La TATE
Pour info chers lecteurs et lectrices la Tate est un musée d'art moderne à Londres
Les portes s'ouvrirent.
Des regards braqués sur nous. Une pièce immense. Des gens sur leur trente et un. Alexander me tendit la main, je m'empressai de la lui prendre et m'accrochai à son bras. Le sourire aux lèvres, il serrait des mains à chaque pas. Les femmes lui souriaient et me regardaient de bas en haut pour ensuite faire des messes basses entre elles. Une invitée surprise. L'objet de toutes les interrogations. Je finis vite par me sentir mal à l'aise, restant en retrait mais toujours accrochée à son bras. Malheureusement pour moi, nous fûmes séparés lorsqu'une femme d'une cinquantaine d'année vint l'interpeller les bras au ciel comme si elle avait vu le messie.
« Alexander !! Chéri ! Tu es enfin là ! Cette soirée n'attendait que toi pour être parfaite, lui dit-elle sans même m'adresser un regard.
Elle l'attrapa par les épaules et l'amena très habilement vers elle, me retrouvant là plantée au milieu d'inconnus qui me dévisageaient tous autant qu'ils pouvaient. Des vautours prêts à me réduire en charpie.
Alexander se retourna vers moi et me lança un regard de désolation. Je soupirai de regret moi aussi.
Le buffet en vue je me frayai un chemin pour y accéder. Je pris une assiette et la remplie. En jetant un œil discret autour de moi je dus me rendre à l'évidence que je devais sans doute être la seule à vouloir profiter des ces petits fours. Des regards réprobateurs se posèrent sur moi. Toutes ces femmes parfaites, toutes aussi belles les unes que les autres, toutes, semblaient s'étonner de me voir.. comment dire..manger ! Y avait-il aussi un code dans ce genre de soirée ? Cela finit en fait par m'amuser.
Non, Mesdames, je n'ai rien en commun avec vous, je me moquai bien de savoir si je pourrais demain à nouveau rentrer dans ma robe, je suis une épicurienne moi Mesdames, je n'ai aucun compte à vous rendre. Et tout en scrutant tous ces visages hostiles, je mis un mini sandwich en prenant bien soin de fermer les yeux de plaisir.
En passant, j'arrêtai un serveur pour prendre une coupe de champagne.
L'organisatrice de la soirée fit un discours interminable durant lequel je surpris Alexander en train de m'observer de l'autre côté de la pièce. Il n'écoutait pas, il me regardait, amusé sans doute de voir à quel point je pouvais m'ennuyer. Il me sourit ce qui me fit rougir bien évidemment.
La foule à nouveau nous empêcha de nous retrouver. Je quittai alors cette immense pièce dans laquelle je commençai à suffoquer et me dirigeai vers les toilettes pour me rafraîchir un peu.
A mon grand désespoir ma tranquillité fut rapidement écourtée par des rires féminins aigus. Je me précipitai dans l'un des toilettes disponibles et fermai la porte. M'asseyant sur la lunette, je pris soin de ne pas laisser dépasser mes pieds pour ne pas être démasquée. Trois femmes. Hilares.
« En tout cas je ne sais pas chez qui elle est allée pour ses injections mais alors c'est complètement raté, tu as vu sa paupière, elle tombe complètement sur son œil ! lança l'une en riant fort.
- Tu devrais lui donner le nom de ton chirurgien, explosa une autre
- Mais tu plaisantes, ça risque pas. Ces choses là ne se prêtent pas tu le sais bien, dit la dernière.
- Au fait, vous avez vu Alexander Nolan ce soir ?amorça la deuxième.
Mon attention fut attisée, je levai la tête et m'approchai de la porte pour mieux entendre.
L'une d'elle se mit à glousser comme une dinde.
- Bien sur qu'on l'a vu, ne sois pas idiote. Il est tellement sexy, soupira-t-elle.
Je levai les yeux au ciel.
- Tu as raison et tellement célibataire, souffla une autre.
- Oui, d'ailleurs ce n'est pas normal. Comment un homme aussi attirant, aussi convoité peut-il rester seul dans la vie ?, demanda la dernière.
- Mais il n'était pas seul ce soir, vous l'avez aussi bien vu que moi non ? décréta l'autre.
Je me redressai, piquée par une aiguille, c'était de moi qu'elles parlaient. Ma curiosité me poussa à attendre ce qu'elles avaient à dire.
- Oui c'est vrai ! Mais qui est cette fille? Personne ne la connaît, d'où sort elle ?
- J'en sais rien du tout mais en tout cas je sais d'où sort sa robe, ajouta la dinde.
- C'est bizarre qu'il soit avec elle. Il était censé venir avec Jordana, j'en suis sure. Elle me l'avait confirmé d'ailleurs elle espérait beaucoup de cette soirée si vous voyez ce que je veux dire...dit-elle en riant et en se recoiffant.
- Oh oui ! répondirent les deux autres en chœur.
- Mais alors c'est qui cette fille bon sang ? insista l'une.
- Oh, il a bien fallu qu'il remplace Jordana rapidement histoire de ne pas perdre la face ce soir. Je suis sure qu'il est passé par une agence d'escort, annonça celle qui se recoiffait.
Des toilettes, j'écarquillai grand les yeux et la bouche ouverte de stupéfaction. Une envie soudaine de sortir et de lui crêper son chignon monta en moi mais j'attendis la suite. Patiemment.
- Tu crois vraiment que c'est son style de faire appel à ce genre d'agence ? demanda l'une
- Hum... Ce serait pas le premier, répondit l'autre.
- Je sais pas, j'ai surpris des regards entre eux comme s'ils se connaissaient bien déjà, non je sais pas même lui je l'ai vu la chercher plusieurs fois dans la soirée, lança la dinde.
- Ça m'intrigue tout ça. Je vais mener mon enquête croyez moi les filles, annonça la plus virulente de toutes.
Les deux autres se mirent à rire un peu nerveusement persuadées que leur amie ne plaisantait pas à ce sujet, puis elles sortirent.
J'attendis encore une minute pour être sure d'être vraiment seule puis abandonna ma cachette. Je me regardai dans le miroir et soupirai. Mon reflet ne me plut pas, il était faussé.
Non je n'étais pas celle avec qui il devait venir au départ. Pas d'invitation spontanée donc, je venais de gagner le statut de simple remplaçante, une vulgaire roue de secours et comble de tout on me prenait pour une call girl. La totale. La colère et la déception prirent place dans mon esprit et l'envie de prendre mes jambes à mon cou pour rentrer m'envahit.
Pourtant fuir n'était pas la solution je l'avais trop souvent fait. Alors tant pis j'allais rester. En rejoignant la pièce principale, je me mis à suffoquer à nouveau. Tous ces gens, surfaits, superficiels qui se permettaient de juger sans connaître commençaient vraiment à me donner le tournis. J'éprouvai le besoin de m'aérer, de sortir. Une baie vitrée de l'autre côté de la pièce m'indiquait la sortie. Je me faufilai à travers la foule, anonyme, personne ne fit attention à moi.
Au passage, je récupérai une coupe de champagne, indispensable outil dans ce genre de soirée et qui prolonge artistiquement la main.
Une serveur anticipa mon arrivée et m'ouvrit la porte de la baie vitrée en me souriant au passage. Seul vrai sourire de cette soirée interminable.
J'arrivai sur une grande terrasse qui surplombait la Tamise avec une vue imprenable sur le Millenium Bridge et la cathédrale St Paul. Quelle vue magnifique !
Le bruit de la ville remonta jusqu'à moi et je me rendis compte à quel point j'étais coupée de la vraie vie. L'intérieur était un autre univers bien différent du mien mais dans lequel lui faisait parti.
J'inspirai fort et fermai les yeux, écoutant le moindre son. Un bien être m'envahit. Je n'avais même pas froid. Je m'aperçus vite que je n'étais pas seule. Les fumeurs, les parias des soirées se trouvaient là, ceux qui sortent non pas pour respirer mais pour s'intoxiquer.
L'un du groupe me vit les regarder et de loin me proposa une cigarette que j'acceptai d'un hochement de tête. Chacun fit un bout de chemin pour rejoindre l'autre. Je pris la cigarette, la porta à mes lèvres et il l'alluma. Ce moment aurait pu être le moyen d'engager la conversation afin de ne pas finir la soirée seule à me morfondre mais je préférai tourner les talons et retrouver mon coin de terrasse.
Une coupe de champagne sur le rebord, une cigarette à la main, je tournai le dos à la soirée.
La première bouffée me monta à la tête plus vite que le champagne et je me sentis emportée. Quel paradoxe !! Quel leurre !
Mes pensées vagabondaient. Je repensai à mon arrivée et aux six semaines qui s'étaient écoulées. Je n'arrivai pas à en regretter une seule.
Sa voix me sortit de mes songes
- Je ne savais pas que vous fumiez, dit-il d'un ton rieur. Même le dos tourné je perçus son sourire en coin. Je ne bougeai ni ne lui répondis. Je fis la tête de celle qu'on vient de prendre la main dans le sac. Il s'approcha de moi et regarda au loin.
- Quelle vue extraordinaire ! la soirée aurait du se passer ici. Il m'arrive d'oublier à quel point cette ville peut m'éblouir.
Sur ce point, nous étions d'accord mais je ne répondis toujours pas. Il se tourna alors vers moi.
- Vous permettez ? me demanda-t-il en m'enlevant la cigarette du bout des doigts. Il la porta à ses lèvres et tira dessus. Je le regardai faire et mes yeux s'attardèrent sur sa main. Je ne pus m'empêcher de suivre son mouvement lorsqu'il prit une deuxième bouffée. Je n'arrivai pas à lui trouver de défaut même lorsqu'il fumait il se dégageait de lui une classe naturelle qui le rendait irrésistible.
Il m'agaçait.
A quel moment allai-je enfin arriver à lui en vouloir jusqu'au bout ?
- Merci, me dit-il en me rendant ma cigarette.
Je ruminai. Quelque part j'avais espéré qu'il souhaitait vraiment ma compagnie. En même temps, quelle prétention de ma part. Nous ne nous connaissions que depuis quelques semaines même s'il faisait plus partie de ma vie que moi de la sienne, tellement remplie. Je finis par me détendre un peu. Je me mis à soupirer.
- Quoi ? me demanda-t-il en me souriant.
- Savez-vous que l'on m'a prise pour une call girl ? lui dis-je d'un ton amusé.
- Vraiment ? s'enquerra-t-il d'abord amusé puis il baissa la tête gêné.
- J'en suis désolé croyez-moi, ajouta-t-il.
- Et bien... en fait... Je ne sais pas bien comment prendre cette remarque, dis-je en fronçant les sourcils.
Il me regardait perplexe, interrogatif. Ses yeux verts se plongèrent dans les miens et je fus heureuse d'être adossée contre le rebord de la rambarde du balcon.
- Vous êtes vraiment surprenante, Elizabeth. N'importe quelle femme se serait sentie offensée et vous... Vous ne savez pas comment prendre cette remarque ?
- Oui... En fait je ne sais pas si je peux prendre ça comme un compliment ou ...
- Un compliment ? Je ne vous suis pas là
Cette conversation avait l'air de beaucoup l'amuser et à la fois de le terrifier. Je me justifiai vite.
- Et bien ... Ce sont de très belles femmes en général.
- Oui...c'est vrai
- Et je suis persuadée que certaines ne servent d'escorte que pour faire un peu de présence , ajoutai-je crédule.
- Il n'y en a pas beaucoup, lança-t-il.
Ce fut à mon tour de le regarder d'un air perplexe et interrogateur. Ce qu'il remarqua aussitôt. Il me sourit et ajouta.
- Enfin... à ce qu'on m'a dit.
- Oui... Bien sur.
Nous échangeâmes nos sourires puis nos regards se portèrent sur St Paul.
- C'est vrai que c'est magnifique ici, pensai-je tout haut.
Je sentis qu'il se tournait vers moi.
- En effet, dit-il dans un soupir.
Un long silence s'installa et il se mit à nouveau à sourire. Il me tendit la main et sans avoir à me le demander, je compris qu'il m'invitait à danser.
- Je crois que nous avons assez de place ici, me dit-il doucement toujours souriant.
Il prit ma main droite et de la sienne m'attira à lui par la taille aussi tendrement qu'une caresse.
Je posai mon autre main sur son épaule et le laissait me guider. Ses pas étaient précis, je n'eus aucun mal à le suivre. Intérieurement, je remerciai mon père de m'avoir appris à danser .
Plus la musique avançait, plus je me sentais fondre dans ses bras.
Pourvu qu'il ne s'en rende pas compte !. J'évitai de lever la tête pour ne pas croiser son regard. Le mien m'aurait trahi certainement. Il rompit le silence.
- Merci... merci d'avoir accepté de m'accompagner ce soir.
- C'était une belle soirée, répondis-je en levant en levant la tête. Je me noyais dans son regard et il eut ce sourire en coin qui voulait dire « je sais » et que j'aimais par-dessus tout.
Son emprise se fit plus pressante. Sa main posée sur mes reins me serrait comme s'il ne voulait pas que je m'échappe. Je n'aurai pu aller nulle part. Je n'entendais même plus la chanson, je ne suivais que ses pas. Je ne sentais même pas la légère brise sur mes épaules mais seulement son parfum qui m'enivrait. Je ne voyais plus les gens autour de nous, je ne percevais plus leur voix, je n'entendais que la sienne posée, douce et pourtant incapable de pouvoir dire de quoi il parlait. Captivée par chacun de ses mots qui devaient, mis bout à bout, faire une phrase mais dont je n'arrivai à faire une quelconque connexion. Ils étaient beaux et doux, tendres et sincères. Je ne regardai que le mouvement de ses lèvres.
Il lâcha ma main et approcha la sienne de mon visage. Mes jambes ne me portaient plus, je n'avais pas quitté ses yeux enveloppée par son regard émeraude. Il me sourit avec une telle douceur que mon cœur lâcha prise et s'arrêta de battre un court instant, il reprit d'un rythme effréné lorsque sa main effleura ma joue pour remettre en place une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. Je sentis alors la chaleur de sa main embraser mon cou.
- C'était dommage, je ne vous voyais qu'à moitié, me dit-il avec une moue enjôleuse.
Je ne pus répondre.
Il continua à me sourire. Je le fixai grisée par la musique. Son regard se fit plus tendre encore et son pas ralentit, je sentis son étreinte s'intensifier et sa main se ferma doucement sur la mienne. Il soupira et sourit à nouveau. Il s'apprêtait à me dire quelque chose lorsque son regard se porta au loin, et tout en relâchant son étreinte, je perçus du regret dans les paroles d'excuses qu'il prononça avant de s'éloigner.
Je masquai ma déception de ce moment trop vite écourté. Je le suivis du regard. Je le regardai marcher, démarche fluide, calme une main dans l'une de ses poches, je le vis alors s'adresser à William. Ce dernier lui parlait à l'oreille et Alexander eut soudain l'air ennuyé.
Il se passa la main dans les cheveux comme il le fait quand il est contrarié. Tout en étant attentif, il se tourna vers moi, inquiet.
Que pouvait-il bien se passer ? En quoi étais-je concernée pour qu'ils me scrutent ainsi comme s'ils complotaient ? Quel sort me réservaient-ils ?
Ils revinrent tous deux. Alexander ne souriait plus. William, lui, fidèle à lui-même, stoïque, sérieux comme si rien ne pouvait l'atteindre.
Alexander me prit doucement par le bras et m'entraîna vers la rambarde de la terrasse.
« Nous avons un problème, commença-t-il embarrassé.
- Qu'est-ce qui se passe ?, répondis-je inquiète.
- D'abord, je tenais à vous présenter mes excuses pour tout ce qui va suivre. J'aurai aimé que la soirée se termine différemment mais je n'ai pas le choix.
Il marqua une pause et se mit à soupirer.
- Voila... l'immeuble est cerné de journalistes bien informés sur le fait que je sois venu accompagné et n'attendent qu'une chose, nous prendre en photo pour faire la une des tabloïds demain. Je n'y tiens pas et je ne veux pas vous faire endurer ça.
Je l'écoutai. Tout ceci me semblait surréaliste mais il ajouta :
- Je ne veux pas être sous le feu des projecteurs avec vous pour de fausses raisons.
Et là je compris. Je compris qu'il ne voulait pas que je passe pour celle qui aurait pu partager quoique ce soit dans sa vie. Je compris qu'être vu avec celle qui n'avait fait que jouer la remplaçante ne se faisait pas.
- Je vois, répondis-je.
Avait-il perçu ma déception ? Je n'en suis pas sure, il continua son explication et sa stratégie pour se sortir de là.
- Vous allez partir avec William comme si vous étiez venu avec lui et je partirai avec Joan. Elle vient d'arriver. Nous allons brouiller les pistes. Tout se passera bien vous verrez.
- Bien, c'est vous qui décidez, répondis-je agacée.
- Je n'ai pas le choix. Allez avec William, m'ordonna-t-il.
Je m'éloignai à contre cœur. Il me rattrapa immédiatement.
- Lizzie... Promettez- moi de faire tout ce que William vous demandera sans poser de questions. Promettez le moi.
Ses paroles me désarçonnèrent, presque implorantes.
- Je n'ai pas le choix moi non plus, lui répondis-je en repoussant sa main. Je tournai les talons et m'éloignai au bras de William.
Impassibles et froids, nous traversâmes la pièce principale et croisions Joan qui m'adressa son plus beau sourire hypocrite. Au vestiaire, je récupérai ma veste, William dans son rôle d'homme prévenant m'aida à la mettre. Nous sortîmes tranquillement comme si de rien n'était. Les portes de l'ascenseur se refermèrent derrière nous.
Arrivés en bas, William me prit alors par la main pour traverser le hall en courant.
- Mais enfin où allons nous ? lui demandai-je un peu essoufflée par notre course.
- Nous devons sortir par derrière et effectuer quelques changements.
Au milieu du hall, il poussa une porte qui donnait sur une pièce vide. De sa poche il sortit une robe noire pliée en plusieurs parties et me la tendit.
- Changez-vous, m'ordonna-t-il.
- Non mais vous plaisantez j'espère.
Au regard qu'il me lança, je compris que non.
- Mais enfin c'est ridicule, protestai-je sentant bien que tout cela ne servirait à rien.
- Mr Nolan a été vu avec une jeune femme portant une robe bien particulière. Les journalistes sont très attentifs à ce genre de détails. Ils me connaissent, ils feront le rapprochement s'ils nous voient sortir ensemble surtout par la porte de derrière.
Je le regardai, perplexe, en colère, indignée et humiliée par la situation. Je lui arrachai la robe des mains et l'enfilai par-dessus la mienne que je fis glisser pour l'enlever et la mis en boule dans mon sac.
- Détachez vos cheveux, ordonna-t-il encore.
- Vous n'allez pas me mettre une perruque quand même ? Pestai-je.
Il ne répondit pas ce qui me fit penser qu'il y avait songé.
- C'est hors de question !! , rajoutai-je excédée.
Il vit à mon regard que je ne plierai pas. C'était ce que ma mère appelait mon regard noir et dans ces cas là il valait mieux ne pas insister. Ce qu'il fit.
Nous sortîmes de notre placard et nous dirigeâmes vers la sortie. Il me prit par la main pour endosser le rôle de l'amoureux transit et je fis contre mauvaise figure bon cœur, essayant de sourire du mieux que je pouvais malgré tout.
- C'est bientôt fini, me souffla-t-il à l'oreille.
La porte de l'immeuble se trouvait devant nous, plus que quelques mètres et nous étions dehors.
- Pensez à mettre votre main devant votre visage si vous commencez à voir des flashs sinon vous serez éblouie et vous ne pourrez plus avancer.
La peur me gagna. Moi qui prenais tout ceci pour une belle mascarade, je dus me rendre à l'évidence que cela devenait des plus sérieux et des plus stratégiques. Je faisais partie d'un jeu que je ne maîtrisai absolument pas. Au travers de la porte vitrée, je vis des silhouettes passer, mon ventre se tordit, ma gorge se serra et ma bouche se sécha.
William ouvrit la porte et nous sortîmes. Il me prit par la taille pour me soutenir. Il les avait déjà repérés, trois, derrière des voitures différentes qui nous bondirent dessus tel des prédateurs à l'affût de la moindre proie. Ils avaient reconnu William qu'ils l'interpelèrent pour qu'il regarde dans leur direction.
De son autre main il protégeait mon visage en plus de la mienne. Les flashs crépitaient dans tous les sens et je perdis plusieurs fois l'équilibre. Je les entendis parler de moi, lui demandant qui j'étais, d'où je sortais en des termes plus que familiers. Ils lui demandaient où était Alexander, s'il l'avait vu ce soir et avec qui. Jamais une fois il ne répondit. Il m'entraîna très rapidement vers la voiture, ouvrit la portière avant pour m'y faire monter et referma aussi sec. Les vitres teintées me donnèrent un certain répit mais deux s'acharnèrent à mitrailler la voiture jusqu'à coller l'objectif sur le pare brise.
William monta à son tour et démarra en trombe. Les flashs continuèrent un peu puis nous pûmes nous enfuir.
Je restai silencieuse, sidérée par tant d'acharnement. J'eus soudain envie de pleurer, les nerfs me gagnèrent. William m'indiqua une bouteille d'eau dans la boite à gants. Je bus de grandes gorgées pour tenter de faire passer la boule de larmes qui s'était coincée au fond de ma gorge.
- Vous allez bien ? Vous ne vous êtes pas fait mal ? me demanda-t-il soudain.
- Non, ça va, répondis-je entre deux gorgées, merci de m'avoir soutenu, je ne sentais plus mes jambes.
Il ne répondit pas et se concentra sur la route. Dans mon siège, je décompressai et me détendis petit à petit, le regard dans l'obscurité, fixé sur la route qui défilait. Je vidai mon esprit, je cherchai à comprendre ce qui venait de se passer sans y parvenir. Tout était arrivé tellement vite. J'eus l'impression de m'être dédoublée. L'idée de n'avoir rien pu maîtriser ni mon corps, ni mon image ni même mon esprit me terrifia et me fascina.
Deux motards se mirent à notre hauteur. Mon ventre et mon cœur se serrèrent à nouveau et une poussée d'adrénaline afflua. En était-ce ?
William ne parut pas inquiet. Il ne bougea pas un cil, inébranlable. Les deux motos accélérèrent sans se préoccuper de nous. Néanmoins, il n'emprunta pas le même itinéraire que d'habitude. Avait-il repéré que l'on nous suivait ? Etait-ce encore une précaution supplémentaire ? je préférai ne rien savoir et intérieurement je le remerciai de ne pas tout m'expliquer.
Nous mîmes un quart d'heure de plus pour rejoindre la propriété. J'en fus soulagée car ce silence pesant grandissant au fil des kilomètres intensifiait mon envie d'éclater en sanglots.
La voiture garée, je sortis sans un mot vers la maison, laissant William tout seul sans lui adresser le moindre regard.
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