Raison IX | 02

Raison IX - Aimer, c'est pardonner. #02

Deuxième approche – Ecoute-moi si tu veux.

La vision du visage abîmé de Timothée le figea tellement qu'il n'entendit même pas la sonnerie retentirent. Il se détourna de sa vision lorsque ce dernier se leva pour aller en cours. Il releva les yeux, croisa brièvement ceux de Newton qui le dévisageait depuis un petit moment, puis s'en alla, sans rien dire, le regard rivé sur le sol. A son passage, quelques élèves froncèrent les sourcils et d'autres s'échangèrent des messes basses. Newton faillit intervenir, leur disant de fermer leurs clapets, mais il fut apostrophé par Erica, qui le héla :

— Hé, Newt, tu viens ?

Il perdit de vue Timothée et fut bien obligé de rejoindre sa meilleure amie, désormais collée à ce Jules qu'elle idolâtrait presque. Ce fut les pieds traînants qu'il rejoignit sa classe, l'esprit bien trop encombré et le cœur emballé par ce qu'il venait de voir.

Il passa son cours de SVT à se demander ce qu'il avait bien pu lui arriver. Il eut beau passer à revue tous les scénarios les plus tordus les uns que les autres, il dut se rendre à l'évidence qu'un seul d'entre eux tenaient la route. Mais il n'arrivait pas y croire. Est-ce que Timothée Jones, le garçon dont il était amoureux depuis toujours, venait de se faire passer à tabac pour l'avoir protégé, lui, Newton Oligo ? Il chassa brièvement ce questionnement de sa tête, lorsque sa professeure, agacée par le manque de discipline de sa classe, déclara que le reste du cours se composerait d'une évaluation écrite. Il peina à répondre aux questions concernant l'immunologie et n'arriva pas à se souvenir des noms des différents lymphocytes intervenant dans la réponse immunitaire.

A peine la sonnerie retentit que Newton avait sauté de sa chaise et s'était rué hors de cours, n'attendant pas ses potes qui commençaient à se poser des questions face au comportement étrange de leur ami. Alors qu'il cherchait du regard celui qui occupait toutes ses pensées, il fut surpris de trouver une masse d'élèves qui semblaient observés quelque chose d'apparemment assez drôles près des casiers. Il se fraya un passage parmi la foule et lorsqu'il fut arrivé à hauteur de ce qui était si risible pour les autres, il manqua de laisser échapper son petit-déjeuner. Sur un casier (Newton présuma qu'il devait s'agir de celui de Timothée), il y avait dessiné deux hommes, nus, dans une position très subjective. Deux noms étaient également inscrits en feutre noir, venant illustrer le dessin pornographique. Oligo et Jones.

Oubliant que tous les regards étaient désormais braqués sur lui, il ne remarqua pas que la foule s'était tue et il sentit le goût amer de la trahison et de la honte lui embraser la gorge.

Newton vit alors Erica arriver en courant et les yeux de sa meilleure amie s'arrondir de stupeur en voyant le dessin. Cette dernière, dont les traits se tirèrent de colère, fit face à la foule d'élèves qui chuchotaient entre eux :

— Qui a fait ça ?

Bien entendu, personne ne répondit, mais les regards s'étaient déplacés de lui à Erica et, rien que pour cela, il lui en était reconnaissant.

— Non, mais franchement, vous n'avez rien de mieux à faire de vos journées ? Ça vous amuse d'humilier deux élèves ?

Les chuchotements redoublèrent et il y eut même un rire, qui fut si rapide que Newton ne put l'identifier.

— Vous êtes tous des gamins, poursuivit Erica avec autant de hargne et de colère qu'au début. Autant ceux qui ont dessiné ça que vous qui le regarder en rigolant !

Erica commençait à mettre mal à l'aise Newton, qui détestait être au centre de l'attention. Il aurait juste aimé s'enfuir en courant, rentrer chez lui et s'enfermer dans sa chambre, priant pour que tout ceci ne soit qu'un vaste cauchemar.

Cependant, Erica ne semblait pas vouloir s'en arrêter là. Sa rancœur et sa révolte la menaient et la guidaient pour faire face aux autres. Elle n'était pourtant pas la plus à l'aise à l'oral, mais ce genre de sujet la révoltait. Elle en avait marre de vivre dans une société où les gens jugés différents étaient mis à l'écart et moqués. Et elle en avait encore plus marre qu'on s'en prenne à son meilleur ami, le seul qui avait été là quand elle en avait eu le plus besoin, le garçon le plus gentil et le plus dévoué de cette planète.

— Qu'est-ce qui ne va chez vous, hein ? Il n'y a rien qui vous dérange dans votre comportement là ?

Newton entendit clairement des insultes fuser et il s'empressa d'essayer de faire taire son amie.

— Erica, s'il te plaît...

Mais cette dernière ne sembla même pas l'entendre :

— Deux hommes qui s'aiment, ça vous fait jaser ? Sérieusement ?!

— Erica, plaida Newton dont les joues viraient au cramoisi. C'est bon, je crois qu'ils ont compris...

— Non, Newton, non. Non, ce n'est pas bon ! Il n'y a rien qui est bon ici.

Puis, elle se tourna vers la foule et reprit, d'une voix toujours aussi fusante :

— Oui, Newton est amoureux de Timothée et alors ? Qu'est-ce que ça peut vous faire ?!

S'il avait eu un fusil à portée de main, Newton se serait sûrement tiré une balle dans la tête. Jamais, au grand jamais, il ne s'était senti aussi exposé, aussi faible, aussi... nu. Les regards se braquèrent sur lui, enfin, du moins, ce fut son impression. Il n'entendit même pas Erica poursuivre son accusation. Rien ne pouvait être pire que ça...

Ah si. Son regard croisa celui d'un garçon qui écoutait le discours depuis le début. Un garçon au visage tuméfié. Son regard fut la dernière qu'il vit avant de perdre connaissance.

...

Lorsqu'il se réveilla, il était dans son lit. Il espéra que ce n'était qu'un cauchemar, puis il vit que sa mère se tenait à son chevet et lui souriait tristement. Il tendit l'oreille et crut distinguer la voix d'Erica et de plusieurs de ses copains dans le salon. Une sorte d'abattement se saisit de lui et son premier réflexe fut de fermer les yeux pour espérer se rendormir et ne jamais se réveiller. Puis la voix réconfortant de sa mère tenta de le rassurer. Est-ce qu'elle était au courant que... ?

— Tout va bien Newt, ça va aller. Le proviseur a été mis au courant. Il va renvoyer ceux qui ont fait ça, d'accord ?

Les yeux de Newton s'emplirent de larmes, qu'il chassa dignement. Pourquoi c'était si dur d'être un ado ?

La main de sa mère lui caressa les cheveux et il la laissa le prendre dans ses bras, ayant besoin de se sentir en sécurité, ne serait-ce qu'un bref moment. La tête posée contre le cou de sa mère, il ferma les yeux et se laissa envahir par son parfum à la fois rassurant et familier. Finalement, il mit fin à l'étreinte et sa mère l'invita à rejoindre le salon où ses amis l'attendaient « très inquiets » selon ses dires. Elle le laissa se reprendre seul et Newton passa une main sur son visage fatigué. Il avait l'impression de ne pas avoir dormi pendant plus de douze jours.

Lorsqu'il se mit debout, ses jambes faillirent céder, mais il tint bon. Il marcha lentement jusqu'au salon, se demandant ce qu'il allait bien pouvoir dire à ses amis, puis la voix d'Erica lui parvint et une bouffée de colère l'envahit. Il pressa le pas. Lorsqu'il fut devant son groupe d'amis, une tension s'installa dans l'air et le silence se fit. Newton ignora les regards de ses amis garçon et se concentra uniquement sur Erica. Son regard croisa le sien et elle comprit aussitôt ce que ressentait le garçon.

— Newt, commença-t-elle. Je...

— Non ! Ne me dis pas que tu es désolée, cracha le garçon. Tu... c'est trop tard !

Tandis qu'il faisait de son mieux pour contrôler sa colère, Newton poursuivit, sous les regards anxieux de Thomas, James et David.

— Tu n'avais pas le droit Erica, tu entends ! Tu n'avais pas le droit de dire ça !

Erica soutint le regard de Newton, mais ses yeux débordaient de larmes. La culpabilité et le regret se lurent sur ses traits tirés :

— Newt, je suis tellement... je n'aurais pas dû, je sais, je...

— TU N'AVAIS PAS LE DROIT ! hurla Newton, hors de lui. Mon coming out, mon amour pour Timothée, tout ça, ça m'appartient ! A MOI ! PAS A TOI !

Erica explosa en sanglots, tandis que James tenta d'intervenir :

— Newt, calme-toi s'il te plaît, elle ne voulait pas te faire du mal, elle...

— Et bien elle l'a fait, conclut Newton d'une voix dure. Tu m'as fait mal Erica. Je... Va-t'en.

Puis, il se rendit compte qu'il venait d'employer les mêmes mots que Timothée et cela le mit encore plus en colère :

— Dégage, dit-il d'une voix forte. Je ne veux plus te voir.

Erica faillit protester, mais ses sanglots la surmenèrent et elle fut incapable de prononcer un mot. Honteuse et effondrée, elle s'enfuit de la pièce en courant. A travers ses yeux embrouillés de larmes, Newton vit James la suivre, ne désirant pas la laisser seule.

Pour sa part, il se laissa tomber sur le canapé, épuisé et accablé. Thomas le rejoignit, tandis que David parlait avec sa mère.

— Hé. Ça va aller, mec. Tu verras dans deux semaines, on ne parlera plus de tout ça. Quand on est parti, ils nettoyaient déjà le tag.

Mais Newton s'en fichait totalement de ce dessin et des autres. Tout ce qui le préoccupait maintenant, c'est lui et il se sentait coupable de dépendre tant de ce garçon dont il ne connaissait rien, puis il se dit que l'amour rendait con.

Sentant que son ami avait l'esprit bien ailleurs, Thomas s'assit à côté de Newton et chercha ses mots.

— Tu sais, quand tu as perdu connaissance, un gars a commencé à... enfin à rire quoi et Timothée s'est jeté à sa gorge.

Le silence tomba et Newton ne savait pas comment prendre tout ça.

— Est-ce qu'il va bien ? demanda-t-il timidement.

— Le gars ? questionna Thomas surpris.

— Non, Timothée, admit Newton sentant ses joues prendre une teinte rosée.

Thomas haussa les épaules :

— Je ne sais pas vraiment. Des surveillants les ont séparés et ont appelé leurs parents, je ne sais pas ce qu'il s'est passé après.

Un silence s'installa et Newton soupira. Puis Thomas souffla :

— Ça craint tout ça.

Et jamais Newton ne fut aussi d'accord que lui.

•••

MERCI pour les 1k vues !! Ça me touche beaucoup ! Vous êtes les meilleurs ♡.

Cette nouvelle n'est pas terminée mais dîtes moi si vous avez des idées/envies pour les prochaines nouvelles, je vous écoute -->

Merci encore !

LetTheMagicHappen - un niffleur ~ /☆

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top