🎩Ace et Le Chapelier Fou🎩

🎩Chapitre Cinq🎩 :

Une Douche Froide

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Peut-être étaient-ce les rayons du soleil, ou peut-être était-ce le bras de la personne endormie à ses côtés qui avait glissé sur ses côtes qui réveilla Ace. Dos à lui, il sentait son souffle dans sa nuque.

Quand il ouvrit ses yeux gris, et qu'il vit la chambre, le jeune homme avait du attendre une minute avant de comprendre où il était. Cette révélation le fit soupirer. Il aurait certainement préféré être chez Marco, au calme. Il ne voulait sûrement pas revoir le visage de son hôte, et il ne voulait même pas y penser.

Ace se tourna lentement vers l'homme avec qui il avait passé la nuit ; Ce mouvement eut pour effet de le faire serrer le garçon un peu plus encore contre lui.

Quand il reposa sa joue sur son torse, Ace comprit ce que le Chapelier avait voulu dire, la veille.

Si seulement il n'y avait nul besoin d'aller dehors. Il souhaitait vraiment rester dans le lit, faire comme si c'était le week-end, comme si c'était le week-end pour toujours. Il voulait fermer les rideaux et faire comme s'il n'y avait pas de monde dehors.

Quel dommage qu'ils n'étaient pas chez Marco.

Malgré tout, il était très tôt. Ce n'étaient que les premiers rayons du soleil. Ace avait encore un peu de temps pour rester ici, et ne rien faire d'autre que d'écouter le cœur de Marco et profiter de son souffle sur son front et de la chaleur de son corps.

Il décréta pour lui même que le cou de Marco était bien trop beau pour ne pas être embrassé. De même pour ses clavicules et son menton. Alors, il exécuta ce qui devait être exécuté.

Selon Ace il en valait d'ailleurs de même pour ses bras, ses oreilles, son nez, son front, son torse et ses jambes. Oh, et ses lèvres. Surtout des lèvres. À vrai dire, pour Ace, tout le corps de Marco était bien trop beau pour ne pas être embrassé. Mais il n'en fit rien, parce que ça aurait peut-être été trop. Ça l'aurait réveillé.

Mais, en réalité, le cou, le menton et les clavicules avaient suffi pour lui faire ouvrir ses yeux azur.

"Mmh... Ace...?"

Sa voix, elle, n'était pourtant pas réveillée.

"Bonjour, murmura le garçon.

_Bonjour..."

Oui, sa voix dormait toujours, mais c'était quand même la plus belle des voix. Ace pensa qu'il était bien dommage qu'on ne puisse pas embrasser une voix.

"Bien dormi ?

_Mmh... Oui, marmonna le Chapelier."

Ce dernier bailla avant de demander :

"Et toi ?

_Je crois que je n'ai jamais si bien dormi.

_Mmh... Moi non plus. Enfin, peut-être, mais je ne m'en souviens pas, donc c'est tout comme."

Ace souffla du nez, amusé. Marco remarqua :

"Oh... Mince... On est nus.

_Euh... Oui. Parce qu'hier...

_Oui, oui. Je sais. C'est pas mal, comme ça, en fait."

En disant ça, il resserra l'étreinte autour du jeune homme.

"Comment oublier ?

_J'espère bien que tu n'oublieras pas ça, Chapelier.

_Jamais de la vie."

Marco embrassa le front d'Ace.

"Ah... J'ai envie de rester comme ça pour toujours.

_C'est exactement ce que je me disais tout à l'heure.

_Mmh. Dommage qu'on ne soit pas chez moi.

_C'est aussi ce que je me disais tout à l'heure.

_Mmh..."

Le Chapelier soupira :

"Quelle heure il est ?

_Pas plus de cinq heures et demie ou six heures. C'est encore le crépuscule.

_Ah... C'est super... La maudite grosse tête ne se réveille pas avant onze heures..."

Marco nicha sa tête dans le cou d'Ace et ajouta :

"On a plein de temps devant nous... Je suis content."

Le garçon ricana doucement avant de demander :

"Je peux enfiler ta chemise ?

_Ma chemise ?"

Ace hocha la tête.

"Bien-sûr, acquiesça Marco."

Il se pencha pour attraper le vêtement sur le sol et le tendit au jeune homme.

"Tiens."

Au passage, le Chapelier mit son pantalon.

Après qu'Ace eut enfilé la chemise, Marco le câlina de nouveau.

"Marco ?"

Il plongea ses yeux dans les siens.

"Je t'aime."

Le Chapelier se décala un peu pour regarder l'homme dans ses bras.

"En voilà une bonne nouvelle, parce que je t'aime aussi."

Il embrassa son front tendrement avant d'ajouter :

"Ça fait deux fois que tu me le dis, alors que monsieur voulait attendre.

_Oui... Bon... Ça va...

_J'avais raison.

_Oui... C'est vrai.

_Parfois il est mieux de ne pas attendre.

_T'as fini ?"

Sur ces mots, Ace attrapa un coussin en forme de cœur et frappa tout doucement Marco sur la tête en plaisantant :

"Tu te moques de moi !

_J'ai pas le droit ?, demanda Marco, la voix étouffée par le rembourrage."

Pour toute réponse, le garçon fit glisser l'oreiller sur le côté et s'installa à califourchon sur le torse du Chapelier et croisa les bras.

"Je t'ai vexé, darling ?

_Oui. Beaucoup. Je suis horriblement vexé, affirma le jeune homme.

_Comment me faire pardonner ?"

Ace se pencha un peu pour souffler sur les lèvres de Marco :

"Débrouille toi."

Alors, le Chapelier releva un petit peu la tête pour voler un court baiser au garçon.

"J'accepte tes excuses, dit Ace en hochant la tête.

_Bien. Quelle dispute !

_Oh, oui ! Ne nous bagarrons plus jamais comme ça !

_Je suis d'accord."

Ace éclata de rire et plaisanta :

"Je n'ai jamais ressenti tant de peine de ma vie !"

Marco se mit lui aussi à rire.

"Je suis terriblement désolé ! Si tu savais !"

Après avoir calmé ses ricanements, le Chapelier posa ses mains sur les hanches du garçon qui était toujours au dessus de lui.

"Quelle vue, dès le réveil... Comment peux-tu être si magnifique, jolie fleur ?"

Ace ricana et remit l'oreiller sur le visage de Marco.

"Eh ! Ma vue !"

Le Chapelier se dégagea et inversa leurs positions. Le garçon n'arrivait pas à s'arrêter de rire.

Rapidement, Marco saisit un coussin, et une bataille éclata.

Ace riait aux éclats.

"Non ! Marco ! Attend !"

Le garçon se défendit comme il le pût. Ils finirent assez vite à genoux sur le lit à se taper avec les oreillers.

Ace s'indigna :

"C'est pas juste ! Le mien est plus petit !"

En réponse, Marco envoya son coussin dans le visage du jeune homme en riant.

Les plumes volaient dans tous les sens.

Le combat dura cinq bonnes minutes, avant que les deux jeunes hommes ne s'effondrent sur le matelas, épuisés.

Après qu'Ace ait repris son souffle, il murmura :

"Embrasse-moi, maintenant."

Ce que Marco ne tarda pas à faire, en passant au dessus de son corps.

Appuyé sur ses avants bras, il couvrit le garçon de baisers.

Ace passa ses bras autour de la nuque du Chapelier.

"Je t'aime...

_Pardon ? J'ai pas bien entendu.

_Je t'aime.

_Un peu plus fort ?

_Je t'aime, Marco.

_Mmh... J'ai mal compris."

Ace ricana.

"Arrête de te foutre de moi !

_C'est agréable, c'est tout.

_Quoi ?"

Marco sourit simplement.

"Oh, ça va ! T'es juste content d'avoir eu raison.

_Exactement.

_Mais, je te signale qu'en règle générale on attend, avant de se dire qu'on s'aime.

_En règle générale ?

_Bah, oui ! Normalement, il faut du temps avant de développer des sentiments, et... Et... Mince ! Ça ne se dit pas si facilement, d'habitude !

_D'habitude ? Normalement ?

_Bah, oui ! Enfin ! Je... Tu comprends, hein ?

_Mais tu m'aimes ou pas ?

_Oui !

_Bon. Moi aussi je t'aime."

Le Chapelier rit doucement.

"C'est quoi "en règle générale" ? Qu'est-ce qui est "normal" et "habituel" ?

_Et bien, c'est simple, c'est comment les choses doivent être.

_"Comment les choses doivent être" ? Mais... Ace... Tu sais où nous nous trouvons ? Dans ce monde, il n'y a pas de ça. Tu devrais le savoir.

_Tu n'as pas tord...

_En tout cas, moi, malgré tout, je pense que ça n'a rien à voir avec ce monde. Je suis sûr que dans n'importe quel monde, ça aurait été pareil."

Ace sourit tendrement.

"Tu as peut-être raison.

_Oui ! J'ai raison ! Bien-sûr !"

Le garçon rit franchement à l'air fier du Chapelier.

"Toi, alors..."

Marco posa son regard sur la table de nuit.

"Eh... J'y pense..."

Le Chapelier se décala un peu pour poser sa main sur la poignée du tiroir.

"On a pas fouillé l'endroit...

_Quoi ?

_Et bah... Avec tous les meubles qu'il y a ici... Il doit y avoir plein de choses. Je veux dire... Pourquoi avoir des meubles si c'est pour qu'ils soient vides ?"

Ace réfléchit un moment.

"Ouais ! C'est vrai ! Il doit y avoir des choses à voir..."

Le garçon se redressa et encouragea le Chapelier :

"Ouvre ! Ouvre !"

Marco tira le tiroir.

À l'intérieur, il y avait un jeu de cartes, un paquet de biscuits, et un livre pour enfant.

"Oh... C'est un peu décevant, soupira le Chapelier.

_Tu veux jouer aux cartes ?

_Jouer ?

_Oui, tu ne m'avais pas proposé une partie la première fois qu'on s'est rencontrés ?"

Marco hocha la tête, tout sourire.

Ils restèrent quelques heures à jouer à plusieurs jeux de cartes (en ayant bien-sûr pris soin d'enlever les cœurs...), à se câliner et à discuter de tout et de rien.

Sur le lit, dans les bras de Marco, Ace observait la chambre autour de lui, qu'ils avaient pris soin de fouiller précédemment.

Ils n'avaient pas trouver beaucoup de choses intéressantes, seulement quelques livres et peluches.

Ils en avaient déduit qu'il devait s'agir d'une ancienne chambre appartenant à un des enfants de Linlin.

Les yeux du garçon glissèrent vers la porte au fond de la pièce. Il murmura :

"Tu veux qu'on prenne une douche ?"

Marco déposa un baiser sur les lèvres d'Ace avant de chuchoter :

"Tu veux dire... Tous les deux ?

_Euh... Bah... Ouais. Ouais, tous les deux. Ouais.

_Oh..."

Le Chapelier glissa ses doigts sur les cuisses du garçon.

"Oh..."

Marco esquissa un sourire malicieux.

"Oh, j'aimerais beaucoup..."

Ace le frappa avec un coussin et ricana :

"Pervers !"

Le Chapelier tira le jeune homme contre lui.

"Parce que tu ne pensais pas à ça, peut-être...

_Et bah non ! Je pensais juste à une douche, sans plus !

_C'est ça...

_Mais oui ! J'avais pas d'arrière-pensée !

_Dans ce cas tu es vraiment innocent.

_Je le suis !

_Ah ?

_Arrête !"

Ace riait aux éclats.

Après quelques minutes à se chamailler, ils finirent par se décider à aller sous la douche.

Les gouttes d'eau chaude glissaient sur leurs corps nus et enlacés.

Les tendres mots chuchotés venaient adoucir le bruyant son du flot qui s'écoulait de la pomme de douche.

Ace admira un instant les cheveux de Marco, qui, même mouillés, ressemblaient au soleil, avant d'y passer ses doigts.

"Eh, Chapelier.

_Mmh ?

_C'est toi, qui a besoin de te couper les cheveux.

_Ah, tu crois ?"

Marco rit doucement avant de demander :

"Et quelle coupe m'irait le mieux, selon toi ?

_Mmmh... Je ne sais pas... L'ananas.

_Ananas ?

_Une coupe ananas, répéta Ace."

Marco explosa de rire et chuchota :

"J'adore l'idée."

Le Chapelier caressa du regard les lèvres du garçon. Leur couleur, d'un rose léger, contrastait avec le carrelage blanc lumineux. L'envie de les embrasser devint rapidement irrésistible, alors il s'y affaira.

Ils se séparèrent l'un de l'autre quand un hurlement effrayant provenant du couloir atteignit leurs oreilles, mettant fin à ce moment de douceur.

"CHAPELIER !"

Ace fût tellement surpris qu'il glissa tête la première dans le rideau et s'étala sur le sol.

Marco paniqua, à voix basse :

"Ça va ?!"

Le garçon se dégagea du rideau, se frotta frénétiquement la tête et acquiesça, une grimace de douleur sur le visage.

Ace reprit ses esprits, écarquilla les yeux et s'affola :

"Merde ! Merde ! Quelle heure il est ?"

Toujours au sol, en toute hâte, il enroula une serviette de bain autour de ses hanches.

Marco se pencha vers la fenêtre de la salle de bain et entre-ouvrit le rideau pour observer le soleil. Il s'alarma :

"Il est... tard ! Il est tard !

_C'est quoi, tard ?! Quel heure il est ?!"

La main tremblante, le Chapelier éteignit le robinet.

"Euh... Euh... Bah, il doit être onze heures passées, je pense...

_Quoi ?!"

Ace se releva tellement vite qu'il glissa de nouveau. L'arrière de sa tête heurta le carrelage et la serviette s'envola. Marco demanda en chuchotant :

"Ça va ?!

_Aïe euh !"

La voix effrayante hurla de nouveau :

"CHAPELIER ! MES CHAPEAUX !"

Les pas semblaient se rapprocher dangereusement.

Marco s'affola :

"C'est la maudite grosse tête !

_Sans blague ? J'avais pas deviné !

_Il... Il faut que tu ailles dans ta chambre !

_Je sais ! Je sais !"

Ace se leva encore une fois et s'accrocha au lavabo pour ne plus tomber.

"Non, d'ailleurs ! Elle est dans le couloir ! Je peux pas y aller !

_Et bah... Et bah... Euh... Cache toi !

_Oui, oui ! Bonne idée ! Tu as raison !"

Marco se gratta la nuque, fier. Ace le réprimanda :

"C'est pas le moment d'être flatté ! Habille-toi ! Elle va venir te voir !

_Euh... Oui !"

Le Chapelier s'empressa de rassembler ses vêtements. Alors qu'il enfilait son pantalon en sautillant dans tous les sens, Ace tournait en rond, sa serviette sur les hanches.

"Ah ! Qu'est-ce qu'on fait ?! Qu'est-ce qu'on fait ?!

_Reste... Euh... Dans la salle de bain ! Moi je vais me mettre à la table de travail et... Faire comme si je faisais de la couture depuis ce matin !

_Oui ! Fais ça !"

Ace poussa Marco en dehors de la salle de bain en murmurant :

"Vite, vite !"

Le garçon claqua la porte et commença à faire les cent pas, en tenant sa serviette fermement pour ne pas qu'elle glisse.

Alors qu'il se rongeait les ongles, il entendit la Reine tambouriner contre la porte, et soudain, il ouvrit la salle de bain, juste avant que Marco n'appuie sur la poignée de la chambre.

"Mes fringues ! Mes fringues ! Faut pas qu'elle voit mes fringues !"

Le Chapelier écarquilla les yeux et hocha la tête rapidement. Il se dépêcha de regarder autour du lit et ramassa les vêtements d'Ace avant de les lui balancer. Aussitôt récupérés, le garçon referma la porte de la salle de bain tandis que Marco ouvrit celle de la chambre.

"Ma... Majesté ! Quelle bonne surprise !

_Mes chapeaux !

_Oui... Oui, tout de suite, ma Reine ! Entrez, je vous en prie !"

Linlin leva les yeux au ciel et entra en bousculant le Chapelier, suivie de sa grenouille majordome, de Monsieur Lapin qui tenait un grand miroir, de deux petits singes portant un coussin et d'une petite fille. Marco s'agenouilla et s'exclama :

"Oh mais qu'elle est mignonne ! Bonjour petite princesse !

_Assez perdu de temps ! Mes chapeaux !, hurla la Reine

_Oui ! Oui !, fit le chapelier en se levant.

_Maman, appela la fillette, je veux aussi les chapeaux !"

Linlin soupira longuement et dit, sans conviction :

"Oui, oui, tu auras aussi des chapeaux, Ananas. Moi d'abord."

La Reine s'installa sur le coussin que tenaient les petits singes, qui devaient procurer un gros effort pour ne pas lâcher le siège.

"Bon ! Alors !"

Monsieur Lapin releva le grand miroir avec difficulté pour le tenir devant Linlin.

Avec précaution, le Chapelier ajusta le premier chapeau sur la tête de la Reine.

"Non."

Il le jeta au sol pour en mettre un autre.

"Moche."

Il continua ainsi jusqu'à ce qu'elle en trouve un qui lui plaisait.

"Mouais. Je garde celui-là. Brûle les autres.

_Euh... Oui, majesté.

_Et moi ! Et moi !, s'excita la jeune princesse."

Linlin souffla bruyamment avant d'ordonner :

"Fais lui en un ! Tout de suite !

_Main... Maintenant ?, demanda le Chapelier.

_Oui ! Vite !

_C'est que... J'ai besoin de quelques minutes pour...

_Et bien garde la avec toi jusqu'à ce que tu termines ! J'ai d'autres chats à fouetter !

_Euh... Oui, oui, majesté..."

La Reine déclara en sortant de la pièce :

"Lapin ! Qu'on m'amène Bah ! Je veux être divertie !"

L'oreille collée à la porte, Ace commença à paniquer.

Le garçon entendit la porte de la chambre claquer. Il chuchota pour lui-même :

"Non... Non ! Comment je vais faire ?!"

Toujours caché, il entendit Marco dire à la petite :

"Excuse-moi une minute, ma chérie. Je dois me... Euh... Laver les mains avant de travailler. Tu n'as qu'à jouer avec les peluches en attendant. Il y en a dans ce placard, dit-il en pointant un meuble."

La petite hocha la tête. Marco s'éclipsa dans la salle de bain et la ferma à clef.

Il se retourna et murmura :

"Ace !"

Les yeux grands ouverts, Ace sortit la tête de derrière le panier à linge. Il s'était caché là, «au cas où». Il aurait pû se cacher dans la douche, mais le rideau avait été décroché plus tôt. Le garçon, de nouveau vêtu, regarda rapidement autour de lui avant de se lever et de chuchoter :

"On est mal !

_Oui ! La maudite grosse tête m'a laissé sa fille ! Tu vas pas pouvoir sortir sinon elle va te voir !"

Marco se dépêcha d'allumer le robinet du lavabo pour être crédible dans son mensonge. Il continua de s'affoler :

"On fait quoi ?! On fait quoi ?!

_Euh... Euh..."

Ace fit glisser son regard partout dans la pièce. Il s'arrêta :

"Fenêtre.

_Hein ?

_Y'a une fenêtre !

_Elle est trop petite ! Tu passeras pas !

_Mais si ! Je rentrerai le ventre.

_C'est pas un problème de ventre mais d'épaules !

_Et bah je rentrerai les épaules !

_Mais c'est pas possible ça !

_Je suis sûr que ça passe ! C'est juste, mais ça passe !

_Quand bien même ! On est au deuxième étage !

_Problème."

Ace grimpa sur le bord du bac de la douche pour être à la bonne hauteur. Il tira le rideau de la fenêtre et l'ouvrit. Le garçon se pencha prudemment.

"Bon... Il y a un petit rebord en dessous, sur le mur, remarqua-t-il.

_Comment tu veux l'atteindre sans tomber ?!

_Je... Je vais y arriver. Suffit de me tourner après être sorti. Tête en avant, je pose les mains sur le rebord, et les pieds sur les côtés. Après je me relève... Et je me tourne. Et ensuite je marche le long du rebord pour atteindre ma chambre.

_Mais... Tu vas tomber ! En plus, tu sais dans quelle chambre tu es ?

_Mais non ! Je vais y arriver ! Oui, le numéro 38. Ici, c'est le 18. Donc vingt pièces après celle là. Facile.

_D'accord, d'accord... Mais... Non... Non... Faut pas y aller tête la première. Vas-y pieds en avant, et après tu te retournes.

_Non, si j'y vais avec les pieds du côté du mur, je serais déjà dans le bon sens.

_C'est vrai !"

Alors qu'Ace s'engagea à travers la fenêtre, les mains qui se tenaient au cadre et les pieds du côté du mur, Ananas toqua à la porte.

"T'as fini monsieur ?

_Oui ! J'arrive, je me dépêche !, répondit Marco à voix haute.

_Je veux un chapeau !"

Marco n'arrivait pas à se détacher d'Ace qui forçait sur ses bras pour ne pas tomber, les pieds dans le vide.

"Je suis sur le rebord !, chuchota-t-il.

_Doucement ! Doucement !

_C'est bon ! À ce soir, Marco.

_Fais attention !

_Oui !"

Ace poussa la fenêtre, et, étonnamment, il put la fermer de l'extérieur. Il se pencha prudemment sur le côté et remarqua que toutes les fenêtres avaient un verrou extérieur. Cela résolvait un problème auquel il n'avait pas pensé avant de s'engager là dedans : la fenêtre de sa chambre devait être fermée. Il murmura pour lui-même :

"Ouf... Quel abruti... Je n'y avait pas pensé. Comment j'aurais fait s'il n'y avait pas eu de poignée dehors... Au deuxième étages, ça ne servirait habituellement à rien d'en avoir, des verrous extérieurs. Heureusement que ce château n'a aucun sens... Tout comme cet endroit, d'ailleurs..."

Du côté de Marco, lorsque le Chapelier ouvrit la porte de la salle de bain, il constata avec horreur que toutes les peluches étaient décapitées et éventrées avec ses instruments de travail. La petite fille le regardait avec ses grands yeux, l'air innocent. Il ravala son angoisse et annonça, la voix tremblante :

"B... Bon ! On le fait, ce chapeau ?"

Ace faisait de son mieux pour éviter de glisser. Il compta les fenêtres de chaque pièce, chaque fois qu'il passait devant une nouvelle, jusqu'à arriver à la bonne : la vingtième pièce. C'était sa chambre.

Il tendit le bras vers celle-ci et la déverrouilla sans trop de problème.

Maintenant, il fallait se hisser à l'intérieur, et cela semblait être une tâche plus difficile, car ses bras commençaient à fatiguer.

"Courage... Un dernier effort..."

Il attrapa le cadre de la fenêtre et commença à tirer le poid de tout son corps.

"Allez..."

Il parvint à se hisser dans la chambre, mais un morceau de sa ceinture de cœurs en soie se déchira quand elle s'accrocha au loquet planté dans le mur.

"Ah ! Galère ! Va falloir que je passe à la penderie avant d'aller voir la Reine !"

Ace, enfin dans la chambre, se pencha pour attraper le bout de tissu et le glissa dans sa poche.

"La souris est gentille. Peut-être qu'elle va savoir arranger ça."

Il referma la fenêtre en toute hâte. On tambourinait à la porte.

"Monsieur Bah ! Monsieur Bah ! C'est urgent ! Vous êtes en retard ! Oh là là !"

Il arrangea rapidement ses cheveux ébouriffés par le vent avant d'ouvrir la porte à Monsieur Lapin.

"Pardon ! J'ai eu un... Petit souci de salle de bain.

_La Reine vous attend ! Dépêchons !

_Oui ! J'arrive tout de suite ! Merci !"

Alors qu'il allait refermer la porte, le Lapin s'exclama :

"Elle vous attend maintenant ! Qu'est-ce que vous faites ?! Vous voulez mourir ?!

_J'ai... J'ai un problème !

_Quoi ?

_Ma... Ma ceinture est déchirée."

Le Lapin était prêt à s'arracher les poils de sa tête.

"Arrangez ça ! Vite ! Vite !

_Je ne peux pas aller à la penderie et demander à la souris ?

_La souris maquille ! Elle n'habille pas !

_Et si je me changeait ?

_Pas le temps ! Et il faut réparer ça ! Faites le !

_Je ne sais pas coudre !

_Demandez au Chapelier, alors !

_Au... Au... Au quoi ?"

Ace était aussi prêt à s'arracher les cheveux. Tout ce cirque pour retourner dans la chambre de Marco. Contenant sa colère comme il le pouvait, il demanda, la mâchoire crispée :

"Il... Il n'est pas occupé ?

_Si, avec la jeune princesse. Mais elle est gentille. Elle comprendra.

_Oh... Vraiment...?, s'exclama-t-il, les dents serrées.

_Oui, elle vous couvrira. C'est un amour. Bon, elle fait peur... Mais... Oh ! Pas le temps ! Allez y maintenant !"

Ace se dépêcha de sortir de la chambre pour arriver devant la porte numéro 18.

Le garçon répétait dans sa tête :

"Elle nous couvrira... Elle nous couvrira ! Elle est gentille ! C'est un amour ! C'est une blague ?!"

Il inspira profondément avant de toquer timidement. Le Lapin, derrière lui, était si stressé qu'il tapait du pied frénétiquement.

Marco ouvrit la porte.

"Euh... A- Pardon. Bah ? C'est... C'est toi ?

_J'ai un souci.

_Je suis avec la princesse...

_Je sais... Mais j'ai un souci..."

Ace pointa sa ceinture du doigt. Une petite voix enfantine demanda :

"C'est qui monsieur ?

_C'est... C'est..., paniqua le Chapelier.

_Bah ! C'est Bah ! Bonjour ma petite ! J'ai un gros problème, je peux entrer ?

_Bah ?, répéta la princesse, le monsieur que maman aime bien ?

_Oui ! Je dois aller voir ta maman mais je ne suis pas présentable du tout."

La petite fille passa la tête entre les jambes de Marco pour regarder, ce qui fit sursauter ce dernier.

"Ah, oui. Je vois, dit-elle en hochant la tête et en se grattant le menton.

_Est-ce que tu accepterais par hasard que je t'emprunte ton chapelier juste une petite minute ?

_Oui, d'accord, monsieur, acquiesça la jeune princesse. Dépêche, sinon t'auras plus de tête."

Marco écarquilla les yeux devant la gentillesse de la petite. Maintenant, lui aussi était prêt à s'arracher les cheveux. Tout ce cirque alors qu'elle les couvrait ?

La fillette s'installa sur le lit et attendit sagement que le chapelier rafistole rapidement la ceinture du jeune homme. Elle lança :

"Tu t'appelles pas vraiment Bah, monsieur, hein ?"

Marco se piqua avec son aiguille alors qu'Ace avala sa salive de travers. Le Lapin, qui était toujours derrière lui à taper du pied, les bras croisés, leva les yeux au ciel, comme si ça paraissait évident. La fillette continua :

"Vous vous connaissez tous les deux, hein ?"

Le Chapelier mis son doigt blessé dans sa bouche et lança un regard paniqué au garçon. Ananas renchérit :

"Vous êtes namoureux ?

_Faut pas le dire !, s'exclama finalement Ace.

_Bah non, sinon t'auras plus de tête et le Chapelier non plus. Et moi je veux un beau chapeau."

Monsieur Lapin ricana malgré son stress.

Marco s'empressa de reprendre son travail, sans un mot.

"Vous venez faire quoi, dans le château de maman ?

_Euh... Euh... Admirer les fleurs..., essaya Ace.

_T'es trop mauvais menteur, monsieur.

_On... On cherche un miroir, avoua le jeune homme en soupirant."

Marco, toujours le bout de son index dans la bouche, émit un gémissement de protestation. La petite se gratta le menton et dit :

"Un miroir ? Je sais où y'a un miroir. Pourquoi tu veux trouver le miroir, monsieur ?

_Pour rentrer chez nous.

_Vous êtes pas chez vous ?

_Non... C'est le Temps qui nous a dit de chercher ce miroir pour nous aider à rentrer. Apparemment, il est magique et il va nous dire comment faire."

La petite fille éclata de rire.

"Il va pas vous dire comment faire ! T'es trop bête, monsieur ! Il va carrément vous emmener chez vous !

_Ah, oui ?, fit le jeune homme, intéressé.

_Oui, il suffit de passer dedans, et là t'arrives dans un autre monde ! Mais maman m'a interdit de m'en approcher. Elle dit que si jamais elle me prend à essayer de passer dedans elle va m'enfermer pour toujours dans ma chambre jusqu'à ce que je sois grande.

_Passer... Dedans ?

_À travers, quoi !

_Le miroir ? Intéressant. Et où il est, ce miroir ?

_Bah... il est à l'abri, hein ! Je te montre après que le Chapelier il a fini mon chapeau et que t'as bien diverti maman, pour garder ta tête. Mais à une condition !

_Laquelle ?

_Toi et le chapelier tu m'emmène ! Je veux plus être là !"

Ace écarquilla les yeux. Il murmura :

"Euh... C'est que.. ce serait un peu du kidnapping... Tu vois ?

_Bah nan, c'est moi qui veut. Maman m'énerve à décapiter tout le monde ! Et puis je sais qu'elle va me marier quand je serais grande. Je veux pas, c'est berk.

_Oui, c'est berk, acquiesça Ace.

_C'est quoi ton vrai prénom, monsieur ?

_Euh... Tu promets que tu m'appelleras toujours "Bah" si je te le dis ?

_Oui, monsieur !

_Je m'appelle Ace.

_Oh, d'accord. Et toi et Monsieur Chapeau vous êtes namoureux ?

_Et bien... Ou-"

Marco balança la ceinture rafistolée au jeune homme en disant :

"Allez ! Ça suffit ! On verra ça plus tard ! Dépêche toi d'y aller et garde ta tête, Ace !"

Le Chapelier le poussa en dehors de la chambre, lui déposa un petit baiser sur la joue et claqua la porte.

Alors que Marco souffla longuement, dos à la porte, la petite fille ricana.

"Je savais que c'était ton namoureux. Je suis pas sourde, hein, j'ai entendu quand t'étais dans la salle de bain."

Le Chapelier frappa doucement l'arrière de sa tête contre la porte en soupirant.

"T'es pas vraiment fou, pour un chapelier fou."

Marco ferma les yeux.

"Ça, c'est parce que t'es namoureux."

Le jeune homme frappa de nouveau sa tête contre la porte.

"Je me souviens de ta chanson, la dernière fois."

Marco ouvrit les yeux pour regarder la fillette.

"J'ai beaucoup aimé, la chanson."

Le Chapelier souffla sans répondre.

"Dommage que tu as dû partir. Enfin... Courir. Parce que maman voilait te couper la tête."

La princesse arrangea les pans de sa robe.

"Faut que tu rentres chez toi si tu veux rester vivant, tu sais ?"

La fillette se pencha un peu pour murmurer :

"Si tu restes là tu vas mourir de folie, même si y'a monsieur Ace."

Marco se laissa glisser contre la porte pour finir accroupi.

"Tu sais que normalement je devrais aussi être de l'autre côté du miroir ?"

Le Chapelier leva la tête vers la petite fille pour prononcer ses premiers mots depuis un moment :

"Qu'est-ce que tu veux dire ?

_Maman vient pas de là non plus. Elle est passée il y a longtemps et elle a pris le contrôle du pays. Et pis elle a fait des enfants. Sauf que nous on devrait être dans l'autre monde. Du coup on est pas biens non plus. Comme on est dans le château, nous, on est moins fous que toi, mais c'est pas génial non plus... Je veux pas être mariée quand je serais grande. Je veux aller là bas.

_C'est vrai, ça ?

_Voui. Je suis pas bête, je sais, moi.

_Ça veut dire... Qu'elle est coincée ici aussi ?

_Non, elle veut juste pas partir, comme elle a un royaume et du pouvoir. Du coup elle a mis le miroir dans un endroit sûr. Pour que personne s'en aille."

Marco se releva et retourna à sa table de travail.

"Bon... Un chapeau pour la petite princesse..."

Dans le couloir, le Lapin semblait exaspéré.

"Ces enfants posent trop de questions."

Ace hocha la tête.

"Elle ne vendra pas la mèche, pas d'inquiétude, le rassura Monsieur Lapin.

_Elle est mature, pour son âge.

_C'est vrai."

Alors qu'ils arpentaient les couloirs, le jeune homme n'arrivait pas à détacher son regard du lapin, qui finit par dire :

"Moi non plus, je ne vendrai pas la mèche, si ça peut te rassurer.

_Oui... Ça me rassure...

_Pourquoi tu continues de me regarder comme ça, alors ?

_C'est que... Tu étais une peluche...

_Quoi ? Ça ?"

Le Lapin sortit la peluche de Luffy de sa poche et la tendit à Ace.

"T'as vraiment cru que ce truc c'était moi ? Je l'ai ramassé, c'est tout."

Le jeune homme s'en saisit, bouche bée. Le Lapin soupira :

"Ce que les humains peuvent être bêtes...

_Mais... Mais... Tu t'appelles... Monsieur Lapin !

_Bayley-Léonard Lapin Blanc, en fait. Mais oui, on m'appelle Monsieur Lapin...

_Ah... Ah !"

Ace s'éclaircit la gorge.

"Toutes mes excuses.

_Je m'excuse également de t'avoir appelé Marie-Anne et d'avoir voulu te brûler dans ma maison.

_Ah... Tu... M'as reconnu...

_Les humains, ça court pas les rues. T'es reconnaissable.

_Ah... D'accord...

_La Reine est bête de ne pas se douter que tu ne viens pas d'ici. Elle est bête, mais elle a du pouvoir.

_Que... Quoi ?! Comment tu parles d'elle ? Je croyais que tu étais...

_C'est une maudite grosse tête. Personne ne l'aime, jeune homme. On en a peur, voilà tout.

_Ah... Oh... D'accord...

_Avant qu'elle ne prenne le pouvoir, le pays était une véritable utopie.

_Qui gouvernait?

_Personne. Le jour où elle est arrivée ici, enfant, elle a tout dévasté. Elle a mangé des tonnes de gâteaux, ceux qui font grandir, et elle a saccagé tout le quartier des pâtisseries. Maintenant, les survivants sont ses soldats.

_Qui est Mother Caramel ?

_La femme dans le cadre ?

_Oui.

_C'était celle qui s'occupait d'elle, dans l'autre monde. Enfin... Moi, j'ai compris qu'elle faisait du traffic d'enfants. Mais depuis le temps, elle doit être morte.

_Ça fait combien de temps qu'elle est là ?

_Une centaine d'années.

_Mais ?! Le Chapelier m'a dit qu'elle avait 34 ans !

_Elle a le corps d'une femme de 34 ans. N'as tu pas remarqué que le temps s'écoule différemment pour vous, les humains, ici ? Votre temps à vous, il s'arrête, dans ce pays. Si bien que vous êtes immortels. Enfin... Jusqu'à ce que vous deveniez fous.

_Tu as dit qu'elle était arrivée enfant.

_Oui. Elle n'a commencé à vieillir que quand elle s'est rapprochée du miroir, il y a 26 ans. Elle a bâti son empire, et maintenant, il n'y a qu'entre les murs de ce château, là où la portée du miroir est suffisante, que la folie ne vous atteint pas. Enfin... Moins.

_Je vois...

_Bon, il faudrait accélérer le pas.

_Oui... Bien-sûr."

Ils finirent par arriver dans la salle du trône. Ace rangea la peluche de son petit frère dans sa poche. Linlin hurla :

"Pas trop tôt !

_Mes excuses, majesté... Je...

_Je m'en fiche ! Allons faire un jeu !"

Ace avala difficilement sa salive, et lança un dernier regard à Monsieur Lapin avant que celui-ci ne s'en aille, l'air compatissant.

Alors qu'Ace divertissait la Reine, Marco terminait les derniers détails du chapeau de la princesse.

La petite sautillait sur le lit.

"Alors ? Alors ? C'est fini ?

_Oui... Oui... Une minute... Juste le temps de finir la couture et..."

Il tendit le chapeau à Ananas qui s'assit sur le matelas d'un coup.

"Voilà !

_Oui ! Il est trop trop beau ! Mets le sur ma tête, monsieur !

_Oui, oui..."

Marco ricana, posa le couvre-chef sur la tête de la fillette, et lui tendit un petit miroir.

"Alors, tu en dis quoi ?

_Super ! Super !"

La petite fille regarda de nouveau dans le miroir plus attentivement. Elle le posa sur ses genoux et demanda aussi poliment que possible :

"Monsieur, tu peux me mettre des paillettes s'te plaît ?"

Marco hocha la tête en ricanant.

"Oui, bien-sûr, princesse. Et... Tu peux m'appeler Marco, si tu veux.

_Marco ? Marco ! Marco, Marco, Marco !

_Oui, oui, mais pas trop fort, non plus. Je ne veux pas perdre la tête.

_Oups, pardon m'sieur Marco."

Le Chapelier reprit le couvre-chef pour faire les ajustements demandés par la petite fille. Il s'installa de nouveau sur sa chaise et se remit au travail. Tout en collant des strass sur le chapeau, il demanda :

"Je peux te poser une question ?

_Voui.

_Pourquoi tu fais du mal à tes peluches ?

_Parce que... Euh... Je sais pas.

_Tu es une très gentille petite fille, alors pourquoi être si sadique avec ces pauvres doudous ?

_Je voulais que maman me remarque.

_Ah... Et donc tu as pensé que décapiter des jouets allait te donner l'attention de ta maman ? Je ne veux pas trop... Comment dire ? Trop te contredire dans ta façon de faire, mais je ne comprends pas vraiment en quoi cela pourrait t'aider, tu vois ? Tu veux bien m'expliquer ?

_Bah... Je voulais faire comme elle. Partager une passion, tu vois ?

_Sur le papier, c'est une plutôt bonne idée... Mais ta maman a de drôles de passions...

_Mais ça a pas marché, continua la fillette sans relever la remarque de Marco. Et j'ai oublié d'arrêter de le faire.

_Tu as pris l'habitude ?

_Voui."

Marco souffla du nez.

"Tu sais, il y a d'autres façons de jouer avec des peluches...

_Ah ? Lesquelles ?

_Et bien... Tu peux jouer à la dînette avec elles. Ou les habiller...

_Les habiller... Moui... On peut les habiller pour la dînette ?

_Bien-sûr.

_Tu veux bien fabriquer des chapeaux spécial dînette pour mes doudous ?

_Oui, bien-sûr. Je peux faire ça après. Mais d'abord je vais leurs rendre leurs têtes, si tu veux bien.

_Mmh... D'accord..."

La fillette sifflota dans son coin un petit moment avant d'ajouter :

"Maman aime bien la Tea Party.

_Ah, oui ?

_Voui. Je suis sûre qu'elle va en organiser une demain. C'est comme ça chaque semaine.

_Je vois..."

Marco rendit le chapeau à la fillette.

"Oh! Il brille ! Super !"

Le Chapelier esquissa un sourire.

"Content que ça te plaise.

_Doudous !

_Oui... Passe les moi..."

De son côté, Ace jouait aux Mikados avec la Reine. Enfin, une variante bien étrange des Mikados, avec, à la place des bâtons, de vraies couleuvres.

"Haha ! Perdu, Bah ! Elle a bougé ! C'est mon tour !"

Au moment où la Reine approcha ses doigts d'une couleuvre, toutes les autres serpentèrent pour s'écarter de celle choisie, qui fit de son mieux pour rester aussi raide que possible.

"Gagné !"

Ace hocha la tête avec un sourire crispé.

"Bravo, majesté..."

Soudain, les portes de la salle du trône s'ouvrirent bruyamment. Ace se tourna vers celles-ci, et il vit une jeune fille entrer dans la pièce.

"Maman !

_Qu'est-ce qu'il y a ?! Tu vois bien que je suis occupée !

_Je voudrais reparler de ce mariage...

_Pudding ! La ferme ! Tu te mariera avec ce... C'est quoi son nom déjà ?

_Léon...

_Léon ! Voilà ! C'est comme ça, et puis c'est tout !

_Mais c'est un paon !

_Il n'est pas si prétentieux, tu exagères.

_Non ! C'est un vrai oiseau ! Je peux pas me marier avec un oiseau ! Et je n'ai que treize ans !

_Et bien, tu te marieras à seize ans, alors.

_Maman... C'est toujours tôt... Et... Pas avec un paon ! Il n'y a pas d'autres humains ?

_Non. Ton frère s'est marié avec une lionne, ta grande sœur avec un chien, alors tu te mariera avec un piaf ! C'est tout !

_Mais c'est dégoûtant ! Tu as bien épousé pleins d'humains, toi !

_Moi, c'est pas pareil ! Et ce piaf est le bourgeois le plus éloigné du royaume ! Ça étendra nos territoires ! Tu n'auras qu'à lui couper la tête après le mariage ! Et je veux un gâteau de mariage !

_Mais maman !"

La jeune adolescente s'arrêta pour regarder Ace.

"Qui c'est, celui-là ?

_C'est Bah. Il vient de la rivière.

_Bah est un homme, au moins !

_Oui, mais Bah est à moi !"

Ace ne savait plus où donner de la tête. Les mariages forcés, c'était déjà beaucoup, mais alors, les marriages avec des animaux, ça, il ne s'y attendait pas. La jeune fille reprit :

"Ah ! Mais je ne veux pas lui couper la tête !

_C'est comme ça que ça marche ! Allons, plus de caprice !"

Pudding soupira.

"La Tea Party est à seize heures, demain, comme d'habitude ?

_Oui. Allez, me dérange pas aujourd'hui. Je joues avec Bah.

_D'accord..."

Elle s'en alla toute penaude et referma les portes derrière elle.

Ace passa un après-midi éprouvant. Quand le soir arriva, et qu'il fut enfin libre d'aller se coucher, il alla directement dans la chambre de Marco, où il espérait trouver un peu de réconfort.

En ouvrant la porte, il constata que la fillette était toujours là. Ils jouaient à la dînette avec des peluches très élégamment vêtues. Marco et la princesse portaient des gants en satin et des chapeaux décorés de belle dentelle fabriqués par le Chapelier.

Cette vision le fit ricaner.

"Salut, vous deux.

_M'sieur Ace !

_Vous avez passé une bonne journée ?

_Oui, c'était plutôt calme, répondit Marco."

Le garçon observa un moment les doigts bien rouges de Marco et alla les rejoindre sur le lit, sans faire la remarque. À la place, il chuchota :

"J'ai rencontré ta sœur, princesse.

_Laquelle ?

_Euh... Pudding.

_Elle est gentille, Pudding."

La fillette tendit une tasse de thé à Ace. Il s'en saisit et enchaîna :

"J'avais une petite question.

_Voui.

_Où est-ce que ta mère trouve ses maris ?

_Elle les amène de l'autre monde.

_Avec le miroir ?

_En quelques sortes, acquiesça la princesse.

_Tu peux t'expliquer ?

_Et bah... Des fois, ils tombent d'un puits. Et ils arrivent tout droit dans le jardin.

_D'un... D'un puits ?, dit Marco."

Le Chapelier laissa tomber sa tasse en plastique. Ace l'appela :

"Marco ?"

Le regard dans le vide, il répéta :

"Un puits... Un puits..."

Le jeune homme se tint la tête avec les deux mains.

"Un puits ! Un puits ! Une chute ! Tu tombes, tu tombes... Jusque dans la tombe !"

Alors qu'il allait repartir dans un délire, Ace le tira contre lui et commença à lui caresser les cheveux.

"Ça va... Ça va... Je suis là... Respire."

Marco pleurait.

La princesse s'inquiéta :

"Qu'est-ce qu'il a ?

_Je sais pas... Il doit se souvenir de quelque chose.

_Ace ! Ace ! Un puits ! Je suis tombé d'un puits !

_Du calme..., chuchota le garçon."

Soudain, Ace écarquilla les yeux.

"Attend ! Moi aussi ! Je me souviens ! Je suis aussi tombé d'un puits !

_Oh, là là..., murmura la fillette."

La princesse se mit debout sur le lit et ordonna d'un ton ferme :

"Ça suffit, vous deux !"

Les deux jeunes hommes s'arrêtèrent de paniquer pour dévisager Ananas.

"C'est pas compliqué à comprendre ! Vous êtes censés être les prochains maris de maman !

_Hein ?!, s'exclama Ace.

_Je me souviens du Chapelier ! Maman devait l'épouser mais il est devenu fou trop vite ! Pas bon pour mariage ! Ça veut dire que c'est toi qui devra épouser maman, m'sieur Ace !

_Non ! Je veux pas !

_Normal, parce que vous êtes namoureux ! Et en plus après elle va te couper la tête... Bref. Vous avez de la chance que maman a une mémoire des visages pourrie et qu'elle a été trop bête ces derniers jours pour se rappeler qu'il y a pas d'humains ici, normalement ! Alors maintenant on va tous se calmer et faire le plan secret !"

Marco inspira et expira longuement pour reprendre son calme.

Ace ne pût s'empêcher de penser que cette petite de cinq ans était décidément bien mature pour son âge.

"Le plan secret ?, répéta le garçon.

_Voui ! On va aller au miroir et se casser rapidos de cet enfer ! Vite, avant que maman ne finisse de te séduire.

_Me... Me... Me quoi ?!

_Tu vois pas qu'elle va faire sa demande ? Ça sera soit demain, soit après demain. Mais ça va arriver !

_Mais je ne veux pas, moi !

_Et bah on s'en va, alors ! Vite, vite !"

La fillette sauta du lit.

"Avant, faut que j'appelle mon copain !

_C'est qui, ton copain ?, demanda Ace, surpris.

_M'sieur minet ! Minet !"

Cheshire fit son apparition dans la chambre, faisant sursauter Ace et Marco.

"Besoin d'aide, affirma la fillette.

_Bonjour princesse, salua le chat avec un grand sourire. Tiens... Vous êtes là, vous deux... Quelle idée de venir ici.

_C'est toi qui nous a dit d'aller là !, s'énerva Ace.

_Je suis fou, rappelle toi. Ne m'en tiens pas rigueur...

_Miroir ! Vite ! Partir !, expliqua la petite fille.

_Quoi, maintenant ?"

Le Chat soupira :

"Moi qui pensait que ces deux là allaient sauver le royaume..."

Ace fronça les sourcils.

"Comment ça, sauver le royaume ?

_Détrôner la maudite grosse tête, expliqua le chat.

_Quoi ? Nous ?

_Et bien... C'est ce que je pensais, oui... C'est bien dommage."

Marco se leva.

"Comment tu veux qu'on détrône la maudite grosse tête, Cheshire ? Elle est trop... Trop...

_Puissante ?, termina le minet.

_Oui. Puissante, affirma le Chapelier.

_Il suffirait de lui couper la tête..."

La fillette écarquilla les yeux.

"Euh... Maman est méchante, mais... Euh... Elle est obligée de mourir ?"

Le chat haussa les épaules.

"J'ai une idée, déclara Ace.

_Ah, oui ?, fit Cheshire, dubitatif."

Il hocha la tête.

"Mais... Ça se ferait... Demain."

Marco secoua la tête négativement.

"Non, non ! On s'en va ! Mauvaise idée ! Je sais pas ce que c'est, mais mauvaise idée quand même !"

Ace attrapa les mains du Chapelier.

"Fais-moi confiance... S'il te plaît..."

Marco baissa les yeux.

"T'as pas intérêt à te louper...

_Le Lapin me l'a bien dit. Tout le monde la déteste. Alors ce sera facile d'avoir de l'aide."

Cheshire sourit largement.

"Voudrais-tu que je rassemble du monde pour ton coup d'état ?

_Non, pas un coup d'état, affirma le garçon, une Tea Party."

7000 mots

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