11.1 - Silverstone 2022 - Ana

Je cogite devant mon téléphone, incapable de prendre une décision correcte.

Depuis que j'ai dit à Milo que nous n'étions pas réellement frère et soeur, à Monaco, on ne s'est plus parlé et ça me fait souffrir.

Je ne suis pas allé à Baku, ni même à Montréal de peur de le brusquer, mais il faut que je lui parle.

— Ana... Je n'aime pas te voir comme ça.

Juan... Il est bien un des seuls éléments de ma vie qui tient encore debout en ce moment.

— Je sais, mais ça me fait du mal de savoir qu'il ne veut plus me parler. Ça a toujours été mon exemple de vie, la personne sur qui je pouvais compter jour et nuit, sans avoir peur de le déranger... Je suis pratiquement sûre qu'il m'a déjà répondu alors qu'il était très occupé avec une fille.

Il rigole légèrement en me prenant dans ses bras.

Je suis heureuse qu'il soit là. Entre nous, ça n'a pas toujours été facile, surtout qu'il est le coéquipier de mon frère, l'histoire a donc mis du temps à démarrer.

Mais aujourd'hui, je ne sais pas où j'en serais sans lui. Il y a deux semaines, nous avons emménagé ensemble dans un petit appartement londonien. Il n'est pas très loin de son travail et j'ai pu trouver un post intéressant en tant que professeure de droit dans un lycée d'excellence Londonien.

— Appelle-le, il doit déjà être à Londre, je peux même prévoir qu'il est chez Noa.

Je reprends mon téléphone en main et je compose le numéro de mon frère.

Au bout de deux sonneries, j'entends :

— Ana, comment tu vas ?

Noa. Ça me fait plaisir de l'entendre étant donné que ça fait un petit moment que nous n'avons pas discuté, mais je suis déçue que mon frère n'ait pas pris la peine de répondre.

— Ça va très bien et toi ?

— Ça va aussi, tu veux parler à Milo je suppose ?

— Oui, s'il est disponible.

— Évidemment qu'il l'est. Attends deux secondes. Milo ! crie-t-elle. Milo ! Bouge-toi, y'a Ana au téléphone !

J'entends les lourds pas de mon frère dans le portable et mon cœur s'emballe.

— Salut Ana, ça va ?

Il est d'une froideur surprenante.

— Ça va et toi ? Tu aurais une heure aujourd'hui pour que l'on se voit ?

— Ça va aussi, merci. Je ne pense pas, c'est assez compliqué de... Aïe.

— Tu vas le regretter si tu ne la vois pas, chuchote Noa. Je sais que c'est compliqué, mais ça reste la même personne à tes yeux et, vous partagez quand même cinquante pourcent de votre sang. Ne fais pas l'idiot.

Je manque de rire face au ton qu'emploi Noa avec lui. On dirait qu'elle parle à un enfant qui fait caprice et ça me fait rire, intérieurement bien sûr.

— Je pense avoir une heure de disponible pour toi. Rendez-vous au café à côté de la bibliothèque dans le centre, dans trente minutes, c'est bon pour toi ?

— Parfait ! m'exclamé-je.

Il raccroche sans que je puisse ajouter quoi que ce soit et je saute dans les bras de Juan qui entoure les siens autour de ma taille.

On pourrait dire que ma réaction est légèrement exagérée, mais ça fait tellement longtemps que je n'ai pas eu la chance d'échanger quelques mots avec lui que je suis comme une enfant à l'idée qu'il ne m'accorde, ne serait-ce que dix minutes de sa journée.


**


Déjà quinze minutes que j'attends, je commence à croire qu'il m'a posé un lapin...

— Vous êtes sûre de ne rien vouloir boire, madame ?

— Oui, j'attends mon frère, il devrait arriver.

Le serveur me sourit et la porte du bar s'ouvre sur Milo. Toujours la même coiffure et il emmène avec lui un air blasé que je ne connais pas.

Je lui fais un petit signe et il avance vers moi sans prendre la peine de me sourire.

— Salut, lancé-je un peu enthousiaste.

Il ne répond pas, c'était prévisible mais, ça reste très énervant. Je n'ai rien fait, ce n'est pas ma faute si ma mère a commis un adultère enfin, pas vraiment, mais c'est comme si.

— Milo... on ne peut pas continuer comme ça, ce n'est pas ma faute, je n'ai pas décidé de cette situation.

— Parce que tu penses que moi si peut-être ? demande-t-il sur les nerfs. Tout ne tourne pas autour de toi Ana.

— C'est quand même moi l'intruse de ce quatuor "Richard".

— Tu sais très bien que ce n'est pas le cas, ne joue pas à la conne.

— Alors pourquoi tu me rejettes comme si je ne représentais plus rien pour toi ? le questionné-je les larmes aux coins des yeux.

— J'ai besoin de temps, tout n'est pas aussi simple que ça malheureusement.

— Oui, je peux le comprendre et l'entendre mais, ça ne change rien entre nous, tous nos rires, nos peines et nos secrets, on ne peut pas les oublier et on les a vécu comme des frères et sœurs. Je t'aime comme mon frère, depuis le début et jusqu'à la fin. Les liens du cœur sont supérieurs au lien de sang dans ce cas-là.

Il pose sa tête entre ses mains et une larme roule sur sa joue comme sur la mienne.

— Je ne voulais pas te faire croire que je te détestais, sanglote-t-il. Ceux que je déteste, ce sont nos parents qui nous ont menti avant de nous rejeter chacun notre tour. Je crois qu'au fond de moi je me suis dit que si tu avais connu ton vrai père, tu n'aurais pas été dans une situation comme celle-là, où toute la famille est détruite.

Je pose une main sur la sienne et il lève ses yeux rouges vers moi. Ses joues sont trempées de ses larmes salées et ça me fait mal au cœur de nous voir comme ça.

— Tant qu'on est là l'un pour l'autre, je considère que ma famille va bien, j'ai juste besoin de toi Milo. Tu es la seule personne que je considère comme ma famille parce que tu ne m'as jamais menti et on a toujours été sincère l'un avec l'autre et personne ne pourra changer ça.

— Je t'aime Ana, comme la petite sœur que j'ai toujours eu et rien ne changera ça.

— Je t'aime aussi Milo.

Il se lève et je l'imite pour rejoindre ses bras et laisser couler mes larmes sur les manches de son tee-shirt.

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