Chapitre 11
— Il dort toujours ?
— J'en sais rien, il n'a pas répondu une seule fois.
— Vous avez essayé d'entrer ?
— Mauvaise idée.
Je repousse les couvertures à mes pieds en silence alors que la voix de Charleston stoppe leur conversation. Omare et Romeo sont avec lui et c'est la sixième fois que le métis vient toquer à ma porte. Je devrais leur ouvrir, leur assurer que je vais bien. Je ne sais pas si c'est vrai. Mon esprit est vide, hermétique à tout.
Je suis resté sous la douche jusqu'à ce que l'eau devienne gelée. Puis j'ai rejoint ma chambre et je me suis endormi, en boule, dans mes cauchemars. J'ai entendu les gars rentrer, s'étonner devant mes fringues dans le salon mais aucun d'eux n'est venu. Je ne sais pas si Ness leur a dit quelque chose, si Kim leur a expliqué ce qu'il s'est passé. Et je ne veux pas le savoir.
— J'y vais.
— Ness, ne...
La porte s'ouvre et se referme presque après. Je ne bouge pas, même lorsque Ness s'accroupie au niveau de ma tête. Mes yeux continuent de fixer le plafond, un bras sous ma tête et l'autre sur mon torse.
— On a muscu dans une demi-heure.
Je ne réagis pas. Memphis va me faire payer d'avoir loupé cet entrainement obligatoire mais me retrouver enfermé dans la même pièce que Kim, c'est impossible. Devoir subir le contact de Lael, impossible. Faire face à leur regard, impossible. Je ne peux rien faire dans cet état.
— Je peux te gérer.
J'arrête de respirer une seconde. C'est infime mais c'est là. Ness s'en rend compte et sa main vient s'appuyer sur le matelas.
— Tu ne te préoccupes que de toi, je m'assure que personne ne vienne te voir.
Je tourne la tête vers lui et il hausse les épaules. Mes yeux se braquent sur ses doigts quand il les bouge mais il se redresse et sourit un peu plus.
— Prépare-toi, on part dans dix minutes.
— Ness.
— Je ne fais pas ça pour hier, ni pour m'excuser, ni pour être sympa. Memphis compte sur toi et tu n'as pas le droit de le décevoir.
La minute d'après, j'entends les gars râler dans le salon quand Ness les rejoint puis une porte claquer violemment. La machine à café se lance et je me lève en enfilant un short. J'attrape mon sweat sur la chaise du bureau et prends dix secondes pour vider mon esprit. Dans la pièce, il ne reste plus que Ness qui dépose un café sur la table en me l'indiquant avant de fouiller dans nos placards. Je me laisse tomber sur une chaise et suis ses mouvements des yeux.
Je ne lui fais pas confiance, je n'y arrive pas alors qu'il insiste pour me comprendre, même lorsque je lui ordonne d'arrêter. Pourtant, il a fait partir les garçons, il dépose des biscuits devant moi et récupère sa tasse en s'appuyant contre le plan de travail. Son regard malicieux fait le tour de la pièce tandis que je finis mon café.
— T'es attractif.
Méfiant, je relève la tête vers lui mais il continue de fixer la fenêtre. Je n'ai pas envie de parler donc je me contente de le dévisager jusqu'à ce qu'il daigne enfin me faire face.
— Bon, pour l'instant, tu ne l'es pas vraiment vu que tu ne parles pas. Mais cette nuit, c'était incroyable.
— Ness.
— Personne ne sait ce qu'il s'est passé, sourit-il en posant sa tasse. Ici ou au bar. Lael dit que tu discutais avec Kim avant de te volatiliser. Kim assure que ça n'a rien à voir, que vous avez simplement discuté de tout et rien.
Je baisse le regard et secoue ma tasse pour occuper mes mains. Ness a un vrai problème avec les limites à ne pas franchir et s'il continue, je vais vraiment devenir un putain de divertissement. Peut-être que ça lui fera passer l'envie d'insister.
— Alors qui fuis-tu aujourd'hui ? Kim ou quelqu'un d'autre ? lance Ness attrapant ma tasse vide. Si c'est toi-même, sache que ça ne marchera pas. On ne peut jamais fuir ce qu'on a là-dedans.
Son doigt tapote ma tempe, ce qui me fait serrer les poings. Il s'éloigne tout aussi vite et je ne le lâche plus des yeux. Le moindre de ses mouvements ne m'échappe pas et il sourit un peu plus. Il attrape alors les clefs qui pendent à la porte et je comprends que c'est le moment d'y aller. J'enfile mes chaussures et mon corps entier se crispe quand la douleur se déclenche brusquement. Je dépasse Ness sans rien dire et l'attends alors qu'il ferme la porte de l'appart.
Dans les escaliers, il me passe devant et je me permets de reposer ma cheville. Je doute que son silence dure longtemps mais j'en profite un maximum. Il regroupe ses cheveux pastels et les attache en un chignon bâclé quand on arrive dans le hall. Puis il récupère une clef dans sa poche que je ne reconnais pas. Sur le parking, mon estomac se desserre enfin : les voitures des autres gars ne sont pas là, ils sont déjà tous partis.
Ness s'arrête alors devant une bagnole basique, blanche, et tapote le doigt sur le toit en ouvrant la portière. Je monte déjà sur le siège passager et admire le porte-clef suspendu au rétro intérieur. C'est le même qui pend à ma clef, celui avec l'écusson de l'équipe des Racoons.
— Anton trouve que ça attire les filles, ricane Ness en démarrant. Comme si jouer dans l'équipe allait lui faire rencontrer la femme de sa vie.
— C'est naturel chez toi ?
Son sourire narquois s'étire alors qu'il me lance un regard en s'engageant sur la route. Je m'enfonce dans le siège et remercie Anton d'avoir une meilleure bagnole qu'Omare.
— De ?
— Ta tendance à tout dénigrer, je marmonne en étudiant son profil.
Ses cils clairs battent rapidement alors qu'il pose son coude contre la fenêtre légèrement ouverte. Ses doigts tirent sur une mèche de cheveux qu'il enlève de son chignon, l'air de réfléchir sérieusement à ma réponse. Puis il finit par hausser les épaules.
— C'est facile.
— Ça tient tout le monde à l'écart, je renchéris. Mais c'est peut-être ce que tu veux.
— Décidément, tu me surprends.
Ness entre sur le parking réservé du stade et la pression vient s'installer sur mes épaules. Mes yeux sont figés sur la porte fermée avant de glisser sur les voitures vides de nos coéquipiers. Ness claque soudain ses doigts devant mes yeux et je le regarde, crispé.
— Pour quelqu'un qui ne veut pas qu'on franchisse ses limites, tu ne te gênes pas pour le faire aux autres, souffle-t-il en attrapant mon menton quand je tente de m'écarter. Si tu refuses de parler, je ne vois pas pourquoi je le ferai. Un secret contre un secret, le troisième.
— Va te faire foutre.
Je l'oblige à reculer et il s'enfonce dans son siège en rigolant froidement. Je sors de la voiture la seconde d'après mais je ne peux pas faire plus. Sur le trottoir, à quelques pas de la porte, je suis tétanisé. Je n'aurai jamais dû suivre Ness. J'ai cru quoi ? Qu'il allait vraiment me protéger des autres ? Que je pouvais lui faire confiance ?
— Coach. Dites-moi, l'équipe est là ? minaude Ness en posant un doigt sur le clavier à l'entrée, téléphone contre l'oreille. Dans la salle de muscu, déjà ? Parfait. On est devant, on arrive.
Il le range et me lance un regard entendu. Aucun des gars ne traine dans les vestiaires. Je me force à avancer quand Ness entre et je me change, les gestes aussi lent que possible. Je grimace quand j'enfile mes baskets avant de refermer mon casier. Assis sur le banc, j'attends que mon cœur se calme. Les épaules tendues, je fixe le vide alors que l'appréhension de voir Kim commence lentement à me donner envie de vomir. Je ne vais jamais réussir à entrer dans cette putain de salle.
— Debout.
— Non.
— On ne s'est pas compris, murmure alors Ness en s'accroupissant devant moi et ses doigts agrippent fermement ma nuque. Tu as des engagements à respecter maintenant que tu es dans l'équipe. Donc, tu te lèves.
Je me crispe un peu plus lorsque ses ongles s'enfoncent dans ma peau. Son autre main se pose sur mon épaule et il se redresse, son corps me surplombant largement. La tête penchée en arrière, je le fusille du regard.
— Je m'occupe d'eux.
— Je ne te fais pas confiance, je siffle alors qu'il remonte sa main dans mes cheveux pour les tirer un peu plus. Lâche-moi.
— Je n'ai pas besoin de ta confiance. Pourtant, tu es obligé de me la donner pour les deux prochaines heures ou je m'assure que tu ne puisses pas jouer les matchs de sélection.
J'écarquille les yeux quand il me force à me lever. Les quelques centimètres qu'il a de plus m'oblige à lever le regard et je déteste ce sentiment d'infériorité qui m'écrase la poitrine. Mon souffle se raréfie alors que son sourire s'agrandit, mesquin.
— On peut y aller ? il minaude en nous rapprochant. Ou tu veux prendre le risque de sauter ton tour ?
J'enfonce violemment mes mains dans les poches de mon short, serrant le tissu entre mes doigts. Mon corps me démange d'être aussi près de lui et le poids de ses doigts dans mes cheveux ne m'aide pas. Je suis au pied du mur. Je ne peux pas rester sur le banc pendant plusieurs mois, je ne suis pas dans l'équipe pour ça. Et surtout, c'est ma place, sur le terrain, je refuse de la laisser à cet enfoiré de Daren.
— Personne, j'impose finalement.
— Absolument personne.
J'acquiesce et il s'écarte enfin. J'inspire en baissant les yeux sur mes pieds et j'aperçois le tremblement de mes mains contre mes cuisses. Ness se dirige vers le terrain en s'assurant que je le suis. Le cœur lourd, l'estomac en vrac, je le regarde ouvrir la porte de la salle de muscu et je reste derrière lui quand Memphis nous ordonne de nous mettre au boulot.
J'attrape une bouteille d'eau et une serviette près du bureau en évitant soigneusement du regard le reste de la pièce. Pas un mot au coach, aux autres. Ness s'arrête devant les bancs et je m'assois sur celui le plus éloigné, devant le miroir. J'évite de le regarder mais ça ne change rien, j'entends les autres se marrer et nous saluer en passant. Ness continue son show en répondant à tout le monde tandis que je me fous dos à eux.
Puis l'inévitable arrive. J'aperçois les cheveux foncés de Romeo à travers le miroir se diriger vers nous avant d'entendre sa voix.
— Max, tu vas bien ?
— Il est à moi pour la séance, répond vivement Ness en se glissant devant lui. Je te le rends à la prochaine.
— Je peux savoir pourquoi ?
— Rien qui te regarde. Par contre, j'apprécierai que tu avertisses les autres de ne pas venir nous voir.
— Il y a un souci ? s'inquiète Romeo. Max ?
Je croise son regard dans le miroir en regrettant d'être aussi pitoyable. Mais Ness n'est pas impressionné et il repousse Romeo en attirant son attention.
— C'est moi qui te parle. Laisse Max dans son coin et assure-toi que les autres font pareil. D'accord ?
— Ouais. Mais seulement pour la séance, claque sèchement Romeo en me lançant un regard. Après, je veux qu'on parle.
— On verra à ce moment-là, sourit Ness. Oh. Et dis à Kim de trouver autre chose à dévisager avant que j'aille lui crever les yeux. Merci.
Je m'efforce de ne pas chercher sa tronche mais mon regard dévie déjà vers lui, à l'autre bout de la pièce, entre Jonas et Daren. Les voir côte à côte me soulève le cœur et je baisse brusquement le regard. Je n'entends pas la réponse de Romeo, ma tête bourdonne violemment. Les mains autour de mon crâne, j'essaye de me calmer, les yeux grands ouverts qui fixent ma bouteille au sol.
Le visage de Ness apparait brusquement devant moi et il attrape les cordons de mon sweat avant de me forcer à me pencher vers lui. Accroupi, ses genoux se retiennent au banc et son sourire est encore là. Plein de malice, de mesquinerie, joueur.
— Ne fais pas un malaise maintenant, le troisième.
— Ne me touche pas.
Mon gémissement le prend par surprise. Il s'écarte de moi la seconde suivante et il me faut quelques minutes pour réussir à enfouir les fourmillements, les sensations qui tentaient de revenir à la surface. Les yeux fermés, c'est à peine si j'entends Memphis demander à Ness ce que j'ai et l'arc-en-ciel répondre qu'il s'occupe de moi. Personne d'autre ne vient et quand j'ouvre les yeux, Ness est assis devant moi, le dos contre le miroir. Il regarde derrière moi, sans perdre son sourire et lève son majeur. Je me concentre sur ses yeux clairs pour ne pas regarder à qui il est destiné dans le miroir.
— Faut que je m'occupe, je souffle et il revient immédiatement à moi.
— On est là pour ça.
Ness se relève et lance un dernier regard menaçant derrière moi avant de s'asseoir sur le banc à côté du mien. Pendant une heure et demi, il nous fait travailler ici. Les autres bougent autour de nous mais Ness nous évite d'avoir à croiser qui que ce soit. Lael a bien tenté de venir mais il est reparti aussi sec. Le coach ne s'est pas pointé une fois, Brett nous a déposé deux nouvelles bouteilles sans un mot et Ness lui a demandé de lui envoyer un message quand toute l'équipe serait partie du stade. J'ai bien pris soin de garder les yeux posés sur le plafond ou sur Ness quand il me montrait comment me positionner. Il m'a épuisé, m'a fait forcer plus que nécessaire et j'ai serré les dents sans rechigner.
Quand la salle est enfin vide, Ness attrape sa serviette et la glisse sur sa nuque. Je sens son regard peser sur moi mais je continue de lever les bras, la barre entre les doigts. Sa force ne me surprend plus, quand je vois combien il soulève sans effort. Il y a un fossé entre eux et moi que je ne comblerai pas en quelques semaines. Je grimace et cale la barre sur son support avant de poser mes bras au-dessus de ma tête.
Je bouge doucement ma cheville et ferme les yeux quand le tiraillement se fait un peu plus intense. Je ne l'ai presque pas bougé mais la douleur persiste. Le souffle court, je grogne un merci quand une serviette me tombe sur les jambes.
— C'est normal, répond le coach et j'ouvre les yeux pour le voir penché au-dessus de moi, les bras appuyés sur la barre. Je vais te poser une question et ne t'avise pas de me prendre pour un con.
Je fronce les sourcils en lançant un regard à Ness mais Memphis siffle et je reporte mon attention sur lui.
— Est-ce que tu as joué en étant blessé, mercredi ?
Mon cœur loupe un battement. Je n'ai pas besoin de regarder Ness pour savoir qu'il n'a pas parlé : son froncement de sourcils veut tout dire. Il ne reste plus que Charleston et ça m'emmerde que ce soit lui qui m'ait balancé.
— Qui...
— Brett a remarqué que tu ne forçais pas sur ta cheville gauche depuis le match. Alors ?
J'essaye de me redresser pour fuir mais Ness est en face de moi et il croise les bras, son sourire étant un peu plus froid qu'une minute plus tôt.
— Répond au coach.
— Enlève ta chaussure, ordonne Memphis dans mon dos. Ce sera tout aussi rapide.
— Je vais bien.
— Grand bien te fasse ! Prouve-le et retire cette foutue pompe avant que je le fasse à ta place.
Ness s'écarte d'un pas alors que je suis incapable de bouger. La réalité m'a rattrapé avec une violence inouïe et je hais Brett pour avoir ouvert sa gueule. Memphis va m'écarter pendant plusieurs jours pour une blessure légère et Daren va reprendre ma place. L'idée de le voir sur le terrain quand je n'y suis pas me bouffe de l'intérieur. Les marques sur mes bras ont disparu mais ses menaces restent bien présentes. Je ne lui ferai pas le plaisir de dégager.
— Je vois, grince Memphis avant de me contourner. Je m'en charge moi...
— Non !
Je recule et la barre se cogne contre mes omoplates. Le coach a déjà les deux mains en l'air, doigts écartés tandis que Ness a la sienne sur son épaule pour l'éloigner. Les pieds posés sur le banc, j'agrippe mes cheveux en les dévisageant tour à tour, devant moi.
— Si tu ne veux pas que je te touche, enlève ta chaussure comme un grand, lance doucement le coach. Mais tu ne remettras pas un pied sur mon terrain tant que je ne serai pas sûr que tu n'as rien.
— Je dois jouer.
— Pas quand tu es blessé.
— Je vais bien.
— Laisse-moi m'en assurer, m'ordonne Memphis. S'il te plait.
Je flanche en entendant ces trois mots. Il garde les mains à hauteur de son visage, l'expression fermée et je déteste ne pas savoir à quoi il pense. Je n'oublie pas les insinuations de Ness : Memphis s'inquiète pour moi, il ne comprend ce qu'il se passe dans ma tête. J'aimerai lui en vouloir d'avoir fait part de ses doutes à Jonas et Ness, je voudrais lui gueuler au visage de s'occuper de son cul et de ne pas chercher à lire en moi. Sauf que je n'y arrive pas à cause de trois petits mots qui me donnent le libre-arbitre. Qui me donnent le choix d'agir ou non.
Et j'accepte de retirer ma pompe à cause de ça. Je m'empêche de grimacer en baissant ma chaussette sur mes orteils et baisse les yeux quand ils constatent l'étendue des dégâts.
— Bordel, Max. Tu n'as quand-même pas joué mercredi comme ça ?
— J'avais pas le choix.
— Bien sur que si ! s'emporte-t-il et je serre les poings. Tu t'es fait ça quand ?
— Mardi, à l'entrainement.
Il soupire et se pince le nez en se levant. Je pince les lèvres devant la largeur de ma cheville et les traces violettes qui apparaissent. Elle est dans un sale état et il est évident que je n'aurai pas tenu lundi matin. Ce ne sont plus deux jours de repos qui feront la différence. Mais je ne regrette pas d'avoir couru et mené mon équipe à la victoire, même en étant blessé. C'est mon rôle, c'est mon devoir.
— Je me suis engagé auprès de Jonas, je souffle et Ness penche la tête en haussant un sourcil. Je n'ai pas le choix : je dois continuer de jouer pour les faire gagner.
— Ton engagement ne signifie pas que tu dois te bousiller, réplique Memphis. Je vais chercher Selena, qu'elle nous donne son verdict. Ness, occupe-toi de lui sinon je vais en faire des confettis.
Le coach sort de la pièce en furie et je soupire, une main sur ma cheville. Ness s'assoit alors à califourchon devant moi, ses doigts bien à plat entre nous alors que nos yeux se croisent.
— Donc, la crème, c'était ça.
— Un secret de plus, je marmonne et son sourire s'étire. Je cache bien mon jeu finalement, non ?
— C'est ce qui te rend encore plus intéressant.
— Tu me dois un secret.
— Ça ne compte pas, ricane Ness en secouant ses cheveux pastels. C'est Memphis qui t'a fait cracher le morceau. Par contre, j'ai hâte de voir la tête des garçons quand tu leur diras.
Quand je ne réponds pas, Ness prend ça pour un accord tacite qu'il peut reprendre sa torture. Il me force à m'étirer et je prends conscience que mes bras sont douloureux. Selena arrive cinq minutes après, avec Memphis qui s'adosse au miroir en la regardant s'accroupir devant moi. Cette fois, la femme est rouge de colère.
— Je croyais t'avoir dit de ne pas taire tes blessures, lâche-t-elle en attrapant mon pied. Tu me dis quand tu as mal et par pitié, n'attends pas d'avoir très mal. Dès que ça tire, tu le dis.
J'acquiesce et elle a à peine fait bouger ma cheville de quelques millimètres que je l'arrête. Peinée, elle s'excuse avant de recommencer et les secondes qui suivent sont pires que l'heure et demi que Ness a passé à me faire trimer. Finalement, le verdict tombe et c'est presque soulagé que j'apprends que ce n'est qu'une entorse.
— Deux semaines d'arrêt par contre, ajoute-t-elle quand je commence à sourire. Pas le droit de participer aux entrainements et par conséquent, aux matchs.
— Deux semaines ? je répète en regardant Memphis mais il fixe Selena.
— Il ne posera pas un pied sur le terrain. Il lui faut quelque chose de spécial ?
— Antalgiques, laisser sa cheville reposer et y mettre de la glace le plus souvent possible. Dans une semaine, il mettra une contention pour la soutenir et il risque de devoir jouer avec les premiers mois.
— Je m'occupe de son arrêt. Tu peux lui faire la prescription ? Ness s'arrêtera à la pharmacie en rentrant.
— Je fais...
— Oh ! je hurle et leurs regards se posent sur moi. Je ne peux pas m'arrêter deux semaines ! Qui va jouer avec Jonas et Kim ?
— Daren reprendra sa place jusqu'à ce que tu reviennes, répond Memphis en fronçant les sourcils. Tu ne comptais quand-même pas continuer de jouer dans cet état ?
J'ouvre la bouche mais Ness me pince le bras violemment. Je couine en m'écartant de lui et Selena lui tend un papier. Il l'attrape en hochant la tête alors que Memphis continue de m'étudier.
— Tu récupères les béquilles à l'infirmerie en passant, m'annonce Selena en se levant. Interdiction de poser le pied aujourd'hui, demain. Lundi, c'est le strict minimum. Si tu as mal, tu les reprends. Tu ne forces pas ou je t'arrête deux semaines de plus. Est-ce que c'est clair pour toi, Max ? Je n'ai pas envie de me répéter une troisième fois.
— Clair comme de l'eau de roche, je crache en remettant ma chaussette. Je vous déteste.
— Je préfère ça que d'être obligé de te virer de l'équipe à cause d'une blessure irrécupérable, réplique Memphis. Maintenant, dégagez de là avant que je te fasse regretter de m'avoir caché ça.
J'attrape ma bouteille et me lève. Je n'ai pas fait un pas que Ness agrippe mon bras pour me soutenir. Je ne le repousse pas, conscient du regard de nos deux référents et on sort sur le terrain en silence. Dans les vestiaires, j'enfile simplement mon sweat par-dessus le sous-pull et lance un regard noir aux béquilles que Ness me tend, tout sourire.
Sur le trajet du retour, il ne prononce pas un mot, s'arrête à la pharmacie et revient avec une poche pleine qu'il me lance. Puis il se gare sur le parking du dortoir un peu après et le retour à la réalité me cloue au siège. Romeo doit m'attendre, avec Lael et Omare.
Je sursaute quand Ness referme sa portière. De l'autre côté du pare-brise, il me fait signe de me bouger et j'expire en sortant. Le sachet de la pharmacie accroché à ma béquille, je suis l'arc-en-ciel à l'intérieur. Quand on arrive devant les ascenseurs, il hésite une seconde. Juste un mouvement en suspens, ses yeux qui se ferment mais ça ne m'échappe pas. Il ne veut pas le prendre.
Alors avant qu'il n'appuie sur le bouton, je me dirige vers les escaliers. Je ne dis rien, il fait de même et on atteint le premier étage en silence. Je grogne en jetant un regard noir à ma cheville et cette fois, Ness ne se retient pas de faire une remarque.
— Ça t'apprendra.
— Ne me fais pas la morale, je grince en levant une béquille. J'ai une arme pour t'obliger à la fermer.
Il ricane et enfonce ses mains dans ses poches en me suivant. Bordel, je dois me taper ces conneries pendant deux jours. Je vais rester vautrer dans mon lit, ce sera tout aussi simple. Au troisième étage, Ness me demande de l'attendre et je m'assois sur les marches alors qu'il entre dans son appartement. Les yeux qui fouillent l'espace, je constate que la disposition est la même qu'à notre étage. Ness revient une minute plus tard et je me relève.
Devant la porte de mon appart, je n'ose plus faire un mouvement. Romeo est à l'intérieur et son rire traverse les murs alors que Lael s'insurge en demandant à Charleston de le défendre. Puis la porte d'à côté s'ouvre et j'arrête de respirer. Kim la referme violemment alors que la voix de Jonas hurle derrière lui. Ses yeux tombent alors sur nous et il s'immobilise, la colère laissant place à la stupéfaction sur son visage. Il ouvre la bouche et ça doit sonner comme une alarme chez Ness parce qu'il se met entre nous et me force à entrer dans mon appart.
Je trébuche avec mes béquilles et gémis en posant mon pied. La porte claque et la seconde d'après, tous les regards sont sur moi. Assis face à face, Charleston et Omare bossent sur la table-basse. Romeo est dans la cuisine et Lael s'assoit sur le canapé dans lequel il s'était allongé, les yeux écarquillés.
— Bordel de merde mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Je t'ai dit de le laisser, coupe Ness en me servant de rempart face à Romeo.
— C'était avant qu'il revienne avec des béquilles !
— Incident de parcours.
— J'espère que tu déconnes, siffle Omare en se pointant à son tour. Max, faut parler maintenant !
— Demain.
Ness me lance un regard par-dessus son épaule quand je presse mes doigts entre ses omoplates pour le faire taire. Je passe à côté des garçons sans m'attarder sur leur regard noir. Omare me suit et attrape la poche qu'il vide sur la table alors que Romeo me force à m'asseoir.
— Ça n'attendra pas demain. Mais avant de comprendre ce qu'il s'est passé hier, tu vas nous expliquer pourquoi tu ne poses pas ton pied.
— Je me suis blessé mardi, je lâche en attrapant les antalgiques alors qu'Omare m'apporte un verre d'eau. Entorse.
— Tu... Oh, je rêve.
J'ai à peine fini d'avaler le médicament que Romeo me frappe l'arrière du crâne, sans aucune douceur. Lael me fusille du regard quand il s'assoit et Charleston pose ses mains sur une chaise vide pour se soutenir alors qu'il me dévisage. Il secoue finalement la tête et ouvre le congélateur avant de balancer la poche de gel sur la table. Je l'affronte et attends qu'il dise quelque chose parce que vu son regard, il a l'air d'avoir une longue liste de reproches. Mais il continue de garder le silence et Omare attrape ma jambe.
Je le laisse faire quand il descend ma chaussette et pose la poche sur ma cheville. Le froid me fait tressaillir mais lentement, la douleur diminue. En même temps, je subis la colère des perruches tandis que Ness se laisse tomber dans notre canapé. Je ne comprends pas pourquoi il reste mais sa présence a quelque chose de rassurant parce que si j'ai envie que les autres me lâchent, il saura m'éloigner. Il me l'a prouvé toute l'après-midi, sans hésiter devant nos coéquipiers.
— J'ai faim, je souffle en coupant Romeo et Lael ricane en s'attirant les foudres d'Omare.
— Quoi ? Il est presque vingt heures et il a sauté le repas de ce midi ! rappelle le blond. Et puis, je pense qu'il a saisi qu'il avait fait n'importe quoi. C'est lui qui est arrêté pendant deux semaines.
— Tant mieux, ça lui apprendra, marmonne Romeo en rejoignant la cuisine.
Je roule des yeux et m'échappe dans la salle de bain pour me doucher. Quand j'en ressors, Ness est parti, Lael joue à la console contre Omare, Romeo cuisine et Charleston est de nouveau devant ses cours. J'attrape la bande et la crème avant de le rejoindre. Il reste silencieux, se contentant de décaler son ordi sur le côté pour fixer ma cheville. La désapprobation étire ses traits mais il y a autre chose dans son regard. Un truc que je ne comprends pas et qui s'envole dès qu'il relève les yeux sur moi.
Il secoue simplement la tête et retourne à son manuel. Omare me donne alors sa manette et rejoint Romeo quand il l'appelle. Aucun d'eux ne parle d'hier soir, ils ne cherchent pas à comprendre pourquoi je suis parti en douce, pourquoi je n'ai affronté personne ce matin. Je sais déjà que je dois remercier Ness pour ça.
Quand je me couche dans mon lit, je remercie Selena pour m'avoir prescrit des cachets plutôt fort. Shooté, je n'ai aucun mal à ignorer la douleur et je m'endors comme une masse, reconnaissant à peine la voix de Charleston lorsqu'il vient déposer un verre d'eau et un cachet sur ma table de nuit, au cas où.
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