Jour 15.

Samedi.

Je n'ai pas vraiment su trouver le sommeil cette nuit. Je suis prêt depuis sept heures. En attendant de partir, je fume une cigarette et ronge mes ongles. Je n'allais pas laisser Harry rentrer chez lui sans lui dire proprement au revoir, et je suppose que me parler avant son départ lui fera du bien.

Il y a uniquement mon père de réveillé quand je descends au salon pour prendre mon portable et mon vélo. Son regard se lève vers moi lorsque j'arrive dans l'entrée. Je suis déjà habillé et enfile mes chaussures, lui est encore vêtu de son pyjama. Il pose sa tasse sur la table basse et prend le journal à côté afin de le lire. Mais avant de disparaître entre les pages, il me sourit.

Une fois sur mon vélo, je me dépêche de rouler jusqu'à l'adresse que Gemma m'a fait suivre hier soir, après qu'Harry soit rentré. En une vingtaine de minutes, j'arrive près de la location. C'est une jolie petite maison campagnarde construite dans un coin tranquille du village. J'entends des voix, je pose mon vélo sur le côté et reste en retrait derrière des arbres, mais assez près pour avoir une vue sur ce qui se passe.

Il y a une femme, certainement leur mère, qui termine de charger le coffre de la voiture. Leur père vérifie les pneus et le moteur, je ne vois pas bien son visage et je n'ai pas réellement envie d'apprendre à le connaître non plus.

Leur mère crie qu'ils partent dans quinze minutes. Je me pince les lèvres et envoie un rapide message à Harry, les doigts tremblants autour de mon téléphone.

Je suis à l'arrière sur la gauche de la location, derrière les arbres, viens me retrouver.

Je reste là au moins deux minutes à l'attendre, pendant un instant j'ai peur qu'il ne vienne pas. Mais j'entends des pas, puis le voit qui s'approche de moi. Il porte un simple tee-shirt blanc, un short noir et ses cheveux domptés par un bandana.

– Louis, qu'est-ce que tu fais là ?

Ses derniers mots s'échouent contre mes lèvres alors que je pose mes mains sur sa nuque pour l'embrasser. Il y répond directement, bien que prit de court, ses doigts brûlants contre mes hanches à travers mon tee-shirt. Notre baiser dure une dizaine de secondes mais il n'en est pas moins intense.

Même si nos bouches se détachent pour nous permettre de respirer, je garde mes doigts sur sa nuque et les passe entre ses petites boucles. Ses joues sont colorées d'un rose timide, il garde les paupières fermées quand je murmure près de son visage :

– Je suis venu te dire au revoir.

Harry passe un bras autour de mes hanches pour me coller à lui et vient chercher mes lèvres. Nous nous embrassons à nouveau, profitons de la moindre seconde qu'il nous reste à vivre ensemble pour un long moment peut-être. J'essaie d'apprendre son odeur, le goût sur sa langue, la sensation de sa bouche contre la mienne, la chaleur de sa peau, le son de sa voix, l'éclat de son rire, les nuances dans son regard.

Après m'avoir embrassé passionnément, Harry se réfugie dans mes bras et cache sa tête dans mon cou. Même s'il est plus grand que moi et qu'il doit se pencher un peu, c'est moi qui le serre, qui glisse mes doigts dans ses cheveux pour l'étreindre.

Je sens son souffle chaud contre ma peau, il pose un baiser délicat dans mon cou qui me fait frissonner et fermer les paupières. Je le serre davantage pour ne plus jamais oublier son contact. Ses doigts s'accrochent dans mon dos, je caresse ses cheveux et attends que ce soit lui qui cesse de m'enlacer. Mais, il ne se détache pas tout de suite. Avant, il murmure quatre mots qui me font monter les larmes aux yeux.

– Tu vas me manquer...

Un léger soupir sort de ma bouche, je pose mes lèvres sur son front, respire son odeur. Je me sens au bord des sanglots, seulement je lui ai promis hier de ne pas pleurer, alors je garde les paupières fermées. Pour me faire penser à autre chose, j'imagine déjà nous retrouvailles et nos deux corps qui se retrouvent à nouveau. Je me remémore aussi tous ces moments que nous avons partagé pendant ces deux semaines au bord du lac, à la mer, dans les rues calmes du village, sur mon vélo. Je pense à notre premier baiser et au fait que jamais personne avant lui ne m'a demandé l'autorisation pour m'embrasser.

Harry est un mélange de couleurs, sensations, de douceur, de surprises, de bonheur, de vie. Un nouvel air que j'apprends à respirer à pleins poumons. Harry c'est une vague qui m'est arrivé dessus sans que je ne la vois venir, qui m'enveloppe et fait disparaître toutes mes peurs. Si sa main est dans la mienne, je ne me noie pas. Dans quelques minutes seulement, quand il s'éloignera avec cette voiture, je serai déjà entrain de perdre mon souffle.

– Tu me manques déjà.

Je le sens déjà en moi, le vide laissé par son absence qui se creuse un chemin partout. Harry se détache de moi, ses doigts se glissent sur ma joue et il pose plusieurs petits baisers sur mes lèvres. J'ouvre les yeux pour le regarder, la bouche entrouverte. Il me sourit. J'essaie de le lui rendre, même si mon sourire doit plus avoir l'air d'une grimace.

Il passe ses doigts dans mes cheveux et remet une de mes mèches en place avec les autres, mon regard ne se détache pas lui, des larmes que je vois dans les siens, de son visage. J'accroche les miens dans ses boucles, je suis incapable de le lâcher.

Autour de nous, plus loin près de la maison, la voix de sa mère s'élève pour annoncer qu'elle fait un dernier tour dans la maison et qu'ils partent dans cinq minutes. La boule que j'ai dans la gorge depuis hier ne cesse d'accroître au fil des secondes.

– J'ai quelque chose pour toi.

Je fronce les sourcils, Harry se détache de moi complètement pour passer ses mains derrière sa nuque. Mes bras retombent le long de mon corps, le froid prend déjà possession de ma poitrine. Je le regarde. Il dénoue la chaîne de son pendentif et le tient un moment entre ses doigts. Un sourire se dessin sur ses lèvres, il l'admire puis souffle :

– Je te le donne.

– Quoi ? Je secoue la tête. Non, Harry, c'était à ta grand-mère, il t'appartient... je refuse de le prendre.

– Je veux que tu le gardes pour moi, jusqu'à mon retour.

Harry s'approche, je ne comprends pas. Je le suis des yeux, perdu. Il passe ses doigts autour de ma nuque et l'accroche. La caresse brûlante de sa peau contre la mienne me donne des frissons, il regarde le bijou maintenant pendu à mon cou.

– Pourquoi tu fais ça... ?

– Comme ça tu auras toujours une part de moi avec toi. Quand tu seras triste, tu le regarderas et tu te rappelleras de nous et de la chance qui nous attend. Tu sauras que je reviendrai un jour ou l'autre pour vous retrouver tous les deux.

Sa voix tremble légèrement et finalement c'est lui qui pleure en premier. Mais je ne tarde pas à le suivre. Les larmes coulent sur nos joues. Il pose ses doigts sur le pendentif, renifle et se met à rire. Je passe mon pouce contre sa joue et avance mon visage afin de réunir nos lèvres.

Ce baiser a une saveur différente. Il est plus intense, plus long, plus désespéré. Nos larmes qui s'y mêlent lui donnent un goût amer. Celui d'un au revoir. Mais il sonne aussi comme une promesse silencieuse, un bientôt que je perçois sur le bout de sa langue et dans la manière dont il me serre contre lui.

Puis quand il se détache, c'est la douche froide. Ses doigts laissent une dernière caresse fébrile contre ma joue. J'ouvre mes yeux sur les siens, un vert avec des petites touches de bleu à cause de ses larmes.

– J'en prendrai le plus grand soin, Harry. Je te promets de ne jamais l'enlever.

Un sourire fend ses lèvres. Sa main vient chercher la mienne, nos doigts s'enlacent une dizaine de secondes. La voix de sa mère nous interrompt, elle appelle son prénom et répète qu'ils vont partir. Harry me murmure :

– Attends moi.

Je sens une larme dévaler sur ma joue. Mon cœur bat douloureusement à l'intérieur de ma poitrine. Dans ces moments là, je déteste me sentir aussi vivant. Mes lèvres tremblent quand je réponds sur le même ton,

– Ne m'oublie pas.

Il secoue la tête, me souffle jamais Louis et serre une dernière fois mes doigts avant de faire demi-tour. Sa silhouette disparaît entre les arbres. Je reste là. Je le regarde monter dans la voiture, la portière se fermer derrière lui. Le moteur s'allume, les roues tournent, le véhicule démarre et s'éloigne.

Je pose mes doigts contre le pendentif qui pèse, à présent, lourdement sur ma peau. Peut-être qu'Harry me l'a donné pour remplacer le trou qui s'agrandit dans ma poitrine.

Le jardin est vide. Il n'y a plus aucun bruit. Rien. Un silence assourdissant. Je ne suis pas capable de bouger pour le moment. Je m'assois à terre, le dos contre le tronc rêche de l'arbre, et je laisse les larmes couler, mon corps se vider.

Au bout d'une vingtaine de minutes, je remonte sur mon vélo et rentre chez moi. Je le laisse au jardin, m'avance dans le salon. J'aurais aimé être autre part, encore avec Harry. Nous serions en train de manger une glace à la mer, il goûterait la mienne et j'embrasserais ses lèvres pour y retrouver la saveur de la vanille. Je le regarderais nager entre les vagues, les gouttes salées sur sa peau quand son corps séchera à l'air de l'été, mes doigts retracerait la forme de ses tatouages, se perdraient dans ses boucles, il lirait un livre de Marguerite Duras et je poserais des baisers sur sa peau mouillée, il ne cesserait de sourire à en rendre jaloux le soleil et nous n'aurions jamais à nous séparer.

Ma mère sort de la cuisine avec un plat lorsque j'entre au salon, mon père a le nez plongé dans un grand livre d'Histoire, un stylo à la main. Mais à mon arrivée, ils s'arrêtent et me regardent. J'entends la voix de ma mère, elle murmure mon prénom. Et j'ai du mal à comprendre ce qui se passe, je suis un peu ailleurs, j'ai la sensation qu'Harry est encore là, dans le village, pas loin, et en même temps je sens le poids de son départ qui me déchire à l'intérieur, qui me broie le cœur.

J'étais parvenu à sécher mes larmes, mais elles sortent à nouveau. Je ne sais pas comment je peux avoir autant d'eau dans le corps. Mes parents se lèvent tous les deux, ils me prennent dans leurs bras, je pleure silencieusement. J'écoute leurs mots, je hoche la tête, je m'accroche à eux, ma mère embrasse mon front, je respire lourdement.

– Mon chéri, souffle-t-elle, il reviendra. Plus tôt que tu ne le penses. Ou bien tu iras jusque chez lui, tu pourras économiser ta bourse d'études ou bien on te donnera de l'argent pour y aller. On a bien vu que tu tiens à lui, et ne t'en fais pas... Vous trouverez un moyen de vous revoir. Et même si ça semble compliqué et long, vous y arrivez.

– Oui, continue mon père, souviens-toi de ce que je t'ai dis Louis. S'il tient à toi, à ce que vous être en train de construire, il gardera contact. Et je suis persuadé qu'il ne te laissera pas tomber. Tu as le droit d'être heureux, et si Harry en est la raison, alors ta mère et moi nous ne pouvons que t'encourager à le garder.

Malgré tout, malgré les larmes sur mes joues, je souris. Je pense à son pendentif contre ma peau, sa promesse de revenir le chercher et me retrouver. Je pense au fait que nous avons échangés nos numéros et que ce n'est pas la fin, même si ça en a tout l'air. Il n'aurait pas donné ce bijou, si précieux à ses yeux, à n'importe qui.

Ils m'enlacent jusqu'à ce que je me calme. Mon père me sourit, ma mère me propose un thé et des biscuits en caressant mon dos. Je secoue la tête et leur dit que je préfère aller dormir un peu, avant. Je suis épuisé et j'ai besoin de ne plus penser à rien pendant quelques petites heures. Si le sommeil peut me permettre de me sentir mieux, alors je veux dormir tout le reste de la journée.

Demain sera un autre jour. Demain la réalité de son absence sera d'autant plus intense. Je ne pourrai plus lui envoyer de message pour lui demander de me retrouver au lac ou à la place du village.

Ils ne cherchent pas à me retenir, ils comprennent qu'il me faut du temps, de la solitude. Je monte dans ma chambre, ferme les volets, retire mes chaussures et m'allonge dans mon lit, en dessous des couvertures.

Nous sommes en plein été, mais j'ai froid. J'enfouis mon nez dans le coussin où il a dormi deux nuits avant, son odeur s'évapore et bientôt je n'aurais plus rien de lui à quoi m'accrocher. Si ce n'est son pendentif, une petite part de lui sur moi. Toujours.

Mon téléphone vibre sur la table de chevet, je le prends immédiatement. Et un sourire revient sur mes lèvres quand je lis d'abord le prénom de Harry à l'écran puis son message. Mon cœur se serre de joie et de manque un peu aussi.

Au final, même si chaque minute nous sépare un peu plus et que des kilomètres nous séparent, nous serons toujours l'un à côté de l'autre. Ce n'est qu'une question de temps avant que nous soyons réunis et je suis prêt à l'attendre. Je suis prêt à traverser un pays entier, des océans, des montagnes, à dépenser toutes mes économies pour le voir.

Parce qu'il n'y a pas de limite à ce que je ressens.

Parce qu'il n'y a pas de limite à l'amour.

Mes yeux se reposent sur ses mots, je sens une petite boule de chaleur au creux de ma poitrine. Lire son message me rassure un minimum, même si j'ai uniquement envie de le serrer contre moi.

Je t'ai emprunté un de tes pulls l'autre jour quand j'étais chez toi, j'espère que tu ne m'en veux pas ?

Ne pleure plus, tu me le promets ?

J'écoute le bruit des vagues, de la mer sur mon téléphone, ça me fait penser à toi.

Ne m'oublie pas toi non plus et p rends soin du pendentif en attendant mon retour.

Instinctivement, je porte mes doigts contre le bijou autour de mon cou et souris, la gorge nouée.

S'il y a bien une chose dont je suis certain, c'est que je ne peux pas oublier la première personne dont je suis tombé amoureux.

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