Explications

                   En entrant dans la maison, toujours aussi silencieuse, je rencontrai Harold.

- Un thé, Miss ? me proposa-t-il

Ne voulant le vexer, je n'osais lui refuser.

- Bien volontiers, mentis-je, merci, cette promenade m'a achevée.

- Souhaitez-vous le prendre dans votre suite ? demanda-t-il.

- Non, je pense que je vais m'installer dehors et profiter encore de ce beau temps.

- Comme il vous plaira, je vous suggère donc la véranda.

- La véranda ? Je crains de ne pas avoir trouvé cette partie de la maison.

- Suivez-moi, je vous y conduis.

Une véranda... c'était tellement prévisible. Je le suivais donc intriguée, les yeux brillants de la merveille que j'allais encore découvrir, nous traversâmes l'entrée puis la Dining room dans laquelle se trouvait une deuxième porte côté cuisine que je n'avais pas vu et qui donnait effectivement sur une immense véranda. Toute vitrée, le toit se terminait en épi, des panneaux blancs empêchaient une partie de la lumière de pénétrer, évitant ainsi à certaines plantes d'être en contact direct avec les rayons du soleil. Même la végétation  ici avait droit à un traitement de faveur. D'ailleurs, elles resplendissaient. Une chaleur ambiante m'envahit ce qui trancha avec le froid de tout ce verre.

Deux larges fauteuils en teck ornés de gros coussins confortables et une table basse étaient les seuls meubles de cette pièce. Je m'installai et m'enfonçai dans le moelleux du molleton blanc et me détendis instantanément. Je fermai les yeux, bercée par cette douce et chaude atmosphère . Harold arriva un plateau dans les mains, il le posa sur la table basse.

- J'ai pensé qu'un Earl Grey vous conviendrait, me dit-il un sourire aux lèvres.

- Oui, c'est parfait merci, lui répondis- je en lui rendant son sourire. Il s'éloigna.

- Harold ? l'interpellai-je.

- Autre chose Miss ? Il pensait sûrement que quelque chose me manquait, il ne se trompait guère. Une présence.

- Vous ne voulez pas vous asseoir et prendre une tasse de thé avec moi ? S'il vous plait.

Je pris mon air de petite fille suppliante. Il me regarda étonné, sembla réfléchir un temps, jeta un exil à  sa montre puis se décida.

- Je vais chercher une autre tasse, répondit-il détendu.

J'affichai un sourire victorieux et m'enfonçai plus encore dans mon fauteuil m'enroulant le menton dans le col de mon pull.

Harold ne mit pas longtemps à revenir, il prit le deuxième fauteuil. Je le regardai faire du coin de l'œil, mon menton caché permettait de dissimuler mon air amusé. Il semblait tellement coincé comme s'il ne savait pas s'asseoir autrement que le dos bien droit, les jambes serrées et sur le bord. Je m'entrepris de le servir mais nos mains se croisèrent.

- Laissez moi faire, laissez moi vous servir s'il vous plait, lui dis-je,  je suppose que cela ne doit pas vous arriver souvent.

- En effet, dit-il impassible.

Je saisis là l'occasion de lui parler. C'était un homme discret je l'avais bien compris et il ne me raconterait que ce qu'il voudrait bien me dire mais je me lançai.

- Justement, je me demandais... Vous vivez ici ? je lui posai ma première question tout en lui tendant sa tasse de thé que j'avais automatiquement agrémentée d'un nuage de lait.

- Non, Miss. J'ai effectivement un logement de fonction  mais je ne l'utilise que très rarement.

- Je vois et les autres employés font de même alors ?

- Oui, mais selon l'emploi du temps de Mr Nolan, nous restons ici. Tout dépend de ce qu'il nous demande.

- Mais vous êtes un peu dépendant de lui, toujours à l'attendre, n'est-ce pas un peu pénible voire dégradant, enfin je ne veux pas être maladroite mais j'ai du mal à comprendre comment on peut se mettre ainsi au service d'une autre personne.

Il eut à nouveau un temps de réflexion, j'eus peur de l'avoir vexé, je voulus me reprendre mais il enchaîna tout en prenant un petit scone tout chaud qu'il avait amené avec le thé.

- Aimez-vous votre travail, Miss Lacoste ?

- Oui, bien sur.

- Et bien pour moi c'est la même chose. J'aime chaque aspect de ce métier. A aucun moment je n'ai l'impression d'être l'esclave de Mr Nolan qui au demeurant est une personne qui n'a jamais profité de la situation. Quelqu'un qui fait passer le bien être des autres avant le sien.

Il marqua une pause comme s'il se rendait compte qu'il en avait déjà trop dit mais il continua.

- Mr Nolan a toujours respecté ma vie à l'extérieur de cette maison, il sait dissocier le professionnel du privé et je ne me suis jamais senti enfermé ici. Je ne serais jamais resté si ce n'avait pas été le cas.

Je l'avais écouté attentivement tout en buvant mon thé et trempant mon scone. Je me sentis mal à l'aise après toutes ces révélations pourtant quand j'analysais ma propre situation il existait bel et bien un certain décalage étant donné le peu d'attention et de considération qu'il avait pu porter à mon égard.

- Je suis bien contente d'apprendre ça mais en ce qui me concerne je ne sais toujours pas à quoi je vais servir, ajoutai-je un peu pincée

Ce à quoi il répondit très calmement :

- Je suis sûr que Mr Nolan a de bonnes raisons de vous faire patienter.

Il posa sa tasse, se leva, arrangea sa veste.

- Sur ce veuillez m'excuser j'ai encore beaucoup de travail à accomplir.

Comprenant le piège dans lequel je l'avais attiré et fait tomber il préféra battre en retraite. Je soupirai à la fois honteuse de n'avoir pas été assez fine dans mon investigation. Je restai là le regard dans le vague finissant ma tasse de thé. Je ne sus ce qui se passa, était ce ma petite marche de la journée ou simplement un relâchement nerveux mais je finis par m'assoupir.

                Mon réveil fût doux. J'ouvris les yeux, il faisait encore jour. Le ciel, dans sa grande générosité , offrait de magnifiques couleurs orangers . Il devait être 18 ou 19 heures. Je restai là encore un instant et commençai par m'étirer tranquillement, les bras d'abord, les jambes ensuite, engourdies par ma position de sommeil. Je me redressai et c'est alors que j'eus la peur de ma vie. Poussant un cri de surprise je mis mon visage dans mes mains comme si j'avais vu un fantôme.

- Je vais finir par croire que je vous fais vraiment peur, dit-il d'une voix douce. « Il » c'était Alexander bien sur assis sur le deuxième fauteuil à attendre que je me réveille. Mais depuis combien de temps était-il là à me regarder dormir ?

Je me mis à rire nerveusement afin d'essayer de cacher mon embarras et d'éviter de me rendre plus ridicule que je ne l'étais déjà.

- Je suis désolée je me croyais vraiment seule, mais franchement vous avez le don pour surprendre les gens, lui répondis-je un sourire aux lèvres tout en remettant de l'ordre dans mes cheveux.

Il ne releva pas à cette remarque, il semblait vouloir me parler mais sans savoir par où commencer. Il se passa la main dans les cheveux, une certaine nervosité l'envahit. Il baissa la tête comme un enfant qui venait de faire une bêtise et qui devait avouer sa faute. Puis il me regarda.

- C'est moi qui dois vous présenter des excuses, me dit-il sans me lâcher des yeux.

Je me détournai de lui, son regard était trop difficile à soutenir. Son polo bleu marine faisait ressortir ses yeux verts et son teint légèrement hâlé. Je me mis à  rougir et perdis en un instant la force que j'avais nourri toute la journée pour lui dire ses quatre vérités. Etrangement, je n'en trouvais plus que deux. 

- Je n'ai pas été présent aujourd'hui pour vous alors que vous veniez d'arriver et que nous aurions peut être pu parler du travail que nous allons effectuer ensemble. Je suis désolé.

Il replaça de la main deux mèches légèrement ondulées qui lui tombaient sur le front et me fixa.  Je lui lançai des regards intermittents. Chacun des ces gestes étaient sexy et une chaleur incontrôlable m'envahit. 

- Et bien j'avoue m'être demandée pourquoi vous m'aviez fait venir, avouai-je timidement.

Il se leva brusquement et soupira. S'approchant de la fenêtre il scruta le jardin. C'est alors qu'il ajouta très solennellement:

- Ne vous remettez jamais en question avec moi Elizabeth.

Je perçus un tel sérieux dans le ton de sa voix que cela me fit froid dans le dos ou bien était ce un frisson d'excitation ? Un silence interminable s'installa, je n'osai bouger ne serait-ce qu'un orteil. Il se tourna vers moi et s'accroupi pour se mettre à ma hauteur.

- J'aurais pu prendre un  grand nom mais je vous ai choisi vous parce que je voulais de la simplicité. Je n'ai jamais eu de doute vous concernant et je regrette que vous en ayez eu.

        Ses mains tenaient les miennes et un courant électrique remonta le long de ma colonne vertébrale jusqu'au sommet de mon crâne. Si un Mangaka avait du faire un portrait de moi à ce moment il m'aurait sans doute dessiner les cheveux dressés sur la tête. Je l'écoutai avec attention et ne pus faire autrement que le regarder. Ses yeux verts plongés dans les miens apaisèrent ma rancœur, une mèche de cheveux s'égara à nouveau sans pour autant  lui donner un côté négligé bien au contraire. Je l'observai en essayant de ne pas le dévisager, mon regard se posa sur sa bouche si parfaite aux lèvres divinement bien dessinées, je remarquai un petit rictus qui me donna un léger frisson et une envie irrépressible de mordre l'inférieure monta en moi. J'espérai qu'il ne le remarqua pas. Je ne m'aperçus pas immédiatement qu'il avait finit ses excuses et je mis un temps avant de pouvoir répondre complètement hypnotisée par cette bouche gourmande. Je recouvrai mes esprits en priant que ma mâchoire ne s'était pas complètement décrochée afin de pouvoir lui répondre.

- Euh... et bien je suppose que vous aviez de bonnes raisons pour être absent aujourd'hui.

- Oui, c'est le cas mais je ne pensais pas que cela durerait toute la journée et je vous savais là toute seule. Il me tardait de rentrer.

Il fallait que je m'échappe de là, je n'allais pas résister longtemps à ce tête à tête. Ses mains de plus en plus chaudes sur les miennes intensifiaient mon embarras. Je les dégageai doucement et me levai lentement.

- Ouh... mais je n'étais pas seule, détrompez vous. Harold était là, nous avons pris une tasse de thé ensemble, racontai-je avec fierté.

            Je m'éloignai à mon tour et m'approchai d'une orchidée blanche faisant mine de m'y intéresser. Il se redressa, mit ses mains dans ses poches et se rapprocha de moi. Son parfum m'enivra.

- Ecoutez, me dit-il en soufflant, je sais que j'ai beaucoup à me faire pardonner depuis ce matin mais si vous m'en laissez l'occasion nous pourrions parler tranquillement de notre coopération.

- Et bien oui pourquoi pas ! Faut-il pour cela que je prenne rendez-vous ? lui répondis-je en riant.

Il me jeta un regard perplexe ne sachant si je plaisantais réellement ou pas. Il se sentit pourtant obligé de répondre :

- Non, bien sûr que non, en baissant la tête.

Puis il rajouta

- Accordez-moi une soirée.

Je me retournais alors vers lui et avec un sourire en coin lui lançai

-  Tenez moi au courant. Je pense que vous savez où me trouver.

Et je sortis de la pièce.

Oui, mon réveil fut doux. 

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