Jour 14.
Vendredi.
Le jour est encore levé quand Harry ouvre les paupières. Je suis réveillé depuis une bonne demi-heure maintenant, j'ai entendu mes parents quitter la maison ce matin, avant de me rendormir. Après une brève sieste hier après-midi, nous sommes descendu manger avec mes parents. Harry est resté avec moi le temps que je fume une cigarette dans le jardin. Nous n'étions plus tellement fatigués, alors nous sommes restés au salon et nous avons regardé un film, installés l'un près de l'autre dans le canapé. Mes parents ne sont pas venus nous voir ou nous déranger, ils ont laissé de l'espace à Harry. Et je l'ai senti plus détendu que pendant tout le reste de la journée.
Il est bientôt dix heures. J'ai eu le temps d'envoyer un message à Zayn pour le prévenir que j'étais avec Harry et de tenir sa sœur au courant. Depuis, ça doit bien faire plus dix minutes que je le regarde dormir. Le visage apaisé, les sourcils légèrement froncés parfois et sa bouche entrouverte. Ses yeux sont d'un vert très clair et limpide au réveil, il sourit en coin, timidement et cache sa tête plusieurs secondes dans le creux de mon cou. Je lui laisse le temps de sortir de son sommeil et lui caresse, lentement, les cheveux. Ses boucles sont emmêlées, mais lisses au toucher.
– Bonjour.
Sa voix est rauque, rocailleuse, je lui souris quand il se recule pour me regarder. Je lui réponds sur le même ton, dans un murmure. J'embrasse son front, il serre le tissu de mon tee-shirt entre ses doigts et soupire lentement.
– Comment tu te sens ?
– Je ne sais pas, il souffle à peine, c'est confus dans ma tête. Je ne suis pas capable de mettre des mots dessus...
– Harry, tu as le droit de ne pas savoir.
J'enroule une de ses boucles autour de mes doigts et les glisse ensuite contre sa joue. Nous sommes allongés face à face, au milieu du lit, nos jambes sont emmêlées sous la couverture.
Dehors, le temps s'est calmé. L'orage est passé, durant la nuit. Le soleil est de retour, ainsi que la chaleur de l'été. Mais nous ne nous détachons pas pour autant, nous avons besoin de nous tenir l'un contre l'autre.
Harry soupire, ferme les paupières et je sens son pouce passer contre mon dos. Il secoue la tête, les lèvres pincées.
– Je n'ai pas envie d'y retourner Louis, je n'ai pas envie de rentrer à la maison, je n'ai pas envie de voir mon père, de devoir le supporter, respirer le même air que lui. Je te jure, c'est... c'est vraiment l'enfer. J'étouffe dès qu'il est là, à chaque fois, je... je veux juste m'enfuir. Partir loin de lui.
Je sens toute la tristesse qui s'accumule dans sa voix, je caresse sa joue, mon regard porté uniquement sur lui. Sa respiration tremble légèrement, je le serre dans mes bras et sa tête reste cachée contre mon cou plusieurs minutes.
Aucun de nous ne dit un seul mot, je l'enlace et nous respirons le même air dans un grand silence. Je n'ai rien répondu, parce que je sens qu'il a besoin de libérer ce poids de son cœur à son propre rythme. Ce n'est qu'au bout d'une dizaine de minutes qu'il pose correctement sa tête en face de la mienne et se met à parler.
– Il n'a... il n'a jamais vraiment accepté qui je suis. Je crois que ça a commencé aux alentours de mes quatorze ans, j'ai... J'étais proche de ce garçon, on passé des après-midis entières dans ma chambre, on jouait à des jeux de société, il me parlait de ses super-héros préférés, je lui montrais mes collections de bandes dessinées... et je ne sais pas, un soir il m'a juste embrassé. Je me sentais bien avec lui et je commençais à découvrir que je ne le voyais pas seulement comme un ami... Après, il est rentré chez lui, normalement. Le lendemain, au collège, il m'a dit que c'était juste pour essayer, qu'il a vu comment je le regardais, mais que lui il n'était pas... comme ça. Et à partir de ce moment là, il a commençait à s'éloigner de moi, je crois qu'il a dû dire à tout le temps que j'avais tenté dans l'embrasser, parce que j'entendais rire sur mon passage, tous les regards étaient sur moi dans la classe et j'ai eu plusieurs remarques, des insultes...
Au fil de ses mots, mes doigts quittent sa joue pour aller enlacer les siens, entre nos corps. Son souffle est lent, lourd, sa voix n'est qu'un murmure. Il me regarde souvent dans les yeux, mais parfois son regard fuit le mien, je le serre davantage à chaque seconde qui passe.
Je lui laisse tout le temps dont il a besoin pour chercher ses mots, pour me faire partager son histoire. Parce que, même s'il ne m'en a partagé que le début pour le moment, ce n'est pas facile. Ce ne doit pas être un sujet qu'il aborde souvent, et pourtant il semble y penser tous les jours. Mais il garde tout cela pour lui, il subit en silence, il n'a peut-être jamais eu personne à qui en parler à part sa sœur, et ça me fend le cœur.
– Mon père a dû savoir, il... il était ami avec des parents d'élèves, et j'ai... un soir je suis rentré et il m'a demandé si c'était vrai, si j'avais forcé ce garçon à m'embrasser. J'ai essayé de lui faire comprendre que c'était lui qui avait fais le premier pas, mais mon père ne voulait rien entendre. Il s'est énervé, il m'a dit que je ne devais plus jamais me comporter ainsi, que je devais aller m'excuser. Je ne l'ai pas fait, parce que ce n'était pas ma faute... Mon père m'a puni, pendant trois semaines.
Il s'accroche à moi, je le sens. Ses muscles tendus, ses doigts refermés autour des miens, autour de mon tee-shirt dans mon dos. Ce n'est plus seulement quelqu'un pour l'écouter dont il a besoin, mais aussi de bras pour le tenir et le protéger du monde entier, de son passé, de son quotidien.
– Mais ça ne m'a pas empêché de... d'embrasser d'autres garçons et d'avoir mon premier copain. J'avais seize ans et ça n'a duré qu'un mois, mais quand même... C'était important. Mon père ne l'a pas su tout de suite, mais il me surveillait. Je crois qu'il se doutait que je n'étais pas attiré par les filles. Au lycée, je n'ai pas vraiment eu d'amis. J'étais toujours seul, renfermé et avec mes livres. J'avais de bons résultats, mon père n'accordait de l'importance qu'à ça. Mais, il guettait mes moindres gestes, il refusait que je porte des jean serrées, que je laisse pousser mes cheveux, que je porte des bagues ou des chemises à motif.
Et pourtant, il garde encore tout cela aujourd'hui. Il n'a pas honte d'être lui et je crois que c'est ce que j'admire le plus chez Harry. Malgré tout ce qu'il a pu traverser, malgré tout ce qu'il est en train de me dévoiler de son passé, malgré tout ce que son père a pu lui dire, il n'a jamais changé. Il a continué à être lui-même.
– Le pire, c'est quand j'étais en terminale. J'ai commencé à mettre du vernis à ongle, je comprenais mieux ma sexualité et j'étais de plus en plus à l'aise avec elle et mon corps. A cette époque, j'avais rencontré un garçon par internet, c'était la première fois que je tombais amoureux. On a parlé longtemps par message avant de se voir en vrai. Il n'habitait pas très loin, alors il a prit le train. On s'est rencontré une après-midi, on était très proches, je n'ai pas eu peur d'être moi-même. Mon père l'a su, il... il ne l'a pas bien pris du tout. Il m'insultait, il me disait que j'étais une honte pour toute la famille, que je n'avais pas le droit de me comporter comme ça et qu'il fallait que je change vite. C'est devenu vraiment tendu à la maison, tous les reproches me tombaient dessus, il cachait mes vernis à ongle pour ne pas que j'en mette. Bien sûr, ça ne lui plaît toujours pas que je m'assume et que je ne lui obéisse pas. Et maintenant, dès qu'il en a l'occasion, il m'accable d'insultes homophobes... Depuis mon entrée à l'université, c'est devenu un vrai cauchemar...
Je caresse le dos de sa main pendant qu'il parle, sa voix est basse, lente. Il laisse chaque mot résonner dans la pièce, se répercuter entre les murs et me frapper en pleine poitrine. Il n'est pas forcément très à l'aise, il n'a pas l'habitude de raconter cette partie de sa vie. Son regard fuit souvent le mien, il serre mes doigts, cherche ses mots cachés au plus profond de lui.
– Des fois, ça me passe au-dessus de la tête, parce que j'ai l'habitude, mais l'autre soir, après la fête chez toi... J'avais peur, il était vraiment, vraiment en colère. Il a lancé son verre à travers la pièce et je n'ai jamais vu une telle colère dans ses yeux. Il m'a crié dessus, je pleurais, on s'est disputé, ma mère n'a rien fait... Elle n'a jamais rien dit, parce qu'elle pense comme lui. Que je fais la honte de la famille et que ce n'est pas naturel pour son fils d'aimer un autre homme... Ce... Ce soir là, il m'a dit que quand on rentrerait, il allait m'emmener voir un psychologue, un médecin je ne sais pas, pour me soigner. Ce sont ses mots, me soigner de cette maladie. Que ça ne pouvait plus durer... que je devais redevenir normal.
Son souffle tremble quand il prend une grande inspiration, je serre mon bras autour de lui et ne lâche toujours pas sa main. Une seule larme s'échappe de son œil et glisse le long de sa joue pour mourir contre le tissu de son tee-shirt. Son visage se rapproche du mien, je pose mes lèvres sur son front, je les laisse là, il s'accroche davantage à moi. En le berçant lentement dans mes bras, je murmure :
– Harry... Je suis désolé, je suis vraiment désolé... c'est horrible.
– Ce n'est pas toi qui doit t'excuser, ce n'est pas de ta faute.
– Mais tu n'as pas à vivre ça, personne ne devrait subir ces horreurs tous les jours.
Il hausse les épaules, je ferme les yeux et soupire. J'ai une boule en travers de la gorge et l'envie de pleurer, moi aussi. Mais je ne pense pas que c'est ce qu'il attend de moi. Il veut que je le rassure, garder un bon souvenir de sa dernière journée ici. Maintenant qu'il m'a avoué cette partie de sa vie, je déteste plus encore l'idée qu'il doive partir demain. Demain, déjà.
Demain il ne sera plus là, au lac, dans mes bras, je ne verrai plus son sourire, ses grands yeux aux différentes nuances de vert, sa peau bronzée par le soleil, je ne sentirai plus son parfum, je ne toucherai plus sa peau brûlante, je n'embrasserai plus ses lèvres, je serai vide et il ne sera plus en sécurité avec moi.
– Est-ce qu'il a déjà levé la main sur toi ?
– Non, il secoue la tête et se recule pour me regarder, non mais je crois que je préférerais. Il m'attaque avec les mots et c'est pire que les coups. Toutes ces insultes, elles restent en moi et elles me marquent. J'essaie de ne pas lui montrer, mais ça m'atteint vraiment... Et s'il le sait, il serait trop content, il prendrait cet avantage pour me détruire. Je lutte pour ne pas pleurer devant lui, ça lui fait trop plaisir quand il voit qu'il parvient à m'atteindre.
Un soupir sort de ma bouche, je crois que je dois avoir les larmes aux yeux, parce que Harry lâche le tissu de mon tee-shirt pour venir passer ses doigts contre ma joue. Son contact m'envoie des frissons dans tous le corps, il secoue la tête et murmure :
– Je ne veux pas que tu sois triste pour moi Louis, je t'ai raconté tout ça pour que tu comprennes, pas pour que tu pleures...
– Harry...
Je souffle son prénom, il me sourit légèrement, ses doigts serrent les miens. Je ne veux pas le lâcher, je ne veux pas le laisser partir, je ne veux pas que cette journée prenne fin. J'aimerais qu'il reste encore, que l'été ne se termine jamais, qu'il continue à me raconter des choses de la vie, qu'il me regarde en souriant à chaque fois que je me lance dans une grande discussion sur mes livres préférés, qu'il n'arrête jamais de me serrer dans ses bras ou de m'embrasser.
Parce que c'est ça qui me fait exister. Tout ces petits gestes, ces regards, ces sourires, ces caresses furtives, ces baisers volés, ces longues conversations, ces nuits interminables devant le lac, hors du temps... Tout ça. C'est Harry qui me rend vivant.
– Le premier soir où on s'est vu, j'étais en pleurs à cause de lui, on venait à peine d'arriver et il faisait déjà de ces vacances un supplice... j'avais besoin de m'éloigner de lui, et toi tu m'en as donné l'occasion pendant ces quinze jours... je voulais juste te remercier pour ça, parce que c'était vraiment important pour moi de me sentir... heureux quelque part, à tes côtés. Personne n'a jamais fait tout ça pour moi, m'emmener à la plage, me faire rire autant, me donner envie de ne plus jamais partir. Je ne pense tout le temps qu'à ça, chaque seconde de ma vie, à m'enfuir, mais depuis que je suis là, depuis que j'ai vu... Louis, il soupire, quand je suis avec toi je veux rester.
– Alors reste.
Ce n'est qu'un murmure. Harry sourit à mes mots, pose à peine ses lèvres contre les miennes, je n'ai pas le temps d'avancer la tête pour y répondre. Il recule la sienne et me regarde droit dans les yeux.
– J'aimerais tellement, mais je ne peux pas. Pas maintenant. Je suis encore coincé chez moi...
La boule dans ma gorge se resserre davantage, je baisse les yeux vers son torse, son tee-shirt, la chaîne du pendentif derrière le tissu. En bas, le bruit de vaisselle nous parvient. Je me dis qu'on devrait peut-être se lever pour aller manger un peu et prendre l'air dans mon jardin. On pourrait ensuite aller au lac, terminer notre dernière journée ensemble comme nous avons commencé la première.
Mais, d'un autre côté, je n'ai pas envie de bouger de ce lit. Je veux serrer Harry dans mes bras jusqu'à avoir son odeur partout sur moi et entre les draps. Je veux l'embrasser jusqu'à en avoir les lèvres gercées, caresser sa peau jusqu'à en connaître les moindres formes par cœur, écouter sa voix et son rire pour ne jamais les oublier. Même quand il ne sera plus là.
Je laisse échapper un soupir et lève les yeux vers Harry, il me regarde toujours. J'ai une question qui ne cesse de tourner dans ma tête depuis notre premier baiser. Et même si j'ai peur de la lui poser, nous ne pouvons pas l'ignorer. Parce que je suis certain que lui aussi y pense. Aujourd'hui est, peut-être, notre dernière chance d'en parler.
Ses doigts passent dans mes cheveux, je souris malgré tout et ses yeux se posent sur ma bouche. Les battements de mon cœur se font légèrement plus rapides, mais il faut que nous ayons cette conversation avant qu'il ne soit trop tard. Je prend une inspiration et lui demande d'une voix faible :
– Qu'est-ce qu'on va devenir nous deux, après ton départ demain ?
Harry me regarde à nouveau dans les yeux, il semble réfléchir un instant, mais sa réponse ne tarde pas vraiment.
– Je ne sais pas Louis...
Je baisse les yeux en hochant la tête, mon sourire meurt sur mes lèvres. Mais il passe directement ses doigts sous mon menton pour me relever le visage. Son expression n'a jamais été aussi sérieuse. J'avale difficilement ma salive, il me fixe un instant puis serre sa main dans la mienne.
– Je ne sais pas si j'aurais les moyens de prendre le train et venir ici souvent, si j'aurais le temps de rester, si...
– Ce n'est rien, je souffle en le coupant, je pourrais te rejoindre à Rennes moi.
– Louis...
Un sourire naît sur ses lèvres, il secoue la tête lentement et pose son front contre le mien. Je soupire, accroche mes doigts dans ses cheveux, entre ses boucles. Je ne sais pas s'il croit que je dis ça à la légère, pour plaisanter, alors je précise :
– Je suis très sérieux.
– Oui, je le sais bien Louis. Tu es vraiment incroyable...
Harry recule sa tête, ses doigts glissent contre ma joue et il se penche pour m'embrasser furtivement. Encore une fois, ses lèvres m'échappent. Je reste là, j'attends qu'elles reviennent.
– Mais je ne peux pas te demander ça. Ce serait égoïste de ma part. Je n'ai pas le droit de te retenir, de t'empêcher de vivre ta vie, de tomber amoureux si...
– Je t'en prie, Harry, je l'interromps, je ne me suis jamais senti aussi vivant que ces derniers jours avec toi.
– Et si on ne peut pas se voir avant longtemps ?
Je sais que les relations à distance font peur. Même moi je suis effrayé, je n'ai jamais vécu et connu ça. Mais je refuse de perdre Harry, je refuse de tirer un trait sur ces deux semaines, d'oublier ce que nous avons partagé parce qu'il retourne chez lui, à des kilomètres d'ici.
Avec tout ce qu'il m'a fait vivre, avec tout ce qu'il a changé et bouleversé en moi, Harry sait que je ne le laisserai pas tomber. Et je pense qu'après tout ce qu'il vient de me raconter sur son père, il ne souhaite pas non plus mettre fin à ce que nous commençons à construire.
Il me regarde alors que je viens chercher son pendentif sous son tee-shirt. Je passe mon pouce contre le bijou, la forme du trèfle et le regarde ensuite dans les yeux.
– Nous avons le droit à notre chance nous aussi, non ?
C'est le sourire que j'aime voir qui se dessine sur ses lèvres. Et cette fois c'est moi qui se rapproche pour les embrasser, il pose une main sur ma nuque pour approfondir et faire durer davantage notre baiser. Je tiens toujours son pendentif, même quand il se recule en souriant pour me demander :
– Alors, tu veux qu'on continue ? Qu'on soit... ensemble ?
– C'est l'idée, oui.
Nos rires étouffés se mêlent et meurent l'un contre l'autre tandis que nos bouches se retrouvent à nouveau, pendant une poignée de secondes seulement. Mais cet échange suffit à me rassurer. Je suppose que cela veut dire que nous sommes en couple, et cette simple idée me fait sourire jusqu'aux oreilles.
Harry pose ses lèvres aux coins des miennes pour embrasser mon sourire, ce qui le fait apparaître davantage. Il murmure que je suis beau comme ça, mes joues rougissent, je lui réponds de se taire, il rit et je capture à nouveau sa bouche pour un autre baiser.
Nous restons encore une bonne demi-heure dans le lit. Nous ne faisons que nous embrasser, nous taquiner et parler à voix basse même si personne ne peut vraiment nous entendre.
Je le laisse téléphoner à sa sœur tranquillement le temps de prendre ma douche. Quand je reviens, l'appel avec sa sœur est déjà terminé et il s'est changé dans d'autres vêtements que je lui ai prêté. Il me sourit pour me dire que tout s'est bien passé, j'embrasse sa joue puis nous quittons la chambre.
Même si nos doigts se détachent lorsque nous entrons au salon, mes parents se doutent qu'il y a quelque chose entre nous. Harry ne peut certainement pas le remarquer parce qu'il ne les connaît pas, mais moi je le sais. Le sourire en coin de ma mère et l'éclat dans le regard de mon père. Ils ont eu la même réaction le jour où je leur ai présenté mon premier copain.
Nous déjeunons dans le jardin, du thé, un bol de fruit et des tartines. Harry discute ensuite plusieurs minutes avec mon père, au salon, pendant que je range la table. Ma mère me regarde faire, essuie les couverts et m'embrasse le haut du crâne. Elle ne prononce par ces mots à voix haute, mais je comprends que c'est sa manière de me dire qu'elle est contente pour moi. Je souris en terminant de laver la vaisselle.
Aux alentours de quatorze heures, mes parents partent au marché du village et faire un tour. Nous passons le reste de l'après-midi dans la piscine, au bord de l'eau à discuter. Il me joue un morceau de piano, je reste à côté de lui sur le tabouret et le dévore du regard. Nous nous allongeons à deux dans le hamac, à l'ombre. Je manque de tomber, Harry me prend contre lui en riant et nous nous embrassons un long moment, jusqu'à manquer de souffle.
Vers dix-huit heures trente, je vais l'aider à rassembler ses affaires. Gemma a trouvé ça plus judicieux qu'il rentre dans la soirée pour terminer de faire sa valise et éviter les foudres de son père. Leur départ aura lieu demain matin à neuf heures. A la porte, il dit au revoir à mes parents. Ils le prennent dans leurs bras, Harry est un peu surpris mais il sourit et les remercie encore. Ma mère lui demande de revenir nous voir bientôt. Je vais chercher mon vélo pour ne pas pleurer devant eux.
Harry me rejoint, pose son sac dans le panier à l'avant et s'assoit derrière moi. Ses mains s'accrochent à mes hanches et je voudrais que ce chemin en vélo ne se termine jamais. Qu'il nous mène à la mer et qu'on ne doive jamais en revenir. Mais nous arrivons à la place bien plus rapidement que je ne m'en rends compte.
Je m'arrête. Il descend du vélo, vient devant moi. Il murmure mon prénom. Je ferme les yeux parce que je ne veux pas qu'il me voit triste, mais c'est plus fort que moi. Harry prend mon visage entre ses mains, chasse une larme sur ma joue et m'embrasse. Longtemps. J'ai le sensation que ce baiser dure une éternité. Mes doigts s'accrochent à sa hanche, je sens qu'il a du mal à se détacher de moi.
Quand nos lèvres se quittent, il me prend dans ses bras, je le serre si fort contre moi que je dois l'empêcher de respirer. Je l'entends qui me dit à l'oreille :
– Merci.
Ce n'est pas seulement pour l'avoir reconduit en vélo, mais pour tout ce que j'ai fais pour lui. Les rires, la mer, l'écouter, les sourires, les baisers, la nuit chez moi, le comprendre, nous donner une chance.
Je le remercie aussi, pour ces quinze jours de bonheur, pour m'avoir donner de l'espoir, des couleurs à ma vie, pour m'avoir donné envie de continuer, pour m'avoir rendu vivant.
Après un dernier baiser et un sourire, il s'en va, son sac sur le dos. Il m'adresse un dernier regard puis disparaît dans une autre rue. Je dois me retenir pour ne pas le rejoindre. J'attends quelques minutes, la gorge nouée et me tourne dans l'autre sens avec mon vélo. Sur le chemin du retour, les larmes roulent sur mes joues, mes doigts serrent le guidon. Je ne m'arrête pas au lac. Je n'en ai pas le courage. Pas ce soir. Peut-être pas avant un moment.
Harry est parti et je lui ai laissé mon cœur.
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