De dinde et de luge.

Les assiettes se lançaient, les cris se multipliaient et la dinde avait été oubliée dans le four. Les disputes, ça, Winnie connaissait. Mais elle avait secrètement espéré que ses parents feraient la paix au moins pour le réveillon de Noël. Mais évidement, c'était trop leur demander.

Winnie a monté le volume de ses écouteurs. Elle n'avait pas envie d'entendre tous les mauvais mots qu'ils se criaient à tue-tête. C'était la veille de Noël, après tout. Les gens étaient supposés être gentils les uns envers les autres, ils étaient supposés être de bonne humeur. Le réveillon, ce n'était pas le jour des disputes. Oh que non ! Winnie n'avait jamais connu un réveillon pareil. L'année dernière, l'ambiance était beaucoup plus festive. Ses parents et elle étaient allés à la messe et avait festoyé jusqu'à minuit chez sa grand-mère maternelle. Winnie se rappelait très bien de cette journée. Sa mère avait tellement bu qu'elle s'était mise à chanter Jingle Bells en compagnie de Tante Joe. Winnie se souvenait d'avoir beaucoup ri. Surtout quand sa mère avait trébuché sur la moquette du plancher, mais qu'elle s'était rattrapée à la dernière minute. Son père, lui, avait disputé une partie de cartes avec le reste de la famille et il avait gagné. Il s'en était vanté toute la soirée.

Une nouvelle assiette de porcelaine s'est écrasé sur le mur. La petite Winnie a sursauté.

— Oh, non ! Tu n'as pas osé, a crié la mère de Winnie. T'es qu'un sale...

Elle aurait peut-être dû intervenir - après tout, elle n'avait pas envie que la dinde soit gâché à cause de leurs disputes de grands - mais elle savait que ça ne mènerait à rien de toute manière. Ils ne l'écouteraient jamais, ils ne l'écoutaient déjà jamais.

Cette année, il n'y aurait pas de messe, pas de réveillon chez grand-maman. Il n'y avait que la petite Winnie, seule dans sa chambre, la porte close, qui écoutait un film sur sa tablette, dévorant petit gâteau après petit gâteau. Elle était complètement seule, cette fois.

Winnie s'est mordu la lèvre pour empêcher les larmes de se glisser un chemin sur ses joues. Elle s'était promis qu'elle ne pleurerait pas. Ses parents lui avaient dit plus de mille fois : elle était une grande fille maintenant. Elle avait dix ans, elle devait se comporter comme tel. Et les grandes filles de dix ans ne pleurait pas pour des histoires de bébés la la.

Soudain, on a cogné à sa fenêtre. Winnie a sursauté. Elle a arraché ses écouteurs de ses oreilles et a jeté un coup d'oeil suspicieux à la baie vitrée qui étaient recouverte d'un énorme rideau. Et si c'était un monstre ? Ou un gros méchant qui enlève les enfants ?

Les grandes filles n'ont pas peur, s'est rappelé Winnie. Les grandes filles n'ont pas peur des monstres.

On a de nouveau cogné à sa fenêtre. Cette fois, Winnie s'est décidée. Elle s'est tranquillement avancée vers la fenêtre. Après hésitation, elle a soulevé le mince rideau. Elle a fermé les yeux, comme si ça pouvait changer quoi que ce soit. Lorsqu'elle s'est convaincue qu'il n'y avait aucun danger, elle les a réouvert. Ce n'était pas un monstre ou un méchant qui enlève les enfants. C'était simplement Hortense, le voisin d'en face. Il la regardait avec son visage de lutin, les pommettes rosies et les yeux pétillants. Winnie a fait mine d'être ennuyée. À ses yeux, Hortense, c'était un peu comme le petit frère énervant qui vous suit partout qu'elle n'avait jamais eu. Winnie aimait bien ériger des forts et disputer des batailles de boule de neige avec les autres enfants du quartier. Mais Hortense venait toujours s'en mêler. Il était un peu plus jeune qu'elle d'un an ou deux et il la suivait partout. C'était franchement énervant pour Winnie qui essayait uniquement de gagner une bataille de boule de neige contre les Dufort.

Winnie a soulevé sa fenêtre et une vague de froid est venue s'abattre sur elle. Il devait  bien faire moins vingt degrés à l'extérieur.

— Qu'est-ce que tu fiches là Hortense ?

— Je suis venu voir comment tu allais.

Le garçon l'a gratifié d'un sourire plein de malice où une dent manquait à l'appel.

— C'est ad-o-ra-ble, s'est moquée Winnie. Je vais très bien, figure-toi. Tu peux maintenant rentrer chez toi. Je parie que tes parents t'attendent impatiemment. Ils vont s'inquiéter, tu sais.

— Maman dit que tes parents font le divorce.

Winnie a froncé les sourcils.

— On dit « divorcent », pas « font le divorce ». Et puis, c'est faux. Mes parents ne divorcent pas.

Au même moment, un vase s'est fracassé dans la cuisine. Hortense a dévisagé Winnie avec ses gros yeux. La fillette s'est pincé les lèvres.

— Rentre chez toi, Hortense.

Winnie a refermé la fenêtre, mais le garçon n'a pas bougé d'un pouce. Il est resté planté devant la baie vitrée de Winnie, immobile. La fillette lui a fait signe de déguerpir, mais Hortense était un petit garçon bien obstiné. Il est resté en place. Winnie s'est fâchée ; elle a ouvert la fenêtre.

— Va-t-en, Hortense ! lui a crié la fillette. Dégage ! Rentre chez toi ! Je veux pas te voir ici.

— Ça te dit de faire de la luge ?

— Quoi ?

— Ça te dit de faire de la...

— Non, j'ai compris ! l'a coupé Winnie. Mais pourquoi tu me demandes ça, le soir du réveillon ?

Hortense a haussé les épaules.

— Parce que j'en ai envie. Pas toi ?

— Va jouer ailleurs, Hortense.

Le petit garçon l'a supplié du regard.

— S'il-te-plaît, Winnifred. Viens faire de la luge avec moi.

— Ne m'appelle pas Winnifred.

Il a acquiescé. Ses petits yeux bleus ont supplié la métisse d'accepter. Cette-dernière s'est finalement laissée convaincre.

— C'est d'accord, mais on revient avant vingt-trois heures. Sinon mes parents vont s'inquiéter.

C'était stupide. Ses parents n'allaient probablement même pas remarquer qu'elle était partie, mais Winnie ne souhaitait pas perdre la face devant Hortense.

Sans faire de bruit, la petite Winnie s'est glissée hors de sa chambre. Elle a dévalé les trois marches qui la mènerait au vestibule. Ses parents ne l'ont pas aperçu, eux qui étaient pourtant juste à côté. Ils continuaient de se crier des insultes au visage. Winnie n'a pas fait attention à ses parents. Elle a enfilé son pantalon de neige, ses bottes et son manteau en un temps record. Elle a enfoncé la tuque que sa grand-mère lui avait offerte pour Noël l'année dernière, s'est équipé d'un épais foulard et d'une paire de mitaines. Pas question que le froid l'emporte !

Winnie est sortie par la porte arrière et est allée chercher sa luge dans son cabanon. Puis, elle est allée rejoindre Hortense qui l'entendait sagement de l'autre côté de la maison. Winnie ne l'avait pas remarqué tout à l'heure, mais lui aussi avait bel et bien une luge en sa possession. Il la tenait par une épaisse corde jaune attaché au devant.

— On va où ? a demandé Winnie, impatiente.

— À la colline, près de la maison des Richard. Qu'est-ce que tu en dis ?

— Celle qui est à côté de la forêt ?

— Oui, celle-là.

— Mais c'est dangereux ! On pourrait foncer dans un arbre en descendant !

Hortense a regardé Winnie avec un sourire malicieux sur les lèvres. Il avait vraiment l'air de lutin comme ça, avec ses drôles d'oreilles pointus et ses cheveux frisés.

— Tu as peur ? s'est moquée Hortense.

— Non, pas du tout ! Il m'en faut plus pour avoir peur, tu sauras.

— Alors, allons-y !

Le petit lutin a agrippé la main de Winnie et il l'a entraînée avec lui dans sa course. Étonnement, Hortense était plus fort que ce que la fillette croyait. Tous les deux ont couru à toute vitesse dans la rue. On avait toujours dit à la petite Winnie qu'il ne fallait pas se promener au milieu de la rue. Et pourtant, ce soir-là, ça lui était bien égal. Elle courait à en perdre haleine, main dans la main avec Hortense. Au travers de leur course, Winnie arrivait à apercevoir toutes les lumières rouges, bleus, verts, jaunes, orange scintillées sur le toit de chaque maison du quartier. Il y avait des couronnes décorés à chaque porte, des Père Noël gonflables sur la pelouse de quelques maisons, des arbres dénudés de feuilles recouverts de guirlandes de lumières arc-en-ciel. C'était tellement beau !

Hortense et Winnie ont couru dans la rue Saint-Marte jusqu'en en perde haleine. Ils ne se sont arrêtés que lorsqu'ils ont atteint la colline près de la maison des Richard. Winnie a pris un instant pour souffler ; cette course l'avait achevée ! Lorsque la fillette a retrouvé son souffle, elle a jeté un coup d'oeil à ladite colline. Même si Winnie ne l'avouerait jamais à voix haute, surtout pas devant Hortense, ça l'effrayait un peu de descendre cette pente. La côte était constellée de petits sapins, chétifs, mais quand même présents.

Lorsque Winnie s'est retournée pour faire face à Hortense, il avait disparu. Une vague d'inquiétude s'est alors emparé de la fillette. Elle a regardé tout autour d'elle, sans l'apercevoir. Winnie a commencé à paniquer. Voilà qu'elle était toute seule, encore une fois. Et puis...

— Pousse-toi !

Hortense est alors apparu dans son chant de vision. Il a couru dans sa direction et Winnie a eu tout juste le temps de s'écarter, avant qu'il n'embarque sur sa luge et qu'il se laisse glisser dans la colline. Winnie a souri. Elle a agrippé sa luge et s'est élancée comme Hortense dans la colline. Elle a failli atterri sur ses fesses lorsqu'elle a voulu s'asseoir sur le traîneau, mais heureusement, elle s'est rattrapée juste à temps. Winnie est partie à toute vitesse dans sa descente. Les deux mains bien agrippées à la seule corde qui lui permettait de tenir en place, la tuque bien enfoncée sur la tête, la fillette s'élançait à toute vitesse. Le vent froid d'hiver lui chatouillait le visage, mais ça important peu Winnie. À un certain moment, la métisse a même éclaté de rire. La luge allait à une telle vitesse ! Elle s'amusait tellement ! Cette fois, Winnie n'avait que du plaisir. Ça, c'était la magie de Noël ! C'était ce qu'une petite fille de dix ans devait ressentir le soir du réveillon.

Winnie vivait un moment merveilleux, jusqu'à ce que soudainement, un petit sapin se glissa dans son champ de vision. Il n'était plus qu'à quelques mètres. Dans une manoeuvre désespérée, Winnie a tiré sur le cordon et la luge a effectué un glissement. La luge de Winnie s'est retrouvée sur le côté et la petite fille a atterri face contre neige. Pourtant, la fillette s'est relevée, le sourire aux lèvres. Elle a même éclaté de rire.

Hortense, qui avait atteint le bat de la colline sans une égratignure, est rapidement remontée, traînant sa luge. Il avait l'air drôlement inquiet et l'espace d'un instant, Winnie eu un peu de bonté à l'égard de son ami. Son coeur se gonfla de joie et elle serra dans un bref instant son nouvel ami. Le petit lutin sembla d'abord surprit, mais il ne s'en dégagea pas pour autant.

— Merci, Hortense ! s'est exclamée Winnie C'était vraiment super.

Les joues de la fillette avait pris une nouvelle teinte rosée, mais cette fois ça n'avait rien à voir avec le froid. Winnie était drôlement gênée.

— On fait la course jusqu'en haut de la montagne ?

Et sans attendre la réponse d'Hortense, Winnie s'est propulsé vers le haut de la montagne, sa luge traînant derrière elle. Le garçon a fait tout ce qu'il pouvait pour rattraper Winnie, mais cette-dernière était beaucoup plus grande et endurante que lui. Les longues jambes de la fillette lui permettaient de parcourir une plus grande distance que le petit Hortense. Ce n'était donc pas très surprenant pour le garçon de perdre cette course, d'autant plus que Winnie avait commencé avec de l'avance. Lorsqu'ils sont arrivés au sommet de la colline, ils étaient tous les deux à bout de souffle. Ils se sont arrêtés un instant pour souffler un peu. Les deux enfants se sont laissés tomber dans la neige. Winnie s'est alors mise à rire. Il n'y avait pas de raison particulière à ce rire sorti de nulle part. Winnie était tout simplement très heureuse de sa performance.

— Pourquoi tu ris ? lui a demandé Hortense.

La fillette a haussé les épaules.

— Parce que je suis heureuse.

— C'est bien d'être heureux le jour de Noël.

— C'est pas encore Noël, l'a corrigé Winnie.

Hortense a levé les yeux au ciel.

— Le réveillon et Noël c'est la même chose.

— Pas du tout !

Le garçon a éclaté de rire.

— Chez moi, le Père Noël passe le soir du réveillon.

— Le Père Noël, ça existe même pas !

Les yeux d'Hortense sont devenus aussi gros que des ballons. Soudainement, Winnie a regretté ce qu'elle venait de dire. Bien entendu, elle savait que les cadeaux qu'elle recevait le matin de Noël n'était pas d'un vieux monsieur à la barbe blanche vêtu d'un habit rouge. Winnie n'avait jamais cru à cette légende. Elle était beaucoup trop maligne. Après tout, ce n'était pas une coïncidence que le papier d'emballage dans lesquels étaient emballés ses cadeaux correspondait exactement à celui que sa mère utilisait parfois pour emballer les cadeaux de ses cousins et cousines. Tout de même, Winnie voyait bien que ses parents s'efforçaient de lui faire croire au Père Noël. Alors pour leur faire plaisir, Winnie appliquait tous ses talents de comédie. Pareil pour ses cousins et cousines, qui beaucoup plus jeunes qu'elle, croyait toujours au vieux barbu au costume rouge. Winnie était donc très douée pour prétende, mais cette-fois, avec Hortense elle ignorait ce qui s'était passée dans sa tête. Après tout, Hortense était plus jeune qu'elle. C'était normal qu'il croit toujours au Père Noël. Les enfants normaux avec des familles normales et des parents qui ne divorcent pas, eux, croient au Père Noël.

— Comment ça le Père Noël n'existe pas ? a demandé Hortense d'une toute petite voix.

Winnie s'est mordue la lèvre.

— Euh... C'est-à-dire que... C'est Bethany qui m'a dit ça.

— Bethany Richard ? l'a interrogé le garçon.

— Oui, la voisine.

— Mais c'est une grosse menteuse ! Elle m'a déjà raconté que son chien avait mangé sa petite soeur. Elle n'a même pas de chien. C'est n'importe quoi ce qu'elle dit !

— Tu vois, c'est une menteuse, a ajouté Winnie. Et c'est elle qui m'a dit que le Père Noël n'existait pas.

— Mais il ne faut pas croire les menteurs, Winnifred ! Ils ne disent pas la vérité.

— Mon nom c'est Winnie.

Hortense l'a ignorée.

— Le Père Noël existe, d'accord ?

Winnie a acquiescé. Elle commençait à avoir froid. Elle n'avait pas envie de s'obstiner avec Hortense longtemps encore. D'un bond, elle s'est extirpée du banc de neige dans lequel elle se trouvait.

— Ça te dit une autre glissade ?

Hortense a souri.

— Oh que oui ! Je parie que ma luge est plus rapide que la tienne.

— N'importe quoi, a rétorqué Winnie. La mienne va vite comme un éclair !

— Alors, prouve-le.

Les deux enfants se sont précipités sur leur luge et à un rythme assez fou, se sont laissés entraîner dans une nouvelle descente.

——

— Tu n'as pas osé ! s'est exclamée Winnie.

Hortense venait de lui jeter une boule de neige au visage. La fillette a aussitôt répliquée. Bien assez vite, ce qui n'était qu'une innocente camaraderie a dégénéré en bataille de boule de neige. Les deux enfants se sont mitraillés de neige, jusqu'à ce que le petit Hortense lève les mains en l'air pour signifier qu'il était vaincu.

— Arrête, arrête !

— Quoi ? T'es déjà épuisé ? a demandé Winnie.

Hortense a acquiescé.

— Tu voudrais boire un chocolat chaud chez moi ?

Winnie a senti ses pommettes devenir toutes rouges. Ça devait bien faire un moment que tous les deux avaient quitté la colline pou regagner la rue Saint-Marte. Quelle heure était-il ? Ses parents avaient-ils remarquer son absence ? La fillette s'est mordue la lèvre. Elle n'était pas certaine que, aussi agréable cette soirée puisse être, suivre Hortense était la bonne chose à faire. Le petit garçon était bien inoffensif, mais à cette heure-là, elle devrait déjà être au lit. Ses parents diraient d'Hortense qu'il s'agissait d' « une mauvaise influence », s'il savait ce qu'elle était en train de faire. Mais en même temps, la petite Winnie appréciait cette soirée. Elle arrivait même à tolérer Hortense, qui se trouvait beaucoup plus drôle qu'elle ne l'aurait cru.

— J'en sais rien, Hortense... Il n'est pas un peu tard, si ?

— Allez, Winnie ! C'est le réveillon, après tout.

— Ok, ok. Mais je ne risque pas de déranger ta famille ?
Hortense a secoué la tête.

— Mes mamans sont ultra sympathiques. T'inquiète pas.

Tes ? Au pluriel ? Tu as deux mamans ?

— Oui, a acquiescé le petit garçon. Maintenant, suis-moi ! J'ai pas envie qu'on tarde. Ce qu'il fait froid dehors quand même.

Et sans un mot de plus, Winnie a suivi son compagnon. Ils ont passés par la cour arrière de la maison d'Hortense pour se rendre à l'intérieur. La maison du petit garçon était immense, beaucoup plus grande que celle de Winnie. En plus, elle avait une cheminée ! Celle-ci laissait passer un courant de fumer qui se dissipait alors dans le ciel mauve. La maison d'Hortense était couverte de lumières aux couleurs de Noël, tous plus brillantes les unes que les autres. C'était superbe !

— Rentrez, les enfants ! Il fait froid.

Winnie aperçu alors une femme dans la trentaine aux magnifiques cheveux blonds, qui d'un regard bienveillant, leur faisait signe de se se dépêcher. Jamais de sa vie, Winnie n'avait aperçu cette femme et pourtant, il s'agissait de sa voisine. Elle ne ressemblait pas tellement à Hortense, mais Winnie devinait tout de même qu'il s'agissait de sa mère. Enfin, de l'une de ses mères. Hortense s'est précipitée vers l'intérieur. Winnie l'a suivi, quoique plus intimidée. La dame avait beau paraître gentille, Winnie ne la connaissait pas. Ça la gênait de s'inviter au réveillon de cette famille qu'elle ne connaissait pas vraiment.

— Tu dois être Winnie ? s'est exclamée une femme aux cheveux bruns. Tu es ravissante ! Allez, ne soit pas gênée.

D'une toute petite voix, Winnie a salué la femme qui se tenait devant elle.

— Je m'appelle Jodie, s'est présentée la dame. Et voici ma conjointe, Carolann. Je te débarrasse de ton manteau ?

— Oui, merci.

Hortense lui a alors agrippé le bras pour lui faire visiter la maison. L'intérieur était fidèle à l'extérieur. Contrairement à la maison de Winnie, l'intérieur était chaleureux, accueillant. Winnie se sentait presque à sa place, dans ce décor. Ça faisait bien changement des murs froids et gris qui l'entourait ces derniers temps chez elle.

Winnie n'avait pas fini de faire le tour de la maison que l'une des mamans d'Hortense les a appelés parce que le chocolat chaud était prêt. Winnie s'est assis avec toute la famille à la table. Pendant un moment, personne n'osait dire un mot. Pas même Hortense qui était du genre plutôt bavard. Puis, la femme aux cheveux blonds s'est manifestée.

— Tes parents savent que tu es là, Winnie ? a demandé Carolann.

La fillette a simplement acquiescé.

— Est-ce que je vous dérange ?

— Pas du tout, l'a rassurée Jodie. Ça nous fait plaisir d'avoir un peu de visite cette année.

— Vous n'avez jamais de visite pour le réveillon ?

— Non, mais ce n'est pas un problème.

— Pourquoi personne ne vient vous visiter ?

Les deux femmes se sont échangés un coup d'oeil.

— Eh bien, tout le monde n'est pas aussi ouvert d'esprit que toi, Winnie.

— Il y a des cons, c'est vrai, a déclaré la fillette.

Hortense a ri. Carolann et Jodie ont souri.

— Je veux dire, c'est Noël ! s'est expliquée Winnie. Tout le monde devrait faire un effort pour accepté les autres tels qu'ils sont. C'est un jour de célébration, après tout. Les gens devraient fêter au lieu de se mêler de la vie des autres ! Les gens devraient s'amuser un peu.

— Tu as raison, a dit Carolann. Malheureusement, pas tout le monde pense comme toi.

Jodie s'est levée d'un bond.

— Et si on dansait un peu ? Tu aimes danser, Winnie ?

Avant qu'elle ne puisse ouvrir la bouche, Hortense avait déjà répondu à sa place.

— Elle aime danser, mais elle danse comme un pied.

— Hé !
Winnie a gratifié son nouvel ami d'un coup de coude amical dans les côtes.

— Je parie que je danse mieux que toi ! s'est exclamée la fillette.

— Tu viens de me mettre au défi ?

Les deux enfants ont éclaté de rire sous le regard attendris des adultes. Sans perdre une seconde, Carolann a parti la musique. Du rigodon ainsi que des classiques de Noël se sont mis à jouer. Winnie a bondi hors de sa chaise et s'est mise à danser du mieux qu'elle le pouvait. Hortense avait raison : elle dansait comme un pied. Mais, entourée de la famille de son nouvel ami, qui étaient tous très attachants, Winnie n'en avait rien à faire. Elle avait le plus gros fun de sa vie ! Devant les tentatives d'Hortense de faire un moonwalk, Winnie se marrait. Qui aurait cru qu'elle aurait autant de plaisir au réveillon de cette année ?

——

Vers vingt-trois heures trente, elle décida de rentrer chez elle. Hortense avait pour mission de l'accompagner. Mais en traversant la rue, Winnie senti quelque chose d'anormal. Sa maison était drôlement éclairée pour l'heure qu'il était. À peu près  toutes les pièces de sa maison était éclairée d'une forte lumière blanche. Ce n'était pas normal. Winnie s'est approchée, alors qu'Hortense traînait derrière elle. C'est alors qu'elle a aperçu une voiture de police garée dans sa cour. Winnie a écarquillé les yeux. Elle s'est brusquement retournée vers Hortense.

— Il y a la police chez moi. Tu crois qu'il me cherche ?
Hortense a haussé les épaules.

— Et si on allait voir ?

Sans perdre une seconde de plus, Winnie s'est mise à courir en direction de sa maison. Sa tête bouillait d'idées plus inquiétantes les unes que les autres, son coeur faisait mille et un bons par seconde... Et si ça n'avait rien avoir elle ? Et si la dispute entre ses parents avaient dégénéré ? Elle ne croyait pas ses parents capables de commettre un crime, mais après tout... Qu'est-ce qu'elle pouvait bien en savoir ?

Winnie n'a pas jeté un seul coup d'oeil vers l'arrière pour s'assurer qu'Hortense la suivait. Elle a ouvert la porte d'entrée et a traversé le vestibule et le salon avec ses bottes toutes trempés. Ça lui importait peu de mouiller le plancher de bois que son père adorait tant. Elle était beaucoup trop inquiète pour s'attarder sur les détails.

Elle a apparu dans la cuisine alors que sa mère et son père était attablé devant un inspecteur qui semblait prendre beaucoup de notes. Winnie a poussé un soupir de soulagement. Ses deux parents étaient sains et saufs. Comment avait-elle pu en douter exactement ? Ses deux parents étaient peut-être très doués pour se crier dessus les mots les plus sales de toute la planète, jamais il n'était question de se faire du mal physiquement.

Étrangement, ses parents n'avaient pas rangés la cuisine de leur débris d'assiettes comme ils avaient l'habitude de faire quand ils avaient des invités. Peut-être eux aussi étaient-ils inquiets et n'avaient donc pas le temps de s'attarder aux détails.

La fillette s'est raclé la gorge dans le but d'attirer l'attention des adultes. Sa mère a fondu en larmes dès qu'elle l'a aperçue.

— Winnie ! s'est-elle exclamée.

Sa mère s'est précipitée vers elle et l'a serrée dans ses bras. Elle pleurait et étrangement, Winnie ne comprenait pas trop pourquoi.

— Où étais-tu passée ? a demandé le père de la fillette qui venait de se rapprocher.

L'inspecteur regardait Winnie avec ses gros yeux bruns. Décidément, il n'avait pas envie d'être ici. Il voulait simplement retourner chez lui et fêter avec sa famille, pas traité de la brève disparition d'une jeune fille un peu étrange qui portait le nom de Winnifred. Enfin, c'était ce que pensait la fillette.

— Je suis sortie parce que j'en avais marre de vous entendre vous disputez.

— Toute seule ? À cette heure ? s'est fâchée la mère de Winnie.

— Tu nous as fait une de ses peurs, tu sais ! a renchérit le père de la petite fille.

— Je n'étais pas toute seule, a protesté Winnie. J'étais avec Hortense.

Ses deux parents ont froncé les sourcils.

— Hortense ?

— Oui, c'est un voisin. Il vit avec ses deux mamans juste en face de chez nous. Il est un peu plus jeune que moi.

Cette fois, ces parents et l'inspecteur ont échangé un coup d'oeil. Tous semblaient être complices du même secret, un immense secret où Winnie était exclue.

— Chérie, a commencé son père, on ne connait pas d'Hortense.

— Mais si ! Il vit dans la grosse maison, il est très petit et il a un visage de lutin ! Je vous jure que j'étais avec Hortense, on a même fait de la luge ensemble !

— Il n'y a pas d'Hortense.

Cette fois, la fillette était sur le bord d'éclater en sanglots.

— Puisque je vous dis qu'il existe...

Sa mère lui a pressé l'épaule.

— Et si on allait se coucher, Winnie ? Il est tard, tu dois être fatiguée. Et puis, le Père Noël ne risque pas de passer si tu es encore debout à cette heure. Viens, allons au lit.

Winnie n'a pas protesté. Elle n'en avait pas la force. Sa mère et elle ont regagné sa chambre qui se trouvait à l'étage. En un quart de secondes, Winnie était déjà en pyjama, dans son lit et prête à s'endormir.

— Ton père et moi étions vraiment inquiets, tu sais.

— Je n'aimais pas ça, vous entendre vous disputez.

La mère de Winnie lui a pressé la main.

— Et je suis désolée... Mais tous les deux, on traverse une phase vraiment difficile.

— Est-ce que vous allez divorcer ?

Il y a eu un silence interminablement long, durant lequel Winnie s'est mis à regretter d'avoir posé la question.

— Tu sais, Winnie, peu importe ce qui arrive entre papa et moi, il faut que tu saches qu'on t'aimera toujours tous les deux énormément. Qu'on divorce ou non, ça n'enlèvera pas tout l'amour qu'on a pour notre petite fille chérie.

Winnie a souri. Sa mère lui a pincé les joues avant de déposer un baiser sur le haut de sa tête.

— Et si tu me parlais d'Hortense un peu ?

— Je te jure qu'il existe !

— Winnie...

— Maman, crois-moi ! Il ne sort tout de même pas de ma tête.

— Ok, ok... On va dire qu'il est réel.

— Mais il est réel.

La mère de Winnie a baissé les yeux.

— Et qu'est-ce que vous avez fait tous les deux ?

— On a fait de la luge, une bataille de boule de neige et finalement, on est allé chez ses deux mamans pour boire un chocolat chaud.

— C'était amusant ?

— Oui !

— Tant mieux, a murmuré la femme. Maintenant repose-toi un peu... Je parie que le Père Noël va t'apporter plein de beaux cadeaux cette nuit.

La petite Winnie a acquiescé.

— Maman !

La mère de Winnie s'est retournée vivement, alors qu'elle était prête à quitter la chambre de la fillette. Une longue conversation l'attendait avec son conjoint et l'inspecteur.

— Qu'est-ce qu'il y a, poulette ? a-t-elle demandé.

Winnie a fait une moue d'enfant qui attendrissait son regard.

— Je ne peux pas croire que vous ayez laisser brûler la dinde !

***

Ce conte a été écrit par Imaxgine et illustré par yazaelle! Tout le mérite pour ce travail leurs revient et n'hésitez pas dans les commentaires à leurs dire ce que vous en avez pensé!

A demain pour un nouveau conte!

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