XXIII- Cherry Lady.

Zak

Tout le weekend, je n'ai fait que penser à mon baiser avec Amaya. Je n'ai pas osé lui envoyer un message ou quoi que ce soit, Levi m'a conseillé de lui proposer un rencard mais je n'ai pas eu le courage. Sarah m'a dit de prendre mon temps et de ne pas presser les choses mais j'ai vraiment envie de la revoir. Plusieurs fois, je me suis retrouvé face à son contact sur mon écran, sans pour autant l'appeler. Pourquoi est-ce que j'ai si peur ? Et puis, ce n'était qu'un baiser. Ça ne veut sûrement rien dire. Pourtant, les choses sont claires de mon côté, surtout après le moment d'échanger lors de la soirée d'Halloween.

Amaya me plait. Et pas qu'un peu.

C'est bizarre de me l'avouer après deux mois à jouer au chat et à la souris.

Un long soupir m'échappe et j'hésite encore une fois à lui envoyer un message. Je pourrais lui donner rendez-vous ou encore juste lui dire que j'ai passé une bonne soirée à ses côtés. Non. C'est bizarre.

Allongé sur le lit, je balance mon téléphone près de moi pour continuer de fixer le plafond. Pourquoi est-ce que c'est si dur...

Mon esprit se met à divaguer et je me mets à penser à tout et n'importe quoi, mais je finis toujours par songer à elle. Amaya a envahi mes pensées. Il n'y a pas une seconde ou je n'ai pas pensé à elle depuis hier soir. Ma main s'empare de mon oreiller que je viens écraser sur mon visage avant de laisser un cri de frustration qui parvient à me soulager un peu.

Je reste dans cette position jusqu'à ce que ma respiration se fasse difficile. Je soulève le coussin et le jette au sol. Au même moment, mon téléphone sonne. C'est un appel de Levi. D'un geste rapide, je décroche et porte l'appareil à mon oreille :

— Allô ?

— Ouais, je t'appelle juste pour te prévenir que j'arrive d'ici une dizaine de minutes, m'annonce mon meilleur ami.

— Okay, entre sans frapper quand t'es là.

Levi acquiesce et raccroche tandis que je fais le tour des applications sur mon téléphone. J'ai encore reçu des dizaines de messages d'Ivy. Je songe vraiment à bloquer son numéro mais quelque chose au fond de moi me retient. Peut-être de l'espoir ? Ou bien, peut-être qu'au final je veux avoir une vraie discussion à coeur ouvert avec elle ? C'est difficile de passer au dessus alors que durant des années, elle était la seule personne que je voulais revoir.

Ses messages sont toujours les mêmes. Elle me demande de lui répondre, de l'appeler, de se voir. Elle me dit qu'elle est désolée et qu'elle veut tout m'expliquer mais qu'elle ne peut pas le faire par téléphone. Toujours les mêmes messages, en boucle depuis qu'elle est revenue.

La porte qui claque me sort de mes pensées et j'entends ma sœur, qui est dans le salon, accueillir Levi. Je les entends discuter sans pour autant comprendre ce qu'ils disent. J'ai envie de me lever mais la fatigue prend le dessus. Je décide de fermer les yeux quelques secondes mais le ton monte de l'autre côté du mur. Mes sourcils se froncent et je me lève à contre cœur pour voir ce qu'il se passe entre ma sœur et mon meilleur ami.

Quand j'ouvre la porte de ma chambre, les deux se taisent très vite.

Mais qu'est-ce qu'il se passe, putain ? Je regarde Levi, qui à le poing serré et qui passe une main dans ses cheveux blonds. Ma sœur, quant à elle, s'assoit sur le canapé et baisse le regard.

— Je peux savoir ce qu'il se passe, au juste ?

Ils partagent une œillade et Levi souffle avant de poser ses poings sur ses hanches.

— Tu lui dis, ou je le fais ? demande-t-il à l'attention de ma sœur.

Sarah reste silencieuse et se met à jouer avec ses doigts. Levi s'installe sur un des tabourets du bar qui sépare ma cuisine du salon.

— Bon, reprend Levi. Tu ne veux clairement pas le lui dire, donc je vais le faire.

Le blond porte toute son attention sur moi et soupire.

— C'est au sujet de Ivy. Elle m'a contacté hier lorsque nous étions à la soirée de Haze mais je n'ai pas répondu. Mais apparemment, quelqu'un d'autre l'a fait.

Son regard accusateur se pose sur ma petite sœur et je la regarde, confus. Elle n'ose pas me regarder, elle sait qu'elle a merdé.

— Sarah, commencé-je. Qu'est-ce qu'elle t'as dit ? Et surtout, dis moi ce que tu lui à répondu.

Elle prend une grande inspiration avant de se lever et de nous faire face à Levi et moi. Pourtant, pas un mot ne sort. Je lui fais signe de parler, que je vais finir par m'énerver si elle ne le fait pas.

— Ivy m'a envoyé un message hier soir, moi aussi. Au début, je ne comptais pas lui répondre mais...

— Mais tu l'as quand même fait, la coupé-je. Abrège Sarah.

Mes bras se croisent sur mon torse et je la regarde avec des yeux durs et insistants.

— Elle m'a demandé de se voir pour discuter, avoue-t-elle enfin.

— J'espère vraiment que tu as refusé.

— J'ai dit que j'allais y réfléchir.

Un rire moqueur m'échappe et je me lève pour m'approcher d'elle.

— J'imagine que tu n'allais pas m'en parler ?

Son silence en dit long et Levi me dépasse pour venir s'asseoir sur le canapé. Je prends une seconde pour le scruter, je n'ai pas pu le faire plus tôt. Il porte un short et un sweatshirt. Je lui demande du regard, pourquoi est-ce qu'il est habillé pareil avec une température comme celle d'aujourd'hui. Il hausse simplement les épaule et me fait comprendre qu'il était à la salle de sport juste avant de venir. Je ne relève pas et me reconcentre sur la brune face à moi.

— Pourquoi est-ce que tu veux tant reprendre contact avec elle ? Est-ce que tu as oublié dans quel merdier elle nous a laissé ?

— Tu ne peux pas lui en vouloir d'être parti ! Papa était pire avec elle qu'il ne l'était avec nous, défend-t-elle. Toi aussi tu es parti !

Mon sang ne fait qu'un tour, et même Levi se redresse.

— Je te demande pardon ? Moi, contrairement à elle, je ne t'ai jamais abandonné. Je ne t'ai pas laissé à sa merci. Je suis resté et t'ai défendu jusqu'au bout. Je suis encore présent aujourd'hui. Moi, au moins, je suis resté jusqu'à ce que lui se barre !

La colère l'emporte et je passe une main dans mes cheveux et tire dessus, frustré. Pourquoi est-ce qu'elle ne voit pas tout ce que j'ai fait pour elle ? J'ai tout sacrifié pour elle, tout. Sarah est la prunelle de mes yeux mais elle pense que je fais ça pour l'embêter. Je veux juste la protéger. Ivy ne mérite pas notre pardon, elle ne mérite pas de revenir dans nos vies. Peut-importe la raison.

Le regret se reflète dans les yeux de ma petite sœur et ils s'embuent. Il faut qu'elle comprenne. Il faut qu'elle arrête de vouloir voir le bon côté des gens en permanence. Certaines personnes sont mauvaises et c'est tout. C'est une triste réalité, mais une réalité quand même. Sans un mot de plus, je récupère mes clés de voiture et sors de chez moi. J'ai besoin de prendre l'air. Elle est entre de bonnes mains avec Levi.

J'ai juste besoin de respirer un peu. J'ai besoin de me vider l'esprit et de ne plus penser aux problèmes. La seule solution : conduire. Il faut que je m'évade et c'est la seule façon de faire taire ces voix.

Il y'en a une nouvelle maintenant...

Je secoue cette idée hors de mon esprit et monte dans ma voiture et démarre sans plus attendre. Il ne faut pas que je me mette à penser à Amaya. Ce n'est pas le moment. Pourtant, c'est plus fort que moi. Même en conduisant, elle est toujours présente dans mon esprit, comme ancrée. C'est la première fois que quelqu'un me marque de cette manière. Jamais personne n'a été aussi longtemps glué dans ma tête, même lorsque que je conduis. Inconsciemment, je roule jusqu'au Greener's. Le diner où j'ai rencontré Amaya pour la première fois. Lorsque je me gare sur le parking, je me décide enfin à envoyer un message à Amaya. Je lui demande simplement de me rejoindre ici. Une fois le message envoyé, je sors de ma voiture et me dirige jusqu'à l'intérieur du petit restaurant. Je prends place sur le sur l'un des canapé en cuire rouge et blanc, face à la porte. De cette manière, elle me verra en premier lorsqu'elle arrivera.

Je signale à la serveuse que j'attends quelqu'un pour commander. On est le premier novembre et l'endroit est quasiment vide. Les gens doivent sûrement être en train de dormir suite aux soirées d'hier qui ont dû durer jusqu'au petit matin. Il est seize heures et le soleil commence à se baisser dans le ciel. D'ici une trentaine de minutes, il fera nuit. La nuit tombe de plus en plus tôt et cela ne signifie qu'une seule chose : l'arrivée de l'hiver. J'ai hâte.

Pas pour les fêtes de fin d'année. Non. Mais plutôt pour les températures basses, la neige, les rues vides et les longues nuits. Le temps s'est déjà bien rafraîchi, c'est impossible de sortir sans veste ou au moins un pull. À moins que l'on s'appelle Levi... Ou Amaya.

Cette dernière vient justement de passer les portes du Greener's. Son regard croise le mien et mes joues se réchauffent. Je me retiens de baisser le regard tandis qu'elle me sourit avec ses joues légèrement rosies. Les souvenirs de la veille reviennent aussi vite qu'ils ont disparu.

Je prends le temps de l'admirer de la tête au pied. Elle porte mes habits. Ceux que je lui avais prêté lorsque nous sommes allés à Eagle Pass. Elle les porte tellement mieux que moi. Ses baskets sont de la même couleur que mon ensemble et ses cheveux sont attachés en une couette haute. Elle est au naturel et tellement plus belle comme ça.

Elle s'assoit face à moi et je reprends mes esprits.

— Je vois que tu aimes mes habits, la taquiné-je.

Amaya lève les yeux au ciel et un sourire étire ses lèvres.

Putain, ses lèvres... Qu'est-ce que je donnerais pour y goûter encore une fois.

Mes iris croisent les siens et je les garde planter dans son regard. Un silence agréable s'installe et elle se met à jouer avec ses doigts. Sans réfléchir, je m'empare de ses mains à et les caresse à l'aide de mes pouces. Amaya me scrute sans rien dire, c'est alors que je porte ses mains à mes lèvres avant de déposer un baisé sur chacune de ses mains. Son visage devient donc écarlate et je ne peux retenir un petit rire.

J'adore la taquiner. Surtout quand j'ai le droit à ce genre de réaction de sa part.

Elle continue de me fixer et j'entrelace nos doigts pour garder un contact physique. Elle retire une main pour ouvrir sa veste et dévoile un t-shirt blanc avec un imprimé cerise et écrit "Cherry Lady". Un sourire en coin étire mes lèvres et j'essaie de le dissimuler.

Je décide de me lever pour commander au comptoir. À contre-cœur, je lui lâche la main et me dirige vers la serveuse. Je commande une assiette de pancakes ainsi que deux soda à la cerise. Je paie le tout et elle me sers les deux verres, tandis qu'elle nous ramènera les pancakes à table. Dans un bruit sourd, j'attire l'attention d'Amaya en lui posant le verre face à elle. Elle a un petit mouvement de recul qui me fait rire tandis que je m'assois à ma place initiale. Du bout des doigts, elle fait tourner la paille et porte le liquide à son nez. Une grimace lui prend et je lui demande ce qu'il ne va pas.

— C'est de la cerise ? demande-t-elle d'une petite voix.

— Oui, pourquoi ? Tu n'aimes pas ?

Elle se gratte le cou, gênée et je ne comprend pas vraiment. Si elle n'aime pas, je peux lui acheter autre chose. Ce n'est pas un souci.

— Non, je suis allergique à la cerise, m'avoue-t-elle.

Mes yeux tombent sur son t-shirt et je trouve ça ironique du coup. Je souris et porte la paille à mes lèvres.

— Je ne savais pas, je vais te prendre autre chose si tu veux.

Lorsque je lui propose de commander autre chose, elle refuse et me dit qu'elle n'avait pas vraiment soif.

— Comme tu voudras, ma Cherry.

Ces mots sortent de ma bouche d'eux même et Amaya semble surprise. Ses joues rosissent tandis qu'un sourire en coin étire mes lèvres.

— T'as trouvé autre chose pour te moquer que ma taille on dirait.

J'esquisse un rire et continue de siroter ma boisson jusqu'à ce que la serveuse vienne nous apporter l'assiette de pancakes.

Je pousse l'assiette pour l'inviter à manger. Elle fourre un énorme bout dans sa bouche et a du mal à mâcher. Je pince des lèvres pour éviter de rire mais lorsqu'elle met du chocolat de partout, je me munie de la serviette et viens essuyer le côté de sa bouche.

— T'en as foutu partout ! m'exclamé-je dans un rire.

— Je peux me débrouiller, Zak !

Elle rit et essaie de s'emparer de la serviette mais je lui tape la main pour qu'elle me laisse le faire. Je pose la serviette sur la table et rapproche l'assiette pour que je puisse profiter des pancakes encore chaud.

— D'ailleurs, reprend Amaya.

— Dis moi tout, Cherry girl.

Elle lève les yeux au ciel et plante sa fourchette dans le plat.

— Apparemment Marcus organise une course au Grant Park ce week-end.

Encore ? C'est la deuxième en si peu de temps ! Amaya va sûrement me dire d'y participer mais je ne sais pas si je suis encore prêt. Et je ne peux pas lui dire pourquoi je ne veux pas la faire. Mais après tout, ça serait une bonne opportunité pour me prouver à moi même, mais surtout aux gens qui savent, que je suis capable de refaire cette course. En toute sécurité. C'est le moment de passé au-dessus de ma peur, de surpasser mes démons.

Je porte mon pouce à mes lèvres et me mets à ronger mon ongle. J'hésite. Je devrais peut-être en parler avec Levi ? Je connais déjà sa réponse, il va me dire de foncer tête baissée. Pourtant, quelque chose me retient. La panique ? Le stress ? L'angoisse ? Ou bien la peur que ça se reproduise ? Je ne sais pas vraiment, je sais juste que c'est au-dessus de mes forces. Mais aujourd'hui je mets un stop à tout ça. Aujourd'hui je décide de passer au-dessus de ce qui me gâche la vie depuis plus de trois ans. Aujourd'hui, je mets un stop à ce qui me tourmente.

Amaya agite sa main devant mon visage pour me faire revenir à moi même.

— Tout va bien ?

Dans un petit signe de tête je lui réponds que ça va et sort mon téléphone de ma poche afin d'appeler Marcus. Je fais défiler les contacts et prends une grande inspiration avant d'appuyer sur le numéro du gérant du club et des courses.

Ça sonne trois fois de l'autre côté de la ligne avant que je n'entends la voix grave de Marcus. Je le salue rapidement et lui demande plus d'informations sur la course de ce week-end.

— Ça va être une grosse course, Zak. J'ai déjà six coureurs inscrits, m'annonce-t-il.

Six ? Combien y a-t-il de coureur en tout ? Je n'ai pas le temps de lui poser la question qu'il y répond.

— J'ai prévu dix places. Je t'ai dis, mec. Ça va être une grosse course.

— Tu penses que tu as encore de la place pour une MK4 ? demandé-je en prenant mon courage à deux main.

Un rire fait écho de l'autre côté du fils et un sourire étire mes lèvres.

— J'ai toujours de la place pour toi, Zak ! Tu le sais. Je t'inscris, t'es sur de toi ?

J'hésite une seconde avant de croiser le regard d'Amaya. Je me perds presque dans ses yeux. Mon envie de plonger dedans s'intensifie avec les secondes qui passent. J'essaie de reprendre mes esprits du mieux que je peux avant de répondre à Marcus :

— Oui, je suis certain. Mets moi sur cette liste.

***

J'appuie sur l'accélérateur et jette un coup d'œil dans mon rétroviseur intérieur. Amaya me colle au cul.

On a décidé d'avoir une petite revanche suite à notre match nul d'il y a quelques jours. Cette fois-ci, je ne joue plus. Je cours.

Un petit sourire étire le coin de mes lèvres et je monte le son de la musique. Le son fait vibrer ma voiture mais ça me pousse juste à accélérer. Je baisse ma vitre et sort mon bras avant de montrer mon majeur à Amaya pour la taquiner. Ça doit sûrement l'énerver car elle passe sur la voie de gauche pour se mettre en parallèle avec moi.

Elle me montre son doigt à son tour ce qui me fait rire avant que j'accélère de plus belle.

Nous arrivons sur la voie rapide et je ne lui laisse aucune seconde de répit, je m'insère au préalable avant qu'elle ne puisse le faire. Une fois sur les voies rapides, plus rien ne nous retient. À part peut-être les autres automobilistes.

Je slalome entre trois voitures devant moi avant de remettre un coup d'accélérateur.

Lorsque je regarde dans mes rétroviseurs intérieur et extérieur, je ne vois pas Amaya et ça m'inquiète un peu. Par réflexe, je ralenti un peu mais une voiture passe comme une flèche à ma droite.

Merde ! Elle m'a bien eu.

J'essaie de la rattraper mais elle a pris trop d'avance sur moi. Je n'aurais pas dû ralentir ! De loin, je vois Amaya prendre la sortie pour rentrer chez elle tandis que moi je continue mon chemin pour rentrer chez moi. Elle m'a battue, et de loin.

Mon téléphone, qui est sur le support, s'illumine et du coin de l'œil je lis le message et un rire sincère m'échappe.

" Bien joué La Menace. Maintenant que j'ai passé la ligne avant toi, je ne monterai plus jamais en voiture avec toi. Trop peur que tu nous tue tous les deux."

Cette femme est folle. 

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