Chapitre 9 - La colère d'une timide

Que s'est-il passé ce vendredi ? Est-ce la fatigue accumulée de la semaine qui s'est ressentie ? Me suis-je levée du mauvais pied ? Ou serait-ce la confiance en lui de Jean qui commence à m'influencer petit à petit ?

Je pense que c'est un peu de tout ça à la fois. Toujours est-il qu'en ce vendredi, veille du week-end, j'ai exprimé ma colère devant mon responsable. Oui, le tyrannique, l'imbuvable, celui qui fait peur à tout le monde. Rien que d'y repenser, je ne me reconnais pas. Mais qu'est-ce que ça fait du bien...


On remonte donc le temps jusqu'à ce matin fatidique. C'était le lendemain de la soirée avec Julie, et recevoir un ticket pour le concert de Charlie Winston m'avait tellement fait plaisir que les mojitos se sont enchainés. On a ri comme jamais, et je me suis beaucoup rapprochée de Julie. Il faut que j'avoue que je ne suis pas du tout tactile, et la prendre dans mes bras était une grande première pour moi. Je pense qu'il y a eu un déclic à partir de là et je me suis ouverte à elle, bien plus qu'avant, à tel point qu'on en est venu à discuter de mon manque de confiance en moi. Le fait est que j'ai très peu d'expérience avec les hommes, j'en ai eu un seul pour tout dire, et il est entré aussi vite dans ma vie qu'il n'en est sorti. Cela fait sûrement parti du pourquoi de ma timidité. Si Julie a raison et qu'il est réellement attiré par moi, j'espère qu'il prendra son temps. J'en ai besoin.


Bref, le réveil fut douloureux. Une migraine d'enfer à me cogner la tête contre un mur, des cheveux en bataille comme si j'avais fait de la moto sans casque et une bouche désagréablement pâteuse. La définition même du sexy. Heureusement, voir mon billet de concert qui trônait fièrement sur la table m'a fait l'effet d'une aspirine. Pour un temps seulement, parce qu'il a fallu prendre le métro pour aller travailler. Le bruit des rails de métro qui grince résonnaient  en écho dans ma tête, tout autant que les braillements du marmot à mes pieds. Il tenait dangereusement un verre de jus d'orange dans sa main et... ça n'a pas loupé. Le contenu s'est retrouvé en intégralité sur ma chemise quand le métro a freiné. La mère s'excuse platement mais le mal est fait, je vais devoir aller travailler avec une grosse tache. 


Autant dire que c'est d'humeur bougonne que je suis arrivé au boulot. Et qui vois-je à l'entrée de l'open-space ? Le responsable.

- "Vous êtes en retard.

- Que... pardon ?"

Je regarde ma montre. Il est 9h01.

- "Comme je vous le dis, vous êtes en retard.

- A une minute près ? Mais regardez, il y en a encore qui arrive là !

- C'est sur vous que mon regard s'est posé. Je vous donne un avertissement pour l'exemple, mademoiselle Emma."

Mon sang ne fait qu'un tour. C'est tellement injuste que j'en tremble.

- "Mais vous êtes pas bien ? Je suis tout le temps la première arrivée, souvent la dernière à sortir, et pour une fois que vous arrivez à l'heure vous me le reprochez ?  Est-ce que quelqu'un vous le reproche quand vous débarquez comme une fleur à n'importe quelle heure ?"

Mais qu'est-ce que je viens de faire ?  Les mots sortent tout seul de ma bouche, c'est trop tard pour reculer. Je vois son visage devenir de plus en plus rouge, je m'attends au pire. Il ouvre la bouche puis... rien. Il se retourne et va dans son bureau en claquant la porte.


Je me retrouve toute bête dans l'entrée, les yeux braqués sur moi et ma tache de jus d'orange. Je tremble encore de colère mais aussi de peur. Mes jambes fléchissent, il faut que je m'assois. Je suis surement livide comme un fantôme quand je me pose parce que c'est là que mon voisin se tourne vers moi.

- "Tu vas bien ? T'as pas l'air bien là. Tu veux de l'eau ?

- Non... non merci c'est gentil, tout va bien.

- C'est la première fois que je vois quelqu'un lui répondre, et je n'aurais jamais parié sur toi ! Tu as eu complètement raison par contre."

J'esquisse difficilement un sourire. La porte du bureau du responsable s'ouvre.

- "EMMA, DANS MON BUREAU !"

Mon dieu, c'est aujourd'hui que je décède.


J'entre, il me demande de fermer la porte et d'un geste me somme de m'assoir devant lui. Et là, j'ai la surprise de ma vie :

- "Emma, je voulais m'excuser.

- P... Pardon ?

- Je n'aurais pas dû m'acharner sur vous. Vous êtes pourtant un de mes meilleurs éléments, vous faites de l'excellent boulot et je pense que j'en attends beaucoup trop de vous alors que vous en faites déjà tant. 

- Je euh... je suis assez surprise en fait.

- Je m'en doute Emma, je sais que j'ai un très mauvais rôle et ça me désole plus que vous, vous pouvez le croire. J'ai quelques euh... soucis d'ordres privés qui font que je suis d'humeur plutôt désagréable. Encore une fois, je m'en excuse sincèrement.

- Oh et bien euh... c'est pas grave ! Merci d'avoir été sincère avec moi.

- C'est le minimum que je pouvais faire."

Un silence gêné s'installe entre nous. C'est fou comme il est beaucoup plus agréable en privé.

- Vous... vous voulez me crier dessus quand je quitte votre bureau pour faire bonne figure ?

- Je n'osais pas vous le demandez !"

C'est bien la première fois que je le vois sourire. Je me dirige vers la porte et il me fait un clin d'œil.


- "ET QUE ÇA N'ARRIVE PLUS, MADEMOISELLE EMMA !"


Je me mords la lèvre pour ne pas rire pendant que je me dirige vers mon bureau. Mon voisin est déjà à côté et m'accueille avec un café.

- "Tiens c'est pour toi, je pense que c'est fini maintenant. Il t'a pas trop allumé ?

- Non non, ça va. Merci pour le café !

- Pas de quoi Emma !"


Je peux remercier mon responsable de m'avoir tendu cette perche. Était-il conscient de ce qu'il faisait ou non, toujours est-il que ma relation avec mes collègues a fortement changé à partir de ce jour-là. Je n'étais plus cette fille que personne ne remarquait, non.


J'étais celle qui a confronté le responsable et qui en est ressortie vivante. Et ça fait du bien !


*****************

Ça vous a plu ? Un p'tit vote et un p'tit commentaire me feraient énormément plaisir pour que je puisse m'améliorer :)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top