Le plan parfait
Je vérifie une dernière fois mon sac. Comme prévu j'y trouve le couteau, les boîtes de conserves, la bouteille à filtre, l'arme plasma et ses 2 munitions, les vêtements de rechange, le kit de premiers soins quasiment complet et bien entendu mon indispensable livre à qui je dois la vie : Survivre à l'apocalypse de Hugo Survivant. Plus de 50 chapitres avec des histoires, des vidéos interactives, des analyses de situation, des exemples concrets : l'indispensable en somme. La découverte de ce livre aura changé ma vie. Je me souviens encore du jour où je l'ai trouvé. Il était là sur l'étal noyé parmi tous les autres, mais il ressortait du lot ; ses images animées ressemblaient à une illumination divine. Ce livre était un cadeau du ciel. Je m'étais empressé de l'acheter et avais passé tout mon temps libre à le lire et relire, à prendre des notes et à regarder en boucle les vidéos d’explications. Hugo avait raison : l'apocalypse était proche et il fallait s’y préparer. J'ai vendu la cage de lapin qui me servait de maison et suis parti m'installer loin de la ville dans un bunker que je venais de racheter. Puis j'ai passé les 5 années suivantes à me préparer à la catastrophe. Comme prévu, celle-ci arriva. La surproduction robotique finit en révolution populaire qui aboutit à la destruction du monde civilisé. Mais moi, j'étais près, caché dans mon bunker avec mon livre et des provisions. La catastrophe passée, j'ai minutieusement conçu ma triomphale sortie, préparant consciencieusement mon plan d'action, aidé par le livre. D'après Hugo, les survivants seront désorientés et il sera facile de prendre le pouvoir une fois leur barbare de chef éliminé. Il précise qu'une arme technologiquement avancée est requise. Justement il me reste 2 munitions pour mon arme plasma, en espérant que cela suffise.
Mon plan bien en tête je me relève et mets mon sac à dos. Ainsi équipé, je m'avance vers la porte du bunker. La reconnaissance vocale me demande le mot de passe, que je donne. Un bruit sourd retentit, suivit d'un bruit de métal et la porte s'entrouvre. De la poussière et des cailloux tombent au sol. Je pousse la porte mais celle-ci est bloquée. J'appuie de toutes mes forces. Mes efforts sont finalement récompensés par un bruit de chute de pierre et par l’ouverture tant attendue. La lumière m'éblouit alors que, pour la première fois depuis 1 an, je marche en dehors du bunker. Autour de moi se dressent des ruines et des zones dévastées. Il me faut maintenant trouver des survivants le plus rapidement possible et espérer qu'ils soient désorganisés. Je pourrais ainsi en prendre facilement le contrôle et commencer à créer mon empire. Je décide de me diriger vers le soleil couchant, sur les conseils de Hugo.
J'avance difficilement, mais avec entrain, dans ce qui semble être les ruines d'une ancienne ville. Il n'y a pas d'âme qui vive dans toute la zone. En tout cas de ce que j'en vois. Marcher dans les ruines est plus dur que prévu et je n'avance pas très vite. La nuit est déjà tombée et je n'ai toujours pas rencontré d'êtres vivants. Je décide de dormir cacher sous ce qui était probablement un garage et qui a été relativement épargné. Je reprends ma route le lendemain matin dès mon réveil. Je marche durant plusieurs jours, dans la même direction, sans apercevoir quiconque. Puis un jour, alors que le désespoir m'envahissait depuis quelque temps, j'entends une voix autre que celle d'Hugo. Enfin c'est ma chance, en espérant qu'il ne s'agisse pas d'une bande isolée mais bien d'un groupe conséquent. Je sors mon pistolet laser et m'approche doucement en direction de la voix. Celle-ci provient d'un homme aux cheveux courts vêtu d'une tenue simple. Il surplombe une foule hagarde qui le fixe et l’écoute déverser ses ignominies. Il semble parler d'alliance, d'amour, d'entraide : toutes ces choses qui font que la société va mal. Il me tourne le dos et ne bouge pas. Une cible facile en somme. Mon tire l'atteint en plein cœur. Un silence de mort s'installe dans la foule alors qu'il béguait quelques paroles inaudibles. Après quelques instants, il s'effondre, roule au sol et atterrit au pied de son ancien auditoire qui se met à crier. Je sors de ma cachette et hurle "Écoutez-moi bande de sauvage !!! C'est moi votre nouveau chef ! Alors vous allez m'obéir !!! Je tuerais tous ceux qui refusent mon autorité ". Voilà, ma menace est lancée. Maintenant ils devraient, en toute logique, se plier à mon autorité et m'obéir...
Je les couvre de mon regard, attendant leur soumission. Mais à mon grand désarroi, on dirait plutôt qu'ils crient vengeance. Que disait Hugo à ce sujet déjà ? « En cas d’échec de soumission à la mort du premier meneur abattez celui qui a prit sa place ou fuyez et trouver un autre groupe ». Je n'ai pas envie de me faire chier à trouver d'autres idiots, alors première option. Il me faut trouver le nouveau meneur et vite. La foule se rapprochant de moi, je commence enfin à comprendre leurs paroles : "Pourquoi t’as fait ça ?! T’es fou ! Tu vas le payer !". Je l'ai tué pour le pouvoir, bande de débiles, et je compte bien ne rien payer. C'est vous qui allez me servir. Ils commencent à m’énerver ces sauvages. Il va falloir les éduquer quand j'en aurai pris le contrôle ; heureusement qu'un chapitre traite ce sujet. Je choisis finalement celui qui crie plus que les autres et l’abat d'un tir dans la poitrine qui réduit ses organes en cendres. Il s’effondre sans bruit et je commence à crier : « Vous allez vous calmer maintenant ! ». Mais mes cris sont recouverts par le bruit de la meute qui se jette sur moi et m'agrippe de toutes parts. Je ne peux plus bouger et ils vont très probablement me tuer, c'est foutu... Comment ? Mais comment mon plan méticuleux a-t-il pu échouer ? J’avais pourtant tout prévu. Hugo avait tout prévu. Je ne bouge toujours pas quand ils me jettent au sol. Rien d'autre que l'échec ne résonne dans ma tête, alors que la vie quitte mon corps sous les coups répétés de ceux qui ont été le grain de sable dans le plan parfaitement huilé de mon existence.
(Texte écrit en 2015)
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