❄️ 19 D é c e m b r e ❄️
Sun & Snow
ILYMelancholia
Thème : Maladie Mentale
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« Personne n'a cherché à la comprendre, sauf lui... »
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19 décembre
Je suis revenu à Londres hier, pour rejoindre ma famille pour les fêtes de Noël. Mes parents et mes sœurs m'ont réellement manqué. J'ai eu l'incroyable chance de trouver un travail assez vite après ma sortie de l'école de danse. « Flow Dance London », qui se situe à Londres, est un établissement exceptionnel et si je suis arrivé aussi loin aujourd'hui, c'est en grande partie grâce aux professeurs de qualité et à leur rigueur. J'avais ça dans la peau depuis tout gamin et j'ai finalement réalisé mon rêve de devenir un danseur. J'ai dû traverser l'océan Atlantique pour poursuivre mes ambitions et je peux maintenant enseigner la culture et l'univers hip-hop à des petits Américains. En même temps, être chorégraphe dans la meilleure école de New York, ça mérite tous les sacrifices. J'attendais malgré tout ces premières vacances avec impatience pour pouvoir revoir ma famille, mes amis et mon quartier tranquille.
J'ai vite repris mes habitudes : traîner avec mes potes fraîchement retrouvés dans Hyde Park. Nous possédons notre endroit préféré, un petit coin d'herbe à côté de la fameuse « Joy of Life Fountain ». Cette fontaine représente deux adultes en son centre, se tenant les mains comme s'ils dansaient. Autour d'eux se trouvent quatre enfants, s'amusant à plonger dans l'eau. Du plus loin que je m'en souvienne, je suis toujours venu ici avec mes amis pour jouer au football, discuter, boire ou fumer. C'était la bonne époque, mais même après toutes ces années, finalement rien n'a changé.
Aujourd'hui, nous sommes tous devenus des adultes, nous occupons tous un travail différent, nous vivons tous dans des villes éloignées, mais cela ne nous empêche pas de nous retrouver tous ensemble dès que l'occasion se présente. C'est ça l'amitié, peu importe la distance, nous n'oublions jamais nos vrais amis. Certes, j'ai rencontré d'autres personnes à New York, mais jamais ils ne remplaceront Harvey, Niels, Léo et Zachary. Nous nous connaissons depuis la maternelle, ce genre de lien est quasiment impossible à détruire.
Nous sommes de nouveau réunis dans notre repaire habituel, appuyés contre les barrières qui délimitent les parcelles vertes des petits sentiers de marche qu'empruntent les touristes, les coureurs et les randonneurs. Enfin, l'herbe s'avère plutôt blanche en ce mois de décembre. La neige et le froid nous rappellent que l'hiver est bien présent tout autour de nous. Nous sommes tous emmitouflés sous nos manteaux, nos bonnets et nos écharpes. Heureusement que Léo a pensé à nous rapporter quelques bouteilles de vodka. On se réchauffe comme on peut.
Nous discutons de nos vies respectives, de nos histoires de cœurs, de nos familles. Léo sort depuis deux ans avec Sophia et ils sont les parents d'une adorable petite fille qui se prénomme Lola. Zachary est en couple depuis cinq ans avec Alison et il a prévu de lui passer la bague au doigt l'année prochaine. Niels est dans une relation depuis six mois, avec une certaine Emma et il a l'air vraiment amoureux. Harvey demeure toujours célibataire, mais ça ne l'empêche pas d'enchaîner les conquêtes. C'est peut-être le benjamin, mais c'est le plus expérimenté de nous tous. Allez comprendre pourquoi. Et moi... Moi je suis seul et mon boulot me prend tout mon temps.
Mon regard voyage autour de moi, analysant les quelques personnes qui se promènent le long des sentiers enneigés. J'observe la fontaine dont l'eau est désormais glacée. Elle est entourée de bancs vides devenus totalement blancs. Enfin, sauf un, celui qui se tient à proximité, tellement proche de nous que je peux distinguer la jeune femme qui y est assise. Elle est vêtue de noir et ses cheveux se singularisent par leur couleur rouge. Comment ne pas la remarquer au milieu de ce paysage immaculé ?
Elle observe également le décor somptueux de cet hiver enneigé, prenant des photos avec son téléphone. Nos regards finissent par se croiser et je me sens comme happé dans un océan plus bleu que les mers de Thaïlande. Un cyan presque translucide. J'admire son visage plus pâle que la peau d'une poupée de porcelaine. Mais ce qui me frappe le plus, c'est la tristesse qui transparait à travers ses magnifiques prunelles et son faible sourire qu'elle m'offre avant de détourner la tête. Je n'ai jamais perçu tant de vide dans des yeux aussi envoûtants.
Je réoriente mon attention vers mes potes et croise le regard de Zachary. Peut-être qu'il la connaît étant donné qu'il vit encore ici. Nous pourrions sans doute lui proposer de se joindre à nous. Je me décide enfin à parler, mais je n'en ai pas le temps.
- Laisse tomber Lucas, cette fille est cinglée, me prévient-il en secouant la tête.
- Pourquoi tu dis ça ? Tu la connais ?
- Elle s'appelle Ruby et elle habite dans mon immeuble. Elle se comporte bizarrement et elle est impossible à cerner. Parfois, elle se montre toute souriante, joyeuse et discute avec Alison. Et à d'autres moments, elle devient insociable et ignore tout le monde. Ne t'embête pas avec ce genre de fille, crois-moi.
- Elle semble très jolie pourtant. Elle est peut-être d'humeur joviale aujourd'hui, qui sait ? Je devrais essayer de tenter ma chance. Elle a peut-être uniquement besoin d'une nuit de folie avec moi pour retrouver le sourire, nous coupe Harvey en la fixant de son œil lubrique.
Nous nous regardons entre nous avant de lever les yeux au ciel. Il ne changera donc jamais. Je soupire malgré moi et réoriente mon attention vers mes amis. Je trouve ça un peu blessant de juger quelqu'un sur sa façon d'être. Peut-être qu'elle a juste besoin de compagnie, d'une personne à qui parler. Elle paraît peut-être triste parce qu'elle a perdu quelqu'un récemment. Il se cache toujours une raison derrière un visage fermé. Léo me tend une bouteille de vodka et j'en bois une gorgée sans pouvoir m'ôter cette fille mystérieuse de la tête.
Mes potes se décident finalement à bouger pour prendre la direction d'un pub dans le centre-ville. Je me justifie auprès d'eux de ne pas pouvoir les accompagner, en inventant que je dois aller passer la soirée chez l'une de mes sœurs. Je les laisse s'éloigner en faisant semblant de suivre le chemin qui mène à la maison de mes parents. Quand ils ont enfin disparu de mon champ de vision, je reviens sur mes pas et réfléchis quelques instants avant de m'approcher du banc où est assise cette fameuse Ruby.
- Salut ! dis-je, assez fortement, pour être certain qu'elle m'entende.
Elle redresse la tête vers moi et je plonge de nouveau dans ses prunelles bleutées. Elle m'offre un sourire timide avant de finalement entre-ouvrir les lèvres.
- Salut !
Sa voix douce est un bonheur pour mes oreilles. Je suis extrêmement soulagé qu'elle me réponde.
- Est-ce que je peux m'asseoir ? lui demandé-je en lui souriant et en lui montrant la place à côté d'elle sur ce banc désormais blanc.
Elle hoche la tête positivement et je retire le surplus de neige avant de m'installer à ses côtés. Son doux parfum vole jusqu'à mes narines et se faufile à travers mes veines. Je l'observe à la dérobée alors qu'elle n'ose pas tourner son regard vers moi. Je détaille son visage, ses joues rougissent légèrement et elle se mordille la lèvre frénétiquement. Zachary a très certainement mal jugé cette fille, elle est peut-être juste timide ou réservée. Je me sens un peu bête de ne pas savoir quoi lui dire, mais je devine aisément que si je ne parle pas, elle ne le fera pas non plus. Alors je finis par prendre mon courage à deux mains et respire un bon coup avant de me lancer.
- Je m'appelle Lucas, commencé-je en lui tendant la main.
Elle tourne enfin la tête vers moi et observe ma main avant de finalement y glisser la sienne.
- Moi, c'est Ruby, me dévoile-t-elle simplement.
Je garde sa main froide dans la mienne quelques instants alors que mes yeux se perdent dans ses pupilles vidées de toute émotion. Son regard est aussi glacé que sa peau sous mes doigts. Je dois à tout prix établir un dialogue entre nous sinon elle va de nouveau se refermer, mais je ne sais pas quoi lui dire. Je n'ai jamais été doué pour communiquer avec les filles. Le roi de la tchatche c'est Harvey, pas moi. Je dirais même que je me montre carrément lamentable quand j'essaye de séduire une femme. C'est peut-être pour ça que je m'éternise dans le célibat.
- Je ne t'ai jamais vu ici, tu viens d'emménager ?
Je suis surpris d'entendre à nouveau sa voix. Elle me sauve réellement la vie. Je souris en relâchant enfin sa main.
- Mes parents et mes sœurs résident dans le quartier. Moi je reviens de New York où je travaille depuis le mois de septembre. Et toi, tu habites depuis longtemps à Londres ?
- J'ai emménagé en octobre. J'ai toujours vécu à Aberdeen avec mes parents, mais mon rêve de petite fille, c'était Londres, alors j'ai suivi mes chimères et je suis arrivée ici.
- Tu es écossaise ? m'étonné-je en fronçant les sourcils.
Elle hoche positivement la tête et m'offre un sourire qui illumine cette fois son visage. Je me doutais qu'elle avait juste besoin d'un peu de compagnie. Je dois encore la faire parler, j'aime tellement quand un sourire franc se dessine sur ses lèvres.
- Tu exerces quel type de travail à New York ?
Une nouvelle fois, c'est elle qui s'exprime la première, à mon plus grand étonnement. Elle se tourne légèrement vers moi et me fixe de ses prunelles étincelantes.
- Je suis chorégraphe dans une école de danse.
- Vraiment ? Et New York ressemble réellement à ce que l'on voit sur les photos ?
- C'est comme Londres, mais en plus grand, plus peuplé et beaucoup plus bruyant.
J'entends pour la première fois son rire et je sens des frissons parcourir mon épiderme. Zachary avait totalement tort, il s'est fait une mauvaise idée sur elle. Cette fille est tout sauf insociable et cinglée.
- Tu travailles près de Broadway ?
- Oui, j'enseigne au « Broadway Dance Center ». Tu aimes la danse ?
- J'adore ça, surtout le breakdance. Les chorégraphies sont tellement spectaculaires. Et toi, quelle discipline as-tu choisie ?
- Le hip-hop.
Nous nous fixons avant de partir dans un fou rire. Les coïncidences peuvent parfois se révéler bien utiles. Je reste encore une bonne demi-heure à parler avec elle. J'apprends qu'elle travaille comme réceptionniste dans un hôtel du centre-ville, qu'elle est fille unique et qu'elle prend plaisir à se promener dans les parcs. Elle me confie également qu'elle adore la neige, qu'elle passe son temps à manger du chocolat et qu'elle vit en solitaire dans un appartement face à Hyde Park. Je sais désormais quel immeuble, grâce à Zachary, mais je ne le précise pas pour autant. Elle devinerait aisément que j'ai parlé d'elle avec mes potes. J'aime discuter avec elle, elle semble très cultivée, très drôle et elle a vraiment l'air saine d'esprit. Cela prouve bien que ça ne sert à rien de juger les gens sur la première impression.
La neige commence soudainement à tomber et Ruby se lève en arborant un grand sourire. Elle se met à marcher autour de la fontaine en sautillant presque et je la regarde faire en me disant pour la première fois qu'elle est réellement sublime. Elle est emmitouflée sous sa doudoune, mais je devine sa silhouette filiforme. Ses mèches rouges disparaissent légèrement sous les flocons, mais ça n'a pas l'air de la déranger. Elle ne porte ni gants ni bonnet, juste une écharpe ébène en laine qui entoure son cou. Elle est habillée d'un jean noir et de bottes assorties à sa tenue. C'est assez déstabilisant cette différence de couleurs entre ses vêtements et ses cheveux. Elle pourrait facilement se faire passer pour une gothique, mais quand on parle avec elle, c'est seulement une fille douce, calme et attendrissante.
Elle déambule pour la énième fois devant moi et je me lève pour me décider à la rejoindre. Elle choisit cet instant précis pour me lancer une boule de neige à la figure. Je suis légèrement étonné et reste quelques secondes statique. Puis j'entends son rire résonner et je ne peux pas m'empêcher de rire à mon tour. Je récupère un peu de poudreuse sur le banc que je transforme en une sphère approximative et commence à courir après elle. Nous passons un certain moment à batailler à coup de globes floconneux en nous poursuivant autour de la fontaine. Mon sourire s'étire involontairement quand je la vois aussi rayonnante. Cette fille a juste besoin d'amis avec qui sortir, parler, s'amuser. Elle n'est pas cinglée, loin de là. Elle semble même sûrement plus saine d'esprit que moi et mes potes.
Je continue de la pourchasser et lorsqu'enfin j'arrive à l'attraper, je dérape sur la neige et nous nous retrouvons tous les deux dans la poudreuse blanche. Elle est allongée sur le dos, riant aux éclats tandis que je suis presque étendu sur elle. Mes deux bras posés de chaque côté de son buste me permettent de ne pas m'affaler sur sa frêle silhouette. Je détaille de nouveau son visage et la dévore presque des yeux. Je sens mes muscles se contracter à la sensation de son corps sous le mien. Des idées saugrenues défilent dans ma tête, mais j'essaye de faire abstraction pour éviter qu'elle ne s'en rende compte.
Elle cesse soudainement de rire et nos regards s'accrochent. Je pourrais passer des heures plongé dans cet océan de douceur. Je prends appui sur mon bras gauche et glisse ma main droite le long de sa joue, repoussant une mèche rouge qui dissimule son si beau visage. Mes yeux s'attardent sur ses lèvres qu'elle mordille. Elle baisse les paupières avant de soupirer et de les rouvrir. Ses doigts froids se frayent un chemin jusque derrière ma nuque et elle m'attire vers elle avec légèreté. Ce geste tendre me donne le signal que j'attendais. Je plonge mes lippes sur les siennes avec délicatesse, me reposant de nouveau sur mes deux mains pour ne pas l'écraser.
Après quelques secondes, je relève la tête et colle mon front contre le sien. Elle sourit avant de faire pression sur ma nuque à nouveau et de fondre sa bouche sur la mienne une seconde fois. Je me délecte de ce goût de vanille à travers ce baiser qui est beaucoup moins chaste que le précédent. Nos lippes se meuvent en symbiose et je savoure cette sensation qui m'avait manquée depuis longtemps. Ma langue se faufile le long de ses lèvres, quémandant une caresse plus profonde, et elle me laisse prendre les commandes en glissant sa main sur ma joue. Bizarrement, je me sens plus vivant. Je me sens bien. Je ne regrette absolument pas d'avoir négligé les conseils de Zachary, parce que je pense réellement que ce soir, je suis tombé sous le charme de la jolie Ruby.
* * * * *
24 décembre
Cela fait maintenant cinq jours que j'ai rencontré Ruby et depuis ce moment précis, je n'ai pas cessé de la retrouver chaque soir après son travail. J'occupe mes journées avec mes potes à discuter, à refaire le monde, à boire et à fumer. En revanche, une fois dix-huit heures à ma montre, je trouve une excuse pour aller rejoindre Ruby près de la fontaine. Nous passons nos fins d'après-midi à bavarder, à rire et à s'embrasser. Parfois, elle semble triste en arrivant, mais plus les minutes défilent, plus elle retrouve sa joie de vivre. Je ne me suis jamais rendu chez elle et elle n'est jamais venue chez mes parents. Nous n'avons jamais dépassé la barrière du baiser et même si j'en ressens le besoin, je ne veux pas précipiter les choses. J'attendrai qu'elle se donne à moi, mais je ne la brusquerai pas pour mes propres désirs inassouvis. Je ne suis pas Harvey, je sais patienter pour trouver le moment parfait.
J'affectionne tout d'elle : son regard, son sourire, sa voix, son rire, ses mains, ses lèvres, son corps. Je l'aime, entièrement, véritablement. Je ne pensais pas cela possible de s'éprendre de quelqu'un en seulement quelques jours. Parce qu'il faut bien que je me fasse une raison, je suis littéralement sous l'emprise de Ruby. Je me demande même déjà comment je vais pouvoir supporter de vivre si loin d'elle, de quelle façon je vais pouvoir survivre sans son rire, son sourire, ses baisers, par quel moyen je vais pouvoir accepter cette distance entre nous. Ça va être un véritable enfer...
En attendant, je passe le plus de temps possible avec elle. Aujourd'hui, c'est le réveillon de Noël et je l'ai invitée à manger au restaurant ce midi. J'ai aussi persuadé mes parents de la convier à venir fêter cette veille de Noël avec nous ce soir. Ils n'ont pas vraiment hésité avant d'accepter, ils ont tellement hâte de rencontrer la fille qui a réussi à gagner le cœur de leur progéniture. Mes sœurs sont également ravies de faire enfin connaissance avec ma petite-amie. D'ailleurs, j'utilise ce mot, mais je ne sais même pas si elle l'est réellement. Nous n'avons jamais parlé de ça pour tout vous dire. Nous profitons juste l'un de l'autre, de ces moments passés ensemble, de nos baisers échangés sur le banc du parc, de nos promenades main dans la main à travers les sentiers floconneux, de nos batailles de boules de neige improvisées. Nous vivons au jour le jour, à l'instant présent, sans parler du futur qui se rapproche inévitablement.
Je finis de m'habiller sobrement : un jean noir, une chemise blanche, une paire de baskets et une veste en cuir assortis à mon pantalon. Je me coiffe correctement et souris à mon reflet dans le miroir, espérant qu'elle remarquera les efforts que j'ai accomplis pour elle. Je récupère mes clés de voiture et descends rejoindre le rez-de-chaussée. Ma mère me regarde en souriant et pose un baiser sur ma joue en me disant qu'elle se sent fière du beau jeune homme que je suis devenu. Mon cœur se gonfle d'amour face à ses mots et je l'enlace quelques secondes en la remerciant. Elle me souhaite une bonne journée et je m'éloigne de chez moi avec l'esprit léger. Je grimpe dans ma Jaguar et roule en direction de l'immeuble de Ruby.
Arrivé à destination, je considère une dernière fois mon reflet à travers le rétroviseur et souris en sortant de ma voiture. Je tape le code d'entrée du bâtiment que je connais parfaitement grâce à Zachary. Je rejoins le rez-de-chaussée et traverse le couloir jusqu'au numéro 4. Je sonne à la porte et attends patiemment qu'elle m'ouvre. Mon cœur se serre bizarrement, je me sens beaucoup moins serein, mais je ne sais absolument pas pourquoi. Je sonne une nouvelle fois et finis par me demander si elle n'a pas oublié notre rendez-vous. Peut-être qu'elle dort encore ou qu'elle est juste partie faire une promenade dans le parc étant donné que son immeuble se situe en face de Hyde Park.
Je me saisis de mon téléphone et compose son numéro en commençant à réellement m'inquiéter. J'entends une première tonalité, puis une seconde, une troisième, une quatrième, une cinquième et je tombe finalement sur son répondeur. Je ne laisse pas de message et réitère mon appel, sentant mes mains se mettre à trembler. En tendant l'oreille contre le bois qui me sépare d'elle, je perçois la mélodie habituelle de son mobile retentir dans son appartement. Soit elle est chez elle, soit elle n'a pas pris son téléphone pour sortir. La panique monte en moi, un mauvais pressentiment s'installe au fond de mes entrailles. Ma gorge se serre et je tente de me calmer en respirant doucement.
Mais ça ne sert à rien, mon intuition me force à m'inquiéter et je frappe cette fois à la porte assez brutalement en prononçant son prénom. Je ferme les yeux fortement pour essayer de faire disparaître toutes les sombres idées qui me viennent à l'esprit, mais ça n'avance à rien. La peur envahit tout mon être et je m'acharne sur la clinche. Je cogne dans la porte avec mon épaule sans succès. Je me recule assez loin pour prendre de l'élan et fonce sur celle-ci en m'aidant du poids de mon corps pour l'enfoncer. Je recommence à plusieurs reprises avec toujours plus de rage en moi et finis par réussir à ouvrir cette satanée porte.
Je pénètre dans l'appartement qui semble étrangement calme et avance lentement en appelant Ruby. Je parcours la cuisine, le salon, la salle à manger, la salle de bain sans rien trouver de suspect. Je pousse finalement la dernière porte qui est très certainement celle de sa chambre. Mon cœur s'arrête presque de battre quand je la vois. Elle est étendue sur son lit, les yeux fermés, et je sens l'angoisse prendre possession de moi. Je me précipite sur elle et essaye de la réveiller. Je remarque sa peau beaucoup trop froide sous mes doigts et les larmes montent en moi instantanément. J'aperçois les boîtes vides de médicaments sur sa table de chevet et la réalité me frappe en pleine poitrine.
Je la serre contre moi en hurlant presque de désespoir. Je pose des baisers sur son front, ses joues, ses lèvres glacées et laisse mes larmes inonder mes yeux et rouler sur mon visage. Mon cœur est réduit littéralement en miettes, ma voix se brise, mes sanglots emplissent la pièce et je presse son corps sans vie contre moi alors qu'une douleur intenable se faufile dans chaque partie de mon être.
J'ai envie de lui crier « Pourquoi ? », mais les seuls sons qui peuvent franchir ma bouche sont des geignements étouffés. Je ne perçois que cette brûlure au fond de moi, comme si mon cœur était en train de partir en fumée. Jamais je n'avais ressenti une telle douleur par le passé. Je ne la connais que depuis cinq jours, mais elle est devenue tout pour moi. J'étais résolu à lâcher mon travail pour rester à Londres ou à l'emmener avec moi à New York pour ne plus jamais être séparé d'elle. J'étais réellement prêt à tout pour elle. Et elle m'abandonne, elle me laisse seul ici. Elle bouleverse totalement ce jour de réveillon. Ce jour joyeux où nous devions manger ensemble. Ce jour familial où je devais la présenter à mes parents. Ce jour unique où j'allais lui avouer mon amour. Ce jour féerique où j'allais lui promettre de ne plus jamais la quitter. Elle transforme ce jour magique en pire jour de mon existence.
Mes yeux voyagent sur cette table de chevet, j'y vois ces maudites boîtes, ce poison qui lui a ôté la vie. Mon regard se pose sur une enveloppe blanche sur laquelle mon nom est inscrit. Je tends le bras pour la récupérer sans pour autant me détacher d'elle. J'ouvre celle-ci et en sors une feuille quadrillée parsemée de sa jolie écriture. Mes larmes roulent sur mes joues, ma vision devient floue, mais je prends le courage de lire ce dernier mot qu'elle m'adresse.
Lucas,
Tu m'as permis de découvrir l'amour, le vrai et jamais je ne pourrai te remercier assez pour ça.
Mais même toi, tu ne réussis pas à faire taire mes démons.
Je pensais que c'était possible, mais personne ne le pourra, surtout pas moi.
Merci de m'avoir offert les cinq plus beaux jours de ma vie.
Merci pour tous ces moments, pour toute cette félicité que tu m'as aidée à ressentir.
J'avais l'impression d'être vivante à tes côtés et ça ne m'était pas arrivé depuis bien longtemps.
Je suis désolée de ne pas être assez forte.
Je suis surtout navrée de te faire souffrir.
Je suis certaine que tu trouveras le bonheur, tu le mérites plus que quiconque.
Sache que je t'aime et que je t'aimerai toujours.
Adieu.
Ruby
Je repose la lettre et m'allonge à ses côtés, la serrant une nouvelle fois dans mes bras. Respirant une dernière fois son doux parfum de vanille. Glissant une énième fois mes doigts dans ses cheveux rouges. Embrassant une ultime fois ses lèvres. Sache que jamais je ne t'oublierai Ruby, tu auras toujours une place dans mon cœur et je t'aimerai pour le reste de ma vie.
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« Je ne veux pas mourir, mais en finir avec la vie. »
Ann Heberlein
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