Au fil des siècles, les Hommes ont su se regrouper par peuples, pour former des foyers où vivront leurs familles. Ce ménage prendra, à travers le temps, diverses formes dont certaines perdurent encore de nos jours. L'être humain a rassemblé ses proches dans une bâtisse, capable de les protéger à chaque saison, fondée à partir de quatre simples murs et, peu à peu, habitant la vie. Du coté chaud de ce mur, l'Homme vit et construit un environnement qui évoluera selon les nouvelles éclosions de vie, avec le bercement des pleurs et le deuil des esprits. Les murs s'alourdiront de l'ornement des souvenirs, des photographies attirant la poussière, des gribouillages des bambins sur le papier gondolé, des peintures avariées, et de toute autre trace que laisse le passage de l'existence.

Alors que la maison au mur de briques ternies par le temps donne sur la rue, l'environnement s'anime. Un trottoir de béton viendra recouvrir la terre pour se greffer à lui. La vie longera dès lors cette couche grise. Le mur, vieillissant plus lentement, observe, de sa vie doucement animée, les passants. Il servira parfois de maitre d'ombres à quelques êtres venant se cacher du soleil. D'autres, plus fatigués, s'adosseront à lui, parfois à plusieurs, laissant le mur être le seul témoin de leurs échanges. À la nuit tombée, de nouveaux négoces se dérouleront, à l'angle du mur, où certains viendront vendre, par tous les moyens, leurs marchandises défendues. Au lever du soleil, après avoir survécu à ces terribles affronts, le mur, impassible, observera les gens se presser, s'aimer, courir, se disputer en une foulée, puis se réconcilier, car tout se déroule d'une part ou de l'autre du mur. Cette paroi de brique sera alors le témoin d'une histoire interminable et inimaginable pour une simple vie, pressée par le temps qui passe.

Pourtant, nous parlons bien du mur, de ce pauvre mur sali par les poussières des rues, par les gaz des véhicules, par les vapeurs chaudes de l'été, par le verglas des temps froids, par les moisissures humides et par les fissures du temps. Le mur le sait, personne ne le regardera, personne ne posera un jour, par inadvertance, son regard sur lui, ni même une fois dans son existence. Pourtant, celui-ci ne cessera de nous observer, et continuera son œuvre jusqu'à ce qu'un jour, comme l'Homme, il soit remplacé par plus rigide et jeune que lui, et cette somptueuse et virevoltante jeunesse renouvèlera alors le sort du mur qui mènera, à travers le temps, les spectres d'une nouvelle époque.