Chapitre 49 : Incantation Dimensionnelle

Salut les louloudjis !

Déjà pour commencer, ce chapitre est 5 fois plus long que les chapitres habituels, donc j'espère que vous n'êtes pas pressés XD

Aussi, j'ai fait des images de notre quatuor sauf que... je me suis rendue compte qu'il me manquait deux images : une pour Adrien et une pour Luka. Le truc, c'est que j'ai carrément la flemme de les faire. Du coup, plutôt que d'utiliser les images dans le chapitre, je vous les met au début, comme ça vous voyez à quoi ils sont censés ressembler.

Marinette casual :

Marinette bal :

Adrien :

Kachina casual :

Kachina bal :

Luka :

Voilà ! Sur ce, je vous laisse avec ce (très) long chapitre. J'espère qu'il vous plaira !

Bonne lecture !

Biz,
Angel

***

Paris, France, début du XVIIe siècle

Au château du roi de France, en ce début de matinée, la journée commença comme chaque jour. Les domestiques étaient déjà au travail, un bal étant prévu dans un mois pour l'anniversaire des seize ans du prince, l'unique héritier du trône.

Dans les cuisines, un couple s'activait pour que les petits-déjeuners de la famille royale et des nobles du château soient prêts à l'heure prévue. Bien entendu, ils n'était pas seuls : les deux chefs avaient leur fille de quinze ans pour les aider, ainsi qu'une dizaine de cuisiniers sous leurs ordres (enfin, officiellement, sous les ordres de l'homme). Le couple et leur fille répondaient au nom de Tom, Sabine et Marinette Dupain-Cheng.

"Marinette, les petits-déjeuners de la famille royale sont-ils prêts ?

- Oui Maman ! répondit Marinette en souriant.

- Dans ce cas, apporte-les à Tikki et Plagg pour qu'ils les servent.

- Tout de suite Papa !"

La jeune fille aux couettes sortit un grand chariot qui servaient à transporter les petits-déjeuners. Elle déposa dessus ceux de la famille royale, ainsi que ceux des dames de compagnie et des écuyers. Marinette sortit ensuite de la pièce, poussant le lourd chariot jusqu'à la salle commune des domestiques, là où ils prenaient leurs repas. C'était la porte se situant deux pièces plus loin. Elle toqua et l'une de ses meilleures amies, une charmante jeune fille de son âge, aux cheveux roux tirant sur le rouge et aux yeux bleus foncés, lui ouvrit.

"Bonjour Tikki, bien dormi ?

- Bien, comme toujours, et toi ?

- Aussi. Je suis venue t'apporter le chariot des petits-déjeuners. C'est que c'est lourd tout de même, comment tu fais ?

- Haha ! C'est Plagg qui le pousse pour moi, il n'aime pas trop servir les repas, donc c'est un bon compromis. Merci de me l'avoir amené. Retourne aider tes parents, histoire que vous puissiez manger vous aussi. Je vous ai mis de côté ce que vous préférez. Bon, comme toujours, Plagg a mangé tout le fromage mais il me semble que vous n'en mangez pas le matin.

- Non, ne t'inquiète pas. Et puis, Maman doit aller au marché de toute manière, je lui demanderai d'en acheter.

- Pas de soucis, bonne journée !"

Laissant le chariot aux mains de Tikki, Marinette retourna en cuisine pour aider ses parents.

***

De son côté, le prince venait tout juste de se réveiller. Il n'avait pas très bien dormi, ayant entendu quelque chose qui lui avait déplu la veille. Cela l'avait tourmenté toute la nuit. C'est pourquoi, lorsqu'il entendit le son du chariot approchant de sa chambre, il se redressa et s'assit sur son lit. Quelqu'un toqua à la porte avant que cette dernière ne s'entrebâille. 

"Votre Altesse, c'est l'heure de... oh, vous êtes déjà réveillé ? s'étonna Tikki.

- Bonjour Tikki, oui je n'ai pas très bien dormi cette nuit."

Tikki entra dans la pièce et écarta les rideaux pour laisser entrer la lumière. Le prince leva la main pour se protéger du soleil, le temps de s'habituer à la luminosité.

"Est-ce un problème par rapport à vos draps ? Ils ont été changés hier dans la journée, vous m'en voyez désolée si..."

Le prince la rassura d'un sourire. Les autres membres de la noblesse auraient sauté sur l'occasion pour blâmer le personnel, mais pas lui. Déjà, parce que ce n'était pas son genre, et aussi parce qu'il savait que le personnel qu'employait son père faisait partie des meilleurs et qu'ils faisaient de leur mieux au quotidien.

"Ne vous inquiétez pas Tikki, j'ai juste appris une information qui m'a travaillé toute la nuit. Ce n'est en rien la faute du personnel.

- Vous m'en voyez rassurée, sourit Tikki en déposant son plateau sur son lit.

- Je ne blâmerai jamais le personnel pour une mauvaise nuit, et encore moins s'il n'a rien à voir avec ladite mauvaise nuit.

- Vous êtes quelqu'un de bon Votre Altesse, le monde irait bien mieux si tout le monde était comme vous... si vous me permettez, je vais me retirer. Je dois encore servir leurs petits-déjeuners à vos parents.

- Oui bien sûr, vous pouvez y aller Tikki. Oh, une seconde ! Vous pourriez demander à Mademoiselle Dupain-Cheng de me rejoindre dans le jardin, à l'endroit habituel, d'ici deux heures ?"

Tikki eut un léger sourire malicieux.

"Bien entendu, mais votre père va bien finir par se rendre compte que vous éprouvez de tendres inclinations pour la fille de son chef cuisinier. N'oubliez pas que vous êtes fiancé à la Comtesse Bourgeois. Il serait malvenu que cette demoiselle face un scandale, vous savez bien à quel point elle n'attend que ça..."

Le prince soupira. Oh que oui, il savait que Chloé attendait la moindre occasion pour faire renvoyer les Dupain-Cheng du château. Mais il n'y pouvait rien, son coeur battait pour la jeune bleutée. Elle était tellement différente de toutes les autres filles, courageuse, intelligente, bienveillante, énergique... même sa maladresse la rendait spéciale.

En voyant le sourire qui avait inconsciemment naquis sur les lèvres du prince, Tikki sourit et s'accroupit à sa hauteur, lui étant assis sur son lit.

"Si vous l'aimez vraiment Adrien, parlez-en à vos parents. Je suis certaine qu'ils comprendront.

- Mère, très certainement. Mais Père, c'est une autre histoire.

- Commencez par en parler à votre mère alors. Vos parents vous aiment, et ils ont déjà reconnu que Marinette était une bonne personne. Je suis certaine qu'ils reverront leur choix si vous leur dîtes.

- J'espère que vous avez raison Tikki."

Tikki lui sourit.

"Bien, si vous voulez bien m'excuser Adrien..."

La rousse se figea soudainement, s'étant rendue compte que cela faisait deux fois qu'elle l'avait appelé par son prénom. Elle se confondit en excuses mais Adrien les balaya d'un geste de la main.

"Ce n'est pas grave Tikki. Pour être honnête, je préfère que vous m'appeliez par mon prénom.

- Mais c'est contraire au protocole...

- Tikki, dans le cadre privé, je ne respecte jamais le protocole. Luka peut en témoigner. Si vous souhaitez m'appeler par mon prénom, pas de problème. Plagg aussi m'appelle par mon prénom en privé.

- Oh, dans ce cas, je vous remercie Adrien."

Tikki s'inclina brièvement puis salua le prince avant de rejoindre Plagg hors de la chambre. Ils avaient pris du retard sur le service...

***

"J'pense qu'on va rester bloqués ici pendant encore un moment...", marmonna Plagg.

Il mit les pieds sur la table, faisant râler Tikki.

"Plagg, tu sais très bien que la moitié des exigences est remplie...

- Non Tikki, seulement le quart.", la reprit Sass. "Cela fait déjà une semaine que Mavis a déclenché son sort, et son âme n'est toujours pas là.

- Le monde est immense Sass, elle peut être n'importe où, soupira Tikki.

- Je le sais bien.

- De toute manière, même si on arrivait à faire en sorte que Marinette et Adrien finissent ensemble, il resterait toujours Luka et notre bonne vieille Protectrice que je ne sais même plus comment appeler !" râla Plagg. "On est pas sortis de l'auberge ! Et d'ailleurs, pourquoi on est les seuls à se souvenir de tout ?!

- C'est simple Plagg. Ce monde a été conçu pour accueillir et effacer la mémoire de deux couples seulement, cela n'inclut en rien nous autres, les kwamis. Mais nos porteurs étaient transformés quand ils ont été envoyés dans ce monde, c'est pourquoi nous sommes présents sous une forme humaine."

Il désigna Plagg, ayant des cheveux noirs et des yeux verts électrique, lui-même ayant des cheveux noirs avec des pointes vertes de la même manière que Luka et des yeux doré, puis enfin Tikki. Tous semblaient avoir l'âge de leur porteur.

"Mavis n'a pas dû prévoir que son sort nous enverrait nous aussi dans ce monde, ce qui fait que nous avons un avantage, renchérit Sass.

- Ah ouais, et lequel ? Parce que je te rappelle qu'on a littéralement aucun pouvoir ! grogna Plagg.

- Arrête de faire ton grognon Plagg.", soupira Tikki. "On a un avantage, parce que nous nous souvenons de tous, on peut donc agir. J'admet qu'être des domestiques ne donne pas beaucoup d'influence, mais bon... au moins, on peut agir directement auprès de nos porteurs. Il faut juste qu'on trouve l'âme de Kachina. C'est obligé qu'elle soit là, puisque Luka y est.

- Le dix-septième siècle, hein... c'est pas la période des colons ? réfléchit Plagg.

- Effectivement, enfin cela fait un peu plus d'un siècle que la découverte de l'Amérique a eu lieu, confirma Tikki.

- Alors, là voilà notre réponse. Mavis, en tant que Kachina Cheyenne, a des origines amérindiennes par sa mère. Elle doit donc être en Amérique, renchérit Sass.

- Génial... donc on a aucune chance de la retrouver, marmonna Plagg.

- Je n'en suis pas si sûre. Le destin et la magie nous réservent toujours des surprises, ne l'oublie pas...", dit Tikki.

***

"Attendez, je vous demande pardon votre Altesse ?!", fit Marinette, choquée.

Adrien se retint de sourire devant la mine de la bleutée. Même quand elle était choquée, il la trouvait adorable.

"Vous savez, vous pouvez m'appeler par mon prénom. On se connaît depuis toujours, après tout. Vous le faisiez avant.

- C'est vrai, mais c'est différent aujourd'hui. J'ai vraiment le droit ?

- Bien sûr, puisque je vous le dis. Quand on est dans le cadre privé, vous en avez le droit. Je ne suis pas vraiment à l'aise qu'on m'appelle toujours "Votre Altesse" ou ce type de nomination, vous le savez bien...

- Oui, c'est vrai... 

- Vous voulez bien me parler de la même manière qu'avant ? Cela me manque...

- D'accord, si vous... euh si tu veux Adrien."

Ravi, le blond lui fit un sourire solaire qui la fit rougir. Elle toussota légèrement et se força à reprendre son sérieux.

"Concernant l'affaire pour laquelle tu m'as demandé de venir, tu es certain d'avoir bien entendu ?

- Honnêtement, j'aimerais me tromper, mais j'ai entendu le Ministre chargé de la Marine en parler hier avec une de ses unités. Il souhaite la vendre en tant qu'esclave. Je sais que cela se fait mais... mais ce n'est pas parce que cela se fait qu'il faut le faire !", s'enflamma Adrien.

Un tantinet surprise par son changement d'attitude, Marinette écarquilla les yeux un instant avant de se reprendre.

"Bien évidemment mais... je ne vois pas ce que je peux y faire."

Adrien baissa la tête, comme s'il était déjà au courant.

"Je le sais, c'est juste que... j'espérais que tu ais des idées pour la sortir de là.

- Même si on la délivre, ils la chercheront.

- Je ne sais pas... je ne pense pas que Père et Mère soient au courant, le Ministre semblait vouloir que cela reste très secret. Si je l'ai entendu, c'est juste parce que je descendais chercher de l'eau... normalement, il n'y a personne de levé à cette heure-ci, dans le château. S'ils l'apprennent, ils interviendront peut-être."

Marinette réfléchit, une idée commençant à prendre forme dans son esprit. Adrien le perçut et la regarda, plein d'espoir. Il savait que Marinette le comprendrait, et il savait qu'il ne pouvait faire confiance qu'à elle quand il s'agissait de se mêler de ce qui ne le regardait pas (encore). Après tout, ils s'étaient déjà alliés plusieurs fois il y a deux ans pour porter secours à des personnes menacées par des membres corrompus de la noblesse ou de la royauté. Ils formaient une équipe imbattable, dont elle était le cerveau. A cette époque, ils se tutoyaient et s'appelaient encore par leur nom de code quand ils étaient en costume, et par leur prénom quand ils étaient en privé, mais les choses avaient changé quand Adrien avait eu plus de responsabilités en tant que prince.

"Bon, d'accord. J'ai un plan, mais il va falloir réendosser nos costumes. Et pour ça, il va falloir que je les refasse à notre taille. Quand doivent-ils arriver ?

- Deux semaines avant le bal. La lettre reçue par le Ministre datait d'il y a trois jours et indiquait qu'ils venaient d'accoster. Depuis, ils ont dû prendre un carrosse pour traverser le royaume. Si j'ai bien entendu, ils iront jusqu'à Troyes par les routes. De là, ils prendront un bateau pour remonter la Seine et arriver à Paris.

- Cela me laisse un peu de temps alors. Tu penses pouvoir t'occuper de nous trouver des armes ? On joue dans la cour des grands cette fois, ce n'est pas avec une épée en bois qu'on y arrivera.

- Tu peux parler, tu avais un yoyo qui se brisait au moindre coup.

- C'est bien ce que je dis, on ne peut pas avoir des jouets en guise d'armes. Jusqu'à présent, on ne se battait pas vraiment, on piégeait juste les personnes corrompus. On n'avait pas à se battre et c'était suffisant. Là, on risque de se battre pour de vrai.

- Je suis un as de l'escrime, cela ne me pose pas de problème. Mais toi ?

- J'ai plus d'un tour dans mon sac Adrien, fais-moi confiance."

Adrien hocha la tête en souriant.

"Je te fais confiance Princesse. Je vais essayer de te trouver de quoi faire un yoyo qui tiendra longtemps, ou une arme que tu pourras utiliser à distance. Cela a toujours été ton truc, depuis que ton alter-ego existe. On se tient au courant ?

- Uoi ! Euh oui !", bafouilla Marinette en souriant, les joues rouges.

Le blond rougit légèrement et n'eut que le temps de la remercier avant que Nathalie, sa gouvernante, n'arrive pour son cours. Il fit un clin d'oeil à la demoiselle avant de suivre Nathalie.

Toute rougissante, Marinette rejoignit l'appartement où ses parents et elle vivaient. Elle sortit d'un compartiment secret de l'armoire de sa chambre leurs tenues et se mit à réfléchir. Elle pouvait bien sûr réutiliser les tissus de leurs anciennes tenues, mais il allait lui manquer des matériaux. Elle devait descendre en ville pour faire des achats.

"Marinette, je vais au marché, tu veux m'accompagner ? lui demanda Sabine en prenant ce dont elle avait besoin dans la pièce principale.

- Oui Maman, j'arrive !"

Elle récupéra la bourse située sous son matelas et la mit dans son panier. Dans cette bourse se situait l'argent qu'elle récoltait en aidant la couturière du château. Elle savait coudre depuis toute petite et avait un grand talent dans la conception de vêtements. Il n'avait pas fallu longtemps avant que la couturière royale lui demande de l'aide, en contrepartie de la moitié du prix de la commande. Marinette avait donc accumulé un joli petit pactole qui allait enfin lui servir. Elle avait voulu garder cet argent pour des temps plus durs, mais un être humain avait besoin d'aide. Tant pis s'il fallait dépenser de l'argent. Et puis, elle avait déjà pioché dans la bourse de temps en temps, pour aller acheter du matériel de couture.

Marinette rejoignit donc sa mère, qui comprit qu'elle souhaitait acheter des matériaux de couture juste en voyant sa bourse.

"C'est sur notre chemin ma chérie, ne t'inquiète pas. Tu sais que tu aurais juste pu me demander de te ramener ce dont tu as besoin...

- Je sais Maman mais... c'est une commande que le prince m'a fait personnellement, alors je veux que ce soit parfait.

- Ah je comprend mieux ! Si c'est le prince, dans ce cas...", sourit malicieusement Sabine.

Marinette rougit. Ses sentiments pour Adrien n'étaient inconnus pour personne, sauf pour le principal intéressé. Ses parents étaient au courant, de même que Tikki et Alya, la fille d'une des cuisinières et son autre meilleure amie. Elle était certaine que tout le château l'avait remarqué.

"C'est dommage que vous vous soyez éloignés, vous étiez très proches avant, fit remarquer Sabine alors qu'elles sortaient du château.

- Il est très occupé, il a de plus en plus de responsabilités. En plus, il est fiancé à Chloé. Je n'ai jamais eu la moindre chance... c'est moins difficile à supporter si nous ne sommes pas proches. Et puis, je ne suis que la fille des chefs du château, je n'ai pas le moindre sang de noble sans mes veines. Le jour où une fille comme moi pourra être avec quelqu'un comme le prince, il pleuvra des moutons.

- Tu es bien pessimiste chérie. La loi peut être modifiée, et il y a des exceptions à la loi.

- Je sais, je sais. Je ne veux juste pas me faire de faux espoirs."

Sabine n'insista pas et mère et fille firent leurs courses tout en discutant avec les commerçants, avant de rentrer au château.

***

"Tu as bien fait de demander de l'aide à Marinette.", fit Luka.

Adrien sourit à son écuyer et meilleur ami, alors qu'ils s'étaient réunis dans les appartements du prince. Cela faisait quatre jours qu'il avait demandé de l'aide à la bleutée, et elle lui avait confié son plan le matin même.

"Vous allez réendosser vos costumes ?"

Adrien hocha la tête. Luka faisait partie des seuls qui étaient dans la confidence concernant leurs activités il y a deux ans. Les trois autres étaient Sass, Tikki et Plagg.

"Qu'est-ce-que je peux faire pour vous aider ? reprit Luka.

- Tu pourrais nous trouver le meilleur itinéraire pour sortir et entrer du château sans danger ?

- Bien évidemment, je suis plutôt doué pour ça. Vous vous faufilerez aussi silencieusement que des serpents, fais-moi confiance. Mais comment vous allez la faire entrer dans l'enceinte du palais si l'opération a lieu en pleine nuit ?

- Honnêtement, je n'en ai pas la moindre idée. Il faudrait la faire entrer légalement dans le château mais Marinette m'a assuré qu'elle s'occupait de cette partie-là.

- Tu as vraiment une confiance aveugle en elle. Quand est-ce-que tu vas te décider à lui avouer, hein ? Tes parents sont d'accord, non ?

- Mère oui, mais Père ne l'a pas explicitement dit."

Luka balaya ses paroles de la main.

"Si la Reine est d'accord, considère que le Roi l'est aussi parce que c'est exactement ce qu'il va se passer d'ici un jour ou deux. Il ne peut rien lui refuser.

- Tu n'as pas tort !", pouffa Adrien. "Mais imagine que je ne sois qu'un ami pour elle, ou qu'elle veuille juste accéder au trône ?"

Luka haussa un sourcil, sceptique.

"Pour ton premier "argument", je peux comprendre que tu te poses la question, mais pour le deuxième ? Adrien, tu sais mieux que personne que Marinette ne s'intéresse pas à ça. Vous avez grandi ensemble quasiment... c'est d'ailleurs étrange que vous ne soyez pas plus proches que ça.

- Je crois que je ne l'intéresse pas Luka. Après notre dernière "mission", elle s'est éloignée de moi sans que je ne comprenne pourquoi. Du jour au lendemain, elle est devenue distante avec moi, elle s'est mise à me vouvoyer et à m'appeler "Votre Altesse"... 

- Et tu l'as accepté ?

- Oui. Si elle ne veut pas de moi, je n'ai pas à la forcer."

Luka soupira.

"C'est très galant de ta part Adrien, mais tu n'as pas pensé une seconde que Chloé la faisait chanter, ou juste qu'elle ne voulait pas que tu lui donnes de faux espoirs ?

- Hein ?

- Réfléchis. Marinette a toujours su que tu étais fiancé à Chloé et qu'un amour entre vous n'était pas viable à long terme. Juste ça, cela découragerait n'importe qui de chercher à s'engager. Et dans ce cas-là, chacun fait la même chose : il cherche à couper les ponts avec la personne aimée pour souffrir le moins possible et pour ne pas se faire des idées. C'est sûrement ce que Marinette s'est dit.

- Tu parles comme si elle était amoureuse de moi...

- Parce qu'elle l'est, ou tout du moins elle l'était il y a deux ans. Je ne sais pas si c'est encore le cas, mais littéralement tout le château était au courant de ses sentiments. Sauf toi évidemment. Si tu la courtises, elle te tombera dans les bras, c'est certain. Mais il faut que tu sois certain de ce que tu veux.

- Tu n'en pinçais pas pour elle à un moment ?

- Attirance physique, c'est tout. Je me suis fait une raison depuis bien longtemps déjà, vous êtes faits pour être ensemble. Vos coeurs forment une mélodie unique et harmonieuse, c'est une évidence pour moi."

Adrien lui sourit, reconnaissant.

"Demande au Roi et à la Reine d'annuler tes fiançailles, d'accord ? Tu as toutes tes chances avec Marinette, crois-moi. Il faut juste que tu te lances et que tu arrêtes de douter.

- Tu as raison ! Je vais tout faire pour qu'elle tombe sous mon charme félin !

- Adrien, non.", fit Luka sur un ton visant à le dissuader de continuer.

Le blond eut un sourire malicieux.

"Tu l'as dit toi-même, non ? Buginette et moi, on est félin pour l'autre. Je vais la faire tomber entre mes griffes, tu verras ! Ce sera au poil !"

Luka se frappa le visage avec la main, désespéré.

"Trois jeux de mots en trois phrases... mais qu'est-ce-que je vais faire de toi ? 

- Marinette aimait quand je faisais le clown avant...

- C'est toujours le cas, elle ne te le dira jamais mais elle ne peut plus se passer de ton humour ridicule.

- Dans tous les cas, c'est bien la seule.

- Avec modération, j'aime bien. Cela détend l'atmosphère. Mais un jeu de mots par phrase ? Sérieusement ?

- Haha ! Au moins, cela prouve que Marinette et moi, on est...

- Non Adrien, tu l'as déjà faite. Les blagues les plus courtes sont...

- ... on est fait pour être ensemble, non ?", compléta Adrien innocemment.

Luka soupira de désespoir.

"J'abandonne... tu es désespérant."

Sa réplique les fit rire tous les deux de bon coeur.

***

"Vous êtes prêts ?", demanda Tikki.

Deux semaines que Marinette et Adrien s'étaient une nouvelle fois alliés. Il était presque minuit, tous les résidents du château étaient endormis depuis longtemps. Enfin... presque tous.

Dans l'un des nombreux passages secrets du château, celui-ci en étant truffé, se trouvait un groupe de six personnes. Deux d'entre elles étaient masquées, armées, et avaient des capes. Une capuche était rabattue sur leur tête.

"Je valide les armes, Chat Noir.

- Je savais que cet arc te conviendrait ma Lady, tu étais assez douée quand on en faisait ensemble.

- Et je me suis entraînée depuis. Tirer dans le noir ne me posera pas trop de problème. En tout cas, tu as vite repris les vieilles habitudes Chaton, sourit Ladybug, les rougeurs de ses joues camouflées par son masque.

- Toi aussi Buginette !

- Ah là là ! Bon, allons-y !

- On se charge de vous couvrir, assura Tikki, au nom de Plagg et elle.

- Quant à moi, je vous attendrai à l'entrée extérieure du tunnel. Sass montera la garde près de l'entrée intérieure, renchérit Luka.

- Encore merci de votre aide, à tous, fit Chat Noir.

- Toujours au poste pour aider les autres. Bon, filez maintenant.", termina Luka.

Ladybug et Chat Noir hochèrent la tête avant d'emprunter le tunnel, suivis par Luka. Une fois arrivés dehors, ce dernier se posta à couvert à proximité de l'entrée et laissa ses deux amis disparaître dans la nuit.

***

"C'est ici !", déclara Ladybug en distinguant les bateaux amarrés sur la semaine.

Les deux s'arrêtèrent sur les quais. Ladybug sortit de sous sa cape une lampe à huile, qu'elle alluma.

"Tu es trop intelligente Buginette.

- Je suis juste prévoyante. Tu te souviens du nom du bateau ?

- Oui, c'était L'Akuma. C'est le bateau conçu par mon père, il est noir et violet.

- Le Roi a toujours été un peu sinistre dans ses préférences...

- A qui le dis-tu... c'est tout le contraire de ma mère."

Ladybug leva la lampe pour éclairer un minimum les lieux. Chat Noir marchait devant Ladybug, afin de pouvoir riposter s'ils étaient attaqués. Ils n'étaient pas très discrets à leur lampe en plus...

Cependant, il semblait n'y avoir personne car ils trouvèrent le bateau assez rapidement et il semblait dépourvu de tout passager à première vue.

"Tu es certain de tes infos Chaton ?

- Sûr et certain. Si le Ministre voulait la vendre en esclave, alors elle doit être dans la cale.

- Allons voir."

Chat Noir connaissant les plans du bateau par coeur pour avoir trop souvent vu son père les étudier, ce fut lui qui guida leur duo jusque dans la cale du bateau. Des cliquetis se firent entendre, comme des bruits de chaîne, et Ladybug comprit que Chat Noir avait vu juste. Silencieusement, ils descendirent dans le bateau.

Arrivés à destination, une odeur fétide s'éleva et le duo se boucha le nez. Ladybug leva la lampe et révéla une jeune Amérindienne aux yeux gris et aux longs cheveux noirs, qui auraient pu être magnifiques s'ils n'étaient pas ternes, décoiffés et pleins de poussière et de toiles d'araignées. Elle était très mince, ayant la peau sur les os, et ses mains et ses pieds étaient reliés entre eux par des chaînes. 

Aveuglée par la lumière, l'inconnue ferma les yeux pour s'en protéger. Le duo manqua de lâcher un hoquet d'horreur. L'Amérindienne était enfermée dans une cage, avec tout juste assez de hauteur pour se lever et marcher sur ses jambes et assez d'espace au sol pour s'allonger. Une masse sombre était visible dans le coin et Ladybug ne chercha pas à savoir ce que c'était, l'odeur parlait d'elle-même. 

Une fois habituée à la lumière, l'Amérindienne leur adressa un regard haineux.

"Qu'est-ce-que vous me voulez ?! Vous voulez me vendre au plus offrant, c'est ça ?! Ou alors vous voulez m'utiliser comme objet de plaisir, comme bête de foire ?! Je vous tuerai tous, autant que vous êtes !!

- Eh, du calme.", dit Chat Noir. "Nous, on est les gentils. On a appris que tu allais être vendue en esclave et on est venus te libérer. Mais si tu continue de crier, tu pourrais très bien rester enfermée.

- Y'a personne sur ce bateau, ils sont tous dans des auberges en ville. Et pourquoi je devrais vous faire confiance ?! Vous êtes armés, masqués et encapuchonnés !

- Si on est masqués et encapuchonnés, c'est parce qu'on risque très gros si on nous découvre. Je suis Ladybug, et voici Chat Noir. Tu veux qu'on te libère, oui ou non ?"

L'Amérindienne serra la mâchoire mais hocha la tête. Ladybug crocheta la serrure de la cage puis Chat Noir abattit son épée sur les chaînes de la jeune fille, l'apeurant sans le vouloir. Les chaînes, rouillées par des mois en mer, cédèrent presque immédiatement et Ladybug l'aida à se relever.

"Tu peux marcher ?

- Oui.", répondit-elle du bout des lèvres.

Une fois la jeune fille libre, ils se dépêchèrent de descendre du bateau. L'Amérindienne les suivit à contrecoeur. Ils l'avaient sauvé, mais elle détestait avoir une dette envers des Hommes de leur espèce...

"Où m'emmenez-vous ? demanda-t-elle hargneusement, alors qu'ils la guidaient à travers la ville.

- Au palais, tu y seras en sécurité. En fait, c'est le prince qui nous a demandé de venir te libérer. Il cherche à lutter contre toutes les personnes corrompues au sein de la monarchie. Et il est contre l'esclavage, ce qui est une bonne chose. Tu seras bien traitée là-bas.", affirma Chat Noir.

Elle ne répondit pas mais s'approcha furtivement pour attraper un poignard de Chat Noir, sans qu'ils ne s'en rendent compte.

"Je n'irais pas au palais ! Vous êtes des crapules, tous autant que vous êtes ! Je suis sûre que ce prince à la noix à un plan derrière la tête... il veut forcément m'utiliser, comme tous les Hommes !"

Elle attrapa Ladybug et lui plaça la lame sous le menton. Ladybug cria et Chat Noir se retourna, avant de se figer.

"Maintenant, dites-moi qui vous êtes ou je la tue !

- D'accord, d'accord...", soupira Chat Noir.

Il retira sa capuche puis son masque.

"Je suis Adrien Agreste, héritier de la couronne de France. Et je suis totalement contre l'esclavage, d'accord ? Les Amérindiens sont des humains, tout comme nous. Je ne vois pas pourquoi on devrait vous traiter différemment. Cela fait plus de deux ans que je lutte contre les crapules de la monarchie, mais comme je ne suis pas encore roi, mon seul moyen est d'agir de manière anonyme, sans être reconnu. Ladybug m'y aide, c'est une personne que j'aime beaucoup, on se connaît depuis longtemps."

Ladybug rougit légèrement.

"Ce n'est pas du tout une noble, mais la fille de deux cuisiniers du château. Je t'assure que nous n'avons rien à gagner à te libérer pour t'utiliser ensuite. S'il te plaît, pose ce poignard..."

L'Amérindienne le regarda dans les yeux mais il ne sourcilla pas. Elle y vit de la bonté et un réel souci du bien-être d'autrui, et cela la convainquit de lui faire un minimum confiance. Il était différent des personnes qu'elle avait "côtoyé" pendant trois ans, passant de cale de navire de pirate à cale de navire de la Marine de tel pays avant de repasser dans la cale d'un bateau pirate et ainsi de suite... 

L'Amérindienne possédait un instinct infaillible qui avait évité à son peuple bien des malheurs auparavant. C'était cet instinct qui avait réussi à la faire survivre à cette catastrophe. Dommage que son peuple n'y ait pas prêté attention cette fois-là... en tout cas, son instinct lui disait que ses sauveurs étaient dignes d'un minimum de confiance. Alors, elle décida de leur laisser le bénéfice du doute.

Elle se retira, libérant Ladybug, mais coinça le poignard entre sa robe et sa ceinture.

"Je le garde, on ne sait jamais.

- D'accord. Viens, on va te ramener au palais."

Adrien remit sa capuche et son masque et le trio repartit au pas de course vers le château. Bon, d'accord, ils marchaient parce que l'Amérindienne ne pouvait pas courir, mais ce n'était pas grave. Chat Noir était là pour assurer leurs arrières et l'Amérindienne semblait avoir plus de ressources qu'il n'y paraissait, sans compter Ladybug et son arc. Ils n'étaient pas sans défense.

Heureusement pour eux, ils réussirent à rejoindre l'entrée du tunnel sans encombre, et sans se faire repérer. Luka sortit de sa cachette et passa dans le tunnel après eux afin de refermer l'accès. Ils rejoignirent ensuite Sass de l'autre côté. L'Amérindienne était sur ses gardes, mais, sans rien faire, Luka l'avait mise à l'aise. Elle avait la vague impression de le connaître, mais il n'en était rien. Quelque chose en lui, dans son aura, la mettait immédiatement à l'aise.

"Non, c'est juste parce que je suis épuisée, c'est pour ça. Ce n'est pas parce que le destin m'a envoyé deux personnes bienveillantes que je dois faire confiance à tout le monde..."

Ladybug et Chat Noir conduisirent l'Amérindienne jusqu'aux appartements d'Adrien en tout discrétion. Le prince avait, en effet, une suite attenante à sa chambre qui était toujours inoccupée, il avait été donc décidé que ce serait là que l'Amérindienne dormirait. Ils y furent accueillis par Tikki et Plagg.

"Voici Tikki et Plagg. Tout comme Sass et Luka, ils nous ont aidé à te libérer, fit Ladybug.

- Kachina, répondit l'Amérindienne.

- Enchantée Kachina. Je t'ai déposé des vêtements de nuit sur le lit de la chambre attenante, tu peux prendre une douche et les mettre pour dormir si tu veux.", sourit Tikki. "Je te laverai ta tenue actuelle pour demain."

Kachina hocha la tête en signe de consentement et elle se laissa guider par la rousse. Marinette et Adrien retirèrent donc leur attirail et Plagg alla cacher leurs armes là où lui seul savait. La bleutée récupéra leurs tenues et s'éclipsa avec Tikki une fois que Kachina fut douchée et couchée.

"Je vais laver tout ça pour demain, je te déposerai vos tenues dans ta chambre et je rendrai sa robe à Kachina.

- Fais en priorité la robe de Kachina Tikki, s'il te plaît.

- Pas de problème. J'espère que cela ira pour elle, elle semble vraiment détruite de l'intérieur, tu sais ? J'ai eu du mal à ce qu'elle accepte que je touche ses cheveux pour les brosser.

- J'essaierai de discuter avec elle demain, et je pense qu'Adrien essaiera aussi. Elle ne fait pas confiance aux humains, mais j'ai l'impression que lui et moi avons réussi à ce qu'elle se méfie un peu moins de nous deux.

- Il est probable que des marins du continent aient détruit toute sa patrie... 

- Pourquoi ils l'auraient gardé en vie alors ?

- Parce qu'elle porte un tatouage particulier, une couronne renversée qui lui encercle le bras au niveau de l'aisselle.

- Oui, je l'ai vu, il était bleu.

- Ce tatouage signifie qu'elle est la fille du chef, ou carrément la cheffe, de sa tribu. Si des marins ont tué toute sa tribu, ce n'est pas étonnant qu'elle ne fasse confiance à personne. Et malheureusement, les massacres d'Amérindiens sont encore coutumiers à notre époque...

- Je sais, et ça me dégoûte. En tout cas, on va tout faire pour l'aider à aller mieux. Et si elle veut rentrer chez elle, je suis sûre qu'Adrien l'y aidera.

- C'est même certain. Bon, c'est là qu'on se sépare. Bonne nuit Marinette.

- Bonne nuit Tikki !"

Les deux amies s'enlacèrent, puis empruntèrent chacune un couloir différent pour rejoindre leurs appartements.

*** 

Le lendemain, Kachina fut réveillée par Tikki, qui apportait le petit-déjeuner. A moitié réveillée et ne reconnaissant pas où elle était, elle prit peur, attrapa le poignard posé sur le meuble à côté du lit et se leva précipitamment, l'arme pointée en avant pour dissuader Tikki d'avancer. 

"Où est-ce-que je suis ?! Répondez ! cria Kachina.

- Tu ne te souviens pas Kachina ?

- Comment connaissez-vous mon prénom ?!

- Calme-toi, s'il te plaît. Tu es au château du Roi de France, et je connais ton prénom parce que c'est toi qui me l'as dit. Ladybug et Chat Noir t'ont libéré la nuit dernière, tu te souviens ? Je sais que cela doit faire un choc de se réveiller ailleurs que là où tu te réveillais jusqu'à présent, mais nous ne sommes pas tes ennemis. Pose ce poignard s'il te plaît.", dit-elle d'un ton rassurant.

Au fur et à mesure que son cerveau se réveillait, elle n'avait pas aussi bien dormi depuis des années donc il avait un peu de mal à démarrer, les événements de la nuit dernière lui revinrent en mémoire et elle baissa l'arme.

"Je... désolée.

- Ce n'est rien, on a bien compris que tu ne faisais confiance qu'à toi-même, mais tu es en sécurité ici. Sass et Luka ont décidé de monter la garde devant ta porte à tour de rôle, au cas où quelqu'un chercherait à te ramener sur ce bateau. Mais si tu veux rester ici, je te conseille de ne pas pointer ton couteau sur la moindre personne qui arrive. Tu peux le garder pour te défendre, mais tu seras considérée comme potentiellement dangereuse si tu le pointes sur n'importe qui et tu te retrouveras à la rue. Cela ne t'empêche pas de rester sur tes gardes, mais sois prudente."

Kachina hocha la tête alors que Tikki lui déposait son plateau. Elle regarda avec envie tout ce qu'il y avait dessus, tout en sachant très bien qu'elle n'allait pas pouvoir manger à sa faim. Elle avait l'habitude.

"Tu peux tout manger, si tu veux, n'ais pas peur, sourit Tikki, ayant deviné ses pensées à la lueur qui brillait dans son regard.

- C'est vrai ? Je peux vraiment ?

- Bien évidemment. Mange à ta faim, Plagg mangera les restes, comme toujours."

Kachina reporta son regard sur la nourriture et se mit aussitôt à manger. La faim était devenue l'une de ses nombreuses amies, avec la solitude, la poussière, la saleté et la fatigue. Mais la bonne nourriture lui donnait l'eau à la bouche et elle ne se fit pas prier pour tout manger.

"Je t'ai déposé tes affaires d'hier sur la chaise. Elles sont propres, donc tu peux les mettre. Régale-toi, je repasserai plus tard pour récupérer le plateau."

Kachina hocha la tête et lui sourit, la bouche pleine. Tikki rit légèrement puis lui rendit son sourire avant de sortir pour continuer son travail.

Repue, la noiraude s'essuya la bouche, poussa le plateau et se rallongea sur le lit, les yeux à demi-fermés. Elle se sentait étrangement bien, comme lorsqu'elle vivait encore insouciamment sur sa terre natale, avec sa tribu. C'était un sentiment de bien-être qui l'avait quitté trois ans auparavant et qu'elle n'avait jamais espéré retrouver un jour.

"Toi, tu n'as pas dû manger correctement depuis longtemps."

Kachina se redressa et vit Adrien, qui lui souriait. Il était déjà habillé et était en train de se peigner les cheveux.

"Comment tu te sens Kachina ?

- Pour la première fois depuis longtemps... je me sens bien, vraiment, dit doucement Kachina.

- Tant mieux. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas, Marinette et moi ferons de notre mieux pour t'aider.  

- D'a...d'accord. Marinette... c'est...

- Oui, c'est Ladybug.", sourit Adrien. "Je sais que tu ne fais probablement confiance à personne, mais nous, on veut juste t'aider.

- Vous deux... ça va. Vous avez l'air d'être des gens biens, de confiance. Mon instinct ne me trompe jamais...

- Je te l'avais dit, on est de ton côté. Bon, maintenant, il faut juste que je vois Marinette pour savoir quelle excuse elle a pu sortir pour te faire rester ici.

- Inutile, je suis là."

Les deux sursautèrent et Adrien se retourna. Marinette venait de se faufiler dans les appartements du prince, et ce n'était visiblement pas dans ses habitudes car elle semblait vouloir être à la place d'une souris.

"Marinette ? s'étonna Adrien.

- Désolée, je sais que je ne dois pas entrer dans tes appartements, mais il fallait quand même que je vous tienne au courant. 

- On t'écoute.", répondit le blond, souriant pour la mettre à l'aise.

Rougissante, Marinette lui rendit timidement son sourire.

"J'ai dit à mes parents que je t'avais trouvé hier soir, en nettoyant les cuisines. C'est moi qui m'en occupe le soir, vu que mes parents se lèvent tôt et j'ai vu plusieurs fois Adrien venir en soirée.

- Oui, parce que je sais que tu y es Princesse.

- Cela fait deux ans que tu ne viens plus, mais ce n'est pas le sujet. Du coup, j'ai dit qu'on t'avait trouvé à ce moment-là et que, comme tu semblais mal en point et que je voulais t'aider, Adrien a décidé de t'installer dans la suite attenante à sa chambre et a fait venir Tikki pour te soigner. 

- C'est tout ? fit Adrien.

- Tikki est multitâche, cela allait très bien. Et vu qu'apparemment, je suis aussi bien connue avec ma gentillesse qu'avec ma maladresse, personne ne se doutera de rien. Et de toute manière, c'est ce qu'il s'est passé. J'ai juste arrangé la vérité, mais les faits sont les mêmes. A peu près.", argumenta Marinette.

Adrien lui fit un sourire, fier d'elle, et elle rougit.

"Il n'y a que toi ma Lady, pour réussir à faire passer ce genre de choses. Tu es géniale, tu le sais ?

- Arrête de dire des choses pareilles enfin ! Bref, il ne manque plus qu'Adrien parle avec ses parents pour que tu puisses rester. Je compte sur toi Chaton !

- Ne t'inquiète pas, je vais les convaincre. Si j'arrive à convaincre ma mère, ce sera comme si mon père était convaincu. 

- La Reine est bienveillante, elle va sûrement accepter. Tu lui dis juste pour la forme quoi, pouffa Marinette.

- Exactement. 

- Bref. Kachina, Luka sera avec toi la journée, et Sass durant la nuit. Sass ne fera que monter la garde la nuit, mais Luka connaît le château comme sa poche, aucune chance que tu te perdes. Essaie juste de... de ne pas l'agresser comme tu l'as fait avec nous hier et ce matin avec Tikki.

- Elle vous l'a dit... soupira Kachina.

- A Marinette, sûrement. Mais j'étais dans la pièce d'à côté, donc je suis aussi au courant.

- Dans tous les cas, personne ne t'en veut. Vu l'état dans lequel tu étais hier soir, tu as dû vivre des choses horribles, donc on ne t'en tient pas rigueur. Si jamais tu veux parler... on est là, d'accord ? Que ce soit Adrien, Tikki, moi ou même Plagg, Sass et Luka. Mais si tu veux une oreille attentive, je te déconseille de te confier à Plagg.

- Oh que oui, il ne pense qu'à manger...", soupira Adrien. "Mais c'est mon meilleur ami. Sans Luka et lui, je ne sais pas ce que je ferai. Et je ne sais pas ce que je deviendrai sans toi Princesse."

Il lui fit un petit sourire en coin et elle devint encore plus rouge.

"Moi non plus... euh travail qui attend moi ! Euh non, j'ai du travail qui m'attend, à plus tard !"

Elle s'enfuit aussi brusquement qu'elle était arrivée, faisant esquisser un sourire attendri au prince. Kachina ne manqua rien de son sourire.

"Vous êtes ensemble ?

- Hein ?!", sursauta Adrien, avant que ses joues ne deviennent rouges. "Non non, on n'est pas ensemble. C'est une bonne amie, sans plus.

- Bon, vous m'avez aidé hier soir, donc laisse-moi te donner un conseil : la vie est courte, alors n'attend pas. Si tu l'aimes, dis-lui, c'est tout. Parce que ta vie peut basculer à chaque seconde.", dit Kachina d'une voix sombre.

Comprenant sans peine qu'elle faisait référence à sa propre situation, qui avait certainement basculé pour le pire en un clin d'oeil avant qu'ils ne la rencontrent, Adrien ne dit rien mais hocha malgré tout la tête. Il la remercia d'un sourire, auquel elle hocha simplement la tête comme il venait de le faire. Suite à cela, Luka entra dans la pièce, prévenant Adrien qu'il allait être en retard s'il traînait davantage. Le blond laissa donc l'Amérindienne entre les mains de son meilleur ami et alla retrouver ses parents.

Luka alla s'asseoir sur une des chaises, à bonne distance du lit et de la chaise avec ses vêtements pour ne pas la forcer à s'approcher. Il avait facilement compris qu'elle avait peur des gens et il ne voulait la forcer en rien. Si elle voulait s'approcher, elle le ferait. Mais pas lui.

Kachina le suivit du regard, surprise qu'il s'installe aussi loin. Néanmoins, cela la rassura. Déjà qu'elle ne lui faisait pas confiance...

Elle décida de se lever du lit pour aller s'habiller et faire sa toilette. Elle récupéra donc ses vêtements, prenant soin de garder son arme à la main et de garder un oeil sur Luka. Ce dernier perçut sa méfiance mais ne dit rien. 

Une fois dans la salle de bain, Kachina lâcha un soupir de soulagement. Comme la veille, Luka l'avait mise en l'aise sans rien faire, même si elle s'efforçait de ne rien laisser paraître. A trop accorder sa confiance, on finissait dans sa situation, à prier chaque jour pour que n'importe quoi nous permette d'en finir avec notre vie.

Avant, elle ne se méfiait de personne, tout comme son peuple. Et puis tout avait basculé...

En silence, elle s'habilla, tout en essayant de savoir pourquoi ce garçon lui était familier. Pourtant, elle ne l'avait jamais vu, jamais. Elle voulait se méfier de lui, vraiment, mais elle n'y arrivait tout simplement pas.

Elle décida alors de simplement rester distante avec lui, à défaut de ne pas réussir à s'en méfier. Marinette et Adrien avaient déjà gagné (un peu) sa confiance, mais leurs amis devaient encore faire leurs preuves aux yeux de la noiraude. Les actes étaient plus parlants que les mots, après tout. Adrien et Marinette l'avaient sauvé et accueilli sans lui poser la moindre question sur qui elle était, d'où elle venait etc. Quant à Tikki, Kachina avait l'impression de la connaître, même si c'était plus diffus qu'avec Luka. Quoi qu'il en était, la rousse avait été vraiment gentille, douce et compréhensive à son égard, que ce soit la nuit précédente ou le matin même. 

Etait-ce vraiment possible qu'autant de gens bien intentionnés soient réunis au même endroit ?

Finalement, une fois le couteau passé entre sa ceinture et sa robe et ses cheveux démêlés, elle sortit de la pièce, pieds nus. Elle croisa alors Tikki, qui était venue récupérer son plateau. La rousse lui adressa un sourire appréciateur.

"Eh bien, sous toute cette saleté et cette poussière, il y avait en réalité une jolie jeune fille. N'est-ce-pas Luka ?"

Le jeune homme sursauta, ne s'attendant pas à ce que Tikki s'adresse à lui. La rousse lui désigna du menton Kachina et Luka rougit légèrement. L'Amérindienne était incontestablement jolie et mignonne, mais il ne voulait pas qu'elle interprète mal sa réponse, c'est pourquoi il préféra garder le silence. Il n'était pas doué pour parler de toute manière, il était souvent maladroit quand il s'adressait à quelqu'un d'autre qu'Adrien. Même avec Marinette, il avait été maladroit au début...

"Enfin bref. Si tu veux lire, il y a la bibliothèque et si tu veux prendre l'air, il y a les jardins. Tu peux aussi rester dans ta chambre, c'est comme tu veux. Si vous me cherchez, je serai à la salle de bal avec Marinette, informa Tikki.

- D'accord, merci... dit doucement Kachina.

- Avec plaisir. On se voit plus tard Luka !

- A plus Tikki !"

Les deux amis se saluèrent puis la rousse quitta. Luka se tourna vers Kachina et eut un sourire timide.

"Il y a quelque chose que tu veux faire en particulier ?

- Je... on peut sortir ? 

- Bien sûr. Tu veux que je te conduise dans les jardins ? Je connais les endroits où personne ne va, j'imagine que tu ne souhaites pas vraiment te mélanger à la foule.

- Je... je veux bien que tu m'y conduises, s'il te plaît."

Luka hocha la tête et se leva, indiquant à la jeune fille de le suivre. Il la guida ainsi à travers les couloirs du château, même si elle maintenait une distance entre eux. Ils atteignirent rapidement les jardins et Luka se dirigea vers une clairière au coeur des jardins. Sa particularité était qu'elle était ceinturée d'arbres, comme si une forêt l'entourait, la préservant ainsi du tumulte de la cour et des lieux fréquentés des jardins. Au centre, il y avait un petit kiosque. C'était littéralement un havre de paix, aussi bien pour Luka que pour Kachina, qui s'y sentit aussitôt presque comme chez elle.

Elle s'allongea dans l'herbe, au soleil, tandis que Luka s'assit sur une des marches du kiosque. L'air frais lui faisait du bien. Le chant du vent, des oiseaux, le bruissement des feuilles, l'herbe et le soleil qui lui caressaient la peau... tout cela, c'était des plaisirs simples auxquels n'avait pu goûté la jeune fille depuis trop de temps. Et pourtant, c'était tout ce dont elle avait besoin pour se sentir en paix : la nature. Elle avait besoin d'être au milieu de la nature, pas ballotée de cale en cale au milieu de la mer avec pour seules compagnies les rats et la saleté. 

"Cela m'avait manqué...", murmura Kachina.

Luka sourit légèrement, ayant bien remarqué l'état d'apaisement de la noiraude.

"On peut passer nos journées ici, si c'est ce que tu souhaites.

- Tu n'as pas autre chose à faire ?

- Pas vraiment. Je suis l'assistant personnel d'Adrien, mais il n'a pas besoin de moi en ce moment, il est trop occupé avec les responsabilités qui lui tombent dessus de plus en plus. Je passe beaucoup de temps ici du coup, quand je n'aide pas le reste du personnel.

- C'est ça, être un futur dirigeant... 

- On dirait que tu parles en connaissance de cause...", répondit Luka en regardant le ciel.

Kachina leva les yeux vers le bleu du ciel, se replongeant dans ses souvenirs. Elle aussi avait eu beaucoup de responsabilités, même si elle aurait dû en avoir davantage en grandissant.

"Mon père était le chef de notre tribu... je devais prendre sa place à ma majorité. Donc je sais un peu ce qu'Adrien vit...

- Tu n'as pas l'air d'une fille de chef... songea Luka pour lui-même.

- Parce que j'ai la peau sur les os ? rétorqua amèrement Kachina.

- Pas du tout. C'est juste que... tu as l'air d'être une fille simple, qui se sent à sa place au milieu de la nature. Pour être honnête, je ne vois pas quelqu'un comme toi devenir chef. Après, je ne te connais pas, donc je ne peux pas juger..."

Kachina roula afin de se tourner vers lui, surprise qu'il l'ait cerné aussi facilement.

"Comment tu le sais ?

- De quoi ?

- Que je suis une fille simple ?

- Il suffit de te regarder juste maintenant, mais je l'avais déjà senti hier soir. Je suis plutôt doué pour lire le coeur des gens.

- Moi aussi, dans une certaine mesure... mais tu as raison, je ne voulais pas devenir cheffe. Je n'ai pas ce qu'il faut pour diriger une tribu. Moi, ce que j'aime, c'est aider les gens dans le besoin et danser.

- Danser ?

- Oui. Je dansais beaucoup, avec ma mère surtout. Avant... murmura Kachina.

- Tu sais, tu n'es pas obligée de me parler de ce qui t'a amené à te retrouver sur ce bateau. Tu peux tout me dire, tu peux aussi ne rien me dire si tu préfères. Avec moi, tu peux faire comme tu le sens, juste comme tu le sens."

Kachina leva le regard vers lui alors qu'une larme coulait sur sa joue. Il avait dit ça avec une telle douceur, une telle gentillesse, qu'elle en était toute retournée. Ce garçon était un ange tombé du ciel... quelque chose en elle lui disait que tant qu'il serait avec elle, elle n'avait plus aucune raison d'avoir peur ou de souffrir. 

"Merci, Luka."

***

Les jours ont défilé, lentement mais sûrement. Kachina restait toujours en retrait de la foule, mais un changement était percevable de jour en jour. Kachina était une jeune fille qui vivait au rythme de la nature. Lorsque le soleil se réveillait, elle aussi, et se retrouvait fatiguée lorsqu'il était couché, à moins d'avoir dormi un peu dans la journée. Les trois premiers matins, elle était restée sur le balcon de sa chambre puis avait aidé Tikki à distribuer les repas lorsque cette dernière était passé par la chambre d'Adrien. Les matins suivants, elle était venue aider Marinette et ses parents en cuisine avant de rejoindre Tikki pour distribuer les repas dès qu'il y avait trop de monde. Et puis, une semaine avant le bal, elle se mit à rester auprès des Dupain-Cheng tant qu'ils avaient besoin de son aide, circulant ensuite entre les différentes pièces de travail du personnel afin de leur venir en aide, Sass veillant toujours sur elle. Elle ne parlait pas beaucoup, mais son aide était très apprécié au sein du personnel et Marinette, Adrien et Luka étaient ravis de la voir assez en confiance pour se mêler aux autres petit à petit. Et ne parlons pas de Tikki, Plagg et Sass qui espéraient bientôt sortir de ce monde parallèle.

Le soir, après le dîner, Kachina et Adrien discutaient ensemble avant de se coucher. Ils parlaient de ce qu'ils avaient fait dans la journée et, quelques fois, la jeune fille se mettait à parler de la catastrophe qui avait ravagé la tribu amérindienne de Tenrô, minuscule île proche de la côté américaine. Dans ces moments-là, Adrien l'écoutait sagement, attentif, et la réconfortait. Ce fut ainsi qu'une relation presque fraternelle se tissa entre les deux.

Kachina se rapprochait également de Marinette et de Tikki, discutant avec elles le matin. Quant à Plagg, il se faisait parfois rabrouer gentiment par la noiraude lorsqu'il mangeait trop. 

La journée, Kachina allait dans les jardins avec Luka, dans la clairière qu'il lui avait montré. Ils passaient des heures à simplement observer le ciel et à écouter les oiseaux, ou à discuter de tout et de rien selon les jours. Parfois, Luka fredonnait une mélodie et Kachina se mettait à danser en rythme, au plus grand plaisir du jeune homme. L'Amérindienne gagnait en confiance de jour en jour, c'était une évidence. 

"Ta soeur pouvait vraiment boire des litres d'alcool sans jamais être saoule ? s'étonna Luka.

- Oh que oui ! C'est vraiment étonnant la première fois, affirma Kachina.

- Je ne savais pas que vous saviez faire de l'alcool, n'empêche.

- Serpenteau, vous n'avez pas inventé l'eau chaude...

- Je m'en doute Bichette, c'est juste que cela m'étonne toujours autant d'apprendre à quel point nos préjugés sur les Amérindiens sont complètement faux..."

Kachina lui sourit. Ils s'étaient mis à s'appeler comme ça, pour rire, quand Kachina lui avait fait la remarque qu'il pouvait se faufiler partout dans le château tel un petit serpent. Lui avait choisi "Bichette" avec pour seul critère... le fait que le cerf représentait la forêt et la vie, et qu'il la voyait comme une gardienne de la nature. Ah oui, et aussi parce que cela lui allait bien...

Enfin bref, tout ça pour dire que, plus les jours passaient, plus leur complicité allait en grandissant. Et, au sein du château, il était désormais de notoriété publique que Luka avait jeté son dévolu sur la jeune Amérindienne, bien que la rumeur ne soit pas confirmé par le jeune homme. Personne n'était aveugle, et encore moins Tikki, Plagg et Sass, qui se démenaient pour que le Adrinette et le Lukachina soient réels. Plus ils passaient du temps dans ce monde, et plus Tenrô ainsi que les Miraculous étaient en danger...

***

"C'est tellement évident que tu l'aimes Luka !"

Le concerné rougit mais se mura dans le silence, alors que son meilleur ami cherchait à le faire parler.

"Aller Luka, je t'ai toujours tout dit moi ! 

- Ce n'est pas une raison. J'ai le droit de garder des choses pour moi !

- Tu devrais l'inviter au bal, tenta Adrien.

- Aucune chance. Elle risque de ne pas y être à l'aise.

- Oui, mais elle est à l'aise avec toi, non ? Demande-lui, tu n'as rien à perdre. Au pire elle te dira non et, au mieux, tu passeras la meilleure soirée de ta vie. Et si c'est juste la foule, vous pourrez aller dans les jardins, dans votre coin, pour être juste tous les deux."

Luka réfléchit. C'est vrai qu'il avait pu constater que sa dulcinée révélait un fort caractère, lorsqu'elle était en confiance. Si elle ne voulait pas faire quelque chose, elle ne le faisait pas. Elle était têtue et ne s'avouait jamais, mais jamais vaincue. Une telle obstination, cela portait à l'admiration et c'est ce qui lui plaisait chez elle. Elle n'était pas coquette comme les autres filles, elle se fichait pas mal de son apparence en réalité. Alors que les autres filles s'évanouissaient presque quand leur robe était tachée, elle, elle n'était jamais plus heureuse que lorsqu'elle se retrouvait avec de la terre sur sa robe et des brins d'herbe et des brindilles dans ses cheveux ébouriffés par le vent. Elle marchait systématiquement pieds nus, refusant de mettre des chaussures car cela rompait notre lien avec Mère Nature d'après elle.

Kachina était clairement unique en son genre et sa simplicité, son naturel et son franc-parler ne le laissaient pas indifférent, sans compter sa gentillesse, sa bienveillance. Kachina était une jeune fille sensible et un peu fragile également, elle était tout un paradoxe. Elle donnait l'impression d'avoir besoin d'être protégée en même temps qu'elle donnait l'air de savoir se protéger toute seule. Mais c'est ce qui lui plaisait, tout en elle lui plaisait.

"Tu es vraiment accro toi. Demande-lui, insista Adrien.

- Seulement si tu invites Marinette.", concéda Luka. "Après tout, tu as fait en sorte que le bal soit ouvert au peuple aussi.

- Alors là, ne rêve pas trop. Chloé va faire un scandale...

- Tu préfère avoir un bal d'anniversaire calme mais sans ta coccinelle ou un bal d'anniversaire avec un scandale mais en compagnie de la femme de ta vie ?"

En répone, Adrien rougit.

"C'est un peu égoïste comme perception...

- Ecoute, tu as la bénédiction de tes parents, il faut juste que tu te jettes à l'eau. Le bal est demain. Si tu attends plus longtemps, elle risque de te passer sous le nez."

Adrien écarquilla les yeux, pris d'affolement.

"Mais c'est vrai !! Je ne peux pas laisser passer ça ! Je dois aller la voir."

Ils ne purent poursuivre leur discussion car ils entendirent des voix féminines approcher. Des voix qui appartenaient justement à l'élue de leur coeur.

"Mais si, il va tomber raide, ne t'inquiète pas. Le rouge te va à merveille.

- Merci, mais je ne suis pas sûre... c'est un peu simple comparé à ta robe...

- Crois-moi, j'ai choisi la plus simple proposée par la couturière royale... elle a encore trop de friotures. Si je pouvais, j'irais avec ma robe de tous les jours et sans chaussures !

- Je t'imagine bien !", rigola Marinette. "Tu as décidé d'y aller, au final ?

- Je n'ai pas encore pris de décision. Je n'y serai pas à l'aise, c'est sûr, mais il sera là. Normalement.

- Alors fonce, ne te pose pas de question. Un garçon comme ça, cela ne court pas les rues.

- Je suis quand même tombée sur deux garçons comme ça en arrivant à Paris, donc bon...

- Mais ça, c'est parce que... en fait, je n'ai pas d'explications. Mais nous ne sommes pas tous comme ça.

- Malheureusement... bon, merci de m'avoir raccompagné. On se voit demain matin ?

- Evidemment. Aller, passe une bonne soirée !"

Il se passa quelques secondes avant que quelques coups contre la porte se fassent entendre. Adrien sourit. L'accès à la chambre de la noiraude étant uniquement accessible par sa propre chambre, Kachina frappait tout le temps avant d'entrer, pour annoncer sa présence.

"C'est bon Kachina, tu peux entrer."

La porte s'ouvrit et l'Amérindienne entra, accompagnée de Sass puisque son tour de garde avait commencé depuis une heure déjà. En voyant Luka, elle rougit légèrement.

"Salut Serpenteau, je ne m'attendais pas à te voir ici.

- Tu voudrais que je sois où Bichette ? la taquina Luka.

- En train de te reposer ? C'est le bal demain, il faut que tu sois en forme.

- Bon, je vais vous laisser, je dois discuter avec Marinette, dit Adrien.

- Elle va dans la roseraie, tu n'as qu'à la rejoindre, lui indiqua Kachina.

- Pas de soucis. Je peux vous laisser seuls ?

- Evidemment ! fit Luka.

- Va rejoindre ta belle et invite-la au bal, elle n'attend que ça. Mais dépêche-toi ! Qu'est-ce-que tu fais encore ici ! Aller oust !", le pressa Kachina.

Adrien quitta au pas de course, sous les rires de Luka et de l'Amérindienne. Sass annonça qu'il serait dans le couloir, près de la porte, et les laissa seuls. 

Luka fit signe à la jeune fille de s'installer sur le canapé, à côté de lui, et elle s'exécuta de bon coeur.

"Tu vas aller au bal ? voulut savoir Luka.

- Je ne sais pas encore. Et toi ?

- Je n'ai pas vraiment le choix, je suis l'assistant d'Adrien..."

Il voulut rajouter autre chose, mais il n'en trouva pas le courage. A la place, il dévora la noiraude du regard. Cette dernière rougit furieusement sous son regard intense et joua avec une mèche de ses cheveux, évitant ostensiblement son regard, gênée.

Finalement, elle inspira profondément puis ouvrit la bouche.

"Serpenteau ?

- Oui Bichette ?

- Si tu veux... on peut y aller ensemble ? Tu t'ennuieras moins, enfin j'espère...", marmonna Kachina, le regard fixé sur sa mèche de cheveux.

Luka, surpris, ne répondit pas tout de suite. Puis il sourit.

"C'est une proposition Bichette ?

- Non, c'est une demande en mariage. Bien sûr que c'est une proposition idiot !", rétorqua Kachina, plus rouge que le velours des rideaux du palais.

Le jeune homme s'avança vers elle. Elle le remarqua et, inconsciemment, elle recula jusqu'à buter contre l'accoudoir, se retrouvant allongée et en-dessous de Luka. 

"L-Luka ?

- J'accepte ta proposition Bichette.", murmura-t-il en déposant un baiser sur son front.

Il plongea ses yeux bleus dans son regard argent durant quelques secondes puis se redressa comme si de rien n'était. Toute rouge, la jeune fille mit un peu plus de temps à se redresser. Que venait-il de se passer ?

"D'a-d'accord, on ira ensemble alors, balbutia Kachina.

- Super ! On se rejoint dans notre clairière, au début du bal ?"

Kachina hocha la tête, perturbée. Le silence perdura jusqu'à ce que Luka ne le brise.

"Dis, c'était comment, là-bas ?"

La noiraude comprit qu'il faisait référence à sa terre natale.

"C'était magnifique. On vivait au rythme des saisons et de la nature, c'était vraiment le paradis. Et puis... et puis... d-des marins ont accosté sur Tenrô, notre île. Ils étaient français, si mes souvenirs sont exacts. Ils cherchaient de l'or et nous le leur avons donné, parce que nous n'en avions pas besoin. Nous n'avons gardé que ce qui était nécessaire pour ne pas perturber l'équilibre de notre écosystème. Mais ils voulaient qu'on leur donne tout, vraiment tout. Mon père leur a demandé de partir et ils ont accepté, c'est là que mon instinct m'a dit qu'ils n'allaient pas en rester là. Ma tribu n'a compris que trop tard la signification de mon intuition. Les marins ont mis le feu à l'île, particulièrement à notre lieu de vie."

Kachina avala sa salive, la gorge nouée par les émotions que faisaient remonter ses souvenirs.

"Et tu as été la seule survivante...

- Oui... j'y ai survécu et j'ai vécu quelques mois seule, sur les terres de Tenrô qui avaient été épargnées par les flammes. Des pirates ont fini par accoster sur l'île et ils m'ont enlevé pendant mon sommeil. A partir de ce jour-là, j'ai passé trois ans en mer, enfermée dans un cage. Je n'étais sortie que pour... que pour..."

Les larmes coulèrent sur ses joues et Luka n'eut pas besoin qu'elle parle pour comprendre. Délicatement, il la prit dans ses bras, l'amenant à plonger la tête dans son torse. Elle se laissa faire alors qu'il lui caressait les cheveux.

"J'ai passé... trois ans dans l'état dans lequel Marinette et Adrien m'ont trouvé, mais... mais je n'étais pas toujours sur le même bateau. Les pirates ont été vaincus par la Marine d'un royaume, qui m'a prise en otage et qui a continué le traitement des pirates... puis ces marins ont été attaqués par des pirates, qui m'ont capturé... et ainsi de suite... jusqu'à ce que la Marine française remette la main sur moi. Et là, j'ai reconnu... ceux qui avaient brûlé mon île. Ils étaient bien contents de me voir dans cet état, moi la digne fille de chef... et c'est là qu'ils m'ont dit... de base, ils étaient venus pour piller l'île et réduire en esclavage les habitants. Et vu que j'étais la seule survivante... c'était moi qu'ils allaient vendre au plus offrant... je voulais juste mourir Serpenteau..."

Kachina renifla et serra entre ses doigts le gilet de Luka.

"Et puis... et puis... ils m'ont fait traversé la France et je suis arrivée à Paris. Et Marinette et Adrien m'ont porté secours. Je ne pourrais jamais assez les remercier. Ils m'ont sauvé et... ils m'ont redonné goût à la vie. Et toi aussi... je ne sais pas ce que je serai devenue sans vous, sans toi..."

Rougissant, Luka ne répondit pas mais ne cessa pas ses caresses pour autant. Petit à petit, l'Amérindienne se calma et se détacha de Luka une fois complètement remise de ses émotions. Il la laissa faire mais ne s'éloigna pas d'elle pour autant. D'ailleurs, elle ne semblait pas le vouloir, puisqu'elle avait posé sa tête sur son épaule.

"Tu en as parlé à Adrien ?

- Oui. Il m'a promis d'abolir l'esclavage quand il monterait sur le trône.

- S'il te l'a promis, il le fera, n'ais aucun doute.

- Je sais. J'ai confiance en lui.", dit doucement Kachina.

Luka sourit légèrement, conscient de ce que cela voulait dire dans la bouche de l'Amérindienne.

"Tant mieux !"

***

"Pff... non, décidément, cela ne me va pas... râla Kachina.

- Mais si, tu es magnifique !", la rassura Marinette. "Et puis, c'est juste pour une soirée."

D'une main habile, la bleutée tressa la longue chevelure de la noiraude puis fit reposer la tresse sur son épaule droite. Suite à cela, elle sépara sa propre chevelure en deux couettes, comme toujours, avant de lisser sa robe de bal rouge à pois noirs.

Dubitative, Kachina regarda sa propre robe, bleu ciel et brodée d'argent sur le haut. Il y avait quelques rubans de la même couleur sur le bas de la robe.

"Elle reste simple je trouve, jugea Marinette.

- Pas assez.

- Bon d'accord, c'est vrai que ce n'est pas ce qui te va le mieux, mais c'est juste l'affaire de quelques heures. Et puis, c'est pour Luka !", argumenta la bleutée.

Kachina soupira, sachant parfaitement que ce n'était pas une robe qui allait changer quelque chose.

Cependant, il n'était plus l'heure de se poser des questions. Kachina devait vite rejoindre Luka dans leur clairière tandis qu'Adrien n'attendait qu'une chose : que les deux jeunes filles sortent de la chambre de la noiraude pour escorter sa belle. Elles sortirent donc et Kachina laissa Marinette entre les mains du blond.

Une fois dans la clairière, Kachina remarqua que Luka était déjà là. Elle sourit légèrement en voyant qu'il n'avait même pas changé de vêtements;

"Tu aurais pu faire un effort quand même...

- Non, je reste fidèle à moi-même. Tu aurais dû faire pareil Bichette.

- Tu voudrais que j'aille à un bal royal dans ma robe d'Amérindienne et pieds nus ? 

- Moi, cela ne m'aurait pas déplu.", lui sourit malicieusement Luka.

La demoiselle rougit furieusement. Il s'approcha un peu d'elle.

"Tu sais, si tu ne veux pas y aller, je comprendrai. On peut très bien rester ici, juste tous les deux, et passer la soirée ensemble. 

- Je croyais que tu devais être au bal pour Adrien...

- En théorie, oui. Mais Adrien s'est arrangé dans la journée pour qu'on n'ait pas à venir si on ne le souhaitait pas. Alors, qu'est-ce-que tu veux faire ?"

Kachina jeta un coup d'oeil à sa tenue et se débarrassa de ses chaussures à talons, qui lui faisaient un mal de chien.

"Je peux me changer ?"

Luka sourit et s'inclina.

"Vas-y, je t'attends ici.

- Je me dépêche.

- Sois prudente quand même."

En réponse, elle sortit de sous sa robe le couteau dérobé à Chat Noir il y a de cela un mois. Elle courut ensuite comme elle le put jusqu'à sa chambre et s'empressa de remettre sa robe habituelle. Elle retira tout ce qui était superflu puis rejoignit Luka, les cheveux toujours tressés.

Lorsqu'elle le rejoignit, ils s'enlacèrent un instant puis Luka entreprit de défaire sa tresse. Le vent s'engouffra dans sa chevelure sombre, achevant de lui faire reprendre sa place initiale.

"Tu es beaucoup plus jolie comme ça... lui murmura Luka.

- Toi aussi, tu es bien mieux au naturel. Tu aurais été bizarre en costume...

- Exactement. Kachina... Bichette, il faut que je te dise quelque chose..."

La demoiselle leva la tête vers lui, lui donnant toute son attention. Les jours de Luka étaient rouges, mais il ne voulait pas se dégonfler comme la veille.

"Bichette...  tu es une fille exceptionnelle, fougueuse comme une note de rock, douce comme une symphonie, dotée d'un courage et d'une bienveillance que même le meilleur des musiciens ne pourrait retranscrire. Tu es l'harmonie qu'il manquait à ma vie, avant que je ne te rencontre. Bichette, ce que j'essaie de te dire c'est que... je t'aime. Je t'aime plus que je n'ai jamais aimé quiconque..."

Devenue rouge pivoine suite à sa déclaration, Kachina préférant lui répondre par l'acte plutôt que par la parole, de toute manière elle se sentait incapable de dire le moindre mot. Elle prit donc la tête de Luka entre ses doigts et se mit sur la pointe des pieds pour l'embrasser.

"Moi aussi Serpenteau. Moi aussi je t'aime.", murmura-t-elle en détachant leurs lèvres.

En réponse, il l'embrassa avec tout l'amour dont il était capable et elle lui rendit son baiser.

"Mission accompli.", murmura Sass, caché dans un buisson.

***

Il était tard, le bal battait son plein et tous les habitants du château étaient en train de s'amuser. Enfin, presque tous.

"On va bientôt rentrer dans notre monde ! Le camembert m'a manqué ! fit Plagg.

- Sale goinfre ! Il y a plus important ! Mais je ne comprend pas... chacun s'est avoué ses sentiments, on devrait être de retour, non ?

- Patience Tikki, patience.", tempéra Sass. "Le sort a plongé nos porteurs dans l'inconscience afin d'extraire leurs âmes pour les mettre dans ce monde. Tout rentrera dans l'ordre quand ils se seront endormis dans ce monde.

- Le problème ne sera pas réglé, Mavis sera toujours là. Qui sait dans quel état on va retrouver Tenrô... soupira Plagg.

- Si l'âme de Kachina est avec nous, alors Mavis est inconsciente elle aussi. Mais c'est vrai que la situation est inquiétante, surtout que ses souvenirs ne semblent pas vouloir revenir, admit Sass.

- Je suis persuadée que Luka aura la solution. Si Mavis ne se souvient pas de lui, peut-être qu'elle se souviendra de sa musique. Après tout, c'est comme ça qu'ils ont toujours exprimé les émotions : à travers la musique, et la danse également dans le cas de Kachina. 

- Dans ce cas, la bille de Mirajane... commença Sass.

- Oui, c'est probablement notre seul espoir.", termina Tikki. "Si elle ne parvient pas à rendre ses souvenirs à Mavis, je doute qu'elle les retrouve un jour...

- Tu es la kwami de la chance Sucrette, j'espère que tu feras ton boulot... soupira Plagg.

- Si j'avais de l'influence sur ça, tu sais très bien que je ferais tout mon possible pour que ça marche... il faut miser sur la chance de la coccinelle...

- Oui...", approuva Sass.

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