❄️ 23 D é c e m b r e ❄️

Moi(s)
Sadbody

Thème : Maladie Mentale

❄️❄️❄️


- Et si il te plaît ?

- Mais à quoi tu t'attends ?

- T'as pensé à te brosser les dents ?

- Tiens, je mangerai bien un mars.

- Arrêtes de regarder des comédies romantiques.

- J'ai envie de pisser tellement je suis stressée.

- Respire, respire.

Les deux mains accrochées au lavabo, j'essaye de me calmer. De les calmer. On est trop, trop souvent dans ma tête.

Je jette un énième coup d'œil au miroir orné de petites ampoules LED qui reflète la pâleur de mon visage.

- Tu te coiffes ?

- Nan, tu sais très bien que ça me fait perdre mes boucles.

- Elles sont moches toute façon en ce moment.

- J'ai envie d'un Sunday finalement.

- Attaches-toi les sinon.

- T'as changé d'adoucissant ou quoi ?

- On va voir que j'ai grossi.

- A quoi le Sunday ?

- C'est vrai que tu peux encore le caser dans un de tes bourrelets.

Le médecin m'avait pourtant dit d'éviter les situations angoissantes. Mais tout m'angoisse.

Devoir décider de mon prochain papier peint devient un labyrinthe psychotique où mon envie se bat avec ma raison qui croit qu'elle écoute la sagesse alors que la logique voudrait que je suive mon cœur.

Déjà là, beaucoup trop de paramètres.

Impossible de savoir d'où ça vient et depuis quand je suis comme ça.

Les docs-docs et leurs pilules magiques me racontent des choses à mon sujet, croient me connaître mieux que moi.

Pourtant si il y a bien une chose que je sais, c'est que je ne sais rien. Alors comment pourraient-ils savoir mieux que moi qui je suis ?

Je suis pas folle, je suis multiple.

Parfois j'me demande si c'est pas un surplus d'intelligence puisque j'étudie toujours tous les paramètres. Puis j'me souviens qu'en commençant à penser au repas que je vais faire le soir, je finis à chanter une poule sur un mur qui picotait du pain dur. Ou alors c'était parce qu'il me restait effectivement ce reste rassis que j'ai pas jeté pour les donner aux canards avant de me rappeler que c'est dangereux pour eux car ils en oublient leurs fondamentaux et la diversité de leur alimentation. Et ils se battent aussi entre eux je crois.

Moi, je me bats contre moi-même. C'est un combat constant à l'intérieur de moi ou chacune de mes individualités se bat pour sa suprématie même si elle ne dure qu'une seconde. Une guerre perpétuelle entre si et si et mais et mais.

Durant cette guerre, j'ai baissé ma garde le temps d'une soirée où j'ai rencontré un inconnu qui, l'espace d'un regard m'a fait taire.

Oui, le silence à l'intérieur.

J'avais oublié à quel point, le silence de l'esprit était apaisant. Calme. Clair.

J'ai du lui sembler normale, car cet après-midi, je dois le revoir.

Dans cet instant de folie consciente, j'ai accepté un café.

- Tu bois pas de café.

- Je pensais qu'en grandissant j'aurai fini par aimer ça.

- N'oses pas demander un chocolat chaud.

- Un thé ça passe non ?

- ET ne t'avises pas de commander un truc à bouffer avec !

- T'imagines un truc se coince dans tes dents.

- Tu les as brossé alors ?

Ça tourne en rond.

J'essaie de fixer mon attention sur le trait d'eye-liner que je trace sur ma paupière. Le deuxième. Je résiste à la tentation de me demander si ça me fait avoir des yeux de chat ou de panda.

- Est-ce que j'y vais ou pas ?

- J'ai pas trop envie de sortir en plus.

- Y'a un nouvel épisode sur Netflix.

- Ne mens pas.

- Y'a TOUJOURS un nouvel épisode sur Netflix.

- Je crois pas être dans un bon jour.

- Comme tous les jours.

- C'est mesquin.

Je m'auto-engueule et avant d'avoir le temps de changer d'avis, j'attrape mon sac à main brun, je fais glisser la bandoulière sur mon épaule et je claque la porte derrière moi.

- T'as pris les clés ?

- Les bonnes cette fois hein...

- Parce que bon, tu te souviens quand t'es montée sur la poubelle pour escalader le balcon.

- Heureusement que t'avais oublié de le fermer.

- C'est vrai que je fais tout de travers.

Le trajet en tram est interminable. Je crois m'occuper en regardant les réseaux sociaux sur mon téléphone en sachant très bien que je me leurre. C'est juste du grain à moudre pour mon petit esprit que je garde pour plus tard.

Après m'être trompée de chemin deux fois, j'arrive à l'adresse qu'il m'a donné. Je ne connais pas cet endroit.

- Si ça se trouve c'est un piège.

- Tu ressortiras jamais d'ici.

- T'es sûre qu'il était mignon ?

- On se casse ?

- C'est un café !

Forcément je n'y serai pas seule. Alors j'ouvre la porte dont le battant vient titiller une petite cloche qui tinte doucement.

- Cheap.

- Mignon.

- Old school.

- Apaisant.

Oh merde, il est déjà là !

Ma réaction est entière et chaque parcelle de mon corps semble approuver cette remarque à l'unanimité.

Je plaque un sourire sur mon visage et remet une mèche derrière mon oreille en m'approchant de la table où il est assis.

- Je t'avais dit de t'attacher les cheveux.

- T'as la frange d'un poney shetland.

- Et merde, vous me faites chier !

J'arrive devant la petite table ronde où il est attablé, plongé dans les journaux du jour. Dansant d'un pied à l'autre, je me racle doucement la gorge pour qu'il remarque ma présence.

Son sourire éclaire son visage quand il relève la tête et me découvre face à lui.

*silence radio*

- Nan sérieux les gars, trouvez-moi quelque chose à dire vous avez tellement la tchatche d'habitude !

- Il est grave beau.

- Meeerci, j'avais pas vu. *

- Salut ! me lance Ben, d'un ton joyeux.

*- Tu vois ça a pas l'air si compliqué quand il parle lui.

- Il se balade peut-être pas avec des connards comme vous.

- Bah réponds lui au moins !*

- Bon... bonjour Ben.

Je m'assois en lui répondant et j'enlève mon écharpe. Je l'observe, ses yeux marrons, ses cheveux bruns qui bouclent légèrement sur son front.

- Je suis content de te revoir, je pensais pas que tu viendrais.

- Moi non plus...

*- C'est pas vrai, t'as pas dit ça à voix haute ?

- Au moins tu dis la vérité.

- T'aurais pu lui balancer un verre d'eau dans la gueule sinon, ça aurait marché aussi.

En fait, il éclate de rire.

*silence radio*

- J'ai déjà commandé en t'attendant. Qu'est ce que tu veux ?

* - Fuir.

- Disparaître.

- T'embrasser.

- Aller chez le coiffeur.*

- Du thé. Oui, un thé vert, noir, n'importe. Et ...

Je me mords la lèvre. On avait dit pas de bouffe.

- Juste un thé. Merci.

Il me sourit à nouveau avec ses dents extra white et il va au comptoir. Poli, décontracté, nonchalant. Il a vraiment l'air cool. Pas besoin d'être 10 pour s'en rendre compte.

A son retour, j'ai déjà fait 3 exercices de respirations, 2 mantras et une invocation pour que tout se passe bien. Il pose le plateau entre nous. Un café, un thé et un muffin. Nom de Dieu.

- J'ai pas résisté, il avait l'air trop bon. On partage ?

Finalement, il tient la conversation si aisément que je commence à me détendre. J'observe la façon dont il glisse des petits morceaux de muffin entre ses lèvres entre deux phrases. Son visage est fin, sa mâchoire carrée.

- Tu m'intrigues tu sais, finit-il par lâcher.

* - Catastrophe.

- Branle-bas de combat !

- On est pas un animal de laboratoire d'abord.*

- Que... Comment ça ?

J'inspire très fort, je me mords la lèvre inférieure. Ça y est, il le sait, il l'a vue, ma folie en 50 personnalités.

- Je vois bien que tu es différente. Tu sembles plus... plus complète que la plupart des gens.

Si on pouvait faire un arrêt sur image dans ma tête, tous mes mois auraient la tronche jusqu'à par terre.

Pour éviter la bourde, je préfère ne rien dire. Il doit voir que je suis en train de construire un mur car il m'encourage.

- J'ai pas peur de ce que je connais pas. Et j'aimerai mourir le moins idiot possible.

- Je suis pas toute seule. Dans ma tête.

Ça y est, je l'ai dit, la bombe est lâchée. Mon cœur s'arrête au même moment où ces mots s'échappent de mes lèvres. Qu'est ce que je fous ? Et pourquoi ils sont tous si silencieux d'un coup là dedans ?

J'attrape mon écharpe en me levant précipitamment, j'ai les larmes qui montent aux yeux, je n'aurai jamais de relation normale, je ne serai jamais normale, je resterai toujours seule avec tous mes éclats de folie. Je tourne les talons mais sa main happe mon poignet.

Je refuse de lever la tête. Il ne me retient pas, il m'accompagne. C'est con, je sais pas où je vais. La clochette de la porte tinte une fois encore tandis que l'air de décembre fouette mon visage. Il est toujours là. Et dedans c'est toujours le silence.

Je marche un peu. Puis je m'arrête. Je ne sais pas où je suis et je n'ose pas relever la tête pour le savoir.

Finalement, un de ses doigts relève mon menton. C'est doux, c'est froid.

- Personne n'est seul. Et si quelqu'un l'est vraiment, il doit être sacrément malheureux. Tu crois que tout le monde a sa petite tête bien rangée ? Heureusement que t'es pas seule. Que serait ta personnalité ? Que seraient tes défauts ? Ou tes qualités ? Rien n'existerait. Peut-être es-tu trop bavarde avec toi-même. Peut-être que tu te laisses trop envahir par tes émotions. Mais ne laisses personne te dire que tu es folle, que tu es irrécupérable, que t'es malade à vie. Apprends toi. Regarde-les, observes-les. Contrôle-les. Deviens la meilleure de toi-même. Tu as mille facettes ? Alors je viens de trouver un diamant.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top