Un jour de Décembre.

Mardi 24 Décembre.

   Zayn m'emmène avec lui acheter des bières, des biscuits apéritifs et du jus de fruit à la supérette. Je ne comprends pas ce que je fais là, ni pourquoi il me pousse à l'accompagner alors que nous avons suffisamment de nourriture à la maison pour le dîner de ce soir. Mais je suppose que, étant donné que c'est mon anniversaire, ils veulent tous faire les choses en grand. Ce n'est pas comme si je n'en avais pas déjà l'habitude.

J'ai déjà eu une longue journée à la bouquinerie avec Léo. Les commandes pour Noël n'ont fait qu'affluer ces dernières semaines. J'ai arrêté de compter le nombre de livres que j'ai dû enregistrer, réserver, réceptionner et emballer. L'avantage c'est que le chiffre d'affaire augmente. Je suppose que mon aide à la boutique, depuis que Léo m'a embauché courant Septembre, l'a énormément aidé.

Ce ne sont que quatre petits mois, mais les changements commencent à se faire sentir. Il a maintenant le temps de se reposer, de prendre une après-midi de congé, de s'occuper de vider des fonds et mettre en ordre ses papiers. Surtout, ma présence à ses côtés dans le magasin lui évite de courir dans tous les sens pour renseigner un client en rayon et se tenir encaisser un achat en même temps.

Pour les fêtes de fin d'années, je lui ai proposé une idée qu'il a tout de suite approuvé sans même que je n'ai à lui expliquer. J'ai été très heureux de prendre en charge, quasiment par moi-même, cette nouvelle initiative. Léo m'a toujours laissé savoir qu'il était là si j'avais besoin de son aide, mais il n'a jamais douté une seule seconde de mon projet. J'ai passé des journées entières à travailler dessus. Emballer soigneusement des livres dans un papier cartonné, noter dessus trois ou quatre mots vagues qui donnent des indices sur le contenu et les clients ont été, presque instantanément, séduit par l'idée d'acheter un livre sans connaître la couverture ou le résumé.

Au village, les habitants ont dû faire tourner le mot, et Léo m'a félicité parce que je lui ai ramené, depuis, le double de clients par rapport aux années précédentes.

J'aurai au moins le loisir de me reposer prochainement, la boutique ferme pour deux jours et Léo m'a laissé des vacances jusqu'au deux Janvier. Cette idée me remplit de joie. Surtout parce que cela veut dire que je vais peut-être pouvoir passer un peu plus que vingt-quatre heures avec Harry. Ce matin, je me suis réveillé avec un message de sa part me souhaitant un joyeux anniversaire et un énorme sourire sur les lèvres.

Nous ne nous sommes pas vu depuis le trois Octobre. Dès que j'ai commencé à travailler, j'ai mis de l'argent de côté et j'ai pris le train tôt le matin pour le voir. Je suis arrivé à Rennes un peu avant dix-heures, nous nous sommes quasiment sautés dans les bras l'un de l'autre à la gare, j'ai pleuré, il m'a sourit, a passé ses doigts contre son pendentif au-dessus de mon tee-shirt, m'a embrassé et nous avons passé la journée ensemble.

Harry m'a montré son université, sa chambre d'étudiant qu'il a loué sur le campus avec l'argent de sa bourse pour rester le plus loin possible de ses parents, il m'a fait visiter le centre-ville, les plus belles vues, les maisons à colombages, des bâtiments à l'architecture grandiose, j'ai pris des photos pour mon père et quelques unes de Harry au jardin, il m'a fait goûter une crêpe salée au déjeuner et une au caramel beurre salé pour le goûter. C'est une grande ville, riche, animée et vivante.

Je ne voulais pas repartir. Je ne voulais pas le quitter. J'ai encore pleuré quand nous avons dû nous dire au revoir, il m'a serré contre lui et juré que nous nous reverrions bientôt, il m'a laissé le pendentif.

Je suis reparti aux alentours de vingt heures. Sur la route du retour, j'étais épuisé. Je me suis endormi dans le train et une fois chez moi, je me suis écroulé dans le lit et j'ai sombré dans un sommeil profond, encore tout habillé. Le ventre plein, le sourire aux lèvres et la tête débordante de souvenirs précieux.

Depuis Août, nous nous échangeons messages tous les jours, nous nous parlons au téléphone régulièrement et faisons des appels vidéos pour se voir à travers un écran pixelisés. La distance paraît tout de suite un peu moins longue, mais sa présence me manque toujours plus à chaque seconde qui nous sépare.

Il y a quelques semaines, quand mes congés sont tombés et les dates de ses vacances aussi, nous avons parlé de nous revoir. Je lui ai proposé de venir aux alentours des fêtes, même s'il va peut-être les passer avec sa famille et que le prix du train est excessivement cher à cette époque de l'année. Il m'a répondu qu'il en serait ravi mais qu'il devait voir avec sa famille avant. Depuis, nous n'en avons pas vraiment reparlé. Et demain, c'est Noël. J'ai bien peur de ne pas avoir l'occasion de le voir ces prochains jours.

– C'est bon j'ai tout ce qu'il faut, dit soudainement Zayn, on peut y all... Oh, euh, salut.

Je cligne des paupières pour me sortir de mes pensées et relève la tête dans la même direction que lui. Mon regard tombe sur Norah, avancée dans la même allée que nous, emmitouflée dans un grand manteau marron foncé et une écharpe épaisse. Elle porte des talons qui la font paraître maintenant plus grande que moi. Ses cheveux sont relevés dans un chignon doré au-dessus de sa tête.

Elle nous regarde tour à tour. Je reste sans rien dire, je ne sais pas réellement si je dois parler, la saluer. Après le baiser que nous avons échangé au bar et la discussion qui a suivi le lendemain chez moi, elle ne m'a jamais à nouveau adressé la parole ni même cherché à me contacter sur les réseaux sociaux ou par message.

D'un côté, je suppose que c'est juste. Je lui ai brisé le cœur. J'enfouis les mains dans mes poches de manteau et baisse les yeux au sol. Peut-être va-t-elle simplement passer son chemin, saluer Zayn et m'ignorer. Peut-être que c'est ce qu'il y a de mieux à faire.

– Salut Zayn, Louis...

Quand elle prononce mon prénom, je relève la tête. Son regard est posé sur moi, un sourire doux et amical se dessine sur ses lèvres rouges. Je ne comprend plus rien. Elle s'approche finalement d'un ou deux pas, je fronce les sourcils.

– Joyeux anniversaire, elle laisse passer une petite pause et ajoute, je suis désolée pour... ce qui s'est passé entre nous. Je n'aurais pas dû réagir comme ça et t'ignorer. Les sentiments ce ne sont pas quelque chose qu'on peut contrôler et je ne pouvais pas te forcer à tomber amoureux de moi si... elle soupire, secoue la tête mais garde son sourire. J'ai vraiment mal agis et je voulais simplement te demander pardon. C'est Noël demain, la nouvelle année dans quelques jours, ton anniversaire aujourd'hui, peut-être qu'on devrait profiter de ça, de ce que nous offre la vie, plutôt que de se prendre la tête pour rien non ?

Plusieurs secondes passent après son silence, je cligne des paupières, retiens mon souffle. Je ne m'attendais certainement pas à ce qu'une telle chose se produise aujourd'hui, ou même tout court. Je suis surpris, mais soulagé.

Comme je ne réponds pas tout de suite, elle hausse les épaules et continue :

– J'espérais que nous puissions rester amis, malgré tout ? Je ne veux pas que mes bêtises soient une barrière entre nous... Et rassure toi, je n'ai plus de sentiments pour toi, à vrai dire je..

– No' je t'ai cherché partout ! Est-ce que je prends un soufflé au chocolat ou un fondant ?

Une deuxième voix féminine interrompt la phrase Norah et notre conversation. Nos têtes et nos yeux se tournent vers Marianne qui avance avec un panier de courses à bout de bras. Elle arrive à notre hauteur, glisse sa main dans celle de Norah et nous regarde ensuite en souriant de toutes ses dents.

--Oh bonjours les garçons ! Joyeux anniversaire Louis !

Je n'ai pas vraiment le temps de répondre, elle tourne la tête vers Norah. Elles se regardent toutes les deux en souriant et Norah répond :

– Un fondant, c'est parfait.

– Génial ! Je vais chercher ça je vous laisse discuter tu me rejoindras après.

Nous n'avons pas réellement le temps de réaliser qu'elle pose un baiser sur les lèvres de Norah, nous salue et me dit de profiter de ma soirée avant de retourner dans des allées voisines. Zayn et moi regardons maintenant Norah dont les joues ont viré au rouge, mais son sourire est lumineux.

– Je crois qu'on a raté un épisode là...

– Oui, rit-elle timidement à la remarque de Zayn, j'allais justement vous en parler. C'est plutôt récent à vrai dire. Nous... nous sommes beaucoup rapprochées cet été et nous sommes ensemble depuis un peu moins de trois mois maintenant...

Si je m'attendais à cela... Elle doit lire la surprise dans mon regard, car elle ajoute presque aussitôt :

– Mais ça n'a rien à voir avec toi Louis, enfin je veux dire ce n'est parce que tu m'as repoussé que... ça s'est fait naturellement, au dépend de toute notre histoire.

– Non Norah, je parle finalement, je suis heureux pour toi, vraiment. Ce n'est pas moi qui vais te juger sur ça...

Ma sexualité n'est un secret pour aucun de mes amis. Ils ont tous été très ouvert d'esprits et m'ont inclus dans leurs groupes sans se soucier de mes préférences amoureuses. Je dois dire que j'ai été plutôt chanceux de ce côté là. Je n'ai jamais eu aucune remarque déplacée, aucune insulte ou regards de travers de la part de mes amis.

– Merci, et oui je le sais bien. D'ailleurs... Colin nous plus ou moins dit que tu avais un petit ami, si c'est vrai, faudra que je le rencontre ! Enfin, seulement si tu veux bien... ?

– Oui, ça me ferait plaisir de continuer à être ton ami.

Son sourire s'étend davantage sur son visage et elle s'avance pour me prendre dans ses bras. Je n'hésite pas et la serre contre moi. Marianne a l'air de la rendre heureuse, comme Harry me rend heureux, et je ne peux nous souhaiter que de vivre éternellement ce bonheur.

Elle se recule, me remercie et nous dit en riant qu'elle doit aller retrouver sa petite amie. Nous nous disons au revoir, à bientôt, nous nous souhaitons de bonnes fêtes et je suis Zayn à la caisse. Il me regarde en souriant et j'ai presque vraiment tout pour être heureux. Presque.

Dehors, il s'occupe de porter le sac en carton et je serre mon manteau autour de moi. Le vent est glacial, le froid mordant. La neige tombe du ciel depuis hier, elle recouvre timidement le sol, elle ne tient pas réellement sur les routes, mais reste d'un blanc immaculé sur le toit des maisons et la cime des arbres nus.

Nous remontons à pied jusque chez moi. J'ai invité Zayn à manger ce soir, je lui ai proposé de rester dormir mais ses grands-parents arrivent tôt demain matin et je comprends qu'il souhaite passer le matin de Noël avec sa famille. Nous marchons prudemment et doucement pour ne pas glisser, il ne manquerait plus que je me casse un bras ou une jambe le jour de mon anniversaire. Zayn s'allume une cigarette, j'ai les doigts trop frigorifiés, même sous mes gants, pour oser les sortir de mes poches et fumer moi aussi.

Sous la neige, le trajet est un peu plus long. Il nous faut environ vingt minutes pour rentrer, nous sommes allés à la supérette la plus proche de la maison. En temps normal, nous l'atteignons en moins de dix minutes.

J'ouvre la porte avec mes clefs même si je sais que mes parents sont déjà certainement à la maison. Il est presque dix-huit heures, je suis allé me poser au café avec Zayn après ma journée de travail. Colin m'a offert ma tasse de thé et m'a souhaité un joyeux anniversaire. Nous avons eu une longue discussion à la fin du mois d'Août, il s'est excusé plusieurs fois pour son comportement envers Harry et moi, je lui ai fait comprendre que, malgré tout, je ne souhaitais pas perdre notre amitié. Et même si nous sommes finalement restés en de bons termes après l'incident à la soirée chez moi cet été, je sens encore des petits points de tension ou de malaise. Je pense qu'il a toujours, au fond de lui, des sentiments pour moi.

Une fois à l'intérieur, nous retirons les couches de vêtements ; bonnets, écharpes, gants, bottes et manteaux. L'odeur d'un gâteau me parvient aux narines depuis la cuisine. La maison est calme, il n'y a aucun bruit, même pas celui de la télévision ou de la radio. D'habitude, à cette heure-ci, mon père regarde son émission préférée.

Je vois Zayn ranger son téléphone dans sa poche, me jeter un regard en coin et me sourire. Il ne m'en faut pas plus pour devenir qu'il prépare quelque chose, certainement avec la complicité de mes parents et que le silence dans cette maison est loin d'être anodin.

Des notes de piano finissent par s'élever dans l'air. Il me donne un léger coup de coude, je lève les yeux au ciel puis le suis au salon. Je reste à l'entrée, bloqué par la surprise, alors que mon regard parcours la pièce et les personnes qui y sont réunies pour moi. Mes parents, les sœurs et la mère de Zayn, même Léo est là. Alors que ce matin, ce petit cachottier, m'a souhaité un bon anniversaire et m'a dit de profiter de ma journée.

Ils me chantent tous en chœur un joyeux anniversaire, des sourires aux lèvres et mon père fait exploser des confettis de toutes les couleurs au-dessus de ma tête. Il y a des banderoles accrochées au mur, une grande table dressée derrière eux, près de la baie vitrée, le feu de la cheminée allumé qui réchauffe la maison, dans le coin de la pièce le sapin trône et brille de toutes ses lumières scintillantes. Mais pas autant que mes yeux à cet instant.

Parce qu'ils finissent par se poser sur la personne assise sur le petit tabouret devant le piano. La personne qui joue ce morceau depuis mon arrivée. Ce n'est pas ma mère.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, je crois que mes mains se mettent à trembler quand ses yeux vert sapin se posent sur moi et que son sourire illumine tout autour de lui. Mon souffle se bloque quelques secondes dans ma gorge, je sens les larmes me monter aux yeux et je ne sais pas si je dois pleurer, crier de joie ou...

– Harry !

J'opte pour la troisième solution qui est de me réfugier dans ses bras. Il s'arrête de jouer presque aussitôt que je m'avance subitement vers lui et enroule les siens autour de mon corps. Je m'accroche à son pull, passe ses doigts dans ses boucles encore plus longues que cet été. Il rit près de mon oreille, un rire doux et limpide comme le miel, aussi chaud et réconfortant que la chaleur retrouvée de son corps.

Ses lèvres se posent sur mon front, je me détache à peine de lui pour prendre son visage entre mes mains tremblantes. Je souffle qu'est-ce que tu fais là et il rit, encore et me répond par un petit surprise. Effectivement, c'est le plus beau cadeau que je pouvais recevoir.

Les larmes affluent à mes yeux mais je ne pleure pas, je lui ai promis de ne pas pleurer. Son regard tombe sur le pendentif toujours précieusement accroché autour de ma nuque, au-dessus de mon pull, je ne le retire jamais, même sous la douche, et quand nos yeux se rencontrent à nouveau il me sourit davantage. Ses fossettes se creusent et je ne peux pas résister plus longtemps.

Mon visage se rapproche du sien et je l'embrasse, je l'embrasse avec tout mon amour, toute ma force, tout mon manque, tout mon cœur, toutes ces sensations qui se mélangent en moi et me rendent vivant. Il y répond sans attendre, sa main sur ma hanche et je me sens exister de toutes parts. Nous nous détachons seulement quand la voix de Léo résonne, sinon j'aurais pu continuer ce baiser pendant des heures.

– Bon c'est bien joli ces retrouvailles les enfants, mais c'est pas tout on a une bouteille de champagne à ouvrir et l'entrée va refroidir à ce rythme là !

Les rires de tous les invités se mêlent, je me détache d'Harry en riant moi aussi. Ses joues sont teintées de rose et je sens la chaleur monter aux miennes. Il garde un bras autour de ma taille, la mienne sur sa nuque et je me tourne vers Léo. Zayn lève les yeux au ciel, un sourire sur les lèvres, puis va poser nos achats sur la table.

Mes parents me regardent avec un grand sourire et un air fier, je comprends qu'ils sont, certainement, complice de la présence d'Harry ce soir. Je pense même que tout le monde était au courant, sauf moi. Je lâche mon petit ami quelques minutes pour aller tous les serrer dans mes bras et les remercier pour cette surprise. Moi qui pensais passer la soirée uniquement avec mes parents et Zayn. C'est une journée pleine de cadeaux.

Petit à petit, tout le monde s'installe à table. Ma mère va chercher la bouteilles dans le réfrigérateur et mon père me fait un petit clin d'oeil avant de rejoindre les autres. Je retourne vers Harry, toujours installe devant le piano, ses doigts glissent délicatement sur les touches noires et blanches. Ses yeux se lèvent vers moi et je m'assois à ses côtés. Ma main vient chercher la sienne, je souris et je n'ai pas besoin de lui demander, il me raconte :

– Cet été, à ta soirée, Zayn et moi avons échangé nos numéros, il m'a dit qu'il voulait qu'on garde contact. Début Novembre, il m'a appelé et m'a parlé d'une fête pour ton anniversaire. J'ai tout de suite accepté, on venait de se voir et tu me manquais déjà atrocement... Il a donné mon numéro à tes parents et j'ai tout arrangé avec eux. Ils ont très gentiment proposé que je dorme ici pendant mon séjour. Je suis arrivé il y a environ une heure, ils sont venus me chercher à la gare pendant que tu étais avec Zayn. J'ai économisé pour me payer mes billets de train, Gemma a insisté pour m'en payer une partie. C'est pour ça que je n'ai pas donné suite à notre conversation concernant ma venue ces vacances ci, parce que je savais déjà que je serais là. Je te jure, ça me tuait, je voulais te le dire... Tu paraissais tellement triste à notre dernier appel vidéo...

Son sourire se transforme en une petite moue triste, je souris et lui donne un léger coup d'épaule qui le fait rire à la seconde même.

Et comme il lit en moi mieux que personne, il passe son pouce contre le dos de ma main et continue.

– Je repars le vingt-sept au matin.

– Mais, je fronce les sourcils, et tes parents ? Et Noël ?

Un soupir s'échappe de ses lèvres et il hausse les épaules. Le sujet de ses parents, de son père en particulier, est encore extrêmement sensible. Il ne le voit plus aussi souvent maintenant qu'il a une chambre d'étudiant à l'université, mais je suppose qu'il est obligé de se confronter à lui tout de même parfois.

– Ils s'en fichent, je suis allé chez moi pour leur dire. Mon père n'a rien relevé, bien que son regard en disait long, et ma mère m'a simplement demandé si j'allais payer moi-même et de revenir pour le vingt-huit parce que mes grands-parents nous invitent à manger.

– Je suis désolé Harry...

– Pas moi, il secoue la tête en me regardant droit dans les yeux, je préfère largement passer Noël avec toi.

Je passe une main contre sa joue, la glisse sur sa nuque et l'attire à moi pour l'embrasser. Longuement. Tendrement. Lentement. Je savoure chaque mouvement délicieux de nos lèvres, le goût sur le bout de sa langue et le plaisir de le retrouver.

Vu comment c'est parti, je pense que nous aurons du mal à nous séparer ce soir et pendant les deux prochains jours. Je ne m'en plains pas. Peut-être que je pourrai le cacher sous ma couverture et ne plus jamais le laisser repartir à Rennes.

– Et Gemma ?

– Elle passe les fêtes avec des amis et son copain, comme l'année dernière. Je suppose que nous sommes tous assez grands pour ne plus célébrer Noël avec nos parents.

Ses mots et cette façon de penser me rendent triste. Malgré mon âge, je continue de fêter Noël avec ma famille et c'est une coutume que je ne veux pas rater pour rien au monde. Ce n'est pas obligé d'être grandiose avec des décorations coûteuses, des milliers de cadeaux au pied du sapin et un festin en guise de repas. Parce que ce qui compte le plus à nos yeux, c'est l'esprit et la chaleur que procure ce vingt-cinq Décembre et mon anniversaire la veille.

Mais je comprends ce qu'Harry peut ressentir. Toute famille a ses histoires, ses particularités, ses problèmes. Toute famille n'est pas soudée et aimante comme la mienne. Je crois que c'est pour cette raison aussi que j'aime Harry encore plus fort, parce que la tension au sein de son foyer ne l'empêche pas d'ouvrir grand son cœur aux autres.

– Je suis tellement heureux que tu sois là, Harry. C'est le plus beau cadeau que l'on pouvait me faire. Je vais te faire passer le meilleur Noël de ta vie.

– Ça l'est déjà.

Nous échangeons un sourire, les regards ancrés l'un dans l'autre, et alors que j'allais me pencher pour l'embrasser à nouveau, ma mère nous appelle pour venir ouvrir le champagne et trinquer. Harry me sourit et prend ma main. Nous rejoignons tout le monde à table et une fois que tous les verres sont remplis nous trinquons, ils me souhaitent tous un joyeux anniversaire.

Je souris tellement que j'en ai mal aux joues. J'ai tout ce qu'il me faut pour être heureux, réuni autour de cette table. Harry serre ma main lorsque nous nous asseyons.

Et pour le reste de la soirée, les conversations s'enchaînent et coulent au fil du repas. Ma mère a préparé un dîner copieux avec tous ses soins. Ils m'offrent les cadeaux au dessert, un gros gâteau aux fruits. J'ai eu le droit à des livres, des pulls, une tasse littéraire, une boite de thé, une nouvelle bibliothèque pour ma chambre. Comme si la présence de Harry ne suffisait pas à satisfaire complètement mon bonheur, il m'a offert un magazine exclusif et rare sur Marguerite Duras. Je n'ai jamais eu l'occasion de mettre la main dessus. Je l'embrasse tendrement, lui souffle un merci, mais je sais que j'aurai l'occasion de le remercier plus tard dans la soirée.

Zayn, sa famille et Léo partent aux alentours de vingt-trois heures trente. Je le serre tous contre moi et le remercie encore d'être venu et de m'avoir organisé cette surprise. J'enlace davantage mon meilleur ami qui me fait ensuite un clin d'oeil et me dit de profiter de ces prochains jours. On se retrouve tous les quatre, Harry et moi aidons mes parents à débarrasser la table et les emballages cadeaux qui traînent encore au sol.

Je laisse Harry aller prendre sa douche et vais ranger ma chambre, préparer le lit. Au passage, je vais voir mes parents et le serre fort dans mes bras, les remerciant plusieurs fois. Sans eux, Harry ne serait peut-être pas là ce soir. Quand je remonte, la salle de bains est libre et il est installé au bord de mon lit avec son téléphone. Je fils sous la douche et le rejoins dix minutes plus tard.

Nous nous allongeons sous les couvertures, il passe un bras autour de ma taille et je pose mes doigts contre sa nuque. Ses cheveux lui arrivent presque au-dessus des épaules, je joue avec et il me sourit, dans la pénombre de la chambre.

– J'ai encore du mal à croire que tu sois là, avec moi.

– Pourtant, je suis bien réel.

A mon tour, je lui souris et hoche la tête. Puis je comble la distance entre nos deux visages pour l'embrasser comme j'en meurs d'envie depuis tout à l'heure. C'est un peu timide au début, délicat, puis sa bouche épouse parfaitement la mienne, sa main rapproche nos corps, efface toute distance qui nous séparait encore. Mes paupières sont fermées, je soupire lorsque nos langues se cherchent et se caressent à peine. La chaleur me monte aux joues, j'agrippe mes doigts dans ses boucles, il est presque allongé contre moi.

Personne ne m'a jamais fait ressentir tout ça rien qu'en m'embrassant. Nous échangeons des baisers, plus ou moins longs et langoureux, pendant de longues minutes. Et ils commencent à avoir des effets dévorants sur moi. Mais je sens qu'Harry est dans le même état, parce qu'il me regarde, les yeux brillants, ses lèvres près des miennes, haletant. Il murmure mon prénom, chaque lettre glisse délicieusement sur sa langue, et je sens mes joues rougir davantage.

– Désolé, j'ai juste... je...

– Je sais, il souffle, moi aussi.

– On est pas obligé de faire quoi que ce soit ce soir, on peut arrêter et...

– Mais j'en ai envie.

Mes doigts caressent sa nuque, le haut de son dos. Nous nous regardons toujours, même si nous nous voyons à peine dans la lumière de la nuit. Je ne suis pas anxieux, parce que j'ai déjà donné mon corps avant, il ne sera pas ma première fois, mais c'est tout de même un pas énorme à franchir. Rien que l'acte de laisser quelqu'un d'autre que nous-même aimer notre corps et le toucher. Pourtant, je pourrai le faire les yeux fermés avec Harry, il a toute ma confiance.

– Enfin, seulement si toi tu veux ?

Sa question autant que son ton beaucoup plus timide me font sourire. Je pose mes lèvres sur son menton, les traits saillants de sa mâchoire et je souffle près de son oreille :

– Oui, je te veux Harry.

Je crois qu'il rougit parce qu'il cache sa tête dans mon cou plusieurs secondes, je le sens sourire contre ma peau et ça envoie dans mon corps des milliers de frissons. Quand il commence à poser de légers baisers le long de mon cou, c'est une toute autre sensation qui s'éveille en moi. Le désir. Brûlant. Je serre mes doigts dans ses cheveux tandis qu'un soupir s'échappe de mes lèvres entrouvertes.

Nos gestes sont timides, parfois un peu maladroits. Un regard échangé nous permet de nous accorder sur des caresses pour ce soir. Ses mains sont brûlantes, douces et calleuses à la fois. Je le tiens contre moi, touche sa peau sous son tee-shirt. Nous nous embrassons, avides de chaque contact qui pourrait nous rapprocher davantage. Pourtant, nous ne pouvons pas être plus collés l'un à l'autre. Il est littéralement à moitié monté sur moi. Je sens le désir monter dans son corps, entre ses jambes, contre ma hanche. Et ça éveille tellement de choses en moi que je me crois sur le point de mourir au creux de ses bras.

Ses doigts descendent le long de mon torse, mon ventre et il me regarde avant d'aller plus loin. Il attend ma confirmation, je hoche la tête en me mordant la lèvre. Je viens rapidement retrouver les siennes pour un nouveau baiser, alors que sa main s'aventure sous mon caleçon, découvrir le désir brûlant entre mes cuisses. Ses doigts me frôlent, ma respiration se fait plus rapide et se coupe finalement une poignée de secondes quand ils s'enroulent autour de moi. Je gémis contre sa bouche, sens son sourire et il débute ses caresses.

Tout mon corps se tend, se cambre, cherche le sien. La température de la pièce grimpe, j'étouffe, mais je ne veux pas que cette chaleur au creux de mon ventre disparaisse. Je la vis, intensément, à chaque mouvement vigoureux de sa main. Mon cœur s'emballe. Je me perds en lui, je ferme les yeux, je me consume, je le respire, j'existe à cet instant où nous faisons l'amour plus que jamais.

Il ne me faut que quelques minutes encore pour atteindre les étoiles, je les vois, sous mes paupières fermées. Je gémis, j'essaie de ne pas faire trop de bruit pour ne pas que mes parents nous entendent. Harry m'embrasse, lui aussi respire lourdement, je serre mes doigts sur sa peau, dans ses cheveux, tremble un peu, je retiens mon souffle le temps de l'orgasme.

Ses doigts me lâchent une dizaine de secondes plus tard, il pose ses lèvres dans mon cou et tend ensuite la main pour attraper des mouchoirs et se ressuyer. Je suppose qu'une douche sera de rigueur après ça, ainsi que de nouveaux vêtements. Mais je ne m'en occupe pas maintenant. Je le fais basculer, prends le dessus sur lui et capture ses lèvres, passionnément.

A mon tour, mes mains retracent les courbes de sa peau, apprennent pour la première fois sa texture, ses formes et sa douceur. Il est aussi brûlant que moi, quand je glisse mes doigts autour de sa longueur. Ma bouche se balade dans son cou, contre sa mâchoire. Sa main appuie dans mon dos, il soupire, gémis mon prénom. Je lui dis qu'il est divinement beau, il est trop occupé pour me répondre, il se contente de sourire et m'attirer à lui pour goûter à nouveau mes lèvres.

L'intensité de l'orgasme le submerge en peu de temps, il vient entre mes doigts, me mords la lèvre inférieure et je n'ai jamais autant aimé donner du plaisir à quelqu'un. Je pourrais m'en délecter pendant des heures, le regarder à chaque seconde, voir le désir tordre son visage et avaler son corps gracieux. Je me ressuie la main, il respire encore vite quand je pose un petit baiser contre ses lèvres. Il pose ses yeux sur moi, me remercie, je lui réponds la même chose. Nous sommes tous les deux noyés dans un nuage de bonheur.

Et je ne sais pas d'où ça sort, je ne sais pas comment ces mots sont parvenus à rouler sur ma langue et sortir de ma bouche. Mais je ne les regrette pas, parce que cela fait un moment déjà que je souhaite lui avouer. J'attendais que nous soyons face à face, réunis, et je ne pense qu'il n'y a pas un moment plus approprié que celui-ci, qu'à cet instant même, où nous apprenons à revivre dans les bras l'un de l'autre, où nous inventons notre propre amour.

Alors, encore essoufflé et perdu dans les limbes du plaisir, je murmure dans une même respiration :

– Je t'aime.

Je rougis, son visage est proche du mien, il me regarde. Un sourire apparaît sur son visage, ses boucles éparpillés autour de lui sur le coussin. Je sens ses doigts remonter dans mon dos, sous mon tee-shirt. C'est moi qui suis maintenant à moitié allongé sur lui.

Mon cœur bat la chamade. C'est la première fois que je dis ces mots à quelqu'un, c'est la première fois que je les pense, que je les ressens au plus profond de moi-même. C'est la première fois que je tombe amoureux. Je ne sais pas si ce devrait être effrayant, mais ce n'est pas ce qui se passe. Je me sens heureux et vivant.

– Répète ça un peu.

– Tu as très bien entendu, Harry...

Les joues en feu, je cache mon visage contre son torse en rougissant davantage. Le son délicat de son rire caresse mon oreille, je souris malgré tout. Parce que je devine parfaitement qu'il me demande cela pour me taquiner.

– Oui, mais j'aime bien que tu me le dises.

– Idiot.

Je marmonne ces mots contre sa peau, les joues en feu. Harry glisse ses doigts sous mon menton pour me relever la tête, je le regarde. Il comble la distance entre nos lèvres et m'embrasse, plus tendrement que jamais.

Puis quand il se détache de moi, il me dit sur le même ton sincère, en me regardant droit dans les yeux :

– Je t'aime, Louis.

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