Raison XI | 04

Raison XI - Aimer, c'est éclairer. #04

Valentin / Elise – Et enfin ?

VALENTIN

— Détends-toi, ils vont arriver.

Je souris à Elise, qui soupira. Romane lui glissa quelques mots à l'oreille, tentant de la rassurer du mieux qu'elle le pouvait. Moi, j'essayai d'avoir l'air confiant, même si je n'étais sûr de rien quant au déroulé de cette soirée improvisée. Il fallait dire aussi que j'avais appris à Elise ma visite surprise chez ses parents il y avait à peine une heure, ce qui nous avait juste laisser le temps d'enfiler des vêtements convenables et de courir au restaurant. Mais lorsque nous étions arrivés, le couple n'était pas là. La déception s'était tout de suite lue sur le visage fatiguée d'Elise, même si elle avait vite essayé de le cacher en lançant une blague amère.

A vrai dire, ses parents ne m'avaient pas confirmé qu'ils viendraient au restaurant. Je leur avais simplement soumis l'idée. Ils n'avaient pas dit « non », ni acquiescé. J'avais un peu insisté, en vain. Maintenant tout était entre leurs mains et malgré moi, je ne pus m'empêcher de penser au pire.

— Bon sérieusement, je ne sais même pas ce qu'on attend, en fait, lâcha soudainement Elise, sans se soucier des gens autour qui nous lancèrent quelques regards curieux.

J'échangeai un regard avec Romane et décidai d'intervenir.

— Elise, on peut attendre un peu encore, peut-être qu'ils ont du retard parce que...

Un silence s'installa et Elise rit amèrement.

— Même toi tu ne leur trouves pas d'excuse, c'est affligeant.

Son ton sec me fit un peu mal. Elle ne se rendait sûrement pas compte que je me démenai comme je pouvais pour tirer Nathan de là. Je faisais tout ça pour lui. Et peut-être aussi un peu pour Justine... Je voulais me prouver que je n'étais pas un bon-à-rien niveau relations, que j'étais capable de réparer et de rassembler, pas juste séparer et désunir.

— Elise, calme-toi, lui dis Romane. Il essaye juste de t'aider.

— Ouais, ben ça ne m'aide pas vraiment là !

Elise fulminait et au fond, je comprenais ce qu'elle ressentait. Le fait que ses parents l'ignoraient la rendait dingue parce que c'était la pire des choses quand il s'agissait de personnes proches.

— Attendons encore quelques minutes, l'implora Romane. S'il te plaît.

Devant l'insistance de sa petite amie, Elise céda et soupira. Elle croisa résolument ses bras autour de sa poitrine et commença à faire claquer son talon négligemment contre le sol, pour montrer son ennui et sa colère.

Au fur et à mesure que le temps consommait ces quelques minutes promises, je commençai à me sentir coupable. Peut-être que cela n'avait pas été la meilleure idée du siècle d'aller les voir et surtout d'en parler à Elise par la suite. Je lui avais fait miroiter une réconciliation et s'ils ne venaient pas, je n'étais pas sûr qu'elle accepte de leur pardonner un jour...

— Bon, c'est bon, j'en ai plus que ma claque d'attendre dans ce restau que ceux qui se proclament être mes parents daignent bien me donner un peu de leur attention ! s'écria alors Elise. Je me tire d'ici !

Elle attrapa sa veste et son sac à main et prit la direction de la porte du restaurant sous le regard intrigué de la plupart des clients et des serveurs. Romane poussa un soupir, frustrée que cela n'ait pas marché et partit à la suite de sa copine. Je les vis toutes les deux quitter le restaurant et lorsque la porte claqua derrière elle, je sentis un sentiment de vide s'emparer de moi. J'avais échoué. Une fois de plus.

Un peu perdu, je me levai, tentant vainement d'ignorer les regards de quelques clients curieux et les remarques d'une femme sur le « non-respect » des jeunes de nos jours. Au moment où j'allais m'excuser auprès d'un des serveurs, la porte du restaurant s'ouvrit de nouveau, faisant tinter la petite clochette. Je me tournai et une vague de soulagement m'envahit lorsque je vis Romane et Elise entrer. Derrière eux, un peu en retrait, la mine renfrognée, se tenaient les deux parents d'Elise. Elise croisa mon regard et pour la première fois depuis longtemps, un petit sourire illumina son visage. C'était une première victoire.

En passant près de moi, je l'entendis me souffler un timide « merci » avant de rejoindre la table que j'avais quitté il y a peu. Natalie, la mère d'Elise, vint vers moi dès qu'elle me reconnut.

— Tu restes manger avec nous ?

Je sentais que ma présence la rassurait, parce qu'elle se sentait totalement dépassé par ce qu'il se passait, mais il fallait qu'elle surmonte tout cela et je n'étais pas sûr que ma présence soit la plus bénéfique.

— Non, j'ai quelque chose à faire. Mais ne vous inquiétez pas, ça va bien se passer. N'oubliez jamais que c'est votre fille en face de vous. Juste Elise. La même fille que vous avez accueillie il y a vingt ans.

Natalie hocha la tête et son mari me salua d'un bref signe de tête. Tous deux rejoignirent leur fille et sa petite amie. Je croisai une dernière fois le regard d'Elise et lui envoyai tout mon courage, avant de quitter le restaurant.

...

— Nathan ? C'est moi, tu peux m'ouvrir ?

Quelques secondes après mon intervention, le loquet céda et la porte s'ouvrit. Le visage fatigué de Nathan m'apparut et je lui souris. Nous ne nous étions pas reparlés depuis notre dispute et notre éloignement commençait à me peser lourdement.

— Où est Elise ? me demanda tristement Nathan.

Mon ami était dans un piteux état. D'où j'étais, je sentis tout de suite que Nathan avait bu. Sauf que Nathan ne buvait jamais. Je soupirai :

— Nat', qu'est-ce que tu as fait ?

Il ne me répondit pas, les yeux mi-clos, semblant être dans un autre monde.

— Elise est au restau avec ses parents. Ils vont discuter et tout va s'arranger. Je peux rentrer ?

Nathan n'eut aucune réaction. Je poussai alors moi-même la porte d'entrée et pénétrai dans son appartement. Je plissai aussitôt le nez devant l'odeur prépondérante d'alcool fort qui y régnait. Je repérai immédiatement une bouteille de vodka, vide, trônant sur la table basse.

Je poussai un second soupire et brandis la bouteille :

— Nathan, où est-ce que tu as eu ça ?

Toujours ce même silence tendu.

— Je suis une merde, lâcha alors Nathan, avant de traîner du pied jusqu'au canapé et de s'y laisser tomber.

— Ne dis pas ça, murmurai-je en prenant place à côté de lui.

Un silence s'installa puis Nathan le brisa :

— Raconte-moi ce qu'il s'est passé à Paris.

Ma gorge se serra et mon cœur rata un battement. Il n'avait pas oublié.

— Nat', il vaudrait mieux que tu ailles te coucher, je pourrais te raconter ça une autre fois.

— Non, protesta Nathan, l'air totalement éveillé. Laisse-moi être un vrai ami pour une fois.

Comme je ne disais rien, il insista :

— S'il te plaît.

Je pris une longue inspiration et me lançai.

...

ELISE

— Et donc, vous vous êtes rencontrées comment ?

Ma mère n'était pas à l'aise du tout. Ni mon père d'ailleurs. Tous deux semblaient jouer un rôle qui ne leur convenait pas.

— A la fac, leur répondis-je le plus naturellement possible.

— On partage le même amphi, précisa Romane.

Il y eut un silence. Je me raclai la gorge.

— Et ça fait combien de temps que vous... enfin que vous entretenez une relation ?

Les joues de ma mère s'empourprèrent et je la vis jeter quelques regards autour d'elle comme si elle avait honte que quelqu'un l'ait entendue. Je soupirai intérieurement en me disant qu'ils étaient, elle et mon père, les deux seules personnes dérangées par la situation ici.

— Bientôt un an, répondit poliment Romane.

Je sentis sa main se glisser dans la mienne, sous la table. Je m'y agrippai, puisant toute la force nécessaire.

— Et, commença mon père, tes parents sont au courant ?

Il s'adressa à Romane, sans même la regarder dans les yeux. Romane, quant à elle, faisait mine que tout allait pour le mieux.

— Oui oui, bien sûr. Ils savent depuis longtemps que je suis lesbienne.

Mes deux parents frissonnèrent à la mention du dernier terme. Ma gorge se serra.

Alors que le silence s'installait, tendu, le serveur arriva avec les plats, nous délivrant de ce moment de malaise. Ce dernier dut d'ailleurs percevoir que la conversation était tendue car il s'éclipsa aussi vite que possible après avoir lancé un vague « bon appétit ». Afin de briser le silence, je lançai, tout en coupant mon poisson :

— Et donc, Valentin est venu vous voir hier.

Ce n'était pas une question, mais plus une affirmation. Cependant, je désirais en savoir plus sur ce qui avait motivé Valentin à aller prendre ma défense et convaincre mes parents de me voir. Après tout, nous étions amis depuis peu et je ne le connaissais que rapidement. Ce fut mon père qui répondit, un peu réticent :

— Oui. Il est venu de son plein gré. Il nous a dit que ce n'était pas toi qui lui avais demandé de venir.

— C'est vrai, affirmai-je. Je ne savais pas ce qu'il prévoyait de faire. J'ai appris qu'il nous avait organisés une rencontre il y a à peine une heure.

Je rigolai nerveusement et je repris, toujours dans le but de tuer le malaise :

— Qu'est-ce qu'il vous a dit ?

Mes parents se regardèrent, hésitèrent et cela attisa ma curiosité. Je me demandai ce que Valentin avait bien pu leur dire pour les convaincre de venir nous parler, à moi et Romane.

— Disons qu'il nous a appris pas mal de chose, avoua alors ma mère. Sur... vous deux. Et puis il a beaucoup insisté sur Nathan. En fait, il nous a tout raconté. Le fait que tu... tu faisais semblant de sortir avec ce Nathan devant nous, ce qui a très bien marché, jusqu'à ce que Nathan tombe amoureux de toi.

Le silence se creusa et moi, je me terrai dans ma culpabilité. Je n'arrivai toujours pas à réaliser que Nathan était amoureux de moi. Cela me paraissait tellement irréaliste. Je crois que j'étais tant focalisée sur les sentiments que je ressentais pour Romane et sur la peur que mes parents découvrent ma vraie attirance que j'avais totalement fait fi du reste. Je n'avais même pas vu que Nathan, celui qui était devenu mon meilleur ami, développer des sentiments pour moi.

— Et Valentin a aussi dit que tu avais besoin de nous.

Je relevai la tête, touchée par les mots de ma mère.

— Que tous les enfants avaient besoin de leurs parents. Il a insisté sur ce point. Je ne savais pas que ses parents biologiques l'avaient abandonné bébé.

Je restai coi. Abandonné ? Un rapide coup d'œil vers Romane m'apprit qu'elle était tout aussi surprise que moi. Décidément, je ne connaissais pas ce Valentin.

Un nouveau silence se créa et je commençai à m'impatienter. Comment allait finir ce repas si on tournait autour du pot sans jamais rentrer dans le vif du sujet ? Comme si elle avait perçu mon désespoir, Romane se lança :

— Ecoutez, je sais à quel point c'est dur pour vous de faire face à tout ça parce que vous ne le comprenez sûrement pas. Mes parents n'ont pas eu cette difficulté-là, parce que mon oncle est gay et que cela ne dérange personne dans ma famille.

Romane souffla un bon coup puis reprit :

— J'aime votre fille. Sincèrement. Je ne vous dis pas que c'est la femme de ma vie, je ne vous demande pas sa main, je vous demande juste de me laisser l'aimer. Et de ne pas la punir parce qu'elle est amoureuse. Je suis sûre que vous finirez par accepter que votre fille ne vous ramènera l'homme de sa vie, peut-être pas immédiatement, mais quand vous verrez qu'elle est heureuse comme elle est, vous l'accepterez.

Il y eut un silence. J'aurais aimé rajouter quelque chose, ou au moins avoir la capacité de parler, mais ma gorge était serrée et mon cerveau débordait de sentiments. A ce moment-là, je n'avais qu'une seule envie, c'était de me jeter dans les bras de Romane et de m'y enfouir à jamais. Cette fille était géniale et je l'aimais. Moi aussi sincèrement.

— Valentin nous a dit ça aussi, acquiesça mon père. Que tu étais heureuse.

Mes deux parents se tournèrent vers moi, comme pour attendre mon approbation. Ma main serra fortement celle de Romane sous la table, pour la remercier de tout mon cœur.

— Oui, je suis heureuse. Mais je...

Je bloquai sur mes mots. Je respirai pour calmer mes émotions.

— J'ai besoin de vous.

Je baissai les yeux et entendis le raclement d'une chaise sur le sol. Ma mère se levai et vint me prendre dans ses bras. Et j'explosai en sanglots.

Quelques minutes plus tard, nous étions sortis du restaurant. Je n'avais pas lâché la main de Romane et pour la première fois depuis toujours, je me fichais que mes parents puissent me voir avec elle. Même s'ils ne comprenaient sûrement pas ce que je ressentais, ils ne s'y opposaient plus et mine de rien, un énorme étau s'était desserré dans ma poitrine. J'avais l'impression d'être libéré d'un poids énorme.

— Vous pouvez venir dormir à la maison, proposa alors ma mère.

— Je ne veux pas déranger, s'empressa de dire Romane. Je peux rentrer chez moi.

— Non reste avec moi, lançai-je alors.

Leurs regards se posèrent sur moi et je resserrai mon emprise sur sa main.

— Je ne veux pas dormir seule, me justifiai-je maladroitement.

Ceci était une semi-réalité. Tout de suite, je ne me sentais pas capable de m'allonger dans un lit vide, dans une chambre sombre, seule. J'avais le besoin viscéral de me blottir dans les bras de Romane. Celle-ci finit par hocher la tête.

Nous rentrâmes en parlant de tout et de rien et une fois à la maison, je fis rapidement visiter à Romane. Mes parents nous regardèrent partager une certaine complicité, sans s'y opposer. Je me demandai bien à quoi ils pensaient à ce moment.

Nous finîmes par monter dans ma chambre et nous mirent rapidement au lit, pour ma part totalement épuisée par cette journée assez mouvementée. Romane m'attrapa alors par la taille et me prit dans ses bras.

— Finalement, tout est bien qui finit bien, dit-elle et je l'entendis sourire.

Je hochai la tête et vins déposer un baiser sur ses lèvres. Elle y répondit tout de suite, en intensifiant la pression. Je sentis sa langue demander une autorisation pour partager avec la mienne. Bien vite, nos langues se rencontrèrent et se mirent à danser ensemble. Nous nous séparâmes lorsque nous fûmes à bout de souffle. Une main de Romane se glissa sous mon T-shirt et commença à dégrafer mon soutien-gorge.

— Romane, je ne suis pas sûre que ce soit une très bonne idée...

Cette dernière soupira, mais finit par céder.

— Quelle idée d'accepter leur invitation chez eux, dit-elle.

Puis elle éclata de rire et sans vraiment que j'en comprenne la raison, je la suivis. Nous rigolâmes tellement que j'en eus mal au ventre.

— Ça fait du bien, hein ?

La voix souriante de Romane me mit du baume au cœur. Oh oui, ça faisait du bien !

FIN

***

Hello les Niffleurs ! 

Je m'excuse pour cette loooongue attente. 😅 J'espère tout de même que cette fin vous a plu !

Le prochaine nouvelle parlera de Valentin et de la mystérieuse Justine. Vous en saurez bientôt plus sur ce personnage et son histoire. Des hypothèses quant au désastreux week-end à Paris ?

A bientôt (le plus vite possible, promis 😉) !

LetTheMagicHappen ~

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