Les guirlandes du bonheur.
Sophie commence une nouvelle vie aujourd'hui, en ce vingt et un décembre. Non seulement elle change enfin de voie professionnelle, mais en plus de ça elle va pouvoir fêter dignement noël cette année.
Après l'échec non négligeable de son travail en tant qu'assistante de vie, elle s'est réorientée. Aujourd'hui elle commence sa première journée dans une maison de retraite.
Sophie a toujours aimé aider les autres, depuis sa tendre enfance elle ressent le besoin d'être utile sur terre. Quoi de mieux qu'être l'énergie et la mobilité de personnes qui n'en possèdent malheureusement plus beaucoup au vu de leur âge?
En arrivant devant La maison du soleil, elle remarque déjà que le nom est bien mal choisi. Aucun sourire n'est présent sur le peu de personne qu'elle aperçoit de l'extérieur. Comme si un ciel gris recouvrait uniquement la grande bâtisse, plongeant les résidents dans une morosité sans pareil.
C'est un soupire long et las que pousse la jeune femme.
- Ça va être dur, se dit-elle avant de pousser le portail et de franchir les portes de son destin.
Pas un son ne se fait entendre, pas un rire, pas de vie. Un jeune homme a l'accueil lui demande ce qu'elle cherche. Automatiquement Sophie brandi son badge. Il la toise et lui montre le couloir en lui indiquant qu'elle doit aller dans la salle du personnel où une dénommée Isabelle lui expliquera ses tâches de la journée.
Ni une ni deux elle marche d'un pas léger vers la salle en question, essayant de se consoler vainement. Elle remarque tout le long du couloir, le peu de personnes présentent mais aussi leurs mines déprimées et dépourvues de joie. Sophie se fait la réflexion que, noël approchant à grands pas, ils devraient tous être joyeux. Puis elle réalise que rien n'est fait pour ça. Elle baisse les yeux et entre directement dans la salle.
Tout le personnel présent se tourne, la fixe et une grande brune se distingue par sa blouse verte.
- Bonjour, je recherche Isabelle, questionne timidement Sophie.
- Oui c'est moi, vous devez être la nouvelle?
- Absolument, on m'a dit de venir vous trouver.
Après quelques minutes d'échanges, Isabelle lui fait faire le tour du bâtiment en lui indiquant chaque personne, son âge, et toutes les formalités. Curieusement, Sophie regrette presque son ancien travail.
La journée est un supplice. Les patients sont charmants mais c'est comme ci cet endroit dévorait la jeunesse de Sophie et lui pompait toute sa jovialité. En rentrant chez elle, elle se trouve bien plus pâle qu'en temps normal et décide donc d'aller dormir directement.
Le lendemain, ressourcée, elle s'efforce de garder courage. Au bout de deux heures, une petite dame qui a environs soixante dix ans, s'avance vers elle dans la salle télé.
- Qu'est-ce que vous faites là ma petite? interroge la femme.
- Je travaille! rit doucement Sophie.
- Non je veux dire, pourquoi ici? Vous savez, d'habitude nous sommes bien plus nombreux, environs quarante. Mais noël arrive et certains vont chez leurs enfants, d'autres chez les petits enfants. Et le personnel prend congés, ainsi il faut trouver quelqu'un pour les remplacer... Je ne veux pas paraître grossière mais une fois le nouvel an passé, ils vont feront subir le même sort qu'aux autres petits jeunes. Ils vous renverront chez vous en vous disant que votre travail n'a pas été efficace. Comme ils nous envoient nous balader lorsqu'on demande quelque chose qui sort de l'ordinaire. Une amie à moi est dans une maison de retraite aussi, un peu plus loin. Et les choses sont bien différentes. Ici c'est un mouroir. Et ça fait déjà six ans que j'y suis...
Prise au cœur, Sophie ne peut s'empêcher de ressentir une peine immense pour cette femme. Elle réalise aussi la dureté des choses. Elle pensait passer son concours en médecin et devenir pédiatre. Malheureusement son rêve s'est vu éteint rapidement.
Voyant comme l'atmosphère est pesante et la tristesse qui coule des murs, Sophie prend la main de la femme et lui murmure doucement avec un grand sourire.
- Vous savez, je suis contente. Peut-être que je ne resterai pas ici après les fêtes mais, au moins vous n'êtes plus seuls. Vous dites que tout ceux qui sont encore là ne fêteront pas noël?
- C'est exact. On a demandé un sapin, un petit repas... Mais, on coûte trop chers. Alors on s'est vu refusé ce souhait, dit-elle d'un ton las et morne.
- Bien, je vois. Je prends note. Essayez de vous reposer à présent! sourit Sophie doucement.
Tracassée par les mots de la vieille dame, elle prend un carnet et passe discrètement dans les chambres en notant le nom et le souhait de chaque patient. Elle prend soin de déclarer que cette année ce sera différent parce qu'elle n'a rien à perdre et qu'elle est nécessaire au bon fonctionnement du service, que donc elle n'aura pas de sanction alors qu'ils peuvent lui demander la lune si c'est leur dernier vœu. A une seule condition: Que tout ceci reste secret.
Le vingt-trois décembre, Sophie est en repos le matin. Dès l'aube elle prend la liste qu'elle a confectionné le soir précédent, et grimpe dans sa voiture avec pour seul but: acheter tout et n'importe quoi qui puisse apporter de la joie de vivre à ces personnes.
Elle attrape une pile de cartes, des guirlandes à n'en plus voir le bout, des boules, des bougies de toutes les couleurs, un sapin en plastique, des chocolats - adieu le diabète le temps d'un instant - des CD de chants de noël - sur lequel le titre de Wham! Last Christmas figure - et tant d'autres choses.
L'après-midi Sophie choisi d'arriver au moment où les autres infirmiers sont en train de manger en salle de repos pour passer avec des dizaines de sacs qu'elle cache dans la buanderie. Elle a tout prévu. Ce soir après le départ de l'équipe du jour, elle pourra passer à la décoration complète. Selon les dire de monsieur Declan et madame Rose-Marie, le personnel de nuit est bien plus sympathique que ceux de la journée. Alors, il ne restera plus qu'à prier pour que la magie vienne enivrer ces chers rabat joie!
Elle regarde les résidents s'impatienter et lui faire de grands sourires tout le long de l'après-midi. Sophie non plus n'arrive pas à retenir son excitation. Fière et ravie de pouvoir offrir quelque chose d'aussi beau qu'un noël heureux à des personnes qui n'ont pas la chance de pouvoir le passer en famille, devant un feu de bois ou la chaleur de l'amour de leurs proches.
Sophie se souvient de son dernier noël avec sa grand-mère. La veille du grand jour, elle lui avait demandé de l'aider à préparer la dinde. Alors que tout se passait bien, au moment du fourrage, la main de Sophie est littéralement restée coincée dans la bête. Et pour cause, la jeune fille qu'elle était avait oublié le plâtre autour de son bras droit. Alors que sa grand-mère avait le dos tourné pour préparer l'entrée, elle a tout simplement mit le mauvais bras dans la bestiole. Prise de panique elle a secoué l'animal pour s'en défaire. Au final, elle a dû aller dans le salon expliquer à ses parents qu'elle était coincée dans la dinde et que sa grand-mère n'avait pas préparé l'entrée car elle était trop occupée à rire.
Arrive vingt heure, Isabelle vient annoncer à Sophie, comme l'avait prévu madame Rose-Marie, que son service est terminé. La jeune femme annonce alors qu'elle partira dans un petit instant prétextant qu'elle doit encore faire deux trois trucs. Une fois l'équipe du jour au complet partie, Sophie court jusqu'à la buanderie pour récupérer les sacs remplis.
Cécile est la chef de l'équipe de nuit et apparemment la plus adorable des femmes selon monsieur Declan. Pendant que les résidents occupent le personnel, Sophie disperse des bougies ça et là, des guirlandes imitation feuillage le long des portes et le sapin dans la salle télé où tous les patients viennent se rejoindre le soir. Elle le décore avec madame Rose-Marie et la veille dame lui parle de ses souvenirs liés à noël.
Au bout de quelques heures, la jeune femme est épuisée mais satisfaite. La maison du soleil rayonne enfin et la chaleur, malgré le vent froid de décembre, vient cajoler le cœur de Sophie. Elle ne peut s'empêcher de verser une larme en pensant à tous les bons souvenirs qu'elle a eu grâce à sa famille, de cette fête si spéciale. Un sourire est sur le visage de chacun en découvrant les merveilleuses couleurs et l'odeur des bougies. La résidence reprend vie et Sophie pourrait jurer avoir entendu sa grand-mère lui parler.
Le lendemain matin en ce vingt-quatre décembre deux mille quatorze, Sophie se sent bien. Heureuse et épanouie comme elle ne l'avait pas été depuis longtemps. Son travail ne la dérange plus, au contraire elle compte les heures pour revenir et voir comme elle a pu être utile à ces personnes. Lorsque Isabelle lui demande si elle est l'auteur de tout ceci en désignant l'ambiance festive, elle lève le menton et affirme d'un grand hochement de tête.
- Est-ce que quelqu'un vous a permit de prendre de telles initiatives? bougonne Isabelle.
- Oui, les vingt personnes qui ne passeront pas un noël chez eux. Demain vous avez prévu quoi? Eux ils n'ont pas d'autre choix que de rester ici. Alors pourquoi ne pas leurs donner une raison d'être heureux? Après demain je retirerai tout ça si ça vous tient tant à cœur. En attendant, on est non pas censé juste s'occuper d'eux au minimum, ni simplement de leurs faire leur toilette. On doit leurs donner toute l'attention et l'amour qu'on porterait à nos grands-parents.
- Vous vous perdez Sophie, ce ne sont que des patients! braille Isabelle.
- Et votre grand-mère, vous aimeriez qu'elle soit traiter "juste comme une patiente"? Moi pas! Ils ont tous peurs de ce qui les attend, ils sont seuls, c'est pas déjà assez dur comme ça? Si vous aviez peut la peine de leurs parler un peu plus longtemps que juste pour faire un bilan d'état, vous comprendriez pourquoi je me suis donné autant de mal.
La jeune femme s'aperçoit que certains patients sont à leur porte et regarde la scène. En voyant le visage de sa supérieure, Sophie prend conscience du fait qu'elle ne parlait pas fort, mais qu'elle hurlait presque.
Laissant Isabelle plantée au milieu du hall, elle va se préparer et enfiler sa tenue spéciale pour le réveillon. Des sacs de plats qu'elle a préparé toute la nuit l'attendent pour ce soir dans sa voiture. Elle ressort des vestiaires avec un pantalon et un haut médical rouge sur lesquels elle a cousu des flocons ainsi qu'un gros "Joyeux noël" plein de stras dorés.
Le soir venu, et l'équipe arrivée, elle sort tous les délicieux plats qu'elle a préparé. De la dinde aux marrons, des crevettes, u crabe, de l'avocat, du maïs, des tomates confies et un tas d'autres choses. Tous les résidents sautent de joie et la remercie les larmes aux yeux, voyant que cette année ils auront un vrai réveillon et un repas de noël.
Les rires couvrent presque la musique qui tourne depuis presque quatre heures. Le temps passe vite, le vent souffle et pourtant pour rien au monde Sophie ne voudrait être ailleurs qu'ici. C'est en regardant ces personnes avec des étoiles dans les yeux, qu'elle comprend pourquoi elle veut aider les gens. Ce n'est pas pour se sentir utile, mais pour apporter du bonheur. Ce n'est pas pour avoir la satisfaction que son existence a servi à quelque chose mais pour rendre celle des autres meilleure. Même si ce n'est que par un sourire, un plat ou des guirlandes, c'est important. Sophie prend une photo avec son appareil Polaroïds et en regardant le résultat, elle constate que sa mission est réussie. Elle saisi un stylo et inscrit au dos de la photo:
« 24 décembre 2014 ; 23h10 - Les guirlandes du bonheur brillent de milles feux.
Sophie »
- Ma chère enfant, merci pour tout! s'exclama madame Rose-Marie les larmes aux yeux et prit dans ses bras Sophie pour lui transmettre toute sa reconnaissance. Merci pour tout!
Et c'est ainsi que Sophie offrit le plus beau et dernier noël de madame Rose-Marie. L'étoile en haut du sapin brille d'éclat tous les ans en sa mémoire.
Sophie changea de service et pu continuer à offrir chaque année un noël spécial à chaque patient qui entre dans La maison du soleil et y reste pour le vingt cinq décembre.
***
Ce conte a été écrit par moi-même et illustré par cosmots! On espère que ça vous a plu, et tout le mérite de l'illustration revient à cosmots.
NdA: L'illustration sera ajoutée plus tard!
Et voilà, c'était le dernier conte. Nous sommes le 25 décembre, la nuit du moins, et nous vous souhaitons tous et à tous, un très très joyeux noël! Une petite note de fin sera publié plus tard dans la journée!
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