*Danser avec la mort*

Nous avons été silencieux durant tout le trajet. Elles étaient magnifiques, là, dans la nuit presque noire. Maelle avait tressé ses cheveux avec des perles arc-en-ciel, sa fine silhouette ressortait sous sa robe rose pailletée. Le regard de Lou se perdait au loin, sa robe à voiles dorée voletait au vent. Le hululement d'un hibou apaisait l'atmosphère écrasante.

J'ai lâché dans un murmure.

"Vous vous souvenez en début d'année... Nous avions tellement hâte d'aller à ce bal. Vous êtes éclatantes, vous rayonnez sous le clair de lune."

J'ai pu entendre Maelle murmurer un "Merci."

Lou ne disait toujours rien.

"Je n'aurais jamais pensé que nous nous serions battu pour des histoires de cœur."

J'avais de la peine, des remords, je voulais en profiter. J'étais égoïste, j'attendais qu'elles me prennent en considération, qu'elle me laisse verser mes larmes, comme lorsque nous étions enfants.

"Nous avions imaginé cette sortie comme le bal de Cendrillon. Toutes prêtes à danser, à s'amuser jusqu'à minuit."

La tête de Lou s'est tournée vers moi.

"Tout ne se passe pas forcément comme prévu Carla."

Je me suis alors avancée et je leur ai fait face, les stoppant dans leur traversée. J'avais le souffle coupé.

"S'il vous plaît, juste ce soir, est-ce qu'on ne pourrait pas simplement... Faire comme si, tous allaient bien entre nous ?"

Elles se sont regardées, puis m'ont fixé sans vraiment comprendre.

"Juste cette fois..."

"J'imagine que ça ne sert à rien d'arriver avec une gueule déterrée."

Maelle avait les mains derrière le dos et se balançait sur ses pieds.

"Pourquoi pas."

Un poids s'est soulevé de mon cœur. J'ai posé ma main sur ma poitrine pour reprendre mon souffle.

Puis nous avons repris la route dans un environnement un peu moins angoissant.

À notre arrivé, l'école brillait de mille feux, on pouvait voir un défilé de robes et de costumes de toutes les couleurs. Une grande banderole où il était écrit "Bal de Promo" nous regardait de haut. Nous sommes entrées le sourire aux lèvres.

À l'intérieur, il y avait un buffet où se dressaient des coupes de champagnes. Sur la piste de danse, les élèves bougeaient au rythme de la musique sous une ribambelle de lumières colorées. C'était magnifique.

Nous avons discuté de tous et de rien puis Lou est allé rejoindre Thomas. J'ai emmené Maelle sur la piste pour lui changer les idées et nous avons dansé un long moment.

Au bout d'un certain temps, nous nous sommes restaurées et les autres nous ont rejoints. J'étais stressée d'être en face de Joshua, mais je ne souhaitais pas gâcher le moment. Il me toisait de haut. Après de brèves paroles, Maelle a demandé à Thomas s'ils pouvaient discuter à l'extérieur. Ils sont sortis et Lou a soupiré.

"Il faut qu'elle se rende à l'évidence que c'est terminé."

"Elle est blessée... Il lui faut du temps..." Lui ai-je dit.

"Carla, il faut savoir tourner la page."

"Tu dirais ça en plein procès ?!"

"Je passerai au suivant. On ne me laissera pas montrer mes émotions."

"C'est bon Carla." Coupa Joshua. "On est au bal là. Arrête de ramener l'attention sur toi."

Une balle perdue.

"Joshua a raison. C'est toi qui nous as dit avant de venir de ne pas faire de vague."

Une autre qui se glisse à la vitesse du vent.

Ils n'avaient pas tort.

"Je pense qu'il faudrait mettre un ultimatum à Maelle. Soit elle nous éloigne de ces histoires. Soit elle part du groupe."

Mais les amis ne sont-ils pas faits pour s'entre aider lorsque l'un d'eux tombe ?

"Excusez-moi."

Je suis partie à l'extérieur d'un pas rapide.

Non. Nous n'étions pas dans un dessin-animé.

Les gens sont égoïstes.

Toute la journée m'est revenu à la figure d'un coup. Le vase a débordé et les balles me suivaient.

Mon frère, mes parents, ma tante, mon boulot, Joshua, Lou, Maelle.

Tout se déversait sur moi. C'était trop.

Je prends une pouffée d'air. Au loin, la sono grondait.

Plus près, Thomas et Maelle se disputaient. Mon amie était en larmes.

Non. Il n'y a pas de cohésion. Les amis que je pensais connaître depuis longtemps...

Ils sont comme nous tous être humain. Des animaux qui défendent leurs envies.

Thomas a claqué Maelle, un bruit faste et sourd.

N'avais-je pas déjà remarqué des bleus sur ses bras autrefois ?

Il est retourné à l'intérieur. Il est passé vers moi.

"Si tu ouvres ta gueule. Tu vas en chier."

Il est rentré aussi lentement que ces mots.

Non. Les gens n'en ont rien à foutre de ta vie. Ce qui leur importe, c'est la leur.

Tremblante, je suis retournée à la fête. Alors que mon amie gisait, genoux à terre sur le béton.

Toute l'agitation du bal tournait dans mon esprit. Les lumières, le son, Maelle, mon frère, la souffrance.

Lorsqu'on crie à l'aide. Qui nous écoute sincèrement ?

Ils m'écoeuraient, ils m'écoeuraient tous.

Je suis descendue machinalement vers la salle de repos. Les balles fusent dans ma tête comme sur un champ de bataille.

Ce bal était trop parfait.

J'ai attrapé les fléchettes, je les ai trempées dans une fiole que j'avais achetée, au début de sa mort, pour moi-même.

J'étais un miroir brisé qui voulait refléter leurs visages si laids.

Je me suis glissée dans la foule, je suis montée, personne ne m'a vu. Thomas était là, au premier étage. Il dansait seul dans la foule, il dansait avec le sourire aux lèvres, il dansait alors qu'il puait l'hypocrisie ! J'ai armé mon bras en colère. J'étais en furie, il représentait la belle face de tous ces connards qui croyaient avoir raison ! Il représentait l'attitude de tout ce monde qui ne pense qu'à leur gueule ! C'est à cause de lui si notre groupe a éclaté ! C'est à cause de sa putain de fête si mon frère est mort !

Mon bras s'était armé et la fléchette a volé, j'étais la meilleure tireuse du campus.

Telle une balle, elle a filé sur Thomas. Dans une dernière danse, la mort, l'a amené au trépas.

Quelques minutes plus tard, dans un ultime excès de rage. J'ai cassé le système des lampadaires pour qu'ils tombent sur la foule.

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