Monaco est certainement une de mes courses préférées de la saison.

Tout simplement parce que c'est un circuit mythique et proche de la France, je peux donc faire venir mes proches.

Mais aujourd'hui, Monaco a un tout autre enjeu pour moi. Noa voulait que l'on parle comme des adultes alors, j'attends de voir si elle viendra et tiendra son engagement.

En fait, je ne sais même pas ce que je veux qu'elle me dise et ce que j'attends d'elle...

— Tu rêves ? questionne Ana en se pointant devant moi.

— Non, je réfléchissais.

— Ah ? Faut-il que je prévienne quelqu'un que ton cerveau a commencé à fonctionner ?

Elle sourit de toutes ses dents et je passe mon bras autour de ses épaules alors que nous marchons vers le motor-home de TJ Motors.

— Quoi de neuf ? Ça se passe bien à Angers ?

Elle est de plus en plus souvent avec nous et je me demande bien comment elle fait pour travailler.

— C'est de ça dont je voulais te parler, commence-t-elle.

— Je t'écoute.

— J'ai quitté mon poste à Angers..., souffle-t-elle à voix basse.

Je me stoppe dans ma marche et la regarde.

— Pourquoi ? Je croyais que c'était super bien ?

— Euh... oui, c'était bien, mais... j'étais souvent absente pour être avec toi et je fuyais aussi la maison pour ne pas être avec les parents, qui apprécient très peu que je te suive et qui ne pense pas mieux de moi que de toi, alors, je faisais des dossiers à distance, mais je ne pouvais pas continuer comme ça. Quand l'ambiance à la maison est devenue trop lourde à vivre et que leurs reproches ont commencé à me faire vraiment sentir mal, j'ai fait mes valises et je suis partie. D'où le fait que je sois toujours là pendant les courses, ou presque toujours.

Je ne pensais pas que la situation était critique à ce point.

Elle ne m'en a jamais parlé avant... J'ignorais que mes parents étaient aussi horribles avec elle qu'il ne l'était avec moi.

Une larme coule le long de sa joue et je la prend dans mes bras.

— Je suis tellement désolé Ana, j'aurais dû voir que quelque-chose n'allait pas, mais j'étais tellement concentré sur ma petite personne que j'en ai oublié ma petite-sœur.

— Il n'y a pas que ça, dit-elle. Je... il se pourrait que...

— Hello !

On se retourne en même temps et nous tombons face à Juan. Il s'approche de ma sœur et dépose un baiser sur le coin de ses lèvres.

Je recule d'un pas, surpris.

— Je suis content que tu lui ai enfin dit.

— Dis quoi ? demandé-je pourtant sûr de la réponse.

Ma soeur me regarde et Juan passe la main dans le bas du dos de ma soeur.

Dites-moi que je rêve ! Il se tape ma soeur !

D'ailleurs, elle me regarde en ayant l'air de ne pas savoir quoi me dire sur cette situation. Je décide donc que c'est le moment de crever l'abcès.

— Alors, comme ça, tu te tapes ma soeur ?

— Euh... ce n'est pas vraiment comme ça que je définis notre relation, déclare-t-il gêné.

— Nous sommes ensemble, réplique ma sœur en me regardant énervée. Que tu le veuilles ou non, Juan et moi sommes ensemble depuis le week-end à Émilie-Romagne.

— C'est pour ça que tu as quitté ton travail à Angers ? C'est ça la deuxième raison : Juan ?

Je m'emporte, parce que j'ai peur. Peur qu'il retombe dans ses travers en allant voir quelqu'un d'autre que ma sœur. Peur qu'elle ait fait une erreur en quittant son travail pour cette vie si peu rangée et complètement imprévisible.

— Oui, c'est pour ça ! J'ai le droit de choisir ma vie !

— Ne me parle pas sur ce ton, Ana ! Je ne suis pas ton père !

Ma phrase lui fait l'effet d'une claque dans la tête et je ne comprends pas vraiment pourquoi, jusqu'à ce qu'elle dise :

— Si tu avais pris la peine de m'écouter jusqu'au bout, je ne t'aurais pas dit que je sortais avec Juan, mais que nous ne sommes pas réellement frères et sœurs.

L'information intègre mon cerveau, mais je ne veux pas y croire.

— Maman et papa... ont eu un moment, entre nous deux, où ils se sont... séparés. Maman est partie voir ailleurs et peu de temps après s'être remis ensemble... ils ont découvert qu'elle était enceinte. Mais au vu de la date de début de grossesse, ton père ne pouvait pas être mon père.

Mon cœur explose en mille morceaux... Je suis trop sous le choc pour répondre quoi que ce soit. Juan quant à lui semble être au courant et ça me met violemment sur les nerfs.

— Tu étais au courant ?

— Oui, elle me l'a dit quand elle l'a su...

— Et ça remonte à quand ? questionné-je ma sœur.

— La semaine entre Melbourne et Émilie-Romagne...

Un mois... Un mois qu'elle me le cache alors qu'il a été directement mis au courant.

Je ne dis rien de plus, hoche la tête et m'éloigne d'eux pour reprendre mes esprits.

Ana n'est pas ma sœur.

Ma mère a eu un enfant d'un autre homme.

On nous a mentis pendant plus de vingt ans.

J'entends Ana m'appeler, me dire de revenir et que l'on va parler, mais je n'en ai pas envie. J'ai besoin de prendre l'air et de penser à autre chose.

J'aimerais me réveiller et que l'on m'explique que tout ça n'est qu'un rêve et que tout va mieux...