22 ~ Aleksi ☄
« La mélancolie est l'illustre compagnon de la beauté ; elle l'est si bien que je ne peux concevoir aucune beauté qui ne porte en elle sa tristesse. » — Charles Baudelaire
Aujourd'hui, il fait beau. Aujourd'hui, les bourgeons des fleurs commencent à s'ouvrir à l'aube de l'été. Aujourd'hui, le printemps et l'hiver sont morts. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un message de Nola, elle dit qu'elle comprend et qu'elle accepte que je ne nourrisse pas les mêmes sentiments qu'elle, mais elle dit qu'elle attendra quand même, mais pas trop longtemps. Elle dit aussi que de toute façon elle a déjà quelqu'un d'autre en tête et qu'elle sait vers qui va mon coeur. Cela ne veut rien dire. Elle est triste, je crois. C'était peut-être hier. Quoiqu'il en soit, je n'y peux rien. C'est vers Astéria que je me tourne depuis bien longtemps. Elle aussi, elle est triste et curieusement cela m'affecte bien plus qu'autre chose. C'est peut-être un peu de ma faute.
Allez, Aleksi, dis-lui au lieu de la regarder bêtement quand elle ne te voit pas.
Elle écoute le cours de philosophie, le menton appuyé sur ses doigts de fée. Quelques mèches rousses reviennent sur son visage. Comment ai-je fait pour ne pas la remarquer plus tôt ? On est dans le même lycée depuis presque trois ans, c'est quand même incroyable que je ne l'aie jamais vue auparavant. Peut-être qu'il n'était pas encore temps que je la rencontre, peut-être que nos étoiles ne devaient pas encore se croiser. C'est ce qu'aurait dit ma tante. Elle dit que maman pensait et parlait de la même manière. Elle dit aussi qu'elle serait fière de moi.
Dis-lui, tu as l'air niais à la fixer comme ça.
Ce n'est pas si simple. Je ne vais pas aller la voir et lui dire trois mots d'un coup, comme ça, sans prévenir. Je ne veux pas l'effrayer. Et puis, peut-être que je m'imagine des choses. Mais il n'y a qu'un seul moyen de le savoir.
Sois un homme pour une fois. Pas un homme au sens du genre, non un homme au sens humain. Oh, je m'égare ! Fais ce que n'importe quel être humain un tant soit peu logique ferait !
Peut-être que sur un coup de tête je lui dirai.
Oh, je ne peux pas, comment je pourrais le lui dire ? Elle qui aime bien les beaux mots ? Ce n'est pas mon truc.
Je devrais peut-être me rapprocher un peu. Ou peut-être que je devrais organiser quelque chose lors des prochaines vacances. Encore deux semaines de cours. Exactement dix jours de cours, si je ne compte pas aujourd'hui. Comme tout lycéen, je compte et recompte les jours qui nous séparent de chaque vacances. C'est le seul moment où nous pouvons faire des choses intéressantes. Astéria dirait que c'est le seul moment où elle peut se concentrer sur autre chose que les cours.
Une randonnée en montagne !
Il n'y a pas de montagnes à proximité.
Du camping près du lac Jesup ! En plus, il fait de nouveau chaud. Deux nuits, comme je faisais avec Flo quand nous étions plus jeunes.
Je demanderai aussi à ma sœur, Jace et Rosie. Ça lui montrera qu'elle a réussi à s'intégrer, ou plutôt le lui rappellera : elle a été surprise quand Jace l'a invitée. Je suis sûr qu'elle ne s'y attendait pas. Ou alors j'interprète mal. Quoiqu'il en soit, ça fera du bien à tout le monde de se détendre un peu, surtout à elle.
J'observe ma feuille restée vierge. De quoi parle le cours, déjà ? Je tends vainement l'oreille mais je n'arrive pas à me concentrer. Tant pis, je demanderai à Astéria, elle qui n'a jamais assez de mains pour noter tout le cours. Je m'autorise à lui jeter un énième regard, comme si je ne connaissais pas par coeur les courbes de son visage, même si tard le soir je n'arrive plus à m'en souvenir. Je pourrais presque dessiner les étoiles qui s'allument en elle au fur et à mesure des jours. En fait, c'était peut-être avant-hier que l'hiver et le printemps sont morts, car cela fait un moment déjà que l'été et l'envol ont démarré.
« Jace ! chuchoté-je
L'interpellé relève la tête et me fixe de son regard fétiche, celui qui signifie clairement « mais qu'a-t-il encore eu comme idée ? »
— Du camping au bord du lac Jesup ça te tente ? murmuré-je
— Toujours, souffle-t-il, les yeux posés sur le tableau un peu trop désordonné.
Je grimace en l'observant : il y a des mots à droite, à gauche, au milieu, en haut, en bas, je suis perdu, moi ! Si tu n'avais pas passé toute l'heure à la regarder et à réfléchir tu n'en serais pas là.
— Je n'ai rien suivi, maugréé-je, en me levant, alors que la sonnerie venait tout juste de retentir
— Comme d'habitude, souligne la voix taquine d'Astéria
— Déjà là, toi ? blagué-je, tu as sauté comme une panthère pour venir jusqu'ici ?
— Pour ta propre sauvegarde, il vaudrait mieux que je sois arrivée tel un chat. Les panthères sont des prédateurs et d'un coup de griffe, ton sang gicle partout, réplique-t-elle
— Belle image, commenté-je
Elle penche la tête de côté et sa queue-de-cheval se balance, et le tout me fait penser à une traînée d'étoile filante plutôt qu'à un chat.
— J'ai eu l'idée du siècle, celle qui va tous nous détendre pendant les vacances, lui avoué-je, enjoué malgré moi
— Tu ne penses qu'aux vacances, toi, fait-elle, un sourcil levé
— On pourrait aller faire du camping pendant deux jours au lac Jesup, c'est plutôt cool, j'y allais toujours avec Flo, je poursuis, pas que nous deux, la rassuré-je en voyant sa mine un peu confuse, avec ma sœur, Jace et Rosie, juste nous cinq.
Sa réaction me surprend un peu, elle n'a pas l'air très enthousiaste.
— Je ne sais pas si mes parents accepteront, on se rapproche quand même de la fin..., finit-elle par dire, quelque peu dubitative
Je tente de la convaincre :
— Primo, tu ne sais pas tant que tu ne leur as pas demandé. Deuxio, ce sera les vacances. Tertio, je peux te chercher chez toi et t'emmener. Quarto, il faut bien que tu détendes un peu et que tu fasses autre chose que travailler !
— C'est vrai, concède-t-elle, de ce point-de-vue-là ils pourraient être d'accord.
— Au début des vacances comme ça tu auras tout le reste pour t'y remettre, allez, s'il-te-plaît, demandé-je
— Je demanderai » conclut-elle dans un sourire, avant de repartir vers sa place aussi vite qu'elle en était partie. Le professeur du cours suivant était déjà en train d'entrer dans la salle... Je suis reparti pour compter le nombre d'huîtres contenant une perle dans cette salle de classe.
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Hello ! Comment allez-vous ?
Vous aurez sans doute (ou pas) reconnu que le début du chapitre (le premier paragraphe) est inspiré de l'incipit de L'Etranger de Camus. C'est un peu comme une sorte de pastiche. Je trouvais que ça collait bien avec la distance que prend Aleksi par rapport à tout au début de ce chapitre aha enfin bref !
Il reste deux chapitres à R & J ainsi qu'un épilogue et un appendice (une sorte de bonus ou d'épilogue de l'épilogue). Je sais, c'est peu, mais j'ai bien réfléchi et je me suis dit qu'il valait mieux faire deux "longs" chapitres qui clôtureraient l'histoire d'Astéria et Aleksi plutôt qu'une multitude de courts chapitres avec des péripéties inutiles dont je n'avais pas idée x)
Bref, merci de me lire et à bientôt ! :)
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