12.3 - France 2022 - Eliott
La course est lancée, je regarde droit devant moi les écrans dans le garage d'Alpha Racing.
Max a pris un très bon départ, il se hisse à la première place avec une facilité déconcertante.
Mais, alors qu'il repasse pour la quinzième ou vingtième fois devant nous, il y a un truc qui cloche, quelque-chose qui n'est pas habituel sur la voiture. Cette intuition étrange me met mal à l'aise et je commence à me faire craquer les doigts à cause du stress.
Max appuie sur l'accélérateur, la voiture rugit, mais ça a l'air encore différent cette fois. Elle hésite un peu dans sa trajectoire... Soudain, un bruit bizarre se fraye un chemin à travers le vacarme assourdissant des moteurs. Mon estomac se tord, une inquiétude qui grandit dans ma poitrine. Je ferme les yeux et commence à faire les cent pas. Je le sens mal, très mal...
La voiture de Max prend de la distance, me laissant seul avec mes pensées. Les secondes s'étirent, et ma nervosité monte d'un cran. J'aurais dû lui dire de pas y aller, le week-end a très mal commencé avec une sortie de piste Vendredi durant les essais qui aurait pu lui coûter son week-end et Samedi en qualification, il n'arrivait pas à prendre en main la voiture, comme si ce n'était pas la même que la semaine d'avant. ce truc bizarre dans l'air aurait dû me faire réagir.
La culpabilité me ronge, cette sensation d'avoir ignoré un mauvais pressentiment pourrait tout changer.
Quelques minutes plus tard, je regarde la voiture de Max à l'écran et... Elle sort sans suivre la trajectoire du circuit. Elle part en vrille, glisse comme un patin à glace. Mes yeux s'ouvrent en grand, la scène qui se déroule devant moi est un putain de cauchemar. L'impact est violent, un choc qui résonne en moi comme un uppercut en pleine poitrine.
Mon cœur se dissocie de mon corps, je ne suis plus que l'ombre de moi-même en regardant les images.
La culpabilité et les remords deviennent insupportables, un poids lourd que je porte alors que les secours rappliquent autour de l'accident. Les flammes dansent, la fumée monte, et le désespoir m'étreint alors que je reste là, impuissant.
Si je reste réaliste, il y a si peu de chance qu'il s'en sorte... Certes la combinaison ignifugée est là pour les aider, mais il n'est pas sorti, à aucun moment... Il n'a même pas passé sa main pour montrer un quelconque signe de vie. Rien.
Rien.
Rien.
Une larme s'écroule sur le sol.
Pas un seul signe de lui.
Le temps arrête de s'écouler alors que je retiens mon souffle incapable de respirer face à l'attente.
Je repense en boucle à ce moment où j'aurais dû agir, balancer mes inquiétudes. Une lueur de désespoir s'installe, une réalité brute que je dois maintenant affronter. Cela fait plus d'une minute...
Mon cœur bat la chamade, et le poids de la culpabilité m'écrase alors que je regarde les dégâts de cette course qui a foutu notre vie en l'air.
J'essaie de garder espoir encore un peu, mais quand les secours sorte un corps de la voiture pour le mettre sur un brancard avec un drap blanc, il n'y a pas que moi qui comprends que c'est la fin... mais le monde entier.
Mes genoux me lâchent l'un après l'autre et je m'écrase au sol.
— Max ! crié-je dans le garage.
Plusieurs membres de l'équipe accourent, mais je n'en ai rien à faire.
Mes yeux ne lâchent pas l'écran où le corps sans vie de Max est en train d'être emporté.
Alors que je suis pris de spasmes et que mes sanglots redoublent, j'entends dans mon casque.
— Aujourd'hui, Dimanche vingt-quatre Juillet, Max Hunter, pilote chez Alpha Racing Team... vient de perdre la vie.
— Non ! hurlé-je en frappant la personne devant moi, désespérée. Non ! Non ! Max ! Tu n'as pas le droit de me laisser comme ça ! Tu ne peux pas m'abandonner ! Tu n'as pas le droit !
Des bras m'entourent alors pour m'emmener plus loin alors que les journalistes capturent le moment avec des photos ou des vidéos.
— Non, continué-je. Il n'avait pas le droit, pas le droit de me laisser seul. Il ne peut pas, il n'a que vingt-huit ans, il est trop jeune pour mourir. Il a la vie devant lui. Pourquoi lui ? Hein ? Pourquoi lui !
— Eliott, Eliott, regarde-moi, me souffle une voix que je connais.
Je regarde du mieux que je peux en face de moi et me réfugie dans les bras de mon beau-père, le père de Max.
— Je te promets que ça va aller Eliott, dit-il en pleurant sur mon épaule. On va s'en sortir.
— Il n'avait pas le droit de nous laisser, il... il...
— Je sais Eliott, je le sais pertinemment.
Nous pleurons l'un contre l'autre quand sa mère nous rejoint dévasté et incapable de parler, elle s'effondre le long de la porte de la pièce dans laquelle nous nous sommes enfermés.
Et soudain elle hurle, un hurlement de douleur, la douleur inestimable et insurmontable d'une mère qui vient de perdre son enfant.
Nos cœurs se déchirent à l'unisson.
Je me met au sol et me jette dans les bras de sa mère comme si c'était la mienne, elle me serre contre elle comme si j'étais son fils et elle murmure :
— Trop jeune... tu étais trop jeune.
Nous sommes arrivés à quatre en souriant et rigolant, nous repartirons à trois, trois cœurs brisés, une mère et un père dont la vie a été détruite de manière brutale et un homme amoureux dont l'âme-soeur est décédé.
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