Tongue tied

https://youtu.be/Axx04tDQRuI

                      Le soleil me brûle . Une légère brise chaude sur ma nuque. La place est effrayamment vide. Personne aux terrasses des cafés. Les platanes se balancent doucement. Je suis là, seule, au milieu. Immobile. Mes jambes sont si lourdes. Tout tourne autour de moi. J'entends une voix de l'autre côté. Dans mon dos. Sarah. Mais que fait-elle là ? Elle me crie de courir. Elle hurle après moi. Je ne peux pas !!!! Je suis clouée sur place. Le ciel s'assombrit d'un seul coup. Sarah a disparu. Une autre présence se tient là. A côté de moi. Malveillante. Se rapproche. Je tremble de tout mon être. Je ne vois pas son visage mais je sais qui il est. Je me sens tellement vulnérable, à sa merci. Je sens son souffle court dans mon cou. Je sais qu'il sourit. Des larmes coulent sur mes joues. Ce ne sont pas mes larmes. Elles sont rouges. C'est du sang !!!. Du sang coule sur mes joues !!! Je ne souffre pourtant pas. Il est toujours là. Il passe sa main dans mes cheveux, sur mon cou. Il serre ma gorge. Il chuchote à mon oreille. Je n'entends pas les mots qu'il prononce mais je sais qu'ils sont terrifiants. Il lèche mes joues ensanglantées. J'ai envie de hurler, je n'y parviens pas. J'ouvre la bouche. Aucun son ne sort. Muette. Je veux me réveiller. Je n'y arrive pas. Coincée, une fois de plus. Mais réveille-toi !!! 

En sueur, je me redresse sur le lit. Mes mains s'agitent dans ma chevelure pour le faire partir. J'essuie mon visage. J'ouvre enfin les yeux. Je regarde mes mains. Rien. C'est fini. Je me lève d'un bond, fais quelques pas dans ma chambre. Mon cœur bat la chamade. J'examine autour de moi pour me rassurer d'être au bon endroit. Oui je suis en sécurité !! Calme toi Lizzie, calme toi tout va bien. Tout va bien. Il n'est pas là. Il ne peut pas t'atteindre.

Je me ruai sur l'une des loveuses. Assise. Recroquevillée. Je serrai mes genoux contre ma poitrine et me berçai doucement. Je repris peu à peu mes esprits tourmentés et torturés. A ma montre 5 heures du matin.

Enfin apaisée mais trop angoissée à l'idée de retomber dans ce cauchemar que je connaissais trop bien pour l'avoir fait des centaines de fois. Chaque fois le même.

J'enfilai ma robe de chambre et descendis à la cuisine pour boire un grand verre de lait chaud.

Le calme habituel de la maison me parut morbide. Ce manque de bruit, de lumière me donna la chair de poule. Je pris ce dont j'avais besoin et remontai aussitôt. (Arrêt du morceau de musique)

Ma fin de nuit fut agitée, j'eus du mal à me rendormir sereinement. Du coup, mon réveil fut tardif. Je ne m'inquiétai pas pour autant, je savais que le rendez vous d'Alexander durerait une bonne partie de la matinée. J'avais donc un peu de temps pour me préparer.

Néanmoins, j'appréhendai cette rencontre. Allait-il toujours m'en vouloir pour mon écart de conduite ? Je ne me sentais pas particulièrement à l'aise avec ça. Ma première préoccupation fut d'aller présenter mes excuses à Stewart.

En me dirigeant vers les garages, je préparai mon discours mais je savais que dans tous les cas j'avais tort. Je frappai. Stewart me répondit d'entrer. Quand il me vit son visage se ferma.

- Bonjour Stewart, commençai-je avec un léger sourire.

- Miss Lacoste, répondit-il par politesse. Son mécontentement était palpable. Inutile de lui demander comment il allait, c'était plus qu'évident.

- Ecoutez... continuai-je, je suis venue vous présenter mes excuses pour mon comportement d'hier.

Il n'avait ni bougé ni sourcillé, il continuait à astiquer la Jaguar tout en écoutant mon pitoyable speech qui n'avait pas l'air de le convaincre.

Toujours pas de réponse de sa part, cela voulait dire qu'il ne fallait pas insister.

- Bon... et bien alors passez une bonne journée. Sachez seulement que je regrette vraiment , insistai-je.

Un peu déçue, je m'avançai vers la sortie. Je comprenais qu'il réagisse ainsi et qu'il soit vexé mais je n'avais rien de plus à ajouter. Au moment où je m'apprêtai à sortir il me dit :

- J'ai eu très peur pour vous, Miss.

- Je sais et je le comprends, répondis-je penaude.

- Je suis là si vous avez besoin de moi, ajouta-t-il à voix basse.

- Merci, lui dis-je en lui souriant.

Il ne me rendit pas mon sourire cependant mais je pris cette dernière phrase comme s'il avait accepté mes excuses et je sortis un peu soulagée certes mais guère plus.

Quelques heures plus tard, une Aston Martin grise se gara dans l'allée. Alexander en sortit. C'était donc sa voiture personnelle. Magnifique, racée, élégante à l'image de son conducteur. De la fenêtre de ma chambre je le regardai garer cette splendeur.

Je restai dans ma chambre attendant qu'il vienne me chercher. Tout était prêt. J'avais réfléchi à ce que nous allions faire aujourd'hui. J'espérai seulement qu'il trouve cela professionnel.

On frappa à ma porte. J'ordonnai d'entrer.

- Bonjour.

C'était lui.

- Je voulais juste m'excuser pour le retard. Je prends une douche et on se rejoint dans la Family room, me dit-il en ne passant que sa tête à la porte.

- Euh... D'accord, lançai-je.

La porte se referma aussi sec.

- Bon, pensai-je, la Family room... Oui mais c'est où ? Il en a de bonnes lui...

Je pris donc mes affaires et descendis m'enquérir de cette nouvelle partie de la maison. Comme toutes les pièces principales se situaient au rez de chaussé, il fut évident pour moi que celle-ci se trouva avec les autres. Le nom donné me semblait quelque peu étrange et je me demandai ce que j'allais y trouver. Il n'y avait qu'une seule porte que je n'avais pas encore franchie, juste à l'entrée de la maison.

A l'intérieur, une grande table plus haute qu'à l'accoutumée, entourée de hauts tabourets donnant à la pièce un côté atelier.

Sur un pan de mur, des peintures et dessins, naïfs mais structurés. Sûrement faits par un enfant. Si j'avais du donner un âge à l'artiste j'aurais dit 8 ans. Le stade bonshommes têtards était passé et je pouvais distinguer une certaine recherche dans le choix des couleurs. L'un des dessins représentait Alexander jouant du piano. J'y perçus de l'admiration.

Tout le reste de la pièce était chaleureux. Des poufs de couleurs faisaient office de fauteuils, des livres de partout et un coffre immense dans lequel j'imaginai jouets et autres déguisements.

Alexander entra sur ces entre faits, les cheveux encore humides et un peu en bataille. Son entrée me fit frémir, un courant électrique me traversa tout le dos. Il m'envoya un sourire qui me fit comprendre qu'il avait mit de côté l'incident de la veille. Je bénis une étagère qui me permit de ne pas perdre face, furtivement je pris le premier livre qui me tomba sous la main. Il s'approcha.

- Vous aimez les contes ? me dit-il en faisant sa moue et son sourire en coin.

- Comment ? lui répondis-je surprise.

- Vous avez pris le livre de When we were very young .

Je regardai la couverture et effectivement dans ma précipitation j'avais choisi un livre pour enfant. Je sentis mes joues devenir aussi rouges que le pouf sur ma gauche et je ne sus quoi répondre. Il me facilita la tache.

- C'est sûrement une histoire qui a du vous marquer dans votre enfance, me dit-il d'une voix douce.

Il s'était à nouveau approché de moi, si prés que je pouvais sentir son parfum. Enivrant bien sur, si bien que j'eus une soudaine envie de lui sauter au cou. Adieu les bonnes manières ! Complètement perdue dans mes pensées, je dus lui paraître totalement absente car il éprouva le besoin de me rappeler à l'ordre en insistant lourdement.

- Hou! Hou ! Elisabeth ! Vous êtes avec moi ? me dit-il moqueur.

- Quoi ? Comment ? Euh... Oui bien sur... Pardon, répondis-je en essayant de sortir de ma torpeur. Je reculai d'un pas mais ma maladresse reprit le dessus et je m'affalai de tout mon long sur les poufs.

Il se précipita vers moi pour m'aider à me relever. Alors que je riais jaune, il plongea son regard dans le mien avec le même sourire que j'avais essayé de fuir cinq minutes auparavant.

- Vous devriez faire attention où vous mettez les pieds. Allez venez.

Je pris ses deux mains et me retrouvai presque dans ses bras, mon regard dans son cou, je fixai une goutte d'eau qui roulait doucement d'une mèche encore mouillée de ses cheveux.

- Ça va ? me demanda-t-il

Je hochai la tête pour acquiescer,incapable de dire quoique ce soit de toute façon .

https://youtu.be/xwZTiSzJCMA

- On se met au travail ? lui demandai-je.

- C 'est parti, me dit-il fier de lui.

Je le repris de suite sur sa façon de prononcer le « r » . Il se mit à me sourire. Cela avait l'air de beaucoup l'amuser .

- On va voir si vous rigolez autant dans une heure ou deux, annonçai-je d'un ton sarcastique.

Je sortis d'une pochette un gros paquet de post-it pour étiqueter chaque mots que j'allais lui apprendre avec la phonétique pour qu'il se souvienne de la prononciation. Il me regarda intrigué et ce fut à moi d'avoir un sourire en coin.

- On va réviser votre vocabulaire, lui dis-je

- D'accord, me répondit-il en s'appliquant pour le R.

Je ne pus m'empêcher d'émettre un gloussement qu'il remarqua.

- Quoi ? Vous moquez ? me lança-t-il un peu vexé.

- Non ! non ! pas du tout mais vous êtes très... sérieux c'est ... bien.

J'avais envie de dire mignon, sexy, à tomber mais je me mordis la langue.

- Il faut dire vous vous moquez, rajoutai-je.

Il répéta la phrase et j'en profitai pour lui faire répéter encore et encore sa façon de prononcer le OU qui était aussi difficile pour un Anglais que le R.

Nous restions dans cette pièce pendant au moins une heure, épluchant le moindre objet, lui collant un post-it avec le nom français dessus. Certains mots m'échappaient et mes hésitations lui donnèrent l'occasion de se moquer de moi soit d'un rire sous cape soit d'un coup d'épaule en passant près de moi ce qui me faisait à chaque fois faire un pas sur le côté.

Un début de complicité avait fini par s'installer entre nous en sortant de la Family room. L'heure du déjeuner s'avançant, notre appétit nous poussa vers la cuisine.

Au fur et à mesure que nous préparions notre repas, un post-it venait automatiquement se poser sur une boite de conserve, un ustensile de cuisine, un tiroir, un placard.

Même l'intérieur du réfrigérateur ne fut pas épargné : jus d'orange, œufs, beurre, fromage... Un post-it pour chaque chose présente. Toujours en insistant sur la prononciation du OU et du R qui restaient les points délicats.

Pour une première fois il se débrouillait assez bien. C'était un élève sérieux, écoutant attentivement la moindre de mes explications, fronçant les sourcils pour mieux se concentrer, répétant inlassablement, quelques fois jusqu'à cinq ou huit fois le même mot jusqu'à ce que je sois satisfaite. Je le regardai moi aussi se concentrer pour me contenter. Je le trouvai fascinant, m'attardant sur sa bouche pour suivre le mouvement de ses lèvres si parfaites. Je le surpris à faire la même chose mais avait-il seulement les mêmes idées que moi. J'en doutai fortement bien sur.

Notre repas terminé, il me proposa de prendre un café sur la terrasse. Son anglais le rattrapa.

« On p®end le coffee sur la te®asse ? »me dit-il le plus sereinement possible.

Je lui lançai un petit regard de côté et faisant une moue coquine.

Il comprit immédiatement et se reprit reformulant sa phrase et insistant sur ses R qu'il commençait à maudire.
J'entendis un " Damn it"

Je jetai un dernier coup d'œil à la cuisine et j'émis un petit rire qu'Alexander ne perçut pas. En passant, nous en profitâmes pour épingler tout le mobilier de la Dining room : chaises, table, nappe, tableau, buffet. Chacun eu droit à son petit bout de papier coloré ce qui donnait un peu de fantaisie à la maison blanche.

A l'extérieur je lui proposai de faire un petite pause qu'il accepta immédiatement.

Au bout de quelques minutes, Harold fit son apparition sur la terrasse.

- Monsieur a-t-il vu l'état de la cuisine ? lança-t-il pincé.

- Oui, Harold j'ai vu, répondit Alexander en me faisant un clin d'œil.

- Que dois-je faire de tous ces... papiers Monsieur ? demanda-t-il espérant qu'on lui dise de tout nettoyer. Il fut déçu.

- Surtout ne touchez à rien, ce sont mes devoirs, décréta Alexander.

Je ne disais rien. J'attendais un peu crispée regardant Harold qui me fit son regard noir pour me faire comprendre que tout était de ma faute. Alexander s'en rendit compte il se tourna vers Harold et lui lança avec un large sourire.

- C'est la vie, Harold ! avec un véritable R bien français.

   Je le félicitai et nous nous mîres à rire au grand désespoir d'Harold qui retourna à sa cuisine post-ité en levant les yeux au ciel.

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