Pour Elle

Je m'approchai d'elle. Doucement pour ne pas l'effrayer davantage. Elle dormait. Les cheveux en bataille. Du sang sur son front et sa joue. Qu'avait-il bien pu lui faire cet enfoiré? Une haine jamais ressentie auparavant prit possession de mon cerveau dont l'obsession fut de la sortir de là avant tout et de le retrouver pour lui régler son compte ensuite.

Je m'accroupis, posa ma main sur sa bouche pour ne pas qu'elle crie en me voyant. Ses yeux s'ouvrirent enfin. J'y lus la terreur dans un premier temps.

- Chut ! Je suis la, lui chuchotai-je

Son regard s'illumina dans un deuxième temps du soulagement de me voir à ses côtés. Elle se mit à pleurer. En silence. Je la serrai dans mes bras et m'empressai de détacher ses liens qui l'empêchait de me rendre mon étreinte.

- Tu es là, comment m'as-tu retrouvé ? me souffla-t-elle en retrouvant son énergie et en m'aidant à la libérer.

- Mickael. C'est lui qui s'est souvenu de cet endroit.

- Où est Mathieu ?

- Je ne sais pas mais s'il te plait, laisse-moi te mettre à l'abri d'abord.

Je l'aidai rapidement à se relever et nous sortîmes avec précipitation de cette cabane. Je lui prit la main et n ous nous mîmes à courir à travers la garrigue. La lune, clémente, nous permit de nous diriger plus facilement à travers cette nature hostile dont les cailloux et piquants blessaient les pieds nus d'Elizabeth.

Il surgit soudain derrière nous comme un diable sortit de sa boîte, attrapant Elizabeth par le bras et la tirant vers lui. Elle me lâcha . Une main sur sa poitrine il la menaçait d'un couteau sous la gorge de l'autre. Elle poussa un cri de frayeur m'implorant du regard. Je m'arrêtai net, impuissant.

- Lâche la Mathieu, ordonnai-je. C'est fini. Tout le monde sait que tu es là. N'aggrave pas ton cas.

- Parce que tu crois que tu peux décider à ma place ? hurla-t-il après moi. Tu crois que tu peux arriver comme ça et jouer au héros ? Toi l'acteur ?

- Non bien sur que non, ajoutai-je en essayant de le calmer.

- Tu vois comme tu te dégonfles d'un seul coup, ironisa-t-il. C'est avec ça que tu veux faire ta vie Lizzie ? continua-t-il.

- S'il te plait Mathieu, arrête !!! Je t'en supplie, lança Elizabeth tétanisée.

- Tu vaux mieux que ça. Moi je serais prêt à mourir pour toi, tu le sais bien, continua-t-il en embrassant sa joue. Elizabeth essaya de se dégager mais il resserra son emprise.

Je fis un pas en avant prêt à bondir sur lui mais il me l'interdit.

- Ne bouge pas sinon... dit-il en serrant la lame sur la gorge d'Elizabeth. Je ne peux pas vivre sans elle .. si je ne peux l'avoir personne d'autre ne l'aura .Tu peux me croire je n'ai plus rien à perdre.

- Ok, c'est bon j'ai compris, répondis-je les mains en avant en signe d'apaisement. Dis-moi ce que tu attends de moi.

Il se mit à rire fort resserrant Elizabeth plus fort contre lui. Je tremblai pour elle. La rage que j'avais en moi était réfrénée par l'envie de la sauver.

- Dis-moi un peu, toi l'acteur, commença-t-il. Dis-moi à quel point tu l'aimes ?

- Pourquoi veux-tu savoir ça ? questionnai-je pour gagner du temps, espérant l'arrivée des secours à n'importe quel moment.

- Tu n'es pas en position de poser des questions, coupa-t-il fou furieux. Dis-moi à quel point tu l'aimes !!

Je scrutai les yeux implorants d'Elizabeth qui semblait presque s'excuser. Je ne pus détacher mon regard du sien comme si soudainement nous n'étions que tous les deux. Une force monta en moi et je fus porté par tout cet amour que je voulais partager avec elle. Elle seulement.

- C'est elle qui me fait respirer. Que puis-je te dire de plus que tu ne sais déjà, lançai-je sans quitter ses yeux qui se fermèrent à mes mots.

- Ah vraiment ? tu crois l'aimer plus que moi ? tu crois la mériter plus que moi ? fêla-t-il.

- Je n'ai pas dit ça, m'interposai-je.

- Alors voila le deal l'acteur ! Je promets de la laisser partir, de me rendre aux autorités, de rester enfermer à vie à condition que tu sautes, proposa-t-il avec sadisme.

Elizabeth se mit à hurler et à se débattre.

- Tu ne peux pas faire ça Mathieu !! Non ! Je t'en prie, je resterais avec toi, je ferais ce que tu voudras, s'il te plait, l'implora-t-elle.

De mon côté, je constatai que nous étions au bord d'une falaise dont l'obscurité de la nuit m'empêchait de voir le fond du précipice dans lequel je devais me jeter. Contrairement à ce que j'aurais pu penser, la panique ne me saisit pas. Je restai serein. Une évidence peut être pour moi, pour la sauver.

- Quelles garanties je peux avoir ? qui me dit que tu ne changeras pas d'avis après ça, demandai-je calmement.

- Tu n'en as aucune, tu dois te fier à ce que je te dis point, triompha-t-il.

- Si c'est le prix à payer pour sa vie à elle, je le ferai, me soumis-je.

Elizabeth se mit à nouveau à hurler. Je perçus de la douleur au travers de ses cris, une déchirure et puis plus de cri, plus un son ne sortirent de sa bouche. Elle reprit sa respiration.

- Ne fais pas ça, me pria-t-elle, pense à Jake. Tu n'as pas le droit de faire ça, si tu sautes je sauterais tout de suite après toi.

Cette dernière phrase désarçonna Mathieu.

- Tu donnerais ta vie pour lui ? demanda-t-il doucement.

- Oui, cria-t-elle, sans hésiter.

Mathieu lâcha son emprise tout en continuant de menacer Elizabeth de son arme. Puis il se tourna vers moi, le regard furibond, animal.

- Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as, me cracha-t-il à la figure.

- Bien sur que si je m'en rends compte, répondis-je calmement.

Il semblait incontrôlable, nous regardant chacun notre tour, hésitant sur lequel d'entre nous il allait se jeter.

- Allez vas- y saute, finit-il par me crier en s'approchant de moi avec son couteau.

Je m'exécutai, fis un pas en arrière en m'approchant du bord de la falaise, le regard vers Elizabeth. Le visage souriant de Jake m'apparut soudain. Je reculai une fois de plus. Elizabeth se mit alors à courir vers moi, je la vis arriver sur moi sans réfléchir, sans crier garde. Je tendis les bras pour l'accueillir mais Mathieu s'interposa et d'un geste il la repoussa, si fort qu'elle fit un bond en arrière et tomba sur le dos.

Fût-il pris de remords ? Toujours est-il qu'il se précipita sur elle pour s'assurer qu'elle allait bien. Je profitai qu'il me tournait le dos pour l'assaillir et tenter de le désarmer. Je parvins à le tourner vers moi et à lui assainir un violent coup de poing qui le fit trébucher. Il se reprit immédiatement et me fonça tête baissée dans l'estomac. Je me retrouvai au sol à quelques mètres du bord, la respiration coupée par cet assaut et il en profita pour me rendre le coup de poing que je lui avais adressé précédemment. La douleur fut intense, je sentis ma tête se déglinguer et ma vue se brouilla. J'essayai de me ressaisir ne me laissant pas dépasser par mes sens, la poussée d'adrénaline qui montait en moi décupla mes forces et mon envie d'en finir avec lui. Je le repoussai du pied et il se redressa. J'en profitai pour faire de même. Il essuya le filet de sang qui coulait de sa bouche. Je me ruai vers Elizabeth qui reprit peu à peu ses esprits et se jeta dans mes bras.

- J'ai eu si peur, me souffla-t-elle

- tu veux jouer au héros hein Acteur, m'aboya-t-il dessus.

Sa colère était mêlée de larmes, son visage se déformait d'incertitude et de haine. Sa mâchoire se serrait de rage.

- Tu ne me voleras pas cette partie là aussi, continua-t-il sur le même ton. Elizabeth, tu ne vois pas que ton héros c'est moi ?

Celle-ci le regardait à la fois effrayé et peiné de le voir ainsi.

- Arrête Mathieu, je t'en prie, le supplia-t-elle.

- Je ne peux pas Lizzie, je dois aller jusqu'au bout, dit-il en pleurant nerveusement. Ne m'en veux pas s'il te plait.

Il se tourna vers la falaise et se mit à courir pour sauter. Elizabeth lui hurla de s'arrêter, les bras tendus vers lui, désespérée. Dans un dernier espoir je tentai de l'intercepter, je me jetai à terre pour le plaquer mais je sentis soudain le sol se dérober sous mes pieds, notre élan nous faisant glisser sur un terrain instable. J'arrivai à lui attraper la main mais son poids m'entraina. Ses doigts lâchèrent les miens et j'entendis un cri strident au dessous de ma tête suspendue dans le vide noir de la nuit. Le sol se déroba et je le suivis dans sa chute.

https://youtu.be/7OgzAmg41JE

Une sensation d'être happé. Le vide . Un choc puis un autre. Des craquements différents. Secs puis douloureux.

Trou noir.

Le silence...

Des voix, des lumières, vives, agressives. Sur moi. Ils m'ont trouvé. La douleur elle aussi vive, agressive. Mon esprit est éveillé mais mon corps reste inerte. Mes paupières sont trop lourdes, je ne peux les ouvrir. Je me sens tiré vers le bas doucement, je sens le sol sous ma tête. Il est glacé, rocailleux. La souffrance encore et toujours, diffuse, sournoise et sourde. Des voix encore précipitées, actives, acharnées sur moi. D'autres plus lointaines, découragées, dépitées. Je les entends, ils parlent de Mathieu. Tout est fini pour lui.

La chaleur tout à coup sur mon visage, sur mes joues, mes lèvres. Elizabeth. Je l'entends sangloter dans mon cou. Je la veux dans mes bras. Impossible. Torture physique. Je l'écoute me dire que tout va bien, de ne pas m'inquiéter, qu'elle est là prés de moi.

Mais je le sais, Lizzie, je te sens. Je n'ai plus peur.

Je t'écoute me dire inlassablement ces trois mots que tu avais eu si peur de me dire. Plénitude absolue d'un amour infini pour lequel je suis prêt à donner ma vie.

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