuyer contre moi. Vous avez fait la paix ?

— Si on était en guerre, tu l'aurais su, réplique Daren. On a juste remis les choses au clair et on s'est compris. C'était pas ce que vous vouliez ?

Je lance un regard à Jonas qui plisse les yeux alors que le coach assure qu'il est satisfait de voir qu'on est capable de se comporter comme des adultes. J'enfonce mes mains dans mes poches et repousse Ness quand je ne supporte plus le poids de son corps. Il ricane en se recoiffant tandis qu'en face de moi, Charleston nous regarde tour à tour.

— En parlant de gamin, il est passé où Kim ? grogne Memphis mais personne lui répond. Jo, va lui parler et arrange les choses avec lui aussi avant que je lui foute mon pied au cul.

— Il vaut mieux pour nous trois que je ne lui adresse pas la parole pendant quelques heures.

Surpris, Memphis hausse un sourcil alors que Jonas pose ses coudes sur ses genoux, les yeux posés entre ses pieds. Evidemment, il en veut à Kim d'avoir été à deux doigts d'exposer son passé psychologique devant l'équipe sans réfléchir.

— Je m'en occupe.

— Il peut pas te voir en peinture, m'arrête Omare en fronçant les sourcils. Il vaut mieux que ce soit Lael ou Anton qui y aillent.

— Ça ne servira à rien, je réplique en regardant le coach. Si vous voulez qu'il accepte de changer d'avis et jouer avec Daren, c'est à moi d'y aller.

— Ou ce sera encore pire, chantonne Ness et Brett lui balance sa bouteille. Je rigole !

— C'est hilarant.

J'ignore Ness qui se marre de nouveau et attend que Memphis me donne son feu vert. Kim n'écoutera personne, encore moins ma voix, mais si Jonas refuse de lui parler, c'est mon rôle de lui remettre les pendules à l'heure. Le coach soupire et m'indique le couloir de la main. Je n'attends pas une seconde et je m'engouffre dans le bâtiment. En passant par les vestiaires, j'enfile juste un pull, change mon short pour un jogging puis je sors sur le parking. Je roule des yeux quand je le trouve assis sur le capot de la jeep. L'équipe risque de rester encore une grosse demi-heure dans le bâtiment pour parler de l'entrainement alors je rejoins Kim et lui tends ma main pour qu'il m'aide à monter. Forcément, il la regarde comme s'il voulait la broyer et je soupire.

— Aide-moi.

— Fous-moi la paix.

— Très mature, je marmonne en agrippant son mollet. Bordel, je déteste être petit.

— Pas doué.

Il attrape mon bras et deux secondes plus tard, je suis assis à côté de lui, les jambes étalées devant moi et mon sac au sol, contre sa roue. Je glisse mes mains dans les manches de mon pull en cherchant mes mots. Mais Kim n'a jamais eu de patience.

— C'est quoi ton objectif en fait Max ? Pourquoi tu es dans l'équipe si c'est pour rester une période sur le banc ? gronde Kim en me dévisageant. Ça n'a jamais été dans tes projets.

— Qu'est-ce que t'en sais ? J'ai peut-être changé.

— Que dalle.

J'esquisse un sourire en gardant les yeux rivés sur mes pompes. Ça ne sert à rien de lui mentir, j'ai toujours été et je suis encore un livre ouvert avec Kim.

— Je ne pensais pas qu'on retrouverait... ça.

Ma main fait une vague entre nous. Je prends mon courage à deux mains et décide de mettre des mots sur ce qui traverse mon esprit. Il faut que Kim change d'attitude si on veut réussir à aller en finale.

— J'étais convaincu que tu ne m'approcherais pas à cause de ce qu'il s'est passé.

— J'ai pas envie d'en parler.

— Tu te tais et tu m'écoutes, je lui ordonne en lui jetant un regard noir. Quand Memphis m'a dit que je jouerai avec toi, je n'ai pas vraiment réfléchi. On a toujours été bon au foot, ensemble, mais j'étais sûr que c'était derrière nous.

— Moi aussi... Il a fallu quoi ? Une semaine pour qu'on reprenne nos marques ?

— Un peu plus, je souris en coin. Sauf qu'au lieu que ça nous serve, on a commis la même connerie.

— C'est pour ça que je ne voulais pas de toi dans l'équipe, s'énerve Kim en glissant ses mains dans ses cheveux. Je savais que j'allais être dépendant de ton jeu, que je recommencerais à me reposer seulement sur toi. Je peux pas jouer avec Daren ! J'ai mis des mois avant de réussir à me défaire de nos habitudes, des semaines à accepter la présence de Jonas à ta place. Comment tu veux que je recommence un tel travail alors que tu es là, cette fois ?

Ses yeux noirs plongent dans les miens. Mon souffle se coupe une fraction de seconde face à toute sa frustration. Son poing cogne mon genou alors qu'il se laisse submerger.

— Tu es là et je ne peux même pas compter sur toi. Tu cèdes ta place à un enfoiré que j'avais aussi refusé. Je ne voulais personne et au final, je me retrouve à devoir jouer avec deux types ! L'un que je déteste, et l'autre que...

Kim s'arrête de lui-même et détourne les yeux en enfonçant violemment son poing dans la tôle de la jeep. Je grimace en compatissant pour Jonas qui risque de lui refaire le portrait. J'aimerai que Kim finisse sa phrase mais il la laisse en suspens et je fixe ses doigts repliés sur son pantalon.

— J'aimerai être le seul avec qui tu joues, je murmure sans qu'il ne bouge. C'est horrible de voir Daren avec toi quand je sais que tu es meilleur avec moi. Sauf qu'on n'a pas le choix, toi comme moi. Pour le moment, je ne peux pas tenir un match en entier à cause de ma cheville. Il faut vraiment que tu fasses confiance à Daren si tu veux qu'on y arrive.

— Non.

— Kim.

— C'est non, claque sèchement Kim en captant mon regard. Non, il n'aura pas ma confiance.

— C'est puéril, je m'énerve à mon tour. Tu veux aller en finale mais tu fais aucuns efforts !

— Tu te la joues Jonas maintenant ? J'ai assez de lui pour les leçons de moral.

— Alors arrête d'être un gamin et enregistre ce que je te dis, je siffle en tapant mon index sur sa tempe. C'est ton coéquipier qui te parle, pas Max : joue avec Daren comme si je n'existais pas et amène-nous à la victoire. J'ai besoin d'être sûr que tu en aies capable.

— Je te déteste.

— Je sais. Mais je t'ai dit que je serai toujours derrière toi alors si tu n'y arrives pas avec lui, fais-moi confiance.

— Pourquoi tu tiens autant à ce que je l'accepte ? marmonne Kim en plissant les yeux. Tu as plus à y gagner en te mettant de mon côté que du sien. Tu veux jouer avec moi mais tu pousses Daren sur le terrain à ta place.

— Pour, justement, éviter qu'on retombe dans ce cercle infernal où il n'y a plus que nous deux sur le terrain. On n'est plus dans un club de gamin, on est dans une équipe nationale qui va jouer à la League One : on ne peut pas se permettre de répéter les mêmes erreurs.

Nos regards accrochés, je vois Kim réfléchir à toute allure. Il ne sait plus sur quel pied danser et je le comprends totalement. Je meurs d'envie de ravaler mes mots, de lui faire jurer de ne plus jamais laisser Daren jouer avec lui. Mais ça ne servirait à personne. Il doit accepter ça sinon je suis foutu, l'équipe aussi. Et je préfère perdre Kim une nouvelle fois que de regarder son rêve se briser sous mes yeux alors que j'aurai pu l'empêcher.

Il a toujours voulu entrer dans une équipe nationale et quand les Racoons ont vu le jour, Kim m'a juré qu'un jour, il serait avec eux sur le terrain. Je trouvais magnifique que ce soit son rêve le plus cher alors je le lui ai emprunté, embrassant le mien que je couvais comme je pouvais. J'ai tout donné pour qu'il se réalise mais il s'est embrasé du jour au lendemain sans que je ne puisse éteindre les flammes. Je me suis donc raccroché à l'espoir que Kim, lui, arriverait à rendre le sien réel. Il l'a fait et aujourd'hui, je me dois de l'accompagner pour qu'il en profite.

Il faut que l'un de nous deux s'épanouisse en vivant ce pour quoi il s'est battu. J'ai perdu l'envie de me battre il y a deux ans, quand tout mon monde s'est écroulé. Face à moi, Kim me laisse une chance de solidifier les bases du sien pour lui permettre de gravir les échelons et arriver au bout de son parcours. Parvenir à vivre de son rêve.

— S'il te plait, fais-moi confiance, je répète doucement. On va aller en finale et on gagnera, ensemble. Mais d'ici là, tu dois jouer avec Daren.

D'ici là, j'aurai aussi trouvé une solution pour évincer le bulldozer et retrouver ma place. Ses menaces ne pèseront plus sur l'équipe, il n'y aura plus aucuns risques pour qu'on se foire. Je vais réussir à nous sortir de là sans tout faire valser.

— Ne disparais pas cette fois Maxie, parce que je retournerai la ville pour te retrouver et te le faire payer.

Un rire sarcastique lui échappe quand j'écarquille les yeux et il n'attend pas que je réponde : il glisse de la voiture avant de prendre le chemin pour rejoindre le dortoir à pied. Ses mots tournent en boucle dans ma tête, le surnom retourne mon cœur et je ne bouge pas du capot jusqu'à ce que l'équipe sorte à son tour.

Peut-être qu'on est déjà retourné dans notre cercle vicieux et qu'il est trop tard. Je secoue la tête quand Lael s'arrête devant moi en fronçant les sourcils. Soucieux, il m'aide à descendre et je récupère mon sac en assurant aux gars que les choses vont s'arranger. Jonas me retient quand je tente de rejoindre Romeo et je croise son regard.

— Tout est réglé, je lui murmure. Ton équipe est de nouveau opérationnelle.

— A quel prix ?

— Aucun : je suis persuasif.

Il plisse les yeux mais je m'échappe de sa poigne et m'installe dans le tombeau roulant d'Omare à côté de Charleston. A travers la vitre, je remarque seulement que Ness sourit à peine, le regard braqué sur notre capitaine. Mais je n'ai pas le temps de sortir pour le rattraper, Omare est déjà sur la route.

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