Chapitre 2 - partie 1

Début septembre

Memphis m'a appelé. Je suis désolé, t'es vraiment un bon joueur mais tu n'as pas réussi à convaincre tout le monde. Je l'ai remercié et j'ai raccroché : je sais déjà qui s'est opposé à mon admission. Pour éviter de devenir fou, je me suis réfugié au seul endroit où je me sens chez moi : le centre Marie-Elizabeth. Mon unique maison.

Les acclamations qui retentissent soudainement me font lever les yeux de mon portable. L'équipe des Racoons entre sur le terrain, saluant leurs supporters avec des sourires fiers. Premier match amical de la saison, à la maison, ça a de quoi donner de la force. Je dévisage un à un les onze joueurs qui se positionnent face à leurs adversaires, les Bulkers venus d'une ville à deux heures d'ici.

Jonas est repérable à son numéro 3, d'un noir transcendant sur son haut d'un vert menthe et blanc. Couleurs de l'équipe de foot, et de l'université. Il remonte ses chaussettes hautes sur ses genoux, vérifie les straps sur ses chevilles puis il se tourne vers Kim lorsqu'il le rejoint. Si je m'écoutais, je serai déjà sur le terrain à lui faire bouffer la pelouse artificielle. C'est lui qui a dû refuser que je rentre dans l'équipe. Je me contente simplement de fusiller le numéro 14 qui s'affiche dans son dos, sous son nom Gallanghan.

Puis, l'un des deux joueurs sélectionnés en juin entre, à côté de Brett, pilier défensif et numéro 1 de l'équipe. Je retiens difficilement le grognement sourd qui me dévore. C'est le putain de rugbyman qui a été choisi, pour étoffer leur défense. Son sourire bouffe son visage, il rit avec d'autres coéquipiers et je respire entre mes dents, dégoûté. Le chiffre 15 décore son haut et je détourne les yeux, pour les poser sur le goal. Dans la zone de but, il resserre ses gants, le regard qui survole le terrain. Aucune difficulté pour reconnaitre Charleston, numéro 2, l'un des deux goals de l'équipe. Ses cheveux bruns sont retenus par un bandana, son expression lasse mais ce qui m'étonne le plus est de savoir qu'il se fait appeler par son nom de famille et que personne ne connaisse son prénom. Ou si certains le connaissent, ils ne l'ont jamais laissé échapper.

Il fait rouler ses épaules alors qu'un autre le rejoint : Lael, celui qui a tenté de comprendre pourquoi j'avais retenu l'attention de son coach. Le 4 au-dessous de Soule termine ce quatuor d'exception. Brett, Jonas, Charleston et Lael sont dans l'équipe depuis sa mise en place il y a quatre ans et ils l'ont faite monter jusqu'à la League One. Une compétition où les équipes s'affrontent sur une saison après des éliminatoires pour décider qui est la meilleure. Elle regroupe plusieurs états des Etats-Unis et depuis deux ans, elle est devenue un phénomène réputé. L'entrée des Racoons a fait du bruit : sorti de nulle part, ils se sont imposés avant d'être éliminé en quart de finale. Cette année, pour leur troisième participation, ils comptent atteindre la finale.

Les deux équipes s'installent sur le terrain et le coup d'envoi en faveur de nos adversaires est donné. Dès l'instant où Jonas a le ballon au pied, arraché de force à l'attaquant des Bulkers, je suis captivé par son jeu. Si le quatuor qu'il forme avec les trois autres gars est monstrueux, son duo avec Kim est encore plus terrifiant. Ils sont les deux attaquants et buteurs de l'équipe : les plus vifs, rapides, endurants et leur tactique n'a presque aucune faille. Le ballon passe de l'un à l'autre sans que la défense adversaire ne puisse rien faire. Quelques pas plus tard, Jonas tire mais le goal retient la balle avant de la renvoyer d'un coup de pied au centre du terrain.

C'est alors que je comprends pourquoi c'est le rugbyman qui a été choisi : il court en écartant les gens sur son passage. Et il est vraiment bon. Il ne lui faut que quelques minutes pour percer la ligne des attaquants qui se ruent vers nos cages, récupérer le ballon, l'envoyer à Brett qui le renvoie vers les milieux de terrain de notre équipe. Ils sont quatre à évoluer pour tenir un rythme soutenu et empêcher de se faire voler le ballon. Parmi eux, Lael ne s'éloigne presque pas de Jonas. De l'autre côté, Kim poursuit le numéro 7, qui lui fait une passe dès que le ballon atterrit entre ses pieds.

De nouveau, Jonas et Kim foncent vers le but tandis que le reste des équipes les suivent. Quelques secondes après, ils marquent dans un mouvement spectaculaire. Les gradins deviennent barges autour de moi alors que les Racoons viennent de marquer leur premier point de la saison.

La première période est largement menée par notre université. Quand la mi-temps de quinze minutes arrive, le terrain se vide immédiatement mais personne ne loupe la tension qui anime nos adversaires. Ils se font trainer par le bout du nez depuis le premier coup de sifflet et le jeu commence à devenir agressif. En bas des gradins, deux surfaces pour les équipes sont tracées sur la pelouse et sont séparés par l'équipe de visionnage et les arbitres s'y retrouvent.

— Le nouveau, en défense, il est vraiment bon. J'ai hâte de voir ce que donne l'autre recrue !

— Ça doit être quelque chose aussi ! Ils ont fait un sacré tri lors des sélections, à ce que j'ai entendu.

Je roule des yeux et ignore la suite de la conversation derrière moi. Entre mes doigts, mon portable vibre et j'y jette un œil avant de supprimer la notification. Je laisse plutôt mon regard se perdre sur le terrain et les équipes plus bas, qui discutent autour de leur coach respectif. Memphis n'a vraiment rien à voir avec celui de nos adversaires : son pull large, son jean troué, son crâne rasé et ses mains tatouées, il détonne totalement. L'autre est tiré à quatre épingle, en chemise-cravate et chaussures cirés.

Je repère immédiatement Jonas lorsqu'il tourne la tête vers les gradins, suivi par le reste de ses coéquipiers. Puis je comprends pourquoi leur expression se referme quand je tombe sur quelques membres d'une autre équipe, dans les spectateurs. Rien d'étonnant à ce qu'ils assistent à des matchs mais ça signifie aussi qu'ils étudient leur jeu pour mieux les contrer lorsqu'ils leur feront face.

La pause se finit bien vite et les équipes retournent sur le terrain, changeant de côté pour la seconde période. Les vingt premières minutes s'écoulent sous les cris des spectateurs alors que le ballon se fait tout le temps voler sans qu'il n'y ait de tir. Plus d'une fois, le sifflet retentit pour signaler une faute qui monte crescendo en violence.

Puis, Jonas finit par récupérer le ballon. Il l'envoie à Kim qui est obligé de s'en débarrasser et c'est Lael qui le réceptionne. Les garçons tentent de remonter le terrain pour dégager l'espace et enfin, marquer un but, mais la défense adverse bloque leur mouvement. Ils finissent même par voler le ballon et un sourire étire mes lèvres quand Kim fait de grands gestes envers un type, la colère déchirant son visage. Mais je me concentre brusquement sur le rugbyman quand je l'aperçois plaquer violemment un joueur adverse. Le silence remplit les gradins une courte seconde avant que tout le monde ne hurle au scandale. Un carton jaune est levé par l'arbitre, l'équipe des Racoons se regroupe et leur abruti de recrue est noyé sous ses coéquipiers. Près des bancs, Memphis a l'air de maudire tout ce qu'il voit et j'aurai presque envie d'être satisfait si ça ne risquait pas de les disqualifier. Un jeu aussi violent peut leur faire sauter toute la saison.

Par chance, le match reprend mais le rugbyman est remplacé par un autre joueur avant de se faire incendier par le coach. La rage se noie sous la satisfaction et je suis de nouveau l'avancée des Racoons, qui luttent pour reprendre du terrain. Mais l'équipe adverse se débat avec force et parviennent à mettre un point.

Quand le match finit, le score est de trois-deux pour les Racoons. Rien de transcendant pour inquiéter les futures équipes qu'ils affronteront mais assez bien pour le jeu qu'ils ont fait. La foule hurle de joie, saluant les équipes lorsqu'elles leur font signe avant de finir par quitter les gradins. Je ne bouge pas, guettant le coach qui pointe le rugbyman du doigt tout en parlant au capitaine. Jonas hausse les épaules, répond et c'est au tour de Kim d'avoir l'air offusqué. Les autres autour d'eux ne disent rien, répondant simplement aux appels des quelques fans qui passent en hurlant leur nom. Les Bulkers sont déjà partis et les gradins sont presque vides.

Je plisse les yeux lorsque Charleston s'appuie contre le mur en secouant la tête devant Lael. Ce dernier hausse les épaules puis se tourne vers le coach, l'index tendue vers le terrain. Je ne distingue rien de leur conversation mais vu la tronche du rugbyman, ils parlent de lui et ce n'est pas qu'en bien. Brett lève la main, trois doigts levées et certains gars hochent la tête tandis que Kim a l'air d'atteindre la rupture.

En réalité, il l'atteint. Sa bouteille rejoint le sol au pied de Jonas alors qu'il cogne violemment son épaule de la sienne avant de s'enfoncer dans le couloir sous les gradins. J'enfonce mes mains dans la poche de mon sweat puis me lève pour quitter le stade. Il n'y a plus rien à voir. Je rejoins les escaliers, l'attention focalisée sur l'équipe qui n'a pas bougé dans ma vision périphérique. J'enfonce ensuite la porte et m'échappe dehors, le cœur lourd de réaliser que je n'étais pas sur le terrain.

Mes rêves m'échappent une nouvelle fois. Et de nouveau, je ne peux qu'en vouloir à Kim de se foutre sur mon chemin.

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Hey 🌻

Chapitre divisé en 2 parties parce qu'il est long ! 😁 Il est assez introductif mais vous commencez à rencontrer les Racoons... 😏

Et les prochains chapitres bougeront un peu plus ! 😍

On se retrouve dimanche prochain !

Bonne semaine 💚

Sarah 🌻

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