Chapitre 17 - partie 2

Je suis mort. Mentalement, c'est le néant et mon corps est un vrai poids lourd. Les yeux fermés, j'essaye de me tourner et grogne légèrement quand je n'y arrive pas pour éteindre le réveil.

— Arrête de bouger.

Le marmonnement étouffé de Lael me fait froncer les sourcils, mais pas autant que son bras qui quitte ma hanche et le bruit que fait le matelas quand il se tourne pour arrêter le bruit strident de son téléphone.

— Putain, je suis incapable de me lever.

— On t'a dit de ralentir, ricane Lael. Memphis va nous trucider.

— Je suis certain qu'on peut lui faire annuler la séance.

— Tu rêves. Il a été clair : on assume quand on sort, lance Lael en imitant la voix du coach approximativement. Vous êtes responsables alors vous savez à quoi vous en tenir.

— C'est un tyran.

Lael marmonne un truc pour confirmer et il repousse les couvertures à nos pieds. A deux dans mon lit, c'est un miracle qu'il ne se soit pas ramassé au sol pendant la nuit. Mais s'il l'a passé collé à moi, je comprends mieux.

— Bonjour la compagnie ! Oh, il n'y a que vous ?

Je gémis quand la voix de Ness résonne dans le salon et Lael se redresse pour enfiler son t-shirt. Si j'ai dormi avec mon pull, cet idiot s'est foutu en caleçon dès que je lui ai proposé de pioncer ici.

— Max et Lael dorment encore je crois. T'as ramené quoi ?

— Lael ?

Je grimace à la voix de Romeo quand Omare répond à Ness. Chacun était censé retourner dans sa chambre mais vu mon état, et celui de Lael, on a trouvé préférable qu'il ne reparte pas lorsque je me suis écroulé dans mon lit.

— Allez, debout, grogne Lael en tirant sur mon sweat. On va être la bourre sinon.

— Laisse-moi mourir.

— Quand ce sera ton heure, ok. En attendant, tu te lèves.

— Je te hais.

Lael a un petit rire qui m'énerve mais il esquive mon coussin en sautant du lit, bien plus en forme que moi. Je le suis des yeux alors qu'il me prend un short dans l'armoire. Je n'essaye même pas de lui rappeler que c'est malpoli, je n'ai pas la force de me battre contre qui que ce soit. A la place, je m'extirpe du matelas avec l'élégance d'un babouin et je me traine derrière Lael qui sort de la chambre.

— Salut les gars !

— Moins fort, je siffle en fermant les yeux à cause de la lumière. C'est une horreur.

Une main sur mon crâne, je tâtonne le sol avec mes pieds jusqu'à me laisser tomber sur une chaise. Lael se fait un café et j'entends l'eau de la douche couler.

— Comment ça se fait que tu aies dormi là ?

J'ouvre un œil alors que Romeo pose son coude sur le dossier de sa chaise en se tournant vers Lael. Ce dernier ricane en pointant du pouce la chambre de Charleston.

— Il est évident que je n'allais pas squatter son lit. Omare ronfle et c'est Max qui m'a proposé de rester.

— Et au lieu de dormir sur le canapé, tu as fini sous ses draps ? rajoute Omare en haussant un sourcil, amusé. Charmant.

— Regarde-le : il était éclaté hier soir. Fallait bien quelqu'un pour le surveiller au cas où il soit malade.

Je grogne en jetant un regard noir à Lael. Je sais bien qu'il est aussi resté pour ça mais il aurait très bien pu le garder pour lui. Il est assez évident pour tout le monde que j'aurai pu vomir mes tripes quand on est rentré. Omare ricane et je renfonce mon visage entre mes bras en écoutant Romeo en rajouter une couche.

— Bois ça.

J'ouvre à peine les yeux et remarque que Ness est assis à côté de moi, une bouteille entre les mains qu'il me tend. J'ai envie de lui remballer son sourire narquois mais je fais simplement ce qu'il me dit.

— C'est quoi ?

— Un truc pour t'aider à nettoyer ton organisme, ricane-t-il en secouant ses bouclettes. Parce que vu ta tête, t'as l'air d'en baver.

— Fallait prévenir que le lendemain, ça démontait, je marmonne en ouvrant la bouteille.

— Tu as pas mal picolé aussi.

— M'en parle pas ! rit Omare. Une descente presque aussi effroyable que Brett !

— Chut, je grince. Trop fort.

— Si seulement ce n'était que l'alcool, sourit Ness en me regardant vider la bouteille d'une traite. Ça ira mieux quand tu te seras réhydraté.

— Attendez, stop.

Je grimace au ton de Romeo. Le regard de Ness s'illumine alors qu'il se lève et j'espère pour lui qu'il ne va pas se tirer en douce en me laissant me débrouiller. C'est lui qui m'a imposé sa drogue, il a intérêt d'assumer. Sinon, je suis certain de passer par la fenêtre. La porte de la salle de bain s'ouvre et les yeux de Charleston glissent sur nous avant de s'arrêter sur Lael qui lui tend une tasse de café.

— Tu l'as drogué ? s'écrie Omare quand ses neurones percutent. Bordel Ness !

— Silence...

— Oh, toi, fais-toi oublier, riposte Romeo en me pointant du doigt. Tu pensais à quoi en acceptant ? C'est bien fait pour ta tronche si tu te sens mal.

— C'était une bonne soirée, non ? chantonne Ness en posant une main dans mes cheveux. Et puis, j'ai découvert qu'il embrassait vraiment bien.

Je gémis et enfouis mon visage entre mes bras pour fuir sa main, et les regards choqués des perruches. Lael éclate de rire jusqu'au point d'être incapable de respirer, Ness se fait la malle comme un voleur et les perruches sont incapable de se remettre de cette information, même quand je leur explique que ce n'était même pas vraiment un baiser. Juste un moyen de me filer sa pilule à la con. Autant dire que ça n'a pas du tout calmé leur esprit.

La séance de muscu se révèle être aussi ignoble que prévu. Memphis n'a pas de cœur et ne nous laisse pas une seconde de répit. Je ne sais pas comment j'arrive au bout de la séance sans vomir mais ça relève de l'exploit. Ness m'a apporté une autre bouteille d'eau, Lael a voulu savoir s'il embrassait comme un dieu, Brett m'a félicité pour ma descente et j'ai eu beau essayé de les faire taire, aucun d'eux ne m'a écouté.

Quand on retourne au dortoir, je lève mon majeur vers les perruches qui ricanent encore et j'accompagne Ness dans les escaliers. Il tire une nouvelle bouteille de son sac et me la fourre dans les mains.

— Si je bois encore une goutte, je vais exploser.

— Va faire une sieste pour l'instant, il soupire en roulant des yeux. On dirait que tu vas t'évanouir à chaque pas.

— Tu m'as menti quand tu as dit que ce n'était pas dangereux, je réplique.

— Tu as surtout trop bu.

— La prochaine fois, je touche pas à l'alcool.

Il hausse un sourcil alors qu'on arrive à son étage. Je m'apprête à continuer pour rejoindre mon lit et dormir dix heures d'affiler mais Ness se dresse devant moi.

— Il n'y en aura pas, de prochaine fois. Repose-toi, bois et mange. Oh, il ajoute quand je le contourne, et si tu croises Kim, remercie-le pour moi.

— Il a fait quoi ? je marmonne en me retournant dans les escaliers pour le voir avancer vers son appart. Ness !

— Demande-lui ! Je repasse te voir ce soir, le troisième !

Je capitule et retrouve enfin mon appart. Sauf qu'il était évident que je ne pourrais pas retourner me coucher : Lael m'oblige à aller me doucher pour la troisième fois de la matinée car je suis encore à moitié endormi. Omare termine de me démaquiller quand j'en sors, Romeo prépare le repas et Charleston est déjà devant la table-basse, à bosser ses cours. Quand Omare me lâche, je m'écroule dans le canapé et par miracle, j'arrive à dormir une grosse heure avant qu'on mange.

Je passe l'après-midi à papillonner devant la télé avec Lael. En fin de journée, Ness passe en coup de vent pour s'assurer que je ne suis pas mort puis il repart avec Charleston. Les perruches rentrent de leurs courses un peu après et je savoure de retrouver mon lit après le repas. Quand je m'endors, je percute à peine que j'ai passé la journée à éviter qu'on me touche. Je n'ai pas voulu savoir si Charleston avait raison ou non. Je n'étais pas capable d'y faire face dans cet état.

Le lendemain, je me réveille en meilleure forme. J'enfile ma tenue de survêtement en constatant qu'il est à peine sept heures, trop tôt pour un dimanche en réalité mais je n'arrive plus à dormir. Dans le salon, je mets mes baskets avant de quitter le dortoir. C'est en trottinant que je rejoins le stade. Je reprends mon souffle en entrant et je fronce les sourcils dans le hall lorsque j'entends de la musique. Je pousse la porte du bureau de Memphis et constate qu'il n'y a pas ses affaires. Je me change en quatrième vitesse dans les vestiaires pour enfiler ma tenue d'entrainement puis je vais sur le terrain. Sur le banc, l'enceinte de Jonas diffuse une playlist que je reconnais avant même de voir Kim courir de l'autre côté sur la ligne blanche. Il est dans son monde, dans sa bulle et je reste planté là, à le fixer alors qu'il contourne le corner, dépasse la surface de réparation, prend l'autre corner et se dirige vers moi. Il me remarque quand il est presque à ma hauteur mais rien ne traverse son visage. Il ralentit simplement l'allure.

— T'es en tenue ? il souffle et je hoche la tête. Alors cours.

Je m'exécute et il s'adapte à mon rythme dès que je suis à côté de lui. Quand je ralentis, il ralentit et lorsque j'accélère, lui aussi mais sans jamais me dépasser. Il me suit, comme je le fais quand je suis derrière lui. Au bout d'un moment, je suis obligé de m'arrêter et je grimace légèrement. Mes poumons sont en feu, mes cuisses aussi et je me sens stupide de ne pas avoir mis la contention sur ma cheville.

Tout en marchant pour rejoindre les bancs, Kim regarde sa montre et l'ombre d'un sourire apparait sur son visage.

— Une heure. Ton endurance s'est nettement améliorée.

— Heureusement que t'as changé ton programme quand j'ai repris, je marmonne entre deux souffles. J'ai cru que j'allais jamais y arriver.

— Moi aussi.

Je ne relève pas sa remarque sarcastique et j'attrape ma gourde que je vide avant de m'étirer. Kim me montre les gestes les plus sensés pour que je récupère plus vite et je me retiens in extrémis de lui dire que je les connaitrais déjà s'il s'était donné la peine de m'accompagner le soir, pour nos séances que je fais en solo.

— Au fait, tu as vu Ness depuis la soirée ? je lui demande assis, les jambes étirées devant moi.

— Non, pourquoi ?

— Il m'a dit de te remercier de sa part, si je te croisais.

Kim fronce les sourcils, le regard posé sur l'herbe alors qu'il est face à moi, dans le rond central du terrain. Je me penche vers une jambe en attrapant mon pied et grimace. J'ai peut-être un peu trop forcé : j'aurai dû m'arrêter de courir plus tôt au lieu de vouloir à tout prix montrer à Kim que je peux tenir aussi longtemps que lui. C'était une évidence que je n'y arriverai pas.

— Pourquoi il te remercie ? je finis par demander quand il reste silencieux. Tu as fait quoi ?

— Rien qui ne mérite son merci.

— Ça ne répond pas à ma question.

— Demande-lui, marmonne-t-il en se laissant tomber sur le dos.

— C'est fait et il m'a répondu la même chose que toi.

Je souris en coin quand il grogne que c'est un enfoiré. Puis je prends conscience que c'est la première fois qu'on se retrouve que tous les deux, depuis la soirée à la Madhouse. Il y a toujours eu quelqu'un avec nous ensuite et ça m'allait parfaitement. Pourtant, ce matin, je suis soulagé qu'aucun des gars ne soit là. J'ai l'impression de retrouver ce qu'on avait avant, en moins puissant, mais c'est là, tapi au fond de moi.

— Les gars t'ont perdu à Halloween, en fin de soirée.

J'écarquille les yeux alors que je ne me souviens pas du tout de ça. En même temps, après les shooters, la suite est plutôt trouble. Il n'y a que notre retour au dortoir qui est à peu près mémorable, et encore.

— Les perruches et Lael étaient explosés. Jonas s'est engueulé avec un peu tout le monde et avec Brett, Charleston essayait de calmer le jeu. Ness était introuvable alors je suis parti à ta recherche. Et je t'ai retrouvé dehors, avec lui, en train d'embrouiller un mec qui faisait sûrement trois têtes de plus que toi.

— Oh merde.

— Ouais, il siffle sans bouger. T'étais intenable alors j'ai dû cogner l'autre enfoiré quand il a voulu poser la main sur vous.

Kim relève ses doigts au-dessus de son visage et je remarque la peau rouge et éclatée par endroit sur ses phalanges. Il a tapé fort. Je croise les jambes, honteux de m'être comporté comme ça. Je n'ai pas l'alcool mauvais et je sais que je ne m'en serai pas pris à un type qui a deux fois ma carrure. Quelque chose m'échappe.

— Puis je vous ai éloigné. Ness n'arrivait pas à te faire entendre raison alors je m'en suis occupé.

— Comment ? je le coupe, le cœur qui bat à cent à l'heure.

— Comme je l'ai toujours fait. Tu ne te souviens de rien ?

Il se redresse sur les coudes en fronçant les sourcils mais mon esprit est loin. Il est revenu à des années en arrière où Kim me tenait contre lui et chantait une berceuse stupide pour calmer mes cauchemars.

— De rien, je finis par souffler en regardant mes pompes. Absolument rien. Pourquoi j'étais énervé ?

— Ness n'a pas voulu me le dire.

J'acquiesce et tire sur les brins d'herbe alors que je concentre mon attention sur ma respiration pour ne pas avoir mes pensées qui partent en tout sens. Si Ness a assisté à ça, il va vouloir comprendre. Il va continuer de me poser des questions, de s'immiscer dans ma tête pour découvrir le moindre recoin de ma vie.

— Les gars savent ce qu'il s'est passé ?

— Non, soupire Kim en s'asseyant. Max...

Je serre les dents alors que sa voix hésite. Je m'oblige à faire face à son regard et ses yeux sombres sont bouffés par tellement d'émotions que je ne sais pas laquelle est réelle.

— Pourquoi tu... il s'arrête et passe une main dans ses cheveux. Tu as refusé qu'on te touche, dès qu'on levait la main.

— Stop.

Kim ravale ses mots dès que je lui ordonne. Je n'ai pas besoin d'insister et il n'a pas besoin d'aller plus loin pour qu'on sache que c'est une ligne à ne pas franchir. Il baisse les yeux en premier et ses poings se serrent autour de son jogging. Les épaules tendues, je m'attends à chaque instant à ce qu'il explose.

Sauf qu'il finit par se détendre et il se frotte le visage avant de se lever. Puis il me tend sa main et je n'hésite qu'une fraction de seconde avant de la saisir. Ça fait partie du passé et je ne peux pas repousser Kim alors qu'il n'y est pour rien. C'est sans un mot qu'on rejoint les vestiaires puis le dortoir. Mais avant de rentrer dans mon appart, je l'interpelle et il encre son regard dans le mien.

— Merci.

— Tu n'as pas à me remercier, il réplique en s'éclipsant dans son appart.

Je roule des yeux et retrouve les perruches dans le salon qui se préparent à partir faire une randonnée. Kim a tort : je suis obligé de le remercier. Je le lui dois, vu ce qu'il fait pour moi, alors même qu'il me déteste.

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