Je n'ai pas osé faire grand-chose lors de cette journée. Les cours se sont déroulés comme à leur habitude. Chaque fois que ma main se levait presque d'elle-même pour rejoindre les cieux, chaque fois que ma bouche brûlait de poser une question, je me forçais à rester pâle et roide. 

Cette classe s'observait. La tension avait encore une fois monté et maintenant, faire un mouvement était impossible. Depuis que les rires s'étaient partagés, nerveux, cruels, Katsuki n'avait fait plus qu'un avec sa chaise. J'avais fait de même.

Si l'intouchable de la classe était à son tour affecté par l'aura malfaisante de mes camarades, je devais me taire. J'étais une cible trop facile pour exister un peu trop fort dans la classe.

Et si je répondais avec trop d'ardeur aux professeurs, on m'aurait traité de "suceuse". Quel terme. J'ai l'impression d'être la seule que ces mots-brûlants touchent. Entre eux, cela ne fais rien, ces lettres sont lancées comme des cerceaux. Mais sur moi, ce sont des poignards. Je suis seule. Ils sont tous ensemble. La différence est telle que c'est cela qui a poussé le Soleil a se...

Puis-je véritablement y penser sans m'effondrer ? Les larmes me viennent en plein cours de math. Je quitte la salle emplie de moiteur.

Je vais à l'infirmerie, et j'y passe la journée. Je rentrerais penaude chez moi, cartable sur le dos, me noyant dans les méandres d'une tisane à la camomille. 

Cette journée n'avait pas été pire que ce que je croyais. Mais la déception emplissait mes sens: tout ce que j'avais entrepris aujourd'hui n'avait pas réussi. L'ambiance de ma classe était à son paroxysme de malaise. J'étais à bout de nerfs. 

- Ma chérie, nous nous inquiétons pour toi. Ne veux-tu pas changer d'établissement et aller à Saint-Euphoria comme ton frère ? 

C'est ce qu'ils me rabâchent à chaque fois que je me plains de ce collège. Cependant, je sais voir la différence entre l'établissement de mon frère, un privé catholique, et ce collège de quartier. S'il n'y a pas de gens de mon rang, qui pourra relever le niveau de cette institution miteuse ? 

Malgré ma supériorité évidente, je préfère élever ceux qui ne furent pas doués d'intelligence comme moi. Je louais cette qualité que j'avais, mais il fallait bien avouer que la vie n'était pas facile dans ce collège: je n'avais pas d'amis. 

Et tout cela était devenu pire encore après la mort du Soleil. Ne vous en a-t-on pas parlé ? Excusez mes camarades. Il me semble que cela était assez traumatisant pour qu'ils ne puissent en dire un mot. 

Le Soleil était un camarade à nous. Il brillait, brillait. Plus que moi. Plus qu'eux tous. Il illuminait la classe et la rendait invivable. À la chaleur de ses rayons, on y cuisait. 

Il n'avait jamais de répit, il brillait trop fort

nous n'avions jamais de répit, il avait chassé l'ombre.

Et cela les avait rendu fou. Il a torturé notre classe comme il faisait cuire des tortues dans leurs carapaces en pointant dessus une loupe

Le Soleil a explosé

Ils ont explosé avec.