26 | Epilogue ~ Astéria 🌿
« La liberté, c'est la possibilité d'être et non l'obligation d'être. » — René Magritte
« Décallée
Les uns marchent tout à droite dans un mouvement unanime, l'autre marche trois pas de côté. Le vilain démon repère sa proie et d'un seul souffle, il lui montre une parcelle étoilée. Dès lors, le loup a l'agneau. Trois pas, quatre pas, cinq pas, six pas, sept pas, et le ravin. Le mouton rebelle n'aime pas la sécurité de l'identique. Il marche, s'écarte. Mais, ô vile serpent qui corrompt les âmes innocentes, il se met à courir, enfin libre. Et le ravin de se rapprocher.
— Et les ailes de son dos de s'enflammer. »
J'ouvre les yeux. Le jour illumine la pièce et le soleil traverse les rideaux blancs. Mais, ce n'est pas la première chose que je vois, non. C'est le visage calme et apaisé d'Aleki qui s'offre à moi. Endormi, ses traits sont détendus et lui donnent presque un ou deux ans de moins. Son souffle régulier caresse mon front et des mèches brunes aussi douces que des plumes balayent son visage. Un de ses bras entoure ma taille, comme s'il avait peur que je parte. D'un geste délicat, j'écarte quelques unes de ses mèches et me blottit contre son torse nu. Malgré le tee-shirt d'Aleksi, j'ai froid. Je remonte la couette jusqu'à mon menton et ferme les yeux, mon souffle aussi régulier que le sien. Mon bras enlace son corps, je suis bien. Un sourire se dessine sur mes lèvres et je resserre mon étreinte tandis que celle de Morphée se fait plus forte.
~
Combien de fois lui avais-je souri en pensant que je l'aimais ? Combien de fois l'avais-je regardé, les yeux brillants, ancrés dans les siens, sans être capable de prononcer quoi que ce soit ? Combien de fois le ferai-je encore ? Je ne le savais pas et je ne le sais toujours pas.
Évidemment, je m'étais à nouveau sentie incomplète, mais cette fois-ci j'avais pallié par du dessin, des textes et aussi –autant l'admettre– des câlins et des baisers, mais surtout, des mots doux, dont la sincérité résonnait au creux de mon être. J'en entends encore les échos.
Je suis assise sur mon lit, en tailleur. Je viens de déposer le livre que je lisais sur le sol. La couverture sur les jambes, remontée jusqu'à la taille, je fixais les lignes vides de la page immaculée de mon carnet. Celui où j'écrivais tout ce qui me passais par la tête, sur moi, sur lui, sur nous. Ma thérapie. Ma libération. Finalement, c'est ça : pour avancer, il faut faire le deuil des possibles, de la contingence passée et se concentrer sur l'actuelle. Trouver un moyen de s'accepter, laisser les plaies cicatriser et prendre son envol. Voguer parmi les étoiles, météores et comètes. Laisser le temps, et aussi la vie, faire son travail. Se laisser forger. Devenir meilleur. Affronter aussi. Être blindé tout en sachant dévoiler ses faiblessesà la bonne personne.
La vie s'améliore. Il y a toujours de l'espoir. Tout finit par aller mieux. Accrochez-vous, tenez bon, coûte que coûte, soyez ce roc face à la tempête, ce vilain petit canard, ce diamant encore étincelant mais abîmé par la vie, dont l'intérieur sublime finit par éclater.
Vous êtes plus forts que ce que vous pensez, vous pouvez le faire, vous pouvez le surmonter. Si moi, je l'ai fait, pourquoi pas vous ?
Avance. Ne te retourne pas si ce n'est pour te rendre compte du chemin que tu as parcouru. Enjambe les roches, écrase les ronces, cueille les roses, ramasse les coquillages que t'offre l'océan, accepte le bonheur.
Je souris et songe que, peut-être, l'adolescente solitaire et écaillée que j'étais finira par entendre raison. A cet instant, la porte de la chambre s'ouvre sur Aleksi, vêtu d'un pyjama portant l'inscription « I want to stay in bed », ses cheveux mouillés tombant devant ses yeux clairs. Il s'esclaffe en me voyant penchée, un stylo en main. Je lui souris en retour et dépose mon carnet à côté du lit, près du livre.
Sans rien dire, il s'avance et m'embrasse sur le front, comme un frisson d'aile. Il s'assoit en tailleur face à moi. Il me transperce de ses yeux bleus qui continuent toujours de me troubler.
— Alors, demande-t-il, ça avance ?
Je hoche la tête.
— Je crois que j'ai trouvé la fin. Un message d'espoir.
Il sourit.
— Je serais ravi de l'entendre.
— Attends, ce n'est que le premier jet, ce qui est venu tout seul.
— Justement, c'est plus naturel comme ça. Je te l'ai déjà dit, je crois, tu as un don pour ça. Lis-le moi, s'il te plaît.
J'acquiesce et ne peux m'empêcher d'ajouter :
— Mais uniquement parce que tu as dit « s'il te plaît » !
— Je suis toujours poli ! proteste-t-il
— Mais oui bien-sûr, un vrai gentleman, ironisé-je en levant les yeux au ciel et reprenant mon carnet au passage.
Comme à chaque fois que je lui lis quelque chose, je ressens une pointe d'appréhension : que va-t-il en penser ? Puis, je me rappelle que c'est Aleksi. Je lis ce que j'ai écrit plus tôt, remarquant au passage quelques lourdeurs et répétitions.
— Voilà, conclus-je, il y a encore quelques petites bricoles à modifier, mais c'est normal.
— Tu plaisantes, j'espère ! Où est-ce que tu vois des trucs à corriger ? Je te l'ai déjà dit, c'est entièrement naturel, ce n'est pas lustré. Ce sont des mots à l'état brut et ils n'en sont que plus vrais.
— Certes, j'obtempère, mais-...
— Ne sois pas trop perfectionniste. Ne cherche pas à peindre quelque chose de parfait. Ça serait irréel, car la vie est imparfaite.
— Tiens, tu philosophes ! le taquiné-je
— J'essaie ! Je vis avec un livre sur pattes alors je suis influencé !
Je ris et me penche en avant pour embrasser ses lèvres. Quelques gouttes d'eau tombent sur mon visage.
— Tu pourrais te sécher les cheveux, râlé-je en m'essuyant le front
— Jamais de la vie ! s'offusque-t-il
Je fais mine de soupirer et l'enlace, profitant de la proximité pour enfouir le bout de mon nez froid dans son cou.
— Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu t'étais fait attraper par le col ? questionné-je, doucement, en me rappelant des feuillets qu'il avait écrits et que j'avais lus plus tôt dans la journée
— A cause de ma fierté, je crois, répond-il, les doigts dans mes cheveux, cette fichue fierté que j'avais un peu de mal à mettre de côté, à certains moments.
— Tu t'en es plutôt bien sorti, pour quelqu'un qui dit ne pas réussir à mettre sa fierté de côté, souligné-je
— Plutôt, oui, affirme-t-il, un sourire taquin sur les lèvres
— Et à ce moment-là, elle te plaisait encore Rosie ? interrogé-je, tout en songeant que je m'aventurais sur un terrain glissant
— Plus vraiment, m'avoue-t-il, et après je n'ai eu aucun mal à ne plus jamais y penser...
Je lui souris et embrasse sa bouche.
— Et la suite de notre série est sortie, si j'ai bien compris ?
Il éclate d'un rire franc.
— Je vais chercher mon ordinateur ! » s'exclame-t-il, en guise de réponse.
Pendant ce temps, je me dirige vers la cuisine pour prendre la boîte de bonbons crocodiles et celle de barres chocolatées. Je peine à m'imaginer regarder quelque chose sans manger quelque chose ! Et puis, cela fait office de dessert...
Je me couche sur mon lit et lui me rejoint avec son ordinateur. Dans la chambre voisine, Rosie et Jace font de même. Rosie et moi vivons en colocation depuis quelque temps, et de temps en temps, le reste du groupe nous rejoint. Quant à Flora, elle est actuellement chez son petit-ami. Ma première année d'étude se passe bien, Aleksi me rend visite dès qu'il le peut et je fais de même, bref tout est bien. Je ne pensais pas un jour connaître cette paix intérieure.
Parce ce qu'au fond, être normal c'est être soi-même.
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Voilà pour l'épilogue ! :)
L'appendice arrivera la semaine prochaine ! :) Merci de m'avoir lue !
N'hésitez pas à me donner votre avis !
J'ai failli faire une fin tragique, mais je me suis dit que ça ne collait justement pas avec le ton que je voulais donner ! Bref, à très vite ! :)
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