Tête de Sanglier et Allanah
Dans le silence tonitruant qui suivit, les quatre filles s'échangèrent des regards apeurés. Elles jetèrent un coup d'œil derrière elles, dans le tunnel qu'elles venaient de traverser qui disparaissait dans l'obscurité, puis, d'un commun accord silencieux, partirent à la course vers le pub d'Aberforth Dumbledore.
Le vieil homme leva la tête, mais ne sembla pas surpris outre mesure, quand le portrait de sa sœur déversa quatre jeunes filles paniquées au-dessus de sa cheminée. Il leva vers elles la bouteille qu'il était en train de boire.
— Comme je vous comprends, grommela-t-il.
Romilda fut la première à reprendre son souffle, et s'approcha de la table du barman, le dos raide, tout signe de peur évaporé.
— Vous êtes Aberforth Dumbledore ? demanda-t-elle d'une voix ferme. L'école va être évacuée, les étudiants mineurs vont passer par ici pour sortir du château.
— Évidemment, c'est pas assez de servir de plaque tournante pour les arrivées, je vais devoir jouer les babysitters en plus, rouspéta-t-il.
Mais après une dernière gorgée, il rangea sa bouteille derrière le comptoir et agita sa baguette, faisant sortir du placard une trentaine de chaises supplémentaires qui se placèrent un peu partout dans le pub. Rionach se rendit à une fenêtre, par laquelle elle voyait les maisons de Pré-au-Lard. Malgré l'heure avancée, la majorité d'entre elles avaient des lumières aux fenêtres. Certaines portes étaient même ouvertes, des sorciers et sorcières en robe de chambre se tenant dans les embrasures de chez eux.
— Vous avez entendu le message de Vous-Savez-Qui aussi ? demanda Rio.
— Vous croyiez que c'était un privilège réservé à Poudlard ? répliqua Dumbledore. Ça ne m'étonnerait pas qu'ils l'aient entendu jusqu'à Londres.
Les amies de la jeune fille s'approchèrent d'elle, et Vega lui prit la main. Tout était encore silencieux autour d'elles, mais elles doutaient que ce serait encore le cas bien longtemps. La Tête de Sanglier serait bientôt pleine d'étudiants en fuite, le monde serait bientôt en guerre.
— Vous croyez qu'il y en a parmi eux qui veulent aller se battre ?
Vega suivit le regard de Charlene. La majorité des voisins du pub étaient maintenant sur le pas de leur porte. Certains tentaient d'apercevoir quelque chose en direction du château, d'autres criaient d'une porte à l'autre pour échanger des nouvelles et des théories.
— Monsieur Dumbledore, pourquoi personne ne marche dans la rue ?
— Charme du Cridurut, répondit-il simplement.
Elles retournèrent à leur contemplation, chacune profitant du court moment de paix qui s'offrait à elles pour réfléchir à leur prochain geste. Quand le portrait s'ouvrit à nouveau, elles se tournèrent simultanément pour voir apparaître Pansy Parkinson, qui se laissa descendre au sol avec une grimace. Blaise et Millicent la suivirent, puis la presque entièreté de la maison de Vega, certains toujours vêtus de leur uniforme, d'autre en pyjama et pantoufles.
— Vega !
Elle se tourna à temps pour voir Richard courir vers elle et l'enlacer.
— Tu nous as fait peur ! Personne ne t'avait vue depuis le souper, on avait peur que tu aies été...
Sa voix s'évapora quand il remarqua les trois Gryffondor qui se tenaient autour de sa copine. À côté de lui, Astoria regardait la situation d'un air perplexe, Grace avait les yeux plissés et les bras croisés.
— C'est qui, celles-là ? cracha-t-elle.
Et voilà, se dit Vega. Le secret était sorti. Elle ferma les yeux un instant, prit une grande inspiration, et lâcha la main de Richard.
— Des membres de l'Armée de Dumbledore, répondit-elle. Des amies. On va se battre pour Harry Potter !
Elle avait élevé la voix et plusieurs des Serpentard non loin s'étaient tournés vers elle, certains avec intérêt, d'autres avec dégoût.
— Si vous voulez nous aider, suivez-nous ! continua Rionach. Monsieur Dumbledore, vous croyez qu'on peut sortir quand même ?
— Les Mangemorts ont sans doute d'autres chats à fouetter en ce moment que le couvre-feu du village, répondit-il en haussant les épaules.
Sous les yeux ébahis de leurs camarades, une bonne demi-douzaine de Serpentard de tous les âges s'avança vers Vega et ses amies. Aucun de ses camarades de cinquième année, ce qui ne l'étonna pas, même si elle aurait espéré mieux de certains d'entre eux.
— Non, tu es trop jeune, Derek !
— Mais Romi, je veux aider !
Vega se mordit la lèvre en voyant Romilda et son frère se chamailler pour le droit de se battre. Le débat était éternel, semblait-il.
— Tu sais quoi, Derek, tu peux nous aider en restant ici. Les autres maisons vont arriver bientôt, mais on ne va pas les attendre, alors tu diras à tous ceux qui veulent nous aider de sortir convaincre avec nous des habitants de Pré-au-Lard de venir se battre.
Le garçon de douze ans se gonfla la poitrine de fierté et se plaça près de la cheminée, prêt à intercepter tous les arrivants. Romilda lança un regard plein de gratitude à Vega, puis se tourna pour rejoindre Charlene et quelques Serpentard à la porte. Avant de se joindre à eux, Vega prit la main de Rionach et se tourna vers Richard.
— En passant, dit-elle d'un ton moqueur, Rio a toujours bien mieux embrassé que toi.
Devant le regard estomaqué et embarrassé de son « copain », Vega éclata de rire et poussa la porte de la Tête du Sanglier.
***
Une vingtaine de minutes plus tard, les rues de Pré-au-Lard étaient presque aussi occupées qu'elles l'étaient un jour de sortie. Presque tous les étudiants des autres maisons – même des petits de onze ans – couraient partout pour frapper aux portes, entrer dans les boutiques déverrouillées et répandre le message. Beaucoup des habitants du village s'habillaient vite fait, attrapaient leur baguette et couraient vers l'entrée du château. Le cri d'alarme du couvre-feu avait fini par se taire, au grand soulagement de tous, comme s'il avait fini par se rendre compte lui aussi qu'il ne servait plus à rien.
Vega et Rionach tournèrent le coin d'une petite ruelle où personne ne semblait s'être rendu avant elles. Deux sorciers couraient vers elles, et elles eurent toutes les deux un mouvement de réflexe vers la baguette dans leur poche, mais le premier des deux hommes appela, sans arrêter de courir :
— Pour aller se battre, c'est par où ?
La Gryffondor indiqua du doigt la direction de la Tête de Sanglier, et les deux hommes la remercièrent d'un signe de la tête avant de poursuivre leur course.
Dans les deux premières maisons où elles frappèrent, toutes les lumières étaient éteintes et personne ne leur répondit.
— Soit ils sont déjà partis se joindre à la bataille, supposa Rio, soit ils se cachent sous leurs lits et attendent qu'on s'en aille.
— Tant de cynisme, tu pourrais te faire passer pour une Serpentard, répondit Vega avec un sourire en coin.
Sa copine lui tira la langue en poussant la porte du troisième immeuble de la rue, une petite boutique de vêtements de mode. Elles s'attendaient à ce que celle-ci soit aussi vide que les précédentes, mais une jeune femme était assise derrière le comptoir, le visage pâle à la lueur d'une chandelle solitaire.
— Poudlard a besoin d'aide, lui dit Rionach. Viendrez-vous vous battre avec nous ?
La jeune vendeuse se mordit la lèvre, et Vega se demanda si elle était une ancienne Serpentard. Peut-être Serdaigle. Certainement pas Gryffondor, en tout cas; elle aurait déjà été à mi-chemin de l'école.
Après un moment de flottement, elle finit par hocher la tête fermement et se leva, éteignant la chandelle d'un petit souffle. Elle rejoignit les deux jeunes filles à la porte et leur tendit une main moite et tremblante.
— Allanah, se présenta-t-elle.
— Vega, répondit la Serpentard avec un sourire. Et elle, c'est Rionach.
Elle prit la main d'Allanah et la serra, tentant de lui transmettre un courage qui lui était encore nouveau.
— Tout va bien aller.
***
Quand elles retournèrent au pub de Dumbledore, avec Allanah et quelques autres habitants de Pré-au-Lard, quelques Serpentard étaient assis autour des tables. Aussitôt qu'elles eurent passé la porte, Astoria se leva et traversa la salle vers elles. Elle ignora complètement Rionach et les adultes pour s'adresser uniquement à son amie de Serpentard.
— Qu'est-ce que tu fais, Vega ? C'est pas toi, ça, qu'est-ce qui t'a pris ?
— J'ai dépoussiéré ma conscience, répondit-elle d'une voix sèche. Tu aurais dû essayer de faire pareil, cette année.
Tory s'écarta, un air blessé sur le visage, et Vega eut presque envie de s'excuser. Elle n'était pas fâchée contre son amie, pas vraiment, mais elle n'avait pas le temps de s'en occuper ce soir-là. Les tâches qui s'étendaient devant elle étaient plus importantes; elle réparerait les pots cassés plus tard.
S'il y avait un plus tard.
La jeune Greengrass retourna s'asseoir avec sa sœur, Millicent Bulstrode, Joffrey et Jocasta. Vega remarqua alors que plusieurs autres de ses camarades avaient disparu – Grace, Alex, Richard – mais décida qu'elle n'avait pas le temps de s'en préoccuper pour le moment. Elle les recroiserait peut-être au château.
Sentant le regard de ses camarades de maison restants peser sur elle, Vega se tourna pour rejoindre Rio et les autres au portrait d'Ariana Dumbledore, mais Allanah et la Gryffondor étaient en train de se diriger vers elle.
— Ils ont détruit le passage secret, dit-elle. Pour ne pas que les Mangemorts puissent s'en servir.
Vega réalisa soudain où étaient partis les autres Serpentard, et suivit sa copine vers la porte du pub, pour retourner à Poudlard par le chemin extérieur. Avant de sortir, elle regarda par-dessus son épaule vers Astoria, la priant du regard une dernière fois de changer d'idée et de venir avec elle. La main de sa sœur dans la sienne, la blonde rencontra le regard de son amie, semblant espérer, elle, que Vega change d'idée et reste avec elle.
Les deux amies se séparèrent et la porte se referma entre elles.
***
Rionach, Vega et Allanah finirent par retrouver Charlene et Romilda, qui se battaient par une brèche dans le mur du troisième étage. Elles se postèrent à la fenêtre voisine et joignirent leurs sortilèges à ceux de leurs amies, frappant les énormes Acromantules qui escaladaient vers elles le mur du château. Stupéfix, Reducto, Diffindo se suivaient au bout des doigts de Vega sans qu'elle y réfléchisse, et elle prit un moment peur s'émerveiller de ce qu'une petite année dans l'Armée de Dumbledore avait changé en elle.
Un hurlement strident se fit entendre derrière elles, et elles se retournèrent pour voir Allanah, les yeux écarquillés et la bouche ouverte, une Acromantule qui occupait tout le corridor devant elle. La vendeuse avait sa baguette élevée devant elle, mais semblait totalement figée, incapable de penser à un seul sortilège pour se défendre. Vega et Rio hurlèrent simultanément un maléfice, et l'araignée fut propulsée à une dizaine de mètres, où elle retomba sans vie, mais trop tard; Allanah était tombée à la renverse, touchée au cou par une de ses griffes.
Les deux jeunes filles se précipitèrent vers leur nouvelle amie, qui avait les yeux ouverts et un air paniqué. Elles lancèrent tous les sortilèges de premiers soins qu'elles avaient appris, et si le saignement de son cou ralentit quelque peu, il ne cessa pas pour autant.
— La Grande Salle sert d'infirmerie, cria Romilda, toujours occupée devant la brèche. Amenez-la à Pomfresh. On reste ici.
Vega sortit un mouchoir de sa poche, qu'elle pressa sur la blessure d'Allanah, avant de passer un de ses bras au-dessus de ses épaules et de se lever. Rionach fit de même de l'autre côté de la jeune femme, et le trio partit ainsi en quête d'aide.
Leur progrès ne fut pas des plus rapides. Elles furent interrompues plusieurs fois par des corridors effondrés, des duels qui leur bloquaient le chemin ou des ennemis qui les attaquaient. Elles n'étaient plus qu'à quelques pas de la Grande Salle, en voyaient la porte, quand un Mangemort apparut devant elles, un large sourire montrant des dents trop blanches.
— Et vous pensez aller où comme ça, mes petites ?
Toutes figèrent, Rionach et Vega se demandant si elles seraient assez rapides pour brandir leur baguette pour se défendre, Allanah songeant simplement qu'il serait dommage de mourir si près du but quand, pour une deuxième fois, la voix de leur ennemi retentit partout autour de – et en - eux.
— Vous vous êtes battus vaillamment. Je vois votre courage et le respecte. Je vais donc cesser mon attaque pendant une heure. Récupérez vos morts et vos blessés. Pansez vos plaies. Je n'aime pas faire couler ainsi du sang sorcier.
Les combattantes et le Mangemort continuaient à se fixer, lui toujours avec le sourire, elles toujours un poing serré autour de leur baguette, l'autre soutenant Allanah. Autour, dans le silence qui était tombé sur le château, la voix continua :
-- Potter, je te parle maintenant directement à toi. Tu as laissé assez de gens mourir pour toi. Ils méritent mieux. Je t'attendrai pendant une heure dans la Forêt interdite.
La scène dans le hall d'entrée resta figée un instant, comme partout dans le château, comme si les combattants tout d'un coup ne savaient plus quoi faire. Vega et Rionach ne faisaient pas confiance au Mangemort qui leur faisait face d'obéir à son maître et de leur laisser la vie sauve, mais après quelques secondes d'immobilité, il fut le premier à baisser sa baguette.
— On se reverra peut-être tout à l'heure, lança-t-il avec un clin d'œil avant de leur tourner le dos, se frayant un chemin entre les amoncellements de détritus vers la porte d'entrée du château, qui ne tenait plus que par un seul gond.
Avec un soupir de soulagement, les deux jeunes filles reprirent leur marche vers la Grande Salle.
Celle-ci avait pris des allures d'hôpital de guerre – ce qu'elle était maintenant, techniquement. Les longues tables avaient été poussées contre le mur, des dizaines de corps étaient allongés par terre – certains immobiles, d'autres bruyants et bougeant dans tous les sens – et plusieurs personnes, étudiants et adultes confondus, couraient d'un blessé à l'autre, lançant un sort par-ci, donnant une potion par-là. Pendant que Vega tentait d'absorber toute cette frénésie, une septième année de Poufsouffle, les manches remontées et les mains couvertes de sang, s'approcha d'elles.
— Blessée ? jappa-t-elle.
— Frappée par une Acromantule, expliqua Rio.
L'apprentie soignante lança un sort qui fit léviter Allanah, maintenant évanouie, et la déposa sur un matelas libre près du mur. Vega et sa copine la suivirent, surveillant d'un air inquiet pendant qu'elle enlevait le bandage de fortune qu'avait créé la Serpentard, examina la coupure et fit couler quelques gouttes d'une potion jaunâtre dessus. Après quelques instants où les deux jeunes filles ne discernèrent rien de particulier, leur aînée se releva et se tourna vers elle avec un sourire fatigué.
— Elle aurait dû se vider de son sang, coupée à cet endroit, mais vous avez eu la bonne réaction. Vous lui avez sauvé la vie. Elle va avoir une cicatrice mais rien de plus grave.
Puis elle leur serra les épaules avant de repartir vers la porte, où arrivaient de nouveaux blessés. Vega la suivit du regard et constata que l'un d'entre eux était son père.
— PAPA ! cria-t-elle avant de se lancer à la course vers la porte.
Rigel avait un œil tout noir et gonflé, presque fermé, et une fente sanguinolente sur la tempe. Malgré sa blessure, il sourit quand Vega arriva à sa hauteur.
— C'est rien du tout, ça, rien qu'un peu d'essence de Murlap ne va pas aider.
Son visage tuméfié prit un air sévère.
— Mais toi, je t'avais dit de rester loin. Quand ta mère va apprendre ça...
— Je sais, mais je ne pouvais simplement pas rester à Pré-au-Lard, il fallait que je vienne, que j'aide, que je...
Rigel passa un bras autour des épaules de sa fille et la serra contre lui.
— Je comprends, ma chérie. Je suis simplement content de voir que tu vas bien.
Vega ouvrit la bouche, prête à lui raconter sa nuit – Allanah, l'Acromentule, le Mangemort – quand un cri déchirant retentit non loin d'eux. Ils se tournèrent vers sa source et virent une demi-douzaine de têtes rousses.
— Merde, souffla Rigel avant de se diriger vers les Weasley aussi vite qu'il le pouvait.
Vega le suivit. Un des jumeaux était étendu, l'air endormi, mais sa peau blanche comme l'albâtre laissait deviner un autre sort. Son frère était assis à sa tête, des larmes silencieuses coulant sur ses joues, alors que Molly sanglotait, étendue sur sa poitrine. Rigel s'approcha d'Arthur pour lui poser une main sur l'épaule, et Vega fit de même avec Ginny, qui se jeta dans ses bras et la serra de toutes ses forces.
Par-dessus l'épaule de son amie, elle aperçut un autre corps qu'elle reconnaissait. Tonks, celle qu'elle avait rencontrée dans la cheminée de son père, les cheveux toujours aussi roses après sa mort. Ses yeux s'emplirent de larmes.
Bientôt, Hermione et Ron se joignirent aux Weasley en deuil, et Rigel posa une main douce sur le bras de sa fille.
— Viens, on va les laisser en famille, murmura-t-il.
Vega déposa un léger baiser sur la joue de Ginny, puis guida son père vers l'endroit où elle avait laissé Rio, qui avait été rejointe entre-temps par Charlene et Romilda. Dès leur arrivée, les trois Gryffondor levèrent la tête.
— C'est qui ? demanda Charlene, et Vega n'eut aucun mal à comprendre la question
-- Un des jumeaux.
— Fred, ajouta son père. C'était Fred.
Le petit groupe garda le silence un moment, chacun perdu dans ses pensées, puis Vega baissa les yeux vers Allanah, qui semblait ne pas avoir bougé depuis qu'elle l'avait quittée.
— Du nouveau ?
— Madame Pomfresh est passée tout à l'heure, répondit Rionach. Elle aussi a dit qu'elle se remettrait, dès qu'elle pourra être transférée à Ste Mangouste.
« Si on sort vivants d'ici. » Les mots sous-entendus que tout le monde comprit.
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