Vendredi :

C'est la deuxième fois que je me réveille dehors avec une bonne gueule de bois et j'avoue que ce n'est vraiment pas agréable. J'ai tellement mal à la tête. Lorsque je regarde autour de moi, je remarque que je suis entourée de bouteilles vides, de restes de pizza, et surtout qu'il y a Alia, étalée par terre. Je m'approche d'elle puis la secoue.

- Allez trou du cul, lève toi !
- Mhhh.

Je chope une bouteille de vodka puis regarde avec attention le fond de la bouteille qui contient encore un peu de liquide. Adossée au rocher, face à la mer, je bois cette dernière gorgée. Alia se lève péniblement pour s'asseoir à côté de moi. Franchement, je ne vois pas dans quel état je suis, mais si j'ai la même tête qu'Alia, alors je fais vraiment peur.

Je retire les quelques branches coincées dans ses cheveux puis je prends mon téléphone pour regarder l'heure. Si ça se trouve, la police nous cherche déjà.

8h07

Oh bah ça va il n'est pas tard du tout en fin de compte. Je remarque alors qu'un groupe Whatsapp a été créé par Emily et il n'y qu'un seul message.

« Rejoignez moi à 9 heures près de la plage de la soirée. J'ai quelque chose de très important à vous dire. Tony, viens, et après tu pourras aller voir la police. C'est très important alors venez tous. »

Je relis plusieurs fois le message avant de réellement le comprendre. Je le montre à Alia qui met autant de temps que moi avant de le décrypter.

Je sais qu'il faut qu'on y aille mais je n'ai pas la force. Je me sens trop mal, j'ai l'impression que ma tête va exploser.

- Il faut qu'on y aille, me dit-elle.
- Je sais, mais c'est loin et je suis épuisée. Tu as vu nos têtes?
- On n'a pas le choix, elle a dit que c'était important.

Je souffle puis me lève difficilement. Je l'aide à se relever puis nous remarquons autour de nous le sacré bordel qu'on a foutu. On ne peut pas laisser ça comme ça. Nous ramassons alors tous nos déchets et j'avoue qu'on met plus de temps que prévu. Rien que se tenir debout correctement devient une épreuve. Après notre ménage matinal, nous décidons de partir pour rejoindre Emily. Le temps qu'on arrive à destination, on devrait être à l'heure.

Franchement, je ne pensais pas que marcher serait aussi dur ! Je m'appuie sur Alia mais elle est encore moins stable que moi. Mais bon, au moins moi je ne vomis pas. Cela fait trois fois que l'on s'arrête pour qu'elle vomisse. Heureusement pour nous, les chemins de la côte ne sont pas envahis par des touristes à cette heure.

- Eh les filles ! Crie quelqu'un.

Je me retourne et aperçois au loin Arthur et Evan. Ils n'ont pas l'air en meilleur état que moi. Arthur a le tee-shirt à moitié déchiré, les cheveux en pagaille et même des traces de rouge à lèvres. Evan n'est pas vraiment mieux avec ses traces de marqueur sur le visage. Franchement, ils font peine à voir. Nous continuons le chemin tous les quatre.

- On ne sera jamais à l'heure, c'est trop loin, râle Arthur.
- Oui c'est clair. Personne n'a à boire par hasard ? J'ai soif, dis-je.

Personne ne me répond. Super. Je vous jure qu'actuellement mon lit me manque énormément.

Bip bip

Nous nous arrêtons brusquement et regardons qui nous klaxonne. C'est Tony, avec sa camionnette.

- Montez, vous allez être en retard sinon.

Pas besoin de nous le demander deux fois. On a beau être en froid, je n'ai plus la force de marcher. Nous courons jusqu'à la camionnette arrêtée sur le bas côté. Nous montons tous à l'arrière et Tony nous conduit jusqu'à la plage.

Beurk. Je viens clairement de vomir mes tripes. Je n'ai pas vraiment assumé ce petit voyage en voiture. Entre les secousses et les virages, mon corps n'a pas supporté. Nous sommes sur le parking et nous voyons Emily au loin, pas sur la plage mais sur les falaises. Nous la rejoignons.

- Alors Emily, t'as profité de ta soirée ? Non parce qu'à cause d'un type, on va tous être dans la merde, dit Arthur en regardant Tony.
- Eh ferme ta gueule toi. C'est de ta faute aussi. Si tu n'avais pas eu d'aventure avec Léna et Emma on n'en serait pas là !
- Ouai et toi t'étais jaloux de moi ! C'est peut-être toi qui l'a tué au final !

Tony se jette sur Arthur et les deux garçons se mettent à se taper dessus. Evan vient les séparer avant qu'ils ne se blessent.

- Les gars, calmez-vous ! On ne sait pas qui l'a tué. Si ça se trouve, c'était même juste un accident !
- Ce n'était pas réellement un accident, dit soudainement Emily, à qui je n'avais même pas prêté attention.

Elle se retourne vers nous et nous la regardons, attendant qu'elle poursuive.

- Je sais ce qu'il s'est passé ce soir là.
- Attends c'est une blague ? Tu le savais et tu ne nous a rien dit ? Hurle Tony.
- Laisse la continuer, dit Evan

Une larme commence à couler sur sa joue.

- Je vais tout vous raconter, mais laissez moi aller jusqu'au bout.

Nous acquiesçons de la tête.

- Lorsque que ça a dégénéré entre Emma, Arthur et Léna, tout le monde a commencé à boire beaucoup. Quelques minutes plus tard, vous faisiez n'importe quoi.

Elle s'arrête un instant avant de reprendre.

- Léna, tu as passé le reste de la soirée à pleurer dans ton coin.

Soulagée, je suis écartée de tous soupçons dans cette affaire.

- Tony, tu t'es disputé avec elle. Vous vous êtes criés dessus alors Evan est venu et a fait en sorte de te changer les idées.

Ok alors si je suis bien l'histoire, ce n'est ni moi, ni Evan, ni Tony.

- Emma s'en voulait d'avoir fait du mal à Tony alors elle est venue me voir. Elle a pleuré pendant un moment puis quelques minutes plus tard, elle était dans les bras d'Arthur. C'est là qu'Alia vous a surpris.

Elle joue avec ses cheveux et des larmes continuent de couler sur ses joues.

- La vidéo que tu nous as montré, Tony, c'était à ce moment là. Elles se disputaient et Alia s'en est prit à Emma. Si la vidéo s'arrête, c'est parce que c'était moi qui la prenais. J'ai été les séparer. Elle n'était pas blessée. Ensuite, Alia est partie voir Léna.

D'un coup elle éclate en sanglots. Je vais pour la réconforter mais elle me dit de ne pas faire un pas de plus.

- C'est moi qui l'ai tué, lâche enfin Emily.

Nous restons tous sous le choc. Tony est bouleversé et je ne sais pas s'il compte lui sauter dessus ou non. Visiblement non, il reste sans bouger, il pleure.

- Je n'ai pas fait exprès mais c'est arrivé. On s'est éloignées sur les rochers pour discuter. Je voulais qu'elle arrête de sortir avec des garçons parce qu'à Bourges, chez nous, elle avait un copain. Je la menaçais de tout dire à son mec mais elle m'a dit que si je disais quoi que ce soit, elle dirait à ma mère que je me suis faite avorter.

Je suis complètement sous le choc, je n'en reviens pas. Emily s'est faite avorter ?

- Elle était décidée à appeler ma mère pour tout lui raconter, alors quand elle a voulu partir je l'ai attrapé par le bras et l'ai tiré vers moi. Sauf qu'elle a brusquement glissé. Elle s'est cognée la tête. Il y avait du sang partout. Je ne savais pas quoi faire alors je suis partie, je l'ai abandonné. J'ai tué ma meilleure amie.

Je n'appréciais pas particulièrement Emma mais les révélations, en plus de l'alcool et de la situation, font que mes larmes sortent sans que ne puisse le contrôler. Je ne suis pas la seule, à vrai dire nous pleurons tous les six.

- Si je vous dis ça maintenant, c'est pour vous protéger, mais aussi parce que je ne peux vivre avec ça. J'ai essayé mais je n'y arrive pas, c'est trop dur, juste impossible.

Arthur passe sa main dans ses cheveux en bataille, l'air complètement abasourdi.

- J'ai écris une lettre pour la police, dit-elle en désignant une enveloppe posée sur le sol. J'y explique à l'intérieur les faits, et je me dénonce. Cela vous éloigne donc de l'enquête ; vous êtes tous protégés. J'ai mis que vous pensiez qu'Emma était rentrée et qu'ensuite vous vous êtes endormis. Je veux que vous alliez la donner à la police.

- Et toi ? Tu vas aller en prison, dis-je d'une voix tremblante.
- Non je n'irais pas. Même en prison je ne pourrais pas supporter tout ça. Je veux que vous sachiez que tout ce qu'il s'est passé n'est pas votre faute.

Puis sans en dire plus, je la vois reculer, encore et encore. Non mais attend, qu'est ce qu'elle fait ?! Elle va tomber !

- Emily ne fait pas ça ! Criais-je.

En comprenant ce qu'elle faisait, je m'élance ainsi qu'Arthur. Nous crions tous mais non. Nous la voyons tomber dans le vide. Je m'écroule complètement abasourdie. Comment a-t'elle pu faire ça ? Pourquoi ?

Je lui en veux tellement. Je lui en veux de nous avoir tout caché, mais surtout de s'ôter la vie. On aurait pu trouver une solution, ensemble. Mais non, elle n'en a fait qu'à sa tête et maintenant, elle est partie, pour toujours.

Je suis sur mes genoux, face à la mer. Je n'ose pas regarder le vide, en bas de la falaise. Je n'ai pas envie de la voir, j'ai peur de ce que je pourrais découvrir.

Arthur m'éloigne du bord et me prend dans ses bras. Alia appelle les secours et Evan la police. Tony est assis dans l'herbe, le visage dans ses mains.

Il y a tellement de monde, je n'arrive pas à me concentrer. Le bruit, les mouvements, j'ai l'impression d'être hors du temps.

- Mademoiselle Walls ?
- Euh... oui ?
- Avez-vous d'autres informations à nous donner ?
- Non désolé.

Le policier s'en va, mais je reste plantée là. Je ne bouge pas jusqu'à ce que mes parents, paniqués, viennent me chercher.

- Oh ma chérie, on est là, ça va aller, me dit ma mère en me serrant dans les bras.
- Aller rentrons, décide mon père.

Sur le chemin de la maison, personne ne dit un mot. À vrai dire, même rentrés, personne n'ose parler de ce qu'il s'est passé.

Je remarque alors que la maison a été rangée et que les sacs sont commencés. Et merde, j'ai perdu la notion du temps ! Nous sommes vendredi, je pars demain. C'est passé tellement vite. Cette prise de conscience ne m'aide pas du tout. Aujourd'hui devait être un jour de fête, un jour où je m'amuse et profite de la dernière journée avant le départ. Mais non, aujourd'hui est une journée triste. Aujourd'hui est un jour de deuil.

Lors du déjeuner, mes parents font de leur mieux pour me changer les idées mais je n'y arrive pas. Je suis là, assise à table, toute crasseuse. Je ne suis même pas capable de manger. Mes parents n'ont pas osé me demander pourquoi j'étais dans cet état là, ni pourquoi je n'ai pas dormi à la maison.

« Vibreur »

Message groupe Whatsapp :

Tony: Les parents d'Emily vont la faire enterrer à Bourges. Ils ne veulent pas nous y voir. Ils ne veulent plus qu'on s'approche de leur famille.

Arthur: Génial. On ne peut même plus dire au revoir à nos amis.

Evan: On pourrait peut-être dire au revoir à Emma et Emily à notre façon.

Moi: Pourquoi pas.

Evan: Soirée posée sur la grande plage ?

Arthur: Boissons non alcoolisées pour tout le monde je suppose ? Je m'en charge.

Alia: Je m'occupe des pizzas.

Evan: Vous pouvez tous dormir chez-moi ce soir.

- Ma chérie, tu ne manges pas ?

Je lève le bout de mon nez de mon téléphone et remarque que tous les regards sont braqués sur moi.

- Euh non, je n'ai pas très faim.
- Tu veux venir avec nous cette après midi à la plage ?
- Non je vais rester ici faire mes valises. Et ce soir je vais sortir avec la bande. On dort chez Evan.
- Ce n'est pas un peu rapide ? Après ce moment tragique vous devriez...
- On fait le deuil à notre façon, puis ils vivent la même chose que moi, ils me comprennent.

Ma mère ne rajoute rien puis je sors de table. Je décide enfin de prendre une douche, de me coiffer et de me laver les dents parce que j'ai vraiment une haleine de chacal.

Message d'Alia:
Ça m'angoisse d'être toute seule. Tu veux bien passer la journée avec moi ?

Message pour Alia:
Viens à la maison. Je dois faire mes valises.

Quelques minutes plus tard, on toque. J'ouvre et fais entrer Alia. Nous montons à l'étage puis, à peine ai je fermé la porte, qu'elle me fait un énorme câlin. Nous restons là, plusieurs secondes, dans les bras l'une de l'autre. Je dépose un léger baiser sur son front pour lui faire comprendre que je suis là pour elle.

J'ai passé l'après-midi avec Alia à faire ma valise, et à vrai dire elle, m'a plus ralenti qu'aidé mais au moins, elle m'a changé les idées.

Avant de rejoindre les autres sur la plage, nous passons chercher les pizzas.

Nous arrivons près du phare, les bras chargés. Alia me vole un baiser avant de rejoindre les garçons.

Nous nous asseyons à côté d'eux, distribuons le repas et commençons notre soirée avec un léger fond de musique.

- Je suis désolé pour tout ce que j'ai pu dire ou faire. Je m'excuse encore plus auprès de toi, Alia, dit Tony.
- C'est passé maintenant, aucun d'entre nous n'était dans son état normal, répond-t elle.

Cette soirée me rend nostalgique. Même si je suis encore triste et sous le choc de ce qu'il s'est passé ce matin, me retrouver avec eux me fait du bien, et l'espace d'un instant, j'oublie toutes les horreurs que j'ai vécu en trois semaines.

Evan se lance alors dans un monologue.

- Les gars, je sais qu'on est tous triste pour Emma et Emily mais voilà, ce soir je veux profiter pour elles. Je veux que de là-haut, elles voient qu'on ne les oublie pas et qu'on continuera de faire la fête avec toujours une pensée pour elles. Pour ma part, j'ai partagé de nombreux étés avec elles et je préfère me rappeler de tous les bons moments plutôt que des récents événements.

Nous levons tous nos verres non alcoolisés en mémoire de nos amies parties tragiquement.

- Personnellement, je ne les ai pas beaucoup connu alors je ne me permettrais pas de faire un long discours. En revanche, demain je m'en vais. Et j'ai quelque chose à vous dire.

Je cherche mes mots quelques instants, avant de reprendre.

- Voilà, ça fait 16 ans que je viens ici et ça fait également 16 ans que je passe trois semaine seule avec mes livres et mes parents. Cette année, j'ai eu la chance de vous rencontrer. J'ai vécu des choses tragiques en votre compagnie mais au moins j'ai vécu. J'ai vécu chaque moment à l'instant présent, sans penser à ce qu'il pourrait arriver après. J'ai ris, j'ai pleuré, j'ai crié, mais j'ai aussi aimé. Parce que sachez le, je vous aime.

Depuis quand je suis aussi sentimentale? Je vois leur grand sourire et je suis là, les larmes aux yeux. Arthur finit par passer son bras autour de mes épaules puis m'ébouriffe les cheveux.

- Arrête-toi, tu vas finir par nous faire chialer.

Nous finissons la soirée en riant sous le ciel étoilé, face à la mer, bercés par le bruit des vagues.

- Rentrons, il commence à cailler, dit Evan en se levant.

Nous ramassons nos affaires puis partons chez ce dernier. Ça m'arrange de dormir chez lui. Je ne voulais vraiment pas être seule ce soir.

Evan a tout prévu et a sorti des matelas. Nous les installons dans le salon. Il y a trois matelas de deux places, donc Arthur et Evan se sont mis ensemble, Tony est resté seul et moi, je dors avec Alia.

Pendant un moment, nous ne faisons que parler de tout et de rien, alors que nous sommes dans nos lit, la lumière éteinte. On est donc censé dormir mais toutes les deux minutes, il y a quelqu'un qui lâche un « eh les gars vous dormez ». Au final, les heures passent et nous nous endormons par épuisement. Je m'endors dans les bras de ma belle brune, entourée de mes amis.