Immersion
La peur me gagne.
Alexander venait de m'annoncer qu'il me faudrait l'accompagner aujourd'hui dans une série d'interviews et de conférence de presse concernant la promotion d'un de ses films qui sortait sur une plateforme.
Je n'avais aucune idée de ce que j'allais y faire ni même quel rôle j'allais y jouer, je ne comprenais pas bien où était ma place.
L'estomac noué, je me préparai, faisant un effort sur ma tenue vestimentaire, ma coiffure, mon maquillage, je pris mon sac et descendis.
J'allai quitter le cocon douillet de la maison pour un terrain inconnu. Alexander me rejoignit en bas.
- Vous êtes prête ? me dit-il.
- Je crois, répondis-je en me mordant la lèvre inférieure.
- Ne vous inquiétez pas. Je suis là.
Ses yeux fixèrent les miens. Lui sourire fut ma seule réponse, disons la seule que je fus capable de lui donner à ce moment là.
A l'extérieur, l'Aston Martin nous attendait, ronronnante. Vanquish était écrit sur le coffre arrière. Somptueuse.
Il m'ouvrit la portière pour me faire monter, ces élans de galanterie me faisaient à la fois sourire et me flattaient. Il s'installa. J'inhalai son parfum, je soupirai d'envoûtement.
- Vous pouvez m'expliquez pourquoi vous souhaitez que je sois là aujourd'hui ? demandai-je doucement.
Le regard fixé sur la route, il parut embarrassé par ma question et réfléchit avant d'y répondre.
- Hum... c'est l'occasion pour vous de voir comment je travaille. Ça ne vous intéresse pas ? lança-t-il un peu sèchement.
- Oui... non ... c'est pas ça. Je me demandai juste ce que j'allais y faire par rapport à notre collaboration.
J'essayai de me justifier comme je pouvais. A nouveau il eut du mal à argumenter immédiatement.
- Je ne veux pas manquer un seul de nos rendez vous, Elizabeth, expliqua-t-il lèvres pincées. Je sais que je vais passer pas mal de temps en dehors de la maison et il faut que nous avancions. Donc j'ai pensé que la moindre occasion nous servirait. Comme en ce moment par exemple.
Il m'envoya un sourire ravageur et un clin d'œil espiègle.
- Oui... bien sûr, répondis-je le regard sur mes chaussures qui auraient bien eues besoin d'un bon coup de cirage. En fait mon cœur de midinette espérait autre chose. Je relevai la tête et un peu perdue dans mes pensées, je regardai défiler le paysage. Il s'en rendit compte et coupa ce silence entre nous. D'abord par un soupir.
- Et puis j'aime beaucoup nos conversations. Je veux dire... en dehors du fait que ce soit du travail... Vous comprenez ?
- Je crois, dis-je en clignant des yeux comme pour imprimer intérieurement ce qu'il venait de m'annoncer.
Il changea de sujet alors que nous entrions dans le centre de Londres.
- Joan nous attend là-bas, elle va s'occuper de vous, se justifia-t-il. Tout ce que je vous demande c'est de rester discrète, de ne surtout pas parler aux journalistes qui pourraient essayer de vous approcher mais en principe pour ce genre d'interview ils n'ont pas le temps de le faire. Tout va très vite. Pendant la conférence de presse, vous irez vous installer au fond.
Génial comme une recluse...
- J'ai besoin de voir un visage familier, ajouta-t-il dans un murmure.
Oups ! Celle-là pour le coup je ne l'avais pas vu venir.
- Ah, et bien si cela doit vous rassurer, lançai-je avec un brin d'ironie qu'il perçut parfaitement puisqu'il fit son petit sourire en coin.
Son visage se ferma lorsqu'il se gara devant l'hôtel Berkeley sur Knightsbridge. Le portier et le voiturier arrivèrent aussitôt.
Il sortit le premier, jetant un coup d'œil autour de lui, il ajusta ses lunettes de soleil. Je mis les miennes, la portière s'ouvrit et je le rejoignis.
Il me prit par la taille et tandis qu'il se retourna pour saluer les curieux qui l'avaient reconnus, il me susurra à l'oreille de rentrer, accentuant mon pas de ses mains.
- J'arrive, ne vous inquiétez pas, ajouta-t-il.
Je mis un centième de secondes pour réagir à cette soudaine proximité mais une fois mon esprit recouvré, j'entrai dans le hall de l'hôtel.
Une fourmilière. Il n'y avait guère d'autres termes. Des journalistes dans tous les coins et recoins du hall, écrivant ou un téléphone à la main.
A mon entrée, certains se retournèrent à l'affut du moindre cliché mais se détournèrent vite de moi. Je ne représentai aucun intérêt. Alors qu' Alexander franchit le seuil de la porte, les flashs crépitèrent dans tous les sens, son prénom aussi pour qu'il regarde dans la bonne direction. Lui toujours souriant se pliait au jeu tout en avançant. Il fut rejoins par une jeune femme blonde toute aussi souriante que lui à qui il parla à l'oreille comme il l'avait fait avec moi, ce qui eu le don de m'irriter profondément. Je soufflai d'énervement. Il se dirigea vers l'ascenseur et disparut laissant la blonde avec les journalistes. Ces derniers l'écoutèrent avec grande attention et attendirent le retour de l'ascenseur.
La blonde s'approchait de moi. Je la regardai s'avancer. Elle était incroyablement énervante avec sa coiffure parfaite, sa tenue parfaite, son allure parfaite, son sourire parfait. Mince, mais c'était à moi qu'elle souriait.
Je jetai discrètement un œil par-dessus mon épaule pour être sure que cette attention m'était bien destinée. C'était le cas.
- Bonjour, me dit elle, vous êtes Elizabeth ?
- Je suis Joan, ajouta-t-elle sans me laisser le temps de lui répondre.
- Enchantée, lui répondis-je plus détendue mais guère plus.
- Venez avec moi, Alexander m'a demandé de vous mettre à l'abri mais pas trop loin de lui, lança-t-elle en me faisant un clin d'œil.
Je lui souris mais ne comprit pas le clin d'œil.
Je la regardai du coin de l'œil. Je l'imaginai plus jeune et surtout moins sophistiquée. Elle devait être plus âgée qu'Alexander et je cherchai au milieu de la multitude de bagues à ses doigts, ce qui aurait pu passer pour une alliance. En vain.
Nous prîmes un autre ascenseur. Un étage entier avait été réservé par la production pour la promotion du film. Quelques flashs m'éblouirent en passant mais je suivais Joan. Elle s'arrêta devant la porte d'une suite, frappa et attendit qu'on vienne lui ouvrir. J'eus l'impression de me retrouver dans une scène de film d'espionnage dans laquelle un code devait être donné pour que la porte s'ouvre.
Joan me fit entrer. Dans le coin salon de la suite, des affiches de partout, des spots, des caméras. Alexander, sur la terrasse, vint me rejoindre immédiatement.
Je vis son geste refréné de me prendre la main
- Vous allez bien ?, me demanda-t-il en se passant la main dans les cheveux.
- Oui... oui bien sur, répondis-je un peu agacée de me faire passer pour une petite chose fragile.
- Très bien. Euh... mettez vous à l'aise. Il y a des jus de fruits et des friandises sur la terrasse si vous avez faim. Je vais devoir rester là pendant prés de deux heures avec quelques pauses et ensuite c'est la conférence de presse, décréta-t-il
Je m'avançai vers la terrasse pour prendre un rafraîchissement.
« Ne vous éloignez pas » m'envoya-t-il un peu fort si bien que des techniciens se retournèrent pour nous regarder. Je me figeai. Mes joues s'embrasèrent. J'arrivai à esquisser un sourire et mes jambes se mirent à fonctionner pour me mener vers l'extérieur.
A partir du moment où Alexander s'assit dans l'un des deux fauteuils, une succession de journalistes d'horizons différents se relayèrent pour poser leurs questions. Ils savaient qu'ils n'avaient que dix minutes en tout. Dix minutes pour poser les bonnes questions, obtenir les bonnes réponses afin d'avoir le meilleur article possible. Ils savaient qu'il ne fallait surtout pas aborder le thème de sa vie privée. L'un d'entre eux tentant le coup s'était vu remercier au bout de la deuxième question mettant Alexander hors de lui au point d'envoyer valser le verre d'eau qui se trouvait sur la table. Mon souffle en avait été coupé. Surprise par cet excès de colère je ne soupçonnais pas.
De la terrasse, j'avais observé la scène, je le regardai reprendre son calme avant la prochaine interview et faire comme s'il ne s'était rien passé. Nos regards se croisèrent de loin et la paix s'installa de nouveau sur son visage. Pendant ce temps deux membres du personnel de l'hôtel effaçaient les traces.
Il se prêtait au jeu des journalistes, à leurs jeux de mots douteux et autres plaisanteries, un brin séducteur avec les femmes qui gloussaient devant son sourire en coin.
Ce jeu là m'amusait. J'aimais l'observer. J'aimais sa façon nonchalante de se tenir. J'aimais l'expression de son visage lorsque la question le surprenait ou lorsqu'il essayait de ne pas y répondre détournant le sujet brillamment. J'aimais les gestes de ses mains pour appuyer son point de vue. J'aimais l'intensité de son regard lorsqu'il défendait ses idées.
Oui, j'aimais ce que je voyais.
Je l'aimais lui.
Cette pensée noua mon estomac et une douleur au cœur me bouleversa si bien que l'espace d'un instant je crus m'être arrêté de respirer.
J'éprouvai le besoin de reprendre mon souffle, je m'écartai de la fenêtre. En reculant, je rentrais dans une chaise à laquelle je m'accrochai pour récupérer mon équilibre. La main sur ma poitrine, j'essayais vainement de remettre mon cœur dans le droit chemin mais sans succès. A la seconde où mes pensées se dirigeaient sur lui, il était prit de frénésie. J'inspirai fort. Je n'arrivais pas inverser la tendance, j'aurai voulu quitter cette terrasse en courant, claquer les portes et en même temps il n'y avait qu'un seul endroit dans lequel j'aurai voulu me réfugier : ses bras.
Ma gorge se noua. Victime de mes propres émotions, incapable de les gérer, de les maîtriser, de les canaliser.
Sa voix dans mon dos fut comme un électrochoc. Si je me retournai de suite je lui sautai au cou, si je restai ainsi il ne comprendrait pas. Sa main se posa délicatement sur mon épaule. La brûlure encore. Mon cœur torturé s'était à nouveau arrêté. Je fermai les yeux, mon visage se crispa, souffrant lui aussi de cet afflux de sentiments jusqu'à présents plus au moins refoulés.
Je trouvai la force de me retourner. Il lut en moi. Mon regard me trahissait donc à ce point.
- Je suis là. Je ne suis pas partie, lui dis-je avec grande difficulté dans un effort pour sauver la face.
Il me prit la main, s'approcha de moi. Le monde autour de nous n'existait plus, un flou total. Son regard vert plongé dans le mien me déstabilisa davantage. Je fus prise de vertige, comme engourdie.
- J'ai tant besoin de vous savoir là, près de moi, avoua-t-il dans un murmure en s'approchant de mes joues brulantes pour y déposer un baiser.
Il partit sans se retourner me laissant seule avec mon cœur à l'envers et mes jambes aussi molles que du coton. Je passai ma main sur ma joue marquée aux fers par son baiser et tentai de reprendre mes esprits.
Mon cœur finit par se remettre à battre correctement mais ce fut la seule chose qui m'indiquait que je fus vivante.
Je restai déconnectée du monde pour le reste de la matinée.
Pendant la conférence de presse, Joan me mit au fond de la salle comme prévu et mon supplice continua. Sans arrêt à me chercher du regard, chaque sourire tourné vers moi, chaque attitude, chaque geste. Etais-je donc la seule à le voir ? Un journaliste finit par se retourner dans ma direction mais ne me prêta aucune véritable attention. Evidemment qui étais-je ?
Je subis le reste de la journée me tardant qu'elle s'achève. Je me demandais comment mon cœur avait-il fait pour ne pas lâcher.
Alexander
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