Jour 4.
(Lundi tard le soir) - Mardi.
Ce soir là, j'arrive avant le coucher du soleil et du jour. Mes parents ne m'ont pas demandé où j'allais. Mon père a deviné que j'avais besoin de réfléchir à ses mots de tout à l'heure. J'ai un livre dans le panier de mon vélo et une gourde d'eau. Je m'installe dans l'herbe, au bord du lac. Entouré, simplement, du bruit de la nature. Pour le moment, je suis seul.
Je lis jusqu'à ne plus avoir assez de lumière pour discerner les mots. Jusqu'à ce que mes yeux s'épuisent. Ensuite, je me couche et j'observe le ciel rosé. Comme cela m'arrive souvent, je m'endors au milieu de l'herbe, elle chatouille ma peau nue. Mes yeux se ferment tout seuls, bercé par le léger clapotis de l'eau mêlé au bruit étrangement rassurant de la nuit.
Lorsque je me réveille, le ciel au-dessus de ma tête a changé de couleur. Le noir a laissé place à une couleur plus douce, un bleu-gris, celui du matin. Il doit être encore assez tôt, le soleil n'est pas levé. Il sort timidement sa tête jaune de l'eau calme du lac.
Mais, l'inconnu d'hier est là. Je tourne la tête vers la gauche et le vois, assit à quelques mètres de moi. Je ne perçois que son dos, les os saillants sous son tee-shirt et ses cheveux bruns qui recouvrent le haut de sa nuque.
– Tu es là depuis longtemps ?
Il secoue simplement la tête. Je me redresse sur mes coudes et observe autour de nous. Mes yeux s'adapte à la lumière, j'ai encore mon livre à côté de moi dans l'herbe et mon paquet de cigarette qui est tombé de ma poche de short.
– Tu as passé toute la nuit ici ?
– Je pense bien.
– Quand je suis arrivé, tu dormais.
– Ce n'est pas la première fois.
Pendant plusieurs secondes, l'inconnu ne dit rien. Je n'ai toujours pas eu l'occasion de voir son visage. Puis, il ajoute, presque dans un murmure,
– C'est un bel endroit pour se reposer.
Finalement, je m'assois en tailleurs et m'étire un peu. Sous ma peau, je sens mes muscles craquer. Je regarde une coccinelle faire son chemin sur la couverture cornée de mon livre.
– Oui, mais il y a encore mieux.
Je range mon paquet de cigarettes dans ma poche, puis joue avec les plis de mon short. Soudainement, je me mets à sourire. Il semble m'écouter, alors je continue :
– Une fois, je suis allé à la mer avec mes amis. On avait une serviette, un pique-nique et on a tous dormis là-bas. Sur le sable. Le bruit de l'océan nous berçait, c'était vraiment... extraordinaire. On a vu le coucher de soleil, ça m'a coupé le souffle.
Un silence. Si je ferme les yeux, je peux presque me remémorer le son des vagues qui s'échouent sur le sable, sentir l'air marin qui caresse mon visage et le goût du sel sur ma langue.
Et sa voix, brisée et timide comme celle d'un enfant triste, résonne.
– Je n'ai jamais vu la mer.
– Jamais ?
J'ouvre les paupières et pose les yeux sur lui. Sur sa silhouette. Encore étrangère, inconnue. Sa peau blanche, ses longues jambes et son corps recroquevillé. Un corps trop grand pour lui, pour s'y renfermer.
– J'ai déjà lu des livres sur l'océan, écouté des vidéos où l'on entend et voit les vagues, mais je ne sais pas ce que ça fait en vrai.
– C'est encore plus magique, et impressionnant. Il faut le vivre.
Quelques minutes passent. Aucun de nous ne dit quoi que ce soit. Je suppose qu'il doit être environ sept heures du matin. Je devrais aller retrouver mon lit, terminer ma nuit, mais je n'ai pas envie de rentrer. Je n'ai pas envie de briser ce moment.
– Tu peux me raconter ? La mer ?
Il me demande ça comme si c'était moi qui en avait écris l'histoire. Je ne réfléchis pas. Je le fais. Je lui les sensations, l'odeur, le toucher, la musique. Les souvenirs, les journées là-bas avec mes parents, les soirées avec mes amis. Ce temps qui semblait éternel mais qui, maintenant, m'échappe. Paraît loin, inaccessible. Hors de portée.
Je parle longtemps, et il m'écoute sans jamais m'interrompre. Parfois, lors d'un court silence, il me pose une question, à laquelle je trouve toujours une réponse.
– Et tu sais le jour dont je me souviens le mieux de la mer... c'était juste avant l'orage. Quand les gros nuages chargés de pluie et d'électricité stagnaient au-dessus de l'eau. Les vagues se fracassaient les unes contre les autres, on aurait dit qu'elles voulaient se déchirer, s'enfouir sous la surface pour se cacher de la foudre. Je me suis dit, je reprends mon souffle, je me suis dit qu'elles pourraient m'avaler, ces vagues, si j'étais au milieu d'elles, qu'elles pourraient me frapper le corps et me tirer au fond de l'océan si elles le voulaient. Je me souviens encore du vent frais, de cette impression que le monde s'écroulait juste en face de moi. Il n'y avait presque plus personne sur la plage. Ma mère me demandait de venir me mettre à l'abri avec eux dans un café, mais moi...
Un sourire naît sur mes lèvres, elles tremblent un peu, et mon souffle aussi. Je crois que des larmes involontaires s'agglutinent en travers de ma gorge. Elles ont le goût de l'eau de mer. Je la sens partout, sur et sous ma peau, alors même que je n'y suis pas retourné depuis des mois.
– Moi je ne voulais pas partir. Je voulais rester. Regarder l'océan se déchaîner. C'était... je me sentais tellement vivant. Si minuscule face à l'immensité de notre monde. Tu regardes l'univers, la nature et tu te dis que, au final, d'un jour à l'autre, elle peut tout réduire à néant, elle peut t'écraser et tu ne pourras jamais rien y faire. Parce que tu es petit, impuissant, vivant sur cette terre pour seulement quelques années. Des fois, j'y pense, et ça me donne envie de pleurer. Pas parce que je suis triste, mais parce que c'est extraordinaire, parce que ça me dépasse. Ça ne te fait pas cet effet là, parfois, à toi aussi ?
– Tout le temps.
Mon regard lâche l'horizon pour se poser sur lui. Je ne vois toujours pas son visage. Mais, uniquement par le son de sa voix, je sens qu'il a tout compris. Qu'il m'a compris. Il n'a pas besoin d'expliquer, parce que ça se communique dans le silence entre nous.
– Désolé, je parle trop. Ça n'a pas forcément de sens ce que je dis, je m'emballe tout le temps quand je parle de tout ça.
– Non, il marque une pause de quelques secondes, non c'est comme écouter un livre.
Je souris, même s'il ne peut pas me voir, car je ne sais pas quoi répondre. C'est la première fois qu'on me dit ça. Que m'entendre parler, c'est avoir l'impression de lire quelque chose. J'ai les joues qui chauffent, alors je prends mon paquet de cigarettes et m'en allume une. Avant de la fumer, je joue un peu avec, la fais tourner entre mes doigts et la regarde se consumer lentement.
Lui, il ne bouge pas. Il est comme figé dans ce tableau de la nature. Devant le lac, au milieu de l'herbe, entouré d'arbres de fleurs de toutes les couleurs. Un moment, je vois sa main bouger, il passe le bout de ses doigts contre les petites pétales fragiles d'une marguerite. Je pose ma joue contre mon genou, ramené près de mon torse et je le regarde faire. Son visage toujours inconnu à mes yeux. Je porte la cigarette à mes lèvres, respire doucement, et l'observer c'est exactement comme se retrouver devant une grande œuvre d'art dans un musée. Sauf qu'elle est vivante.
Un moment, figé dans le temps, qui au milieu cet espace éternel ne veut rien dire, mais qui pour moi a toute son importance. J'ai la soudaine envie de tendre le bras, le toucher, pour voir s'il est bien réel ou juste une projection de mon esprit. Parce que, pendant une poignée de secondes, je doute. Je pense que j'ai peut-être trop bu hier soir, que je ne m'en souviens pas, et que j'invente cet inconnu. Je l'invente car je voudrais qu'il existe. Que quelqu'un me comprenne sans que je n'ai besoin de le demander.
– Tu restes combien de temps, ici ?
Je demande, parce que j'ai peur. J'ai peur que demain il ne soit pas là, que je l'attende et qu'il ne vienne jamais. Qu'il me dise je pars, je pars cette nuit. Je ne le connais pas. Je ne sais rien de lui. Mais je n'ai pas envie de me sentir abandonné.
Il arrête de passer ses longs doigts entre les fleurs, je remarque les quelques bagues qui les ornent et la couleur bleu nuit sur ses ongles, avant qu'il ne replace son bras devant lui. Hors de ma vue.
La cigarette brûle entre mes doigts, je n'ai plus goût à fumer. Je l'écrase contre la semelle de mes chaussures et range mon briquet.
– Deux semaines.
Deux semaines. Deux semaines, c'est long, non ? C'est suffisant, pour apprendre à se connaître, pour vivre un peu. Et en même temps, deux semaines ce n'est rien. C'est bientôt. C'est demain. J'ouvrirais les yeux et il ne sera déjà plus là.
– Tu reviendras ?
– En vacances ?
– Non, enfin oui, je ne sais pas. Je voulais dire ici, au lac, demain, un autre jour, avant de partir ?
Je m'embrouille dans mes propres mots, alors je détourne le regard. Je sens mes joues se réchauffer.
D'abord, il ne dit rien. Je crois voir les muscles de son dos se figer un peu. C'est à peine si son corps bouge quand il respire. Puis il finit par répondre dans un souffle,
– Oui.
Un poids se soulève sur ma poitrine. Pendant longtemps, je n'ai pas eu envie de partager cet endroit de mon monde avec qui que ce soit. Je voulais qu'il m'appartienne, que je sois le seul à y laisser ma trace.
Mais maintenant, être ici, à ce point précis de l'univers avec lui, ça ne me dérange pas. Sa présence n'est pas envahissante, parce qu'il est un peu comme moi au final, il a besoin de se sentir protégé dans une bulle.
– Mais... tu n'es pas obligé de me parler, tu sais ?
Je fronce les sourcils et lui demande pourquoi il me dit ça. Pour la première fois, je vois tout son corps se soulever quand il inspire une bouffée d'air. Son dos, ses épaules, même ses bras.
Mes yeux se posent sur le tatouage au-dessus de son coude. Je ne peux pas bien voir ce que c'est, simplement les traits de l'encre noire qui décorent sa peau laiteuse, aussi blanche qu'une page vierge d'un livre neuf. Il doit encore y écrire toute son histoire.
– Parce que personne ne veut être avec moi. Je suis tout seul, dans mon coin, un peu trop étrange pour le reste du monde, peut-être. C'est ce qu'ils disent tout, en tout cas. Je ne te raconte pas ça pour me plaindre, je préfère rester ainsi même, mais... je ne sais pas, tu as sûrement autre chose à faire que perdre ton temps avec moi, je suppose. Ma vie n'a rien de... trépidante. Elle est assez ennuyante, je dois dire.
– J'aimerai que la mienne le soit. J'aimerai connaître tout ce que les autres vivent. Je ne fais que lire, fumer, dormir, nager dans ma piscine et venir ici pour être seul. Il y a mes amis, bien sûr, mais parfois... je fronce les sourcils, parfois j'ai l'impression qu'ils vivent dans leur monde et que moi je cherche à attraper de l'air autre part, ailleurs, là où ils ne peuvent pas m'atteindre. J'ai beau crier, leur faire signe, pleurer, ils ne m'entendent pas. Ils ne voient pas, ou seulement ce qu'ils souhaitent voir. Ils ne veulent pas réparer un ami brisé, ils veulent danser, rire et boire avec lui. Et quand je veux retirer le masque, ils ferment les yeux.
– Qu'est-ce qu'ils ne veulent pas voir ?
A mon tour, je prends une grande inspiration. Je tire sur un bout d'herbe qui se détache de la terre, le jette plus loin, il tombe au sol sans même être porté par le vent. Il n'y en a pas. Aucun souffle. Comme si la terre avait arrêté, soudainement, de respirer. Pour nous écouter parler, lui et moi.
– Que je pense à partir autre part, loin, que je cherche quelque chose que je ne trouve pas, que je pleure parce que je suis perdu au milieu d'eux et je ne comprends pas ce que ça signifie, de vivre à leur manière, sans avoir peur du lendemain, sans avoir à reprendre son souffle. Ils vont trop vite, ça m'effraie. Ils savent ce qu'ils veulent et en même temps ils ne tendent pas forcément les mains pour l'attraper, tu vois ce que je veux dire ? Moi, moi je sers les doigts autour du vide. Je tâte les murs, dans le noir, c'est humide, froid, rigide, ça m'écorche la peau... Quand je sors de la tête de l'eau, après avoir échappé à l'asphyxie, il n'y a plus d'air à respirer à la surface. Tout est stagnant, silencieux, mort.
Les larmes de tout à l'heure reviennent, elles ont un goût amer. Ce n'est plus celui que j'aime, celui de l'océan qui redonne envie de sentir. C'est un goût dont je veux me débarrasser à tout prix. Mais celui-là, il ne part jamais vraiment.
Assis, comme ça, j'étouffe. Je m'étouffe avec mes larmes, en silence, ou peut-être pas. J'ai l'impression que le monde entier peut m'entendre pleurer. Alors, je me laisse tomber en arrière dans l'herbe et tend les bras.
Mais il n'y a que lui. Que cet inconnu. A qui je confie tout ce qui me fait peur, tout ce qui me hante, tout ce que je cache à l'intérieur et qui ne demande qu'à sortir. Et je serre une poignée d'herbe dans ma main, fort, si fort que je l'arrache avec de la terre. Je ne fais pas exprès, mes doigts tremblent.
Je ne sais pas s'il a bougé, s'il me regarde, s'il a décidé de s'enfuir parce qu'il me pense plus bizarre encore que lui, j'ai les yeux fermés. Pour retenir mes larmes. Ça ne sert à rien, mais je le fais quand même. Parce que j'en ai l'habitude.
– Je n'ai pas envie de me réveiller un matin et de me rendre compte que j'ai raté ma vie. Que je ne lui ai pas donné le sens que je voulais. Que je vais mourir en n'ayant pas eu le temps d'exister.
Mes mots s'entremêlent dans un murmure brisé, tremblant et humide de larmes. Mes joues le sont aussi. Je n'ai plus la force de tenir les barrières, je les laisse couler. Pour aujourd'hui. Peut-être que c'est ça, se sentir vivant, sentir toutes les émotions se libérer et se mélanger dans son corps, ne pas savoir quoi en faire, où les envoyer, mais les sentir chacune plus puissante encore que la précédente.
Je serre avec une telle force mes doigts autour de la terre que j'ai mal. Mes ongles s'enfoncent dans ma paume sale, je ne sens plus ma main, elle est toute engourdie, endormie.
Le silence me répond. Peut-être que, finalement, il est vraiment parti. Je lui ai fait peur, sans doute. Il doit me trouver pathétique, ridicule.
Il y a tout qui explose, à l'intérieur de ma poitrine, toutes ces émotions qui affluent et se précipitent pour prendre de l'air, pour ne pas mourir sous ma peau.
Puis, j'entends. Sa voix, un murmure, mais que je n'ai jamais connu aussi certaine :
– Tu existes. Tu existes, là, ici, maintenant.
C'est seulement à ce moment que je m'autorise à respirer, à relâcher la poignée de terre et laisse mes muscles se détendre. Je sens encore les larmes qui parsèment mes joues, elles n'ont pas fini de sortir, alors je leur accorde leur liberté.
D'habitude, j'aurai tenté de fuir, d'échapper à ce moment. Je ne monte pas, quand je pleure, quand j'ai peur, quand je suis au bord du gouffre. Même à Zayn, c'est très rare. Seulement quand j'ai trop bu pour tenir le masque, quand je suis trop épuisé pour sourire encore.
Mais, là, c'est différent. Là, je n'ai qu'une envie, celle de rester.
– Je pense qu'il n'y a rien de plus beau que d'exister de cette manière là, en étant soi-même.
Je ne réponds pas, parce que les larmes m'en empêchent, mais j'ai la poitrine qui se serre. Sa voix, que je connais à peine, nouvelle, qui me dit ce que j'ai toujours voulu entendre. Comme si, sans jamais ne nous être rencontrés, il me connaissait mieux que personne.
Et c'est effrayant, car il a raison. Je sens que j'existe, à cet endroit, à cet instant. Je ne sais pas si c'est beau, mais je suis plus léger. Je peux flotter au-dessus du lac, que le vent léger de l'été me porte jusqu'à la mer, que j'y reste, à la surface.
J'entends mon téléphone sonner, dans ma poche, je le sors et regarde, à travers les larmes, le numéro de ma mère s'afficher. Je me redresse, passe ma main contre ma joue pour la sécher et soupire.
– Je vais devoir rentrer.
Mon téléphone affiche sept heures quarante deux. Mes parents doivent se demander où je suis, où j'ai passé la nuit. Je me redresse. Il n'a pas bougé, il est toujours dos à moi, mais il m'écoute. Il entend chacun de mes mots et les siens résonnent encore à l'intérieur de moi. Peut-être pour toujours.
Je rassemble mes affaires, redresse mon vélo et grimpe sur la selle. Juste quand mes yeux se posent sur lui, il me dit à bientôt. Ça sonne comme une promesse, je ne sais pas si c'est le cas, mais j'ai envie d'y croire. Je lui réponds la même chose et je pars, un sourire sincère sur le visage.
Quand j'arrive à la maison, la porte de la véranda est ouverte, je range mon vélo et entre. J'entends le café qui passe, l'odeur me monte aux narines, et la radio de ma mère depuis la cuisine. Ils y sont tous les deux. Mon père, en pleine lecture de son journal en attendant que sa tasse refroidisse et ma mère, en train de beurrer une tartine grillée. Ils lèvent tous les deux la tête vers moi et leurs yeux s'arrondissent.
– Louis, mon chéri, souffle ma mère, pourquoi tu as le visage couvert de terre ?
Je baisse le regard vers ma main par endroit encore marron d'une terre poudreuse et je me souviens l'avoir passé contre mes joues pour les sécher.
Ils attendent ma réponse. Et moi, tout ce que je sais faire, c'est me mettre à rire. Vraiment rire. Jusqu'à ne plus savoir m'arrêter, jusqu'à en avoir mal au ventre. Ma mère me fixe sans comprendre, et je vois le sourire qui naît aux coins des lèvres de mon père.
Ils ne comprennent pas. Mais ce n'est rien, moi je sais. Je sais que ce sont ces petites choses là qui me font exister.
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