21 ~ Astéria ☄

« La tristesse vient de la solitude du coeur » — Montesquieu

C'est là. C'est là que j'ai compris que je l'aimais vraiment. Quand j'ai vu que tout ce que je voulais, c'était qu'il soit heureux, même si cela impliquait ma propre destruction. Un mois s'est écoulé, un long mois durant lequel je n'ai cessé de m'empêcher d'éprouver quoi que ce soit pour lui. Mais évidemment, je n'y suis pas parvenue. Ce n'est pas si simple. J'aurais dû m'éloigner à la seconde où j'ai commencé à m'attacher.

   Je revis dès que je lui parle, même si c'est derrière un écran ; je revis dès que je le vois. Et c'est mauvais signe. Mon bonheur ne doit pas dépendre de quelqu'un d'autre ; je ne dois pas dépendre de quelqu'un. Je me martèle cette phrase chaque jour, avec l'espoir que cela s'éteigne. L'espoir... Qu'il est beau !

Ce n'est pas de sa faute à lui, je ne lui en veux pas, les sentiments ne se contrôlent pas. Ils ne dépendent pas de lui, de moi. Je ne veux que son bonheur. Et puis, je m'en remettrai. Je dois l'oublier, c'est tout. Je suis stupide de m'être imaginée des choses. J'ai oublié qu'on préfère envisager sérieusement les meilleures possibilités. On est tous un peu égoïste. Au fond, on espère tous trouver celui ou celle qui saura nous réparer pour mieux nous faire voler.

Jamais je n'aurais dû me laisser contrôler par ça, jamais je n'aurais dû perdre le contrôle. J'étais à côté de la plaque, et je ne m'en rendais pas compte, volontairement, je crois. Je me suis laissée influencer. J'aurais dû rester méfiante, fermée, insensible, étouffer ces fichus sentiments dès le début. Alors, je n'aurais pas été déçue, je n'aurais pas eu mal, mon coeur recollé ne se serait pas à nouveau déchiré, je n'aurais pas pleuré pour lui. J'espère qu'il ne le saura jamais. Vraiment, cela doit rester secret. Nul ne doit l'apprendre. Rien ne devra jamais transparaître, mais c'est mon truc, les masques. Je devrais réussir à camoufler tout ça, à le réduire en poussière, à le désintégrer. C'est logique quand on y pense. Après le temps des secrets est venu le temps des regrets.

A trop vouloir espérer, je me suis brûlée les ailes. Ça m'apprendra. En espérant que cette fois j'ai bien retenu la leçon.

Malgré tout, je note un aspect positif : ma tristesse infinie n'est plus dûe à des remarques blessantes quotidiennes, ni à des regards dégoûtés, ni à coups verbaux. C'est à présent une vaste peine de coeur. Ma toute première. Est venu les temps de passer à autre chose. Peut-être devrais-je écrire quelque chose ? Bof, je n'ai pas envie de broder des lignes sur un amour adolescent dont je ne me rappellerai plus dans quelques années. En revanche, il y a cette phrase, cette phrase qui fend mon esprit depuis ce matin ; celle-là je me dois de l'écrire pour ne pas l'oublier.

« Ne les laisse pas éteindre les flammes qui brûlent en toi. N'écoute pas leur litanie. La mauvaise bête est toute vêtue de lin et le démon est tout vêtu de noir. Avance, les flammes te guident, et bientôt, la lumière brillera, je te le promets.

Ne te fais pas de mal comme ça ! Je t'en prie ! Tu ne sais pas dans quoi tu t'embarques ! Ah, tu te craquèles encore plus ! Ne vois-tu pas que ta souffrance n'en est que plus forte ? Le sang coule sur tes perles gisant au sol. Ces marques sont sur ton âme. Pourquoi ne m'as-tu pas écoutée ? J'étais là, dans l'obscurité. Tu m'as encore plus enfoncée.

Mais toi, grande égoïste, tu n'as pensé qu'à toi. Tu n'as pas vu que tu faiblissais, que ta lumière s'éteignait au profit d'une autre plus sanglante. La seule chose qui t'importait était de ressentir.

Toujours les mêmes erreurs. Tu n'apprendras donc jamais ? Contrôle-toi ! La mort te frôle un peu plus chaque jour, et ton coeur saigne un peu plus.

Ah ! Tu as trouvé une thérapie ! Ah ! Ce n'est pas trop tôt ! Enfin, je reviens. Mais il est trop tard, tu sombres. Tu restes dans cet état tremblotant, cette angoisse permanente. Tu ressens toujours ce besoin de te sentir bien, humaine, de ressentir. Tu penses avoir besoin de t'accrocher à quelque chose de solide mais tu n'oses pas. Tu as peur.

Tu espères un jour trouver ta place dans l'Univers, mais l'as-tu seulement ? Regarde-toi, tu trembles, seule dans l'obscurité et tu as l'espoir de trouver une ancre à laquelle t'accrocher, en plein océan.

Tu sombres, tu t'étouffes, ton âme monte au ciel. Tu rejoins tes démons. »

« Pourquoi mes textes ont-ils toujours un côté macabre ? » me demandé-je, en refermant mon carnet que je repose à côté de mon lit, sur le sol. Je m'allonge et éteins la lampe. Vingt-trois heures. J'aurai peut-être huit heures de sommeil, tout compte fait.

~

    Je déteste les lundis matins. Je déteste les lundis tout court. C'est la première journée de la semaine, tout le monde est de mauvaise humeur – sauf les écureuils, et les bouchons sont nombreux, très nombreux, ce qui fait que se faire déposer au lycée même en habitant la même ville devient un périple.

« Salut !

  Je sursaute. Aleksi m'attend devant l'entrée et je suis littéralement soufflée par ses yeux clairs. Mon coeur a bondi dans ma poitrine à l'instant où je l'ai vu, et c'était comme si il y avait un brasier dans mon ventre. Quand cessera-t-il d'être comme un ouragan ? Je me ressaisis vite, me rappelant que je ne devais pas laisser ce genre d'émotions affluer, pour ma propre survie, si on pouvait parler de survie, ce n'est pas le grand amour. Si je ne m'étais pas voilée la face pendant des mois, je n'en serais pas là. Mais, c'est trop tard, maintenant je dois avancer avec ça, et je ferai en sorte que ça aille.

Il commence à me parler des exercices de maths qu'il a trouvés difficiles ce week-end, et je lui propose de lui expliquer. On ne se voit plus le samedi comme avant, je crois qu'il a autre chose à faire, et puis pour le coup, c'est moi qui ai voulu : les examens de fin d'année approchant, je ne pouvais plus me permettre de ne pas travailler le samedi après-midi. Et comme ça, le week-end, je me remets sur le droit chemin : il n'y aura rien, c'est vain et c'est mieux comme ça.

Un vide prend possession de tout mon être ; je ne sens plus rien. J'avais presque oublié cette sensation. Je n'ai pas l'impression de tomber dans un précipice, non, mais j'ai l'impression d'être assise au fond, contre les roches de la falaise. Je suis déjà tombée. C'est vrai que physiquement, je ne suis pas vide ; du sang afflue chaque minute vers mon coeur et irrigue mon cerveau ; cependant, émotionnellement, je suis une coquille vide. On pourrait la briser, l'écraser en mille morceaux. Seulement voilà, ça n'enlèverait pas le vide. Il faudrait le remplir, pour cela. Je soupire de dépit.

— Ça va ? demande-t-il, tu n'as pas l'air dans ton assiette

— Un peu fatiguée, prétexté-je

C'était vrai, je ne dormais pas beaucoup.

— Ah bon ? Même en te couchant à huit heures tous les soirs ? lance-t-il, moqueur

— Neuf heures trente ! râlé-je, et ce n'est pas parce que je te dis « bonne nuit » que j'arrive en m'endormir de suite !

— Oh, que tu es susceptible !

Je ne réponds pas et sors mes affaires de mon casier.

— On est vexé parce que j'ai raison ? me taquine-t-il

— Pas du tout, je n'ai d'ailleurs jamais dit que je ne l'étais pas, lui dis-je sourcils froncés et bouche plissée en un sourire

— La vie, c'est comme un poulet devant un kfc, ça ne dure pas, dit-il le plus naturellement au monde en ouvrant la porte du bâtiment

— Sérieusement, Aleksi ? m'écrié-je, la main sur la hanche

— Quoi ? C'est clair, non ? Un poulet devant un kfc vit dix secondes maximum ! Le couteau, clic, clac, les plumes volent, de la panure et hop ! Des nuggets !

— Oh, Aleksi, soupiré-je.

Il penche la tête pour m'observer, un petit sourire au coin. Je me fais du mal. Je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas. J'y ai déjà laissé des plumes, n'ai-je donc rien retenu ?

— Tu ne comprends rien à mes métaphores dignes des plus grands poètes. » affirme-t-il, tout sourire et fier de lui.

Je me contente de soupirer en m'esclaffant légèrement. Je détaille malgré moi les contours de son visage avant de partir en direction de la salle de classe, lui juste derrière moi. Oh, mon coeur, quand cesseras-tu de me faire souffrir ? Quand cesseras-tu de me déchirer ?
Me voilà dans un cercle sans fin.

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Hey ! Comment allez-vous ? :)

Je sais, ce chapitre est plus court que tous les autres et Astéria est encore triste mais rassurez-vous, ça ne va pas durer ! Cependant, je reste insatisfaite de ce chapitre, je le trouve un peu plat, enfin bon !

Comme c'est les vacances, je vais pouvoir reprendre le rythme d'un chapitre par semaine, même si, je ne vais pas vous mentir, on approche de la fin ! Il ne reste que quelques chapitres (je ne peux pas encore affirmer le nombre exact, j'hésite encore un petit peu mais la nuit porte conseil, non ?).

Comme d'habitude, n'hésitez pas à me donner votre avis, ça ne peut qu'être enrichissant pour moi :)

Bref, prenez soin de vous et à très vite !

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