12 ~ Gary ☁︎ - pt. 1
« Le jeu, c'est tout ce qu'on fait sans y être obligé. » — Mark Twain
Je sors de la salle de classe et regagne mon casier. Je m'empresse de récupérer mes affaires ; j'ai horreur de traîner ici. Je suis l'un des premiers à être dehors et je rejoins vite Daniel qui est déjà en train de fumer à la sortie du lycée. Je lui taxe une cigarette et son briquet et hop ! Me voilà, trois secondes plus tard, ma cigarette allumée au coin des lèvres et savourant le tabac qui se répand dans mes veines. Rien de tel après une dure et longue journée, surtout après ce fichu contrôle d'histoire que j'ai encore raté. Tandis que des machines comme Astéria vont sûrement le réussir. Normal, elle travaille contrairement à moi qui ne fait strictement rien. Pour le coup, c'est de ma faute. Je ne travaille pas et ai encore l'espoir d'avoir une révélation suivie d'une bonne note. Ça ne marche pas comme ça. Néanmoins, j'ai la moyenne alors « ça passe », comme on dit.
Arrête de te morfondre sur ton test d'histoire, ça passera crème ! me rassure Daniel.
Il me tapote l'épaule d'un geste amical avant d'écraser son mégot de cigarette.
— Tu peux parler, tu as triché, je grogne
— Ce n'est pas de la triche. Je dirais que c'est plutôt le fait d'optimiser ses connaissances.
— Mec, t'as littéralement recopié toutes les dates et les définitions sur deux morceaux de feuilles que t'as collées sur tes semelles ! je m'exclame, perdant un peu patience
— Venant d'un gars portant le nom d'un escargot qui fait miaou, ta remarque est déplacée ! plaisante Daniel, ce qui a le don de me faire rire. C'est de l'optimisation, rien de plus. Et puis, c'est la première fois que je le fais !
— Tu vas plafonner à dix-huit, je râle
— J'ai exprès oublié deux trois trucs et fait quelques fautes, histoires d'avoir quelques points en plus que d'habitude, me rassure-t-il
— Pour atteindre un petit quatorze au lieu de ton douze habituel, déduis-je
— Tout à fait, rien de bien méchant ! Je n'ai pas eu le temps d'apprendre entre la soirée chez Lana, ma petite gueule de bois et mes grands-parents qui étaient là hier. De l'optimisation, je te dis !
— En même temps, tu n'étais pas obligé d'aller à cette soirée, je réplique, moi je n'y étais pas !
— Oui mais tu n'as rien de fait plus, donc autant passer du temps avec ses amis ! D'ailleurs, tu étais le seul absent ; même Alison avait pu se libérer.
— Je sais, je soupire, mais ma sœur avait besoin d'aide pour ses devoirs, et puis les parents sortaient, et vu son âge, je ne pouvais pas la laisser toute seule.
— Je sais, ne t'en fais pas, je te taquine ! me répond Daniel. Tiens, voilà la machine et toute sa clique ! J'arrive pas à croire qu'elle puisse traîner avec eux, ça craint ! Encore, avec les deux jumeaux je comprends, ils se ressemblent, surtout Aleksi vu que c'est aussi un dégénéré, mais alors Rosaline et Jace ! J'en reste sur le-...
— Ils étaient amis pendant tout le collège et les années précédentes, Nathan nous l'a dit, je le coupe
— Oui, et il t'a aussi dit que ce n'était pas la peine de t'accrocher à Rosaline comme une sangsue ! réplique-t-il, les sourcils froncés
— N'empêche qu'elle et Jace sont sympas.
— On a dû leur parler quatre fois grand maximum, grommelle Daniel
— Moi bien plus.
— Forcément, tu refusais d'admettre que Rosaline ne t'aimait pas ! Elle n'avait d'yeux que pour Jace, et ça se voyait ! Mais tu ne m'as pas écouté, c'est entièrement de ta faute, conclut-il.
Là-dessus, Daniel a raison. J'aurais dû l'écouter. Mais, cette déception amoureuse – si je peux appeler ça de l'amour car je me suis tout de suite fait envoyer promener – est déjà derrière moi.
J'observe Astéria. Elle sourit à Aleksi, une main sur la hanche avant de lui dire quelque chose d'un air espiègle, comme pour le taquiner gentiment. C'est cet air qu'adopte le visage d'Alison quand elle taquine Daniel. D'ailleurs, je ne sais pas où est cette dernière ; ça fait déjà un petit moment que nous sommes dehors. J'allais crier une remarque à Astéria avant de me rendre compte que je la lui avais déjà faite auparavant. Je souffle et réfléchis à autre chose. Ce midi, Rosie m'avait, littéralement, traité d'égout tellement sale que « mêmes les rats refusaient d'y passer », d'égocentrique fermé d'esprit et de vipère empoisonnée. Et elle m'avait aussi dit de laisser tranquille Astéria, « d'arrêter de m'en prendre à elle alors qu'elle ne m'avait rien fait », qu'elle était « innocente » et tout le blabla. Le tout d'un ton cinglant et dans le plus grand des calmes. Je ne l'agresse pas, je me distrait, rien de plus. Ça ne fait de mal à personne. Et en plus, ils étaient cinq alors que nous n'étions que deux, mêmes si ils ne me font pas peur. Toutefois, je décide de me taire. Je m'amuserai demain. Et puis, je ne veux pas me refaire insulter devant tout le monde.
— Tu vas vraiment t'écraser ? Sérieusement ? s'exclame Daniel, à côté de moi. Depuis quand tu fais gaffe à ce qu'elle ou plutôt ils te disent ?
— Si tu as envie de te faire insulter devant tout le monde à la sortie et perdre toute crédibilité, vas-y, je t'en prie, je rétorque
— C'est bon, ils ne diront rien. Je vais te le prouver, regarde !
Sur ce, Daniel se rapproche un peu de leur groupe. Ils sont légèrement à l'écart des attroupements, et je décide de le suivre, afin de voir ce qu'il va dire, et surtout pour voir comment elle va réagir. Je me donne contenance pour avoir l'air crédible et pour ne pas sembler être dans l'ombre de Daniel. Aleksi, dos à moi, est en train de fumer ; de la fumer s'évapore au-dessus de sa tête et monte vers le ciel assombri. Ses cheveux criards au vent, Astéria lui parle. J'ignore ce qu'elle lui dit mais ça a l'air de l'intéresser.
— Alors, l'intello, tu vas encore me dire que tu as raté ton contrôle pour te ramasser un dix-huit ? l'interpelle Daniel
J'admire la manière dont il prononce le mot « intello », comme si c'était une insulte, un truc dégoûtant et visqueux, dégoulinant d'immondices prédigérées. J'aimerais bien pouvoir transmettre autant d'images via ma prononciation, surtout que nous rêvons presque tous d'avoir des bonnes notes. Il est difficile pour moi de faire passer ce mot pour quelque chose de mal alors que je rêve d'être comme ça. Mais pas pour Daniel. Lui, il n'a aucun mal. Il ne veut pas être un nerd.
Astéria lui jette un regard abîmé et décontenancé. Aleksi se retourne vers Daniel, sa cigarette allumée aux lèvres. Quand je pense qu'au début de l'année je pensais devenir ami avec lui, ainsi que Jace... C'était avant qu'Aleksi ne se pointe au lycée avec un tee-shirt GreenDay. J'ai horreur des gens qui écoutent ce style de musique : ce sont tous les mêmes, agressifs, dégénérés et mauvais. Pas de bonnes fréquentations ! C'est toujours ce que m'ont répété mes parents.
— Oh, tiens donc, ne serais-tu pas jaloux ?
— Jaloux, moi ? D'elle ? grimace Daniel
Aleksi lève les mains en faisant une moue étrange.
— Je suis en droit de m'interroger, étant donné que je t'ai vu tricher. Je n'ai rien dit mais sérieusement, sois plus discret !
— C'est vrai que là, Daniel, tu as atteint le summum, j'interviens, les sourcils plissés et un brin moqueur
— Le prof' est bigleux de toute manière. Dis-moi, Aleksi, tu vas te comporter comme ça pendant encore longtemps ?
Je le vois froncer les sourcils, ses cheveux trop longs au vent. Et là, tout d'un coup, sans que je ne sache pourquoi, un souvenir me revient. Daniel l'avait attrapé par le col, au sens propre du terme, et l'avait humilié –ou du moins il avait essayé– il y a quelques temps. Aleksi avait tellement eu l'air impressionné, ratatiné, cette fois-là. Et il s'était écrasé, à cause des menaces qu'avait dû lui faire Daniel. Pourtant, j'ai l'impression que cela a eu lieu il y a des années, tant Aleksi me paraît différent.
Il se tourne vers Astéria, sûrement pour lui jeter un regard interrogatif auquel elle répond par un haussement d'épaule, même si ses yeux cernés criaient le contraire.
— Quoi ? finit-il par demander
Qu'elle se sente coupable de qu'on dit à Aleksi ou pas, je m'en fiche. Ses yeux implorants ne m'arrêteront pas.
— En chevalier, j'enchaîne, pris au jeu
Il lève les yeux au ciel et soupire.
— Vous ne comprenez vraiment rien, marmonne-t-il
— Et moi je croyais avoir été claire, ce midi, intervient Rosie.
Leurs présences, à elle et à Jace, avaient quitté mon esprit tant ils m'avaient semblé effacés. Les yeux bruns de Rosie lançaient des éclairs, et je crois que si ils avaient pu me foudroyer, ils l'auraient fait.
— Je vais donc répéter comme apparemment ce n'est toujours pas ancré en vous, poursuit Jace en détachant chaque syllabe, vous nous faites perdre notre temps en plus de ne pas en valoir la peine, et d'être des... Que lui avez-vous déjà dit ? Ah oui, du poison pour nous.
— Relaxe, Jace, on dirait que tu vas à la guerre ! lui répond Daniel en riant et en lui donnant une tape sur l'épaule. C'est pour rire ! On rigole juste, c'est rien du tout ! Arrêtez de tout prendre au premier degré ! C'est franchement la meilleure ! Allez, bonne soirée !
Daniel rit encore plus fort avant de tourner les talons. Je ne peux empêcher un petit sourire de naître au coin de mes lèvres devant leurs mines perplexes, et le teint livide d'Astéria.
— On dirait que vous avez vu un fantôme, je me moque.
Pour ne pas passer pour un mouton suivant son berger, je pars dans la direction opposée à celle de Daniel. Ce dernier le remarque et me rejoint.
Je dois admettre qu'au départ je n'étais pas du genre à insulter gratuitement. Je ne le faisais pas plus que ça. Or, qu'est-ce que ça me fait du bien de me défouler sur quelqu'un quand ça ne va pas ! Pas forcément physiquement mais rien que moralement ! C'est presque jouissif sur le moment. Mais, comme l'adrénaline, ça finit par redescendre. Alors, il faut recommencer, toujours plus fort, toujours plus d'adrénaline. Je compare cela à un jeu, un jeu sans fin. Rien n'est sérieux ; tout est pour rire. Chacun a sa propre thérapie. La mienne est le défoulement sur n'importe qui n'importe quand. J'y ai pris goût.
Une dernière remarque ne me fera pas de mal et ne tuera pas Astéria, sans compter que je ne suis pas vraiment sérieux. Je m'amuse juste, et puis, vu ce qu'il s'est passé à midi, j'ai bien droit à ma petite revanche. Ils en auraient fait autant.
— Hé, poil de carotte ! je crie à son attention, pense à prendre l'air ; tu ressembles à un zombie !
Je me sens vivant l'espace d'un instant, comme libéré de tout. J'en profite également pour jeter un regard noir à Jace et à Rosie, histoire d'entretenir la haine entre nous trois et jubile en les voyant m'ignorer. Daniel, à côté de moi, fusille littéralement du regard Astéria, comme pour la tester, sauf qu'elle ne le remarque pas puisque ses yeux sont rivés sur moi, tels deux sondes. Par contre, je croise les yeux bleus d'Aleksi. Son regard est encore indéchiffrable.
Cependant elle ne me répond pas. Mon envol a été bref. Mais amusant car j'ai bien vu qu'elle était à deux doigts de craquer et de me crier d'aller me faire voir, peut-être en bégayant. Heureusement que sa tendance à bégayer s'efface, car même si c'est un sujet facile pour la pousser à bout, c'est incompréhensible pour moi, pour nous.
Toutefois, ce n'est pas Astéria que j'attendais mais Alison. J'observe la brunette arriver vers moi, une mine neutre flottant sur le visage. On ne s'est pas vraiment reparlé depuis ce midi.
— Je vais te laisser avec elle, j'ai cru comprendre que vous aviez des choses d'ordre privé à vous dire, me glisse Daniel avant de me serrer la main, à demain ! »
J'acquiesce et le regarde partir avant de me tourner vers Alison, ses yeux noirs me fixant déjà d'un air contrit. Sa peau sombre contraste avec le teint immaculé d'Astéria. Mes ennuis commencent. Daniel ne savait pas de quoi il parlait...
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Hello ! Comment allez-vous ? :)
Exceptionnellement, je publierai la seconde partie du chapitre ce week-end (samedi ou dimanche) vu qu'elle est très courte. Elle sera du point de vue d'un autre personnage (féminin). Avez-vous une idée ? :) Indice : cela découle de source xD
Bref, j'espère que vous passez une bonne semaine !
Merci de me lire !
À très vite !
Honey.
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