❄️ 16 D é c e m b r e ❄️
Stars For Christmas
AlNyGreen
Thème : Peu commun
❄️❄️❄️
Alors que la nuit tombait, on n'entendait dans la pièce que le tic-tac d'une horloge. Le silence seulement brisé par ce bruit répétitif commençait à me porter sur les nerfs. Je sortis de la maison, mon café à la main, observant le soleil à présent bas à l'horizon. Ma première journée ici depuis une éternité, était sur le point de se terminer et je ne savais pas très bien quoi en retenir finalement.
Mon grand-frère et ses amis avaient décidé de passer les quelques jours avant Noël ici, chez nos parents, pour réviser leurs partiels qui auraient lieu à la rentrée. J'ignorais réellement comment j'avais fini dans ce groupe studieux. Je venais de rentrer chez mes parents, je n'étais pas spécialement le genre d'étudiant à réviser pendant des heures et encore moins proche de mon frère. Ce devait sûrement être ma mère qui avait insisté auprès de Jae pour qu'il m'embarque avec eux parce que dans ma ville natale, il était de notoriété publique que je n'avais aucun ami.
Voilà, je n'étais que le gamin qu'on leur avait mis entre les pattes et j'avais l'impression d'être retourné au temps où j'étais au collège et que je les collais. Enfin je collais surtout Jae et Esteban, son meilleur ami. Jae parce qu'il était mon modèle et que je le trouvais vraiment cool. Et Esteban... Parce qu'il était absolument trop beau. C'est grâce à lui que j'ai pu confirmer le fait que j'étais gay, vu le nombre de rêves érotiques que je faisais de lui à l'époque...
Bon d'accord, encore aujourd'hui, il m'arrivait d'en faire malgré le fait qu'on soit dans des villes différentes pour nos études. S'il s'était tourné naturellement vers Toulouse pour faire des études dans l'aéronautique, moi, j'avais préféré prendre mon indépendance à Montréal. Quand ils sont venus me chercher, lui et Jae, ce matin à la gare, cela faisait plusieurs années qu'on ne s'était pas vus.
Je soupirai et portai ma tasse à la bouche. Mes lèvres trempèrent à peine dans le liquide noir et fort avant que je ne recule mon café encore brûlant. Je me décidai alors de m'installer sur le petit banc qui se trouvait entre la porte d'entrée et la baie vitrée et posai ma tasse à côté de moi. Je pliai les jambes, les pieds sur l'assise et profitai d'avoir mes mains libres pour serrer plus fermement les pans de mon gilet bleu autour de mes genoux, le regard au loin, fixant l'océan calme en contre-bas.
Le pire dans tout ça, c'est qu'Esteban était toujours aussi beau, gentil et... hétéro. Écouter sa conversation sur son ex avec Ethan, le dernier de ce trio d'enfer, cette après-midi, a été une véritable torture mais au moins, j'ai pu me réjouir, puérilement, du fait qu'il était célibataire à présent. J'inspirai à fond l'air iodé et laissai un sourire se dessiner sur mes lèvres.
Une bourrasque de vent fit claquer le volet contre le mur non loin de moi me faisant sursauter comme un imbécile... Je ricanai de ma propre bêtise en ramenant mes cheveux en arrière et serrai un peu plus mon gilet autour de moi. Quelle idée de sortir dehors alors que nous sommes presque fin décembre !
Ah oui, je voulais prendre du recul après avoir appris que sans qu'on me demande mon avis, je dormirai dans mon lit d'adolescent, avec Esteban. Sérieusement, si j'avais dû faire une liste de Noël, ça se serait trouvé tout en haut. Depuis des années, il aurait été à la première place. En première ligne.
Ça devait être un miracle de Noël !
Il n'y avait pas d'autre explication parce que le destin ne peut pas être si doué et d'ailleurs, si ça avait été le destin, j'espère bien qu'il aurait fait quelque chose avant ce Noël.
Mais le problème, c'était que j'allais me retrouver à quelques centimètres d'Esteban, dans un lit, certes confortable mais dans lequel je ne pourrais pas le toucher, m'endormir dans ses bras ou sentir ses mains sur moi... Oh mon dieu ! Finalement, ce n'était peut-être pas une si bonne chose.
- Rose, c'est ma préférée.
Je sursautai à l'écoute de cette voix. Je tournai mon visage, posant ma joue sur mon genou. Il était là, dans l'ouverture de la porte, son regard posé sur moi. Ses cheveux dorés étaient toujours aussi bien coiffés. Ses yeux étaient aussi souriants que ses lèvres.
- Rose ?
- Tes cheveux.
Je souris à mon tour en ébouriffant un peu mes mèches colorées. Depuis mon entrée à la fac, je suis passé par plusieurs couleurs. Verte, grise, blonde, rouge, orange et aujourd'hui rose. J'étais juste étonné qu'il puisse affirmer que le rose était sa teinture préférée.
En rose, j'aime beaucoup même si j'avoue que le gris te va très bien aussi.
- Comment... ?
- Jae. Dès que tu fais une nouvelle couleur, il m'envoie une photo.
- Pour... Pourquoi il fait ça ?
Parce que je lui ai demandé !
Je me redressai immédiatement, abasourdi par ce qu'Esteban venait de me dire. Il avait demandé à mon frère de lui envoyer des photos de mes teintures ?
Depuis quand tu es un aficionado des cheveux ? je l'interroge d'une petite voix.
Il rit tout en venant s'asseoir à côté de moi sur le banc en prenant ma tasse de café pour en boire une longue gorgée, les yeux fermés pour le savourer. Mon cœur loupa un battement quand sa pomme d'Adam déglutit. Il la reposa où il l'avait prise et m'avoua doucement :
- Non, plutôt de toi.
Instinctivement, mes jambes retombèrent et rencontrèrent le sol avec plus de force que nécessaire. Mon gilet s'ouvrit par la même occasion sur mon T-shirt, laissant le froid mordre mon corps, trop concentré sur Esteban pour le remettre correctement.
- Qu'est-ce que tu racontes ?
C'est la seule chose que j'ai réussi à dire alors que mon cerveau faisait clairement une surchauffe. Il rit encore une fois mais je ne savais pas ce que j'avais dit ou fait de drôle. Se moquait-t-il de moi parce qu'il avait remarqué mon attirance pour lui ? Parce que j'ai beau avoir essayé de jouer les désintéressés voire les détachés, mes regards sur lui ont peut-être eu raison de mes cachotteries.
Il prit une grande inspiration alors que sa tête s'appuyait contre le mur derrière nous. Il leva les yeux vers le ciel dégagé et étoilé et garda le silence un moment. Pris au dépourvu et un peu apeuré par ce qu'il allait me dévoiler, je le laissai prendre son temps.
Je ne sais pas si tu te souviens du projecteur, commença-t-il.
- Le projecteur ?
- D'étoiles.
Je fermai les yeux. Pour m'en souvenir, je m'en souvenais de ce stupide projecteur d'étoiles qu'Esteban avait offert à Jae pour un Noël alors que c'était moi qui rêvais d'en avoir un. J'avais été si jaloux et si déçu – peut-être un peu vexé aussi – que lorsque Jae m'avait proposé de me le prêter, j'avais refusé catégoriquement. Aujourd'hui, j'ignorais complètement où il pouvait être.
- Oui, dis-je seulement pour ne pas montrer que cette histoire me touchait plus qu'elle ne l'aurait dû.
- Je l'avais acheté pour toi, me confia-t-il.
- Non ! m'écriai-je. Tu l'avais offert à Jae.
- Oui mais il était pour toi.
Je tournai mon visage vers lui, pas très sûr de ce que je venais d'entendre.
- Quoi ?
- Il était pour toi ce projo.
Je ricanai, moqueur.
- Normal ! lançai-je sarcastique, en levant les yeux au ciel.
Non mais c'était totalement logique d'offrir un cadeau à mon grand frère parce qu'il était pour moi.
- Je te jure que c'est vrai... Je...
Il mit ses mains dans les poches de son manteau et poursuivit :
- C'était logique pour moi. Pour le gosse de seize ou dix-sept ans que j'étais à l'époque. Je savais que tu le voulais, je t'avais entendu le dire à ta mère. Mais on ne se connaissait pas vraiment. Je veux dire... Tu étais souvent avec nous mais tu ne nous parlais pas. Jamais ! Alors je ne pensais pas que t'offrir un cadeau pour Noël était une bonne chose.
Je liai mes mains sur mes genoux et me mis à les fixer. Il était vrai que je les suivais partout mais que j'ouvrais rarement la bouche. J'avais toujours peur de dire une bêtise vu que j'étais plus jeune qu'eux. Ils étaient au lycée alors que j'étais encore au collège. Pour moi, il y avait un véritable fossé entre nous. Alors j'étais déjà heureux qu'ils acceptent ma présence auprès d'eux.
- Alors je m'étais mis d'accord avec Jae... Il devait faire comme si c'était pour lui et te le donner. Ainsi tu aurais eu le projecteur que tu voulais.
- Jae... Jae a accepté de faire ça ?
Esteban passa une main dans ses cheveux pour les ramener en arrière mais ils étaient à une longueur à présent où ils étaient trop longs et le gênaient devant les yeux mais encore trop courts pour qu'ils restent en arrière. Les siens n'ont jamais changé de couleur et heureusement parce que ce châtain doré était magnifique, unique. Pour rien au monde, je n'aurais voulu qu'il disparaisse.
- Jae est mon meilleur ami et il savait que ça me tenait à cœur.
J'attrapai nerveusement l'un de mes piercings à l'oreille. Je ne savais pas vraiment quoi penser de tout ça.
- Pourquoi passer par Jae ? Pourquoi vouloir m'offrir ce projecteur ?
- Parce que je voulais te faire plaisir.
Me faire plaisir ? Qu'entendait-il par là ? Me faire plaisir comme un frère ou comme... Non, je n'ose même pas le penser. C'est impossible.
- C'est... C'est ridicule.
Si je continuais comme ça, j'allais arracher ma boucle d'oreille. Je laissai mon bras retomber sur mes cuisses serrées dans un jean troué.
- Tu ne te rends pas compte à quel point tu es inaccessible pour les gens qui t'entourent, Jin ?
J'aimais bien trop quand il m'appelait par mon surnom. Je me mordillai instinctivement la lèvre alors qu'il continuait de me parler :
- Pour les personnes qui sont censées être le plus proche de toi. Tes parents, ton frère, moi...
- Toi ? On n'est même pas amis, je lui rappelai.
- J'espérais qu'après toutes ces années, on l'était devenus.
- J'ai bien peur que non.
Il baissa la tête, légèrement blessé par mes mots. Ça me faisait du mal de le voir ainsi mais c'était la réalité. Nous n'étions pas amis et je n'avais surtout jamais rien fait pour être son ami. L'être aurait été comme être un toxicomane à qui on donnait du sucre espérant que ça remplace sa drogue et que ça le satisfasse.
Mais maintenant que nous en parlions, il avait raison sur un point. J'étais fermé à lui mais aussi à tout mon entourage. Je le réalisai mais il y avait une bonne raison : mon attirance pour Esteban et au-delà de ça, mon homosexualité. Le courage m'avait toujours manqué pour leur avouer.
- Qu'est-ce qu'on a fait de mal ?
- De mal ? Vous ? Rien ! m'exclamai-je. C'est ma faute. Je... Je n'arrive pas à être moi-même avec vous.
Je venais de lui avouer l'une de mes plus grandes vérités. Avec une facilité déconcertante.
- Alors on a fait quelque chose de mal...
Ma bouche s'ouvrit mais je ne réussis pas à sortir un seul mot suite à cette déclaration. Nous restâmes un long moment en silence jusqu'à ce que la main d'Esteban vienne emprisonner doucement la mienne. Des frissons qui n'étaient pas dus la température extérieure, remontèrent lentement le long de ma colonne vertébrale jusqu'à mes petits cheveux au niveau de la nuque.
- Tu peux me faire confiance...
- J'ai peur que si... Que si tu sais un jour qui je suis vraiment et ce que je pense, ce que je ressens, tu... Tu disparaisses de ma vie.
- Parce que tu trouves qu'aujourd'hui, j'y suis très présent ?
Je me tournai légèrement vers lui et haussai les épaules.
- Tu es parti au Canada sans te retourner, tu n'es presque jamais rentré à Biarritz et le peu de fois où tu as été là, tu as refusé de sortir avec la bande.
- Qu'est-ce que ça peut faire ? Je ne fais pas partie de cette bande. Je ne suis que le petit frère collant de Jae.
- Jin, je... murmura-t-il sans réussir à finir sa phrase.
Mon cœur, mon estomac, ma tête... Tous se mirent à me faire mal en même temps, me faisant perdre pied en moins de dix secondes. La réalité faisait toujours mal quand on se la prenait en pleine tronche. J'avais passé toutes mes années d'adolescent avec eux mais aujourd'hui, cela ne signifiait pas qu'on représentait quelque chose les uns pour les autres.
Je lâchai sa main à laquelle je m'étais accrochée sans m'en rendre compte et me relevai. J'avançai vers le fond du jardin. J'avais besoin de prendre du recul. Je n'étais que le petit frère de Jae et il devait me prendre pour le sien, lui le fils unique. Arrivé au petit muret, le doux bruit de l'océan en contre-bas m'apaisa un peu.
- Je ne veux pas être ton petit frère, avouai-je tout bas.
Jusqu'à ce que je sente ses mains sur mes bras, par-dessus mon gilet, j'espérais que mes mots avaient fini noyés dans l'étendue d'eau mais quand il ouvrit la bouche pour me répondre, il fallut que je me rende à l'évidence, il m'avait très bien entendu :
- Tu ne l'aies pas et tu ne l'as jamais été...
Je le laissai caresser mes membres un peu engourdis par le froid. Nous n'avions jamais eu cette proximité par le passé bien que j'en ai rêvé de nombreuses fois et cela me faisait du bien. Je fermai les yeux pendant que son souffle se frayait un chemin dans ma nuque jusque sous mes vêtements.
- Jin-Hyuk...
Mais aucun mot ne suivit mon prénom. J'avais l'habitude que mon prénom coréen soit écorché par tout le monde. Mes amis, mes professeurs et même ma famille maternelle. Aucun n'était coréen certes mais ils semblaient tous faire exprès de mal le dire. Mais pas Esteban... Esteban était le seul français à le prononcer correctement. A croire qu'il avait passé des heures à s'entraîner. Cette idée fit fleurir un doux sourire sur mes lèvres.
Je crus que mon cœur allait sortir de ma poitrine lorsque je sentis les lèvres d'Esteban se poser délicatement sur la peau fine de mon cou. Mes mains se crispèrent sur mon long gilet pour m'éviter de gémir de bien-être. Je fermai alors seulement les yeux et basculai un peu la tête en arrière comme pour me rapprocher de son corps.
Alors qu'il déposait de nouveaux baisers, ses bras glissèrent sur mon ventre et m'enlacèrent avec douceur. Mon imagination m'avait souvent donné des aperçus des sensations et sentiments qu'un câlin d'Esteban pouvait me faire ressentir mais c'était au-delà de ça. C'était doux et tendre. Sa chaleur corporelle se répercutait dans mon dos me réchauffant corps et âme.
C'était puissant. C'était unique.
J'ignorais ce qui se passait mais je me laissai faire quand même parce qu'il était question d'Esteban et que ce mec pouvait faire ce qu'il voulait de moi. Je voulais seulement profiter de ses bras, de sa présence, de lui. Tout entier.
- Jin-Hyuk, tu me manques tellement depuis que tu es parti.
Cette impression que c'était trop beau pour être vrai était bien ancrée en moi mais j'aimais beaucoup trop ce bien-être qui s'infiltrait en moi à l'écoute de ses mots pour y faire plus attention. Cependant, je lui fis remarquer quelque chose :
- Ça fait deux ans et demi que je suis parti.
- Une éternité...
- Pourquoi tu ne me l'as pas dit avant ?
- Et comment j'aurais pu ? On ne s'est pas revus depuis ton départ. Je me refusais te le dire par Facebook ou une connerie de ce genre.
Cela voulait-il dire que mon besoin de me protéger m'avait privé de ses étreintes ?
- Et pourquoi aujourd'hui ?
- Parce que tu es là, avec moi et que j'ai peur...
Ses bras se resserrèrent un peu plus autour de mon corps frêle, comme s'il voulait me garder auprès de lui, comme si ma simple présence pouvait le tranquilliser.
- Peur de quoi ? lui demandai-je, à bout de souffle.
- J'ai tellement de raisons d'avoir peur. J'ai peur... Que tu retournes au Canada et que tu y restes pour toujours... Que tu fasses ta vie là-bas... Que tu trouves quelqu'un qui t'aimera mieux que moi... Que tu ne m'aimes jamais comme je t'aime... Que tu ne me reviennes jamais... Que tu m'oublies...
Mes mains lâchèrent mon gilet pour se poser sur celles d'Esteban dont le front venait de prendre appui sur ma nuque. Je ne savais pas réellement de quoi il parlait. Que je lui revienne ? Que je l'oublie ? Comme s'il avait quelque chose entre nous. Comme si... Nous étions liés. Pourtant, ce n'était pas le cas, ça ne l'a jamais été. Avant ce soir, jamais nous ne nous étions touchés à part pour de banales poignées de main. Cependant, je lui répondis naturellement :
- Je suis incapable de t'oublier.
Nous restâmes dans cette position. Ni la nuit qui avait fini par nous envelopper, ni le froid qui nous transperçait, ni les cris enthousiastes de la bande dans la maison, nous firent bouger d'un millimètre. J'étais trop bien dans ses bras et il semblait réellement rassuré.
Au bout de longues minutes, il m'embrassa à nouveau dans le cou avant de me contourner. Il se retrouva très vite devant moi. Il avait toujours été plus grand que moi, plus imposant aussi. Si au début j'avais pensé que c'était dû à notre différence d'âge, j'avais très vite compris que je ne le rattraperai jamais. C'était peut-être pour cette raison qu'il m'impressionnait tellement, en plus du fait que je le trouvais si parfait.
Je le regardai se lécher les lèvres pulpeuses et je craquai finalement. Je me redressai sur la pointe des pieds et allai m'en emparer avec possessivité. Six ans que j'en rêvais. Six ans que je m'imaginais la douceur de sa bouche. Six ans que je pensais à sa main venant se caler dans mon cou pour que son pouce puisse me caresser la joue. Six ans que j'anticipais le mouvement de nos langues se découvrant la première fois.
Et rien n'était aussi beau que notre réalité. A cet instant.
Je ne pourrais dire qui mit fin à ce baiser et cela n'avait pas tellement d'importance parce qu'il avait été parfait le temps qu'il avait duré. Nous venions de nous délecter de ce moment qui ne nous quitterait plus. Je ne savais pas ce qu'il signifiait pour nous mais au moins, j'avais eu le droit de le vivre.
- Je ne sais pas ce que Montréal représente pour toi, ni ce qui te retient là-bas, et encore moins ce qui te rend si heureux dans ce pays...
Il déposa un baiser chaste sur mes lèvres comme s'il ne pouvait pas attendre la fin de ce qu'il avait à me dire pour le faire.
- Mais j'espère qu'un jour, tu comprendras qu'ici aussi, il y a des gens qui peuvent te rendre heureux.
Encore un bisou et ça me fit sourire.
- J'aimerais te prouver que je peux être l'un d'eux.
Sa déclaration était subtile. Trop subtile pour moi. J'aimais quand les choses étaient claires et nettes et détestais être dans le flou. Que voulait-il me dire réellement ? Qu'attendait-il de moi ? De nous ? Voulait-il un vrai nous ? J'ouvris la bouche, prêt à lui demander des explications.
- Esté, viens remettre Ethan à sa place ! Il prend trop la confiance ! Et Jin, rentre, tu vas attraper la crève comme ça.
La voix de Jae venait de nous ramener sur Terre avec une violence hors du commun. Esteban était son ami et je n'étais que le petit frère. Je baissai la tête en ramenant les pans de mon gilet autour de moi alors qu'Esteban posait une main sur mon bras en disant :
- J'arrive...
J'entendis la porte de la maison se refermer et mes paupières se fermèrent alors que les mots quittaient précipitamment ma bouche sans que je ne puisse les retenir :
- Il sait quoi ?
Je ne voulais pas être le secret d'Esteban mais en même temps, la réaction de mon frère me faisait peur. Je n'arrivais pas à imaginer comment il prendrait mon homosexualité et encore moins le fait que je sois autant attaché à son meilleur ami.
Le rire de ce dernier retentit, m'obligeant à lui jeter un coup d'œil. Tout son visage était ouvert, lumineux comme si ma question avait une dimension humoristique qui m'avait échappé. Je fronçai les sourcils.
- Il sait tout. Il a toujours su.
Mon corps eut un mouvement de recul à cette affirmation. Jae savait tout ? Mais c'était quoi ce tout ?
- Je vais y aller...
Son nouveau baiser dura un peu plus longtemps avant qu'il ne se recule, ses mains glissant le long de mes bras avant qu'elles ne les abandonnent finalement. Son regard me détailla avec envie quelques secondes avant qu'il n'ajoute :
- Mais réfléchis à tout ce que je t'ai dit. S'il te plaît.
Sur ces mots, il passa à côté de moi et s'éloigna. Alors que je pensais qu'il avait déjà atteint la maison, je sentis le poids de son manteau sur mes épaules.
- Ça serait bête que tu survives à la neige canadienne et pas à notre petite brise hivernale, me souffla-t-il au creux de l'oreille avant de m'embrasser encore une fois dans le cou.
Je me retournai vivement mais il était déjà reparti, les mains dans les poches de son jean. Il passa la porte, me laissant seul avec cette conversation surréaliste que nous venions d'avoir. Je me faufilai dans son habit et me surpris à renifler discrètement l'odeur qui s'en dégageait.
Après un moment de profonde réflexion, j'étais toujours aussi abasourdi et j'avais tellement de questions. Tellement d'incompréhension, de... Puis soudain, une information fit son chemin dans mon esprit, Esteban n'était pas un menteur, ni un joueur. Les mots et les gestes qu'il avait eus étaient sincères. A cette idée, mon cœur se gonfla se soulagement.
Je retrouvai alors mon banc où mon café m'attendait toujours avec un paquet plié dans du papier cadeau aux motifs de rennes et de père Noël. Je fronçai les sourcils et m'installai pour prendre le présent sur lequel il y avait une étiquette avec mon prénom.
Je jetai un coup d'œil à la porte d'entrée et souris légèrement en comprenant que ça devait être Jae qui l'avait posé ici quand il était sorti. Je secouai la tête, légèrement amusé, avant d'ouvrir le cadeau qui se trouvait être en fait une petite boîte avec un couvercle.
Je la reconnus aussitôt, cette petite machine bleue sur laquelle des petits trous avaient été faits pour imiter les étoiles lorsqu'on l'allumait. Le projecteur. Je ricanai nerveusement, touché qu'il ait pu le garder toutes ces années. Je l'enclenchai et la lumière passa les petits interstices. Ma main se balada un instant au-dessus de la machine comme pour essayer de toucher les étoiles jusqu'à ce que je remarque un petit papier.
Je le pris entre mes doigts gelés. Une citation avait été traduite en coréen dessus.
어리석은 사람들은 당신이 별을 만질 수 없다는 것을 알고 있지만, 그것은 시도에서 지혜로운 것을 멈추지 않습니다
(N'importe quel imbécile sait qu'on ne peut pas toucher les étoiles, mais ça n'empêche pas les sages d'essayer)
S'il avait pu, mon cœur se serait mis à fondre devant le geste d'Esteban. Entre le projecteur d'étoiles et ce mot écrit dans ma deuxième langue, ce Noël allait être réellement le plus beau de toute ma vie...
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