Trop court
La soirée qui suivit fut à l'image du séjour de Sarah, magique et trop court. Harold mit les petits plats dans les grands et nous discutions de nos souvenirs communs dont Alexander semblait friand.
Il m'envoyait des regards qui me faisaient rougir, à la fois intrigué et amusé par les détails de Sarah. Celle-ci restant dans la limite du raisonnable, elle savait qu'il y avait des sujets qu'il ne fallait aborder.
Alexander sauta sur l'occasion pour revenir sur un sujet qui semblait lui tenir à cœur.
- A ce propos, Elisabeth, je voulais vous présenter mes excuses pour le malheureux souvenir qui vous a mis dans l'embarras. Vous voyez de quoi je veux parler ? me demanda-t-il très gêné.
- Oui, évidemment, répondis-je en souriant.
Sarah nous regardait, attendant la suite. J'avais plongé mon regard dans le sien et je le soutenais de toutes mes forces. Ses yeux étaient d'une douceur extrême et je me sentis enveloppée de sa chaleur, d'une substance encore inconnue entre nous.
Sarah se mit alors à faire un peu de bruit pour attirer notre attention et nous faire décrocher.
- Oui... Tu sais je t'en avais parlé, enchaînai-je en essayant de remettre mon cerveau dans le bon sens.
- Oh.... Oui... ça... oui effectivement, répondit-elle en riant un peu nerveusement.
- Je pense que je n'ai pas trouvé le meilleur sujet de conversation pour vous mettre à l'aise ce jour là.
Ce fut bientôt à notre tour de jouer les curieuses et il se plia au jeu avec un immense plaisir. Il nous expliquait les travers de son métier, les déviances. Nous écoutions avec attention et une curiosité morbide à l'affut du moindre détail croustillant. Je le soupçonnai quelques fois d'en rajouter un peu.
- Mais comment se fait-il que certains tombent aussi bas alors qu'ils ont le monde à leurs pieds ? demanda Sarah.
- Quand la célébrité vous tombe dessus d'un coup, il faut avant tout être bien entouré, garder autour de soi des gens vrais comme sa famille proche, expliqua-t-il avec un sérieux à toute épreuve.
- Mais cela parait évident non ? ajoutai-je intriguée à l'idée de pouvoir s'entourer des mauvaises personnes. Il s'adressa à moi directement.
- Et bien non pas forcément car vous basculez d'un seul coup dans un nouveau monde et que vous devenez quelqu'un d'important, bien trop aveuglé par cette soudaine notoriété, aspiré dans un tourbillon d'interview, de conférence de presse, de promotions, de voyage, de flatteries qui vous coupent peu à peu de votre ancienne vie que vous finissez par oublier malgré vous.
Il marqua une pause et baissa la tête. Je sentis du vécu. Son attitude me toucha au plus profond de moi et j'aimais ce que je découvris de lui.
- Le plus difficile est de ne pas se laisser entraîner par le côté paillettes, de la fête tous les soirs. Je reconnais que c'est très attractif et très amusant mais le jour où vous vous retrouvez au milieu d'un désert sans savoir comment vous avez atterri là et bien vous vous dites qu'il y a forcément quelque chose qui ne va pas, ajouta-t-il en essayant de rire de ce qu'il venait de dire. Mais son sourire s'estompa et le sérieux revint à nouveau sur son visage.
- Et alors ? Vous avez fait comment pour vous en sortir ? lui lançai- je.
Il tressaillit. Sa mâchoire se serra, ses lèvres se pincèrent. Il me fusilla presque de son regard vert. Un frisson me glaça entièrement. Etait-ce la question de trop ? Je ravalai ma salive et contre toute attente il répondit d'une voix très calme et pleine d'admiration.
- J'ai eu la chance de rencontrer un homme extraordinaire et qui m'a donné un bon coup de pied au cul comme on dit, qui m'a donné l'occasion de quitter cet endroit plein de tentation pour redevenir quelqu'un que je ne reconnaissais plus dans le miroir et dont plus personne ne voulait.
A nouveau il marqua une pause et sa main prit la mienne. Mon cœur éclata en mille morceaux.
- Cet homme c'était votre père Elisabeth et c'est à peu prés à cette époque là que je vous ai vu pour la première fois vous savez... dans les bras de... lança-t-il avec un grand sourire.
Je retirai ma main d'un coup, boudant.
- Et bien il faudra que tu penses à remercier ton père Lizzie, décréta d'un seul coup Sarah avec un grand sourire.
Nous la regardions en même temps chacun de nous s'interrogeant sur l'éventuel sous entendu que Sarah mettait dans son affirmation.
- Oui si ton père n'avait pas été là pour vous conseiller, Lizzie ne serait jamais venue ici...Non ? se justifia-t-elle.
- Oui... oui bien sur , répondit il en même temps que moi.
Avait-il eu les mêmes pensées que moi ? Remercier mon père de me l'avoir fait rencontrer.
Un silence s'installa, lourd, pesant interrompu par Harold nous portant les cafés. Alexander se leva d'un coup comme piqué par une aiguille, visiblement soulagé de le voir arriver et de pouvoir passer à autre chose.
- Ah ! Harold ! Merci bien. Je vais m'occuper du service, dit-il avec enthousiasme.
Sarah se tourna vers moi et me regardait les yeux grands ouverts. Je lui rendais son regard en essayant de lui faire comprendre d'arrêter ses sous entendus.
- Bien demain soir je pensais vous mener au Club 49 sur SoHo. Ca vous tente ? demanda-t-il sans nous jeter un seul coup d'œil comme s'il était déjà sûr de notre réponse à toutes les deux. Il ne se trompait pas, nous savions toutes les deux que ce club était l'endroit à la mode à Londres, très select dont l'entrée n'était réservée qu'aux membres.
- Oui... Ca nous va très bien, lui répondis-je en faisant un clin d'œil à Sarah qui trépignait sur son fauteuil.
Il nous laissa un moment plus tard prétextant des coups de téléphone à passer mais tandid que nous montions à notre étage, nous entendîmes le piano.
- C'est lui ? demanda Sarah
- Oui. Ça lui arrive assez souvent, presque tous les soirs en fait, avouais-je à demi mot.
- C'est magnifique.
La tête baissée, je soupirai.
- Ecoute Lizzie, je vais te parler de ce qui ne me regarde pas mais... tu ne serais pas en train de... craquer un peu là ? se lança Sarah.
- Je ne vais pas tricher avec toi, ça ne sers à rien, répondis-je.
- C'est pas prudent, Lizzie. Fais gaffe... ne mélange pas tout. Il fait parti de ton travail et puis... c'est un acteur. Ça n'existe pas ce genre d'histoire. Y a que Cendrillon qui a réussi à le choper son prince charmant.
Sarah s'était rapprochée de moi, pleine de regret de m'avoir dit tout ça.
- Je suis désolée, Lizzie, je ne voulais pas te faire de la peine, je m'inquiète pour toi. C'est vrai il est à tomber ce type, il a l'air d'avoir d'immenses qualités mais...
- J'en suis bien consciente, tu sais. Tout ce que tu me dis me semble tellement plein de bon sens mais j'ai aussi envie d'en profiter... J'ai envie d'un peu de rêve tu vois ?
- Oui, oui bien sur...
- Alors quoi ? Tu crois que je ne suis pas assez forte ? lançai-je un peu vexée.
- Ne te fâche pas Lizzie. Je sais que tu es forte Je veux juste te mettre en garde. Tu en as déjà tellement encaissé.
Sa voix était douce, je savais qu'elle s'inquiétait pour moi et j'appréciai sa sollicitude envers moi. Ses conseils étaient toujours pleins de sagesse et j'en avais toujours tenu compte.
Je la pris dans mes bras.
- Ne t'inquiète pas .
Elle ne répondit pas et se contenta de me serrer très fort.
Ma nuit fut tourmentée. Un mélange de rêve et de cauchemar dans lequel pour la première fois Alexander fit son apparition et dont la présence de Mathieu vint tout gâcher. Une lumière éblouissante autour d'Alexander dont le sourire m'invitait à venir le rejoindre alors que Mathieu me retenait par le bras et contre lequel je me battais. Je me réveillai plusieurs fois dans la nuit. Trop courte.
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