❄️ 14 D é c e m b r e ❄️ Bonus ❄️

Dix ans sans toi
-literharry

Thème :  Pas de thème

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Mot de l'auteure : Tout cet OS est saupoudré de chansons. En espérant qu'il vous plaise,
Bonne lecture,
xx

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« Je t'ai croisé sans vraiment m'y attendre,
Et en même temps on avait rendez-vous,
Tu as souri et t'es venue me prendre,
Les mains que je planquais dans mon futal à trou. »
Les Mains Froides, Oldelaf

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Je soupire pour la quatorzième fois depuis que je suis entrée dans le métro. Assise sur un des sièges, un livre que je n'arrive pas à lire posé sur mes cuisses, je dévisage les passagers alentours. J'essaie d'imaginer ton visage sur leurs traits. Finalement, as-tu vraiment changé ?

Au fond de moi, je n'espère pas. Tu as sûrement mûri, grandi et tu as certainement les traits plus dessinés. J'imagine que les dernières rondeurs enfantines de ton visage, au niveau de tes joues, ont elles aussi disparu. J'espère secrètement que tu as toujours le même sourire et la même malice dans les yeux.

La voix automatique annonce en trois langues différentes que le train va desservir la station Trocadéro et je me lève pour me faufiler vers la sortie. Les portes s'ouvrent et brusquement, le flot de passagers submerge le sol noir du souterrain. Je suis happée par la foule et essaie de m'en sortir, me débattant entre les poussettes, les touristes et les personnes pressées d'aller travailler ; ou plutôt résignées à y aller. Je suffoque un instant, tentant de retrouver mes pensées. Je m'éloigne prestement, une main contre un des murs. Je respire lentement, faisant le tri dans mes pensées qui me dévorent. Une envie de faire demi-tour me surprend ou, alors, de continuer ; de continuer ma route jusqu'au terminus et oublier ce rendez-vous.

D'ailleurs, seras-tu seulement là ? Tu peux, après tout, m'avoir totalement oubliée. Je ne t'en voudrai pas. Je comprendrai même parfaitement. Qui étais-je hormis une amie plus jeune ? J'ai essayé de t'oublier. Vraiment. De tout mon cœur. De toute mon âme. Mais tu es resté là, ancré dans un des morceaux de ma mémoire. Ce n'était qu'une promesse, une promesse parmi tant d'autres. Dix ans, c'est long dix ans sans nouvelle de quelqu'un. Tant de choses ont pu se passer, tant de choses ont pu encore un peu nous séparer. Puis, me reconnaîtras-tu ?

Cette question me hante depuis ce matin. J'ai changé. Les gens ont le temps de vieillir en dix ans. Les gens changent. Un inlassable changement qui ne cesse de croître en nous. Je suis un changement perpétuel. Je te l'ai déjà dit. J'ai aujourd'hui les pointes de mes cheveux roses pâles, il y a moins d'un mois j'abordais fièrement un noir jais. Je suis un changement.

J'inspire profondément et me reprends. Je peux y arriver, je peux revenir sur ce lieu mythique que je fuis depuis une décennie. La fière Dame de Fer qui surplombe Paris, qui surplombe le Champs de Mars, aujourd'hui je m'effraie pas. Je sillonne en contre courant parmi les passants. Mon bonnet enfoncé sur la tête, j'avance la tête haute. Aujourd'hui, la Tour Eiffel ne me fait pas peur. Peu importe tous les souvenirs que me rappellent le 14 Décembre d'il y a dix ans. Aujourd'hui, je puise dans la force du dieu qui a donné son nom à l'espace qui au printemps est verdoyant face à l'un des monuments les plus célèbres au monde et je fends à grandes enjambées la foule compacte. Je deviens une guerrière. Je ne veux plus ressasser sans cesse ton souvenir. Sois-là. Et si tu ne l'es pas, alors, je t'oublierai. Je me le promets.

J'arrive face à notre belle fierté nationale. Malgré que j'habite dans la capitale, j'ai toujours soigneusement évité de repasser par là. Sûrement avais-je peur. J'en suis même persuadée. Cette peur qui me bouffait de l'intérieur, formant une boule dans mon estomac, mouillant mes mains, grignotant mes entrailles. Un frisson me surprend. Le vent frais franchit la barrière de mes cheveux et de mon écharpe, frôlant ma peau, la laissant parcourue de chair de poule. Dix ans que je ne suis pas revenue ici. Dix ans que tes derniers mots me hantent, dix ans que ce 14 Décembre me hante. Je passe une de mes mains glacées sur mon visage, je peux y arriver. Je passe sous la Tour Eiffel.

Il faisait froid ce matin là. Un bonnet rose clair, accordé à ton sweat, ornait tes cheveux. Une simple veste en cuir usé te servait de manteau. Tu n'avais jamais froid. Idiot. Enroulée dans une de mes nombreuses écharpes, bizarrement du même rose que es vêtements, je te suivais. Mes mains enfoncées dans mes poches de ma doudoune, mon souffle formait des nuages. Tu marchais à ton rythme, je trottinais à ta suite. Pour la quatorzième fois, je te demandais où on allait et si on ne pouvait pas s'arrêtait dans un café, pour boire un chocolat. Tu m'en as promis un si je me taisais, alors je me suis tue.

La Seine paraissait presque verte ce matin là ; presque aussi verte que tes yeux couleur menthe à l'eau. Les décorations suspendues dans les arbres se reflétaient dans l'eau froide et troublée. J'ai levé les yeux vers toi. Tu étais penché sur la rambarde. Je t'imaginais sauter, voler, plonger. Je t'imaginais me sourire. Je t'imaginais te tourner vers moi, m'adresser un de tes clins d'œil malicieux qui aurait fait encore plus ressortir la profondeur de tes yeux. Je t'imaginais te retourner vers moi et m'embrasser. Bordel, qu'est-ce que tu me faisais ? Qu'est-ce que tu me fais ?

Tu as rabattu ta mèche châtain sous ton bonnet. Tu t'es détourné de l'eau. Tu t'es remis à marcher. Je t'ai, une nouvelle fois, suivi. J'ai ravalé ma question. Où est-ce que tu m'emmènes ? On est arrivés devant la Tour Eiffel. Elle se détachait du ciel aux nuages gris, pourtant elle avait une couleur quasi similaire. Comme à chaque fois face à cette grande Dame, j'ai levé cérémonieusement les yeux. J'ai continué de marcher dans tes pas. Ce que je fais actuellement, marcher dans les pas des touristes et marcher dans nos pas, nos pas d'il y a dix ans, nos pas d'adolescents.

Je t'avais crié de m'attendre. Tu t'es figé sur la pelouse du Champ de Mars. Quatorze Décembre d'il y a dix ans, dix jours avant le réveillon. Parfois, quand je n'ai pas d'autres choix que de passer par là, je revois ton ombre. Je revois ton buste se tourner dans ma direction. Je me revois courir vers toi. La Tour Eiffel qui nous surplombait. Tu m'as attiré vers toi, tes mains ne quittant pas mes joues, tes mains traçant des cercles sur mes pommettes. Tu as chuchoté mon prénom, tu as collé ton front au mien.

« - Anya.. Je vais partir.

- Comment ça ?

- Tu sais que j'ai toujours rêvé d'aller au Canada, Anastasia. C'est réellement un des rêves de ma vie. Une école m'a accepté, je pars le 24 Décembre.

- Le jour du réveillon ? On devait le passer ensemble..

- Je suis désolé. »

Tu n'as rien dit de plus Elouan. Tu m'as juste intensément fixée, tes mains comme collées à ma peau. Puis tu m'as embrassée. C'était si bref, si rapide, si furtif qu'un instant j'ai pensé avoir rêvé. Je n'ai pas eu le temps de réaliser que tu marchais en direction d'un café. Autour d'un chocolat chaud, on a parlé de plein de choses de ton voyage, à ton départ, de nos études, du Canada, du chocolat et sa chaleur. On a parlé de tout, mais pas de ce baiser. On n'en a jamais plus reparlé.

Tu devais faire le tour de toute ta famille dans les jours qui suivaient. On ne s'est pas revus, ce quatorze Décembre a pratiquement était notre adieu. L'adieu final a été le SMS que j'ai reçu avant que tu ne montes dans l'avion. Il était bref, rapide, comme notre baiser mais lui, il me poignardait. Tu ne reviendras pas avant longtemps. Si on se donnait rendez-vous dans dix ans, comme dans la chanson. J'ai simplement répondu oui.

Nous voilà donc dix ans plus tard. J'ai aujourd'hui vingt-cinq ans, tu en as vingt-huit. Dix ans où je n'ai cessé de penser à toi. Dix ans qui mènent tous à ce lieu que j'ai si souvent fui. J'inspire l'air pollué parisien, fais un pas de plus et je me fige. Je suis engloutis par les bruits de la ville. Les klaxons à tout va, les touristes qui parlent tous en des langues si différentes, les cris des enfants, puis ta voix. J'entends ta voix d'il y a dix ans qui résonne dans ma tête. Mes souvenirs s'emmêlent, ils trébuchent. Des moments de toi, des moments de moi. Ils se mêlent, deviennent flous puis réalistes. Pourquoi tu m'as laissée seule ici ? Je n'ai pas la force de te revoir après tant d'années.

J'avance jusqu'au Champ de Mars. La Tour Eiffel me surplombe. Je revois ton ombre. Je revois tes yeux. Je sens de nouveau ton parfum. J'inspire profondément. Je ressens le goût de tes lèvres sur les miennes, juste un simple instant. Seras-tu seulement là ?

J'attends en fixant ma montre. Nous n'avons malheureusement pas fixé d'horaire. Tu peux déjà m'attendre, tout comme tu pourrais arriver dans une heure.. ou alors ne jamais venir. Mon ventre se tort au bout d'une heure et demi. Je me suis assise sur un banc, mes mains dans mes poches espérant vainement me réchauffer ; puis je commence à avoir envie d'aller aux toilettes. Si je pars une seconde, tu peux surgir. Nous n'avons jamais vraiment été au point sur les timing. Une demi-heure plus tard, je vais vers un café pour me commander de quoi me réchauffer. Tant pis si je te loupe, il sera alors temps que je t'oublie.

Quand je reviens, il y a un peu plus de monde. Des promeneurs qui baladent leurs chiens, des enfants qui courent après des ballons. Le vent souffle encore, m'arrachant un frisson. Une douce chaleur se propage dans mes doigts glacés. Des parents qui hurlent de faire attention. Le goût du chocolat réveillent mes papilles. Oui, malgré que dix ans soient passés, le chocolat chaud resta ma boisson favorite. Des sportifs attaquent le froid hivernal pour faire leurs foulées. Je m'avance vers l'endroit où tu m'as embrassée.

Puis

tu

es

là,

Elouan.

Tes yeux n'ont pas changé, et heureusement, car ils sont les seules choses que je distingue de toi. Pourtant tu n'es toujours pas très couvert. Seulement un sweat blanc qui révèle ton teint plus bronzé d'il y a dix ans. Seulement une écharpe qui remonte jusqu'à sous ton menton. Seulement, je me noie entièrement dans tes pupilles pour distinguer autre chose que ton regard. Après tout, au Canada, tu dois être habitué au climat frais. Tes cheveux mouvent en même temps que la brise. Tes lèvres esquissent un sourire, tes yeux se plissent.

Es-tu juste le fruit de mon imagination ?

« Bonjour Anastasia.

- Bonjour Elouan. »

Tu m'as parlé. Tu es donc bien réel. Je tends ma main vers toi et frôle les tâches de rousseurs qui parsèment tes joues. Tu éclates de rire ; le même qu'il y a dix ans. Du bout des doigts, je caresse ta peau.

« - Tu es là, je chuchote doucement.

- Je suis là, tu me réponds sur le même ton avec un sourire, et je ne repars pas sans toi. »

Je relève les yeux vers tes pupilles menthe à l'eau, comme dans la chanson. Tu prends ma main dans la tienne, tu m'attires vers toi et tu déposes tes lèvres sur ma joue.

« Tu sens le chocolat » , tu marmonnes tandis que je ris.

Tes lèvres sont comme le frôlement d'un flocon et elles me provoquent le même frisson. Tu m'emmènes dans un café, le même qu'il y a dix ans et nous parlons. Nous parlons toute la fin de matinée, tout l'après-midi en déambulant dans Paris, toute la nuit dans mon appartement. Tu me racontes ta vie, ton travail, ton rêve. Je te dis tout ce que tu as manqué ces dix dernières années. Puis, un instant, ça a dérapé cette nuit-là. On a arrêté de parler, mais nos yeux, eux, ont continué.

Un long dialogue silencieux où tous nos sentiments sont passés, alors tu m'as embrassée beaucoup plus fort qu'il y a dix ans, beaucoup plus intensément qu'il y a dix ans, avec plus d'envie, plus de désir, plus de passion. Tes mains ont retiré mon pull, elles sont passées tout le long de mon ventre pendant que tu m'expliquais que tu avais eu besoin de faire le point sur tes sentiments envers moi. J'ai retiré ton sweat et ton t-shirt d'un même mouvement en t'assurant que tu m'avais manqué.

Tu m'as embrassée encore une fois, puis une autre, puis une autre. Le goût de ta peau, ta langue qui valse avec la mienne, le goût de tes lèvres

                                                                          et pour le reste, ça n'appartient qu'à nous.

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