Soulagement et Patronus

Il s'écoula près de trois semaines complètes sans que le galion de l'AD ne se manifeste. Vega avait commencé à s'inquiéter sérieusement. Elle voyait toujours les membres du groupe dans la Grande Salle, alors pourquoi n'y avait-il plus de réunions ? Seamus avait-il fini par réussir à convaincre ses camarades de l'exclure ?

Elle avait essayé en vain de s'approcher subtilement de Rio ou de Ginny pour leur demander des nouvelles, mais n'arrivait que rarement à se départir de Richard. Celui-ci était devenu encore plus collant depuis le début du mois de décembre, menant Vega à se demander s'il avait été récipiendaire de la même discussion sur l'« officialisation » de leur couple lors de la dernière sortie à Pré-au-Lard.

Un soir, alors qu'ils étaient enlacés devant le feu de la salle commune, Richard s'était penché vers son oreille.

— Dis, ça te dirait de passer Noël à la maison avec moi ?

Vega ferma les yeux. Depuis Pré-au-Lard, elle s'était préparée à une telle proposition de Richard, mais avait néanmoins espéré ne jamais avoir à y répondre.

Se plaquant un sourire désolé sur les lèvres, elle se tourna vers son copain.

— J'aurais adoré, mais j'ai ma famille qui vient de République tchèque, il faut absolument que je sois à la maison, sinon ma babička ne me le pardonnerait jamais.

Richard ouvrit la bouche, mais Vega continua sans lui laisser la chance de dire un mot.

— De toute façon, mes parents ne l'auraient pas permis. Ils ne me laisseraient pas passer la nuit chez un garçon, surtout pas un qu'ils ne connaissent pas.

C'est à ce moment qu'elle sentit un point de chaleur contre sa cheville. Depuis quelque temps, elle préférait garder le galion de l'AD à portée de main, alors elle le glissait dans sa chaussette tous les matins en s'habillant. Ainsi, elle était toujours au courant immédiatement de toute annonce, ou de toute réunion. Et si jamais on le trouvait, elle n'aurait qu'à dire qu'elle gardait un galion en cas d'urgence.

Essayant de ne pas avoir l'air trop pressée, elle se redressa et déposa un baiser sur les lèvres de Richard.

— Tout vient à point à qui sait attendre, chéri.

D'un pas détendu, elle s'avança jusque son dortoir puis, aussitôt la porte fermée derrière elle, elle se précipita dans la salle de bain et sortit la pièce dorée de sa chaussette. Celle-ci n'avait pas encore eu le temps de reprendre sa température normale, et Vega la sentait encore tiède entre ses doigts alors qu'elle lisait la série de chiffres qui y était apparue. Depuis la première réunion, elle s'était beaucoup améliorée à déchiffrer le code, et il ne lui fallut que deux minutes cette fois-ci pour déterminer qu'il y aurait un entraînement le surlendemain à dix-neuf heures trente.

Avec une vague de soulagement, elle glissa de nouveau le galion de sa chaussette et sortit retrouver Richard.

***

Pour la première fois depuis qu'elle avait rejoint l'AD en début d'année, les conversations ne s'interrompirent pas et personne ne se tourna vers Vega pour lui lancer un regard méfiant quand elle entra dans la salle sur demande. Elle adressa un signe de la main à certains de ses camarades avant de se diriger vers Rionach, Romilda et Charlene.

— Je commençais à m'inquiéter, dit-elle après avoir embrassé sa copine. Je n'avais plus de nouvelles de l'AD, je croyais que vous aviez décidé de me mettre dehors finalement.

— Crois-moi, le jour où on décidera de te mettre dehors, ce ne sera pas un secret.

Vega tapa le bras de Charlene. Malgré les réticences de cette dernière, elle avait fini par accepter la présence de Vega dans l'Armée de Dumbledore et dans son groupe d'amis. Ce qui ne l'empêchait pas de rester sarcastique et cynique à chacune de ses interactions avec la Serpentard.

À ce moment, la porte apparut avec un grondement. Quand elle s'ouvrit, Vega se tourna et lâcha un petit cri de surprise, plaquant sa main sur sa bouche.

Neville, qui venait d'arriver, avait le visage tuméfié du front jusqu'au menton ; l'œil droit entouré de noir, si enflé qu'il ne voyait que par une fente ; la joue gauche éraflée profondément, d'une couleur rouge vif ; la lèvre inférieure fêlée.

Rio suivit le regard de Vega, mais ne sembla pas surprise outre mesure.

— Ouais, il avait une retenue avec Carrow hier.

— C'est un professeur qui a fait ça ? s'exclama Vega, complètement outrée.

— Ouais, au cas où tu ne t'en étais pas encore rendu compte, les profs Mangemorts sont légèrement moins plaisants avec ceux qui ne sont pas leurs chouchous de Serpentard.

Vega n'avait pas remarqué Seamus, assis devant elle, qui s'était retourné pour lui dire sa façon de penser. Cette fois, cependant, elle en avait assez, et plutôt que de baisser le regard, elle plissa les yeux et répondit :

— Va pas croire que tous les Serpentard sont d'accord avec ça.

Seamus et elle s'affrontèrent du regard quelques instants, mais le Gryffondor finit par se retourner sans rien ajouter quand son camarade de dortoir prit sa place à l'avant. Neville fit un clin d'œil avec son œil intact, et sourit quand des murmures parcoururent le groupe d'adolescents – laissant entrevoir une dent cassée au-dessus de sa lèvre coupée.

— Je vous déconseille de vous faire mettre en retenue avec Carrow.

Quelques rires se firent entendre.

— J'espère que tu lui as rendu la pareille ! appela Michael Corner.

— Il n'est peut-être pas à Serdaigle, mais il n'est pas totalement stupide ! répliqua Ginny, ce qui attira encore des rires.

— J'aurais bien voulu, dit Neville, mais je devais me contenter de subir sans lui donner la satisfaction de me plaindre. Non, mais sans blague...

Il leva une main et attendit que tout le monde se soit tu avant de continuer.

— J'ai été stupide de le provoquer en cours comme je l'ai fait. Ça n'a mené à rien. Il faut choisir ses combats intelligemment, sinon on va tous finir par se faire attraper et l'AD ne servira plus à rien.

Puis, il claqua des mains, attira à lui quelques mannequins, et termina :

— Assez parlé ! C'est la dernière réunion avant les fêtes de Noël, profitons-en pour nous amuser un peu ! Essayons de battre notre record de la destruction la plus rapide d'un mannequin.

Il donna un coup de baguette, et le record précédent – douze minutes quarante-sept secondes – s'afficha sur le tableau derrière lui. Luna plaça le mannequin au centre du tapis pendant que la quinzaine d'adolescents prenaient position autour de lui. Quand tout fut en position, Neville commença le décompte :

— Trois, deux, un... ATTAQUEZ !

***

Quelques jours plus tard, les vacances de Noël débutèrent et le train repartit du quai de Pré-au-Lard pour ramener les étudiants à Londres. L'ambiance de ce voyage-ci était tout le contraire de celle qui avait régné quatre mois auparavant. Vega sentait un vague de soulagement, de relaxation. Elle voyait des sourires, entendait des rires là où auparavant n'existait que de la tension. Elle-même était heureuse de rentrer à la maison, de pouvoir vivre quelques semaines loin des inquiétudes de Poudlard, sans avoir à mentir à tout bout de champ.

Ils étaient à mi-chemin entre Pré-au-Lard et Londres, entre deux parties d'échecs, quand Richard s'assit à côté de Vega. Il lui tendit une petite boîte, enveloppée de papier argenté.

— J'ai quelque chose pour toi. Un cadeau de Noël.

— Oh ! Merci !

Vega pinça le coin du paquet, mais son copain posa une main sur la sienne.

— Non, pas tout de suite ! dit-il. Ouvre-le à Noël seulement, sinon c'est pas un cadeau de Noël !

Avec un sourire, Vega se pencha pour l'embrasser et glissa le cadeau dans son sac. Quand elle se redressa et regarda par la fenêtre, elle constata que le train avait ralenti, même s'ils étaient au milieu d'un champ, à des heures encore d'arriver à destination. Les sourcils froncés, elle se tourna vers les autres occupants du compartiment. Tory haussa les épaules, indiquant qu'elle ne savait pas plus que son amie ce qui se passait.

— Peut-être que les Mangemorts viennent voir si Potter est là ? supposa Harper.

— Ils sont si cons que ça ? dit Vega avant de se mordre la langue.

Ses camarades de Serpentard se tournèrent vers elle. Astoria souriait, mais Joffrey et Grace avaient tous les deux les sourcils froncés. Vega prit un air désinvolte et haussa une épaule.

— Je veux juste dire, ils croient vraiment que Potter serait sur le train qui quitte Poudlard, alors qu'il n'a pas été vu au château de l'année ? Il y a sans doute une autre raison à cet arrêt.

Car le train était effectivement bien arrêté. Richard se leva et ouvrit la porte du compartiment.

— Vous savez ce qui se passe ? l'entendirent-ils crier vers un autre compartiment.

Apparemment, personne dans ce wagon n'y comprenait quoi que ce soit. Ils attendirent sans bouger quelques minutes, regardant alternativement par la fenêtre et par la porte, mais ils ne virent rien d'un côté ni de l'autre. Rien ne passa dehors à côté du train, personne n'entra dans le wagon.

Soudain, des cris lointains se firent entendre. Avec des exclamations de surprise, les Serpentard sortirent dans le couloir, regardant dans la direction d'où étaient venus les bruits. Vega sentit son cœur plonger dans ses talons. Elle n'avait reconnu aucune des voix, bien sûr, mais elle avait l'étrange impression que ce qui venait d'arriver, quoi que ce fut, la concernait. Concernait l'AD. Elle se leva et voulut se rendre dans le prochain wagon pour tenter d'y voir plus clair, mais elle n'avait fait que trois pas quand une main lui agrippa l'avant-bras.

— Tu vas où comme ça ? lui demanda Richard, mi-amusé, mi-inquiet.

— Je voulais aller voir...

Vega fit un vague geste en direction de la commotion, mais au final, n'insista pas et resta aux côtés de ses amis, attendant que les nouvelles viennent à eux. Un Serpentard ne courait jamais vers un potentiel danger, c'était bien connu.

En fin de compte, ils n'eurent pas à attendre longtemps. Le train s'ébranla, repartant en direction de Londres, au même moment où la porte du wagon suivant s'ouvrit à la volée. Jocasta, la sœur de Joffrey de Serdaigle, entra en courant, les pommettes roses.

— C'était les Mangemorts ! annonça-t-elle, regardant son jumeau, mais parlant d'une voix qui porterait à tous ceux qui la regardaient dans le wagon. Ils ont enlevé Loufoca !

Heureusement pour elle, les éclats de rire et cris de joie de ses camarades masquèrent le juron que lâcha Vega. Elle qui avait espéré n'avoir que la paix pendant les vacances, voilà qui n'augurait rien de bon...

***

Le lendemain après-midi, dans sa chambre, elle contemplait son bureau. Des montagnes de parchemins et de manuels y étaient posées ; des lectures en histoire de la magie, des cartes à dessiner en astronomie, des devoirs en soins aux créatures magiques. La guerre avait beau avoir mis le monde sorcier sens dessus dessous, leurs professeurs semblaient quand même convaincus qu'il n'y avait rien de plus important que leurs études.

Mais Vega n'avait pas du tout envie de faire ses devoirs, de se préparer pour ses BUSE. Elle se laissa tomber sur son lit, posant une main sur la tête de son chat quand il émit un miaulement de mécontentement de s'être fait réveiller, et sortit sa baguette. Bien qu'elle ait toujours la Trace, elle avait parlé à ses parents de l'Armée de Dumbledore dès qu'ils avaient quitté King's Cross. Irene n'avait pas été ravie – « Pourquoi tu fais exprès de te mettre en danger ? » – mais Rigel était fier de sa fille, l'encourageant à profiter des vacances pour continuer à s'entraîner.

— La Trace ne pourra pas t'identifier toi, juste la maison, alors tant que maman ou moi on est là, tu n'as pas à t'en faire.

Sa femme l'avait foudroyé du regard, et avait refusé de lui parler de toute la soirée, mais le lendemain au déjeuner, tout était revenu à la normale entre les King. Vega ne voulait pas trop penser à ce qu'avait fait son père pour convaincre sa mère.

Sous le regard curieux de Kotka, Vega dirigea sa baguette vers le plafond et se concentra quelques instants.

— Spero Patronum !

Comme lors de tous ses essais à Poudlard, un nuage argenté jaillit du bout de sa baguette. Elle soupira alors qu'il montait vers le plafond, étirant des filaments translucides dans tous les sens. Sur le lit, son chat leva la tête, les oreilles aux aguets, suivant l'étrange lumière de ses grands yeux.

Vega agita sa baguette et le Patronus s'évapora aussi vite qu'il était arrivé. Le chat se recoucha aussitôt, appuyant sa tête contre la cuisse de la jeune fille et lui léchant le bras de sa langue râpeuse.

Soudainement, un souvenir revint à l'esprit de Vega. Elle avait onze ans, elle venait de recevoir sa première lettre de Poudlard, et ses parents l'avaient amenée dans un refuge pour chats.

— Choisis celui que tu veux, avaient-ils dit.

Des félins de toutes les tailles et de toutes les couleurs l'entouraient. Des gros matous à l'air patibulaire aux petits chatons innocents. Alors qu'elle faisait lentement le tour de la salle, grattouillant un menton par-ci, une tête par-là, une minuscule boule de poils grise s'était approchée d'elle et avait entrepris de grimper sa jambe de pantalons, toutes griffes dehors. Vega s'était penchée pour cueillir le chaton, et l'avait amené tout près de son visage.

— Eh bin, salut toi !

Il avait sorti une minuscule langue rose et avait léché le bout du nez de Vega. Avec un éclat de rire, elle l'avait serré contre sa poitrine et s'était tournée vers Rigel et Irene.

— C'est lui qui m'a choisie !

Avec le souvenir de ce moment clair dans son esprit, Vega se redressa et lança à nouveau le sortilège.

— Spero Patronum !

Cette fois-ci, elle sentit tout de suite la différence. La magie coursait dans ses veines, se mêlant à la joie du souvenir, et elle savait avant de le voir que son Patronus serait réussi cette fois.

Plutôt qu'un nuage translucide, un véritable jet de lumière blanche jaillit du bout de sa baguette et traversa sa chambre. Au bout de son lit, il se compacta pour former une boule éblouissante. Quand les yeux de Vega se firent à la clarté et devinèrent l'animal qui s'était formé, elle fit la moue. Un ours lui rendait son regard.

— Mouais, fit Vega. J'aurais espéré plus sexy comme animal.

Le Patronus se leva sur ses pattes arrière ; sa tête frôlait presque le plafond. Le chat se leva, le dos rond et le poil hérissé, et déguerpit avec un feulement pour aller se cacher dans la garde-robe. Vega eut un petit rire.

— Bon d'accord, au moins c'est sûr que les Détraqueurs auront aucune chance contre toi !

À ce moment, des coups se firent entendre à la porte de Vega, la faisant sursauter.

— Chérie ? appela la voix de sa mère. Qu'est-ce que tu fais ? Je peux entrer ?

Vega reporta son regard au pied de son lit, mais l'ours avait disparu sans laisser de trace. Elle soupira et intima à sa mère d'entrer.

— À qui tu parlais ? demanda Irene, jetant des coups d'œil vers tous les coins de la chambre.

Vega eut l'envie fugace de lui faire croire qu'elle cachait un garçon sous son lit – sa mère avait toujours été bien trop protectrice –, mais opta finalement pour la vérité.

— J'avais réussi à faire un Patronus, dit-elle sans pouvoir empêcher une note de fierté de poindre dans sa voix. Un Patronus corporel. Un ours.

— Un Patronus ? Le truc pour les Détraqueurs ? Ils t'apprennent ça à Poudlard.

— Non, dans l'AD. Je vous ai expliqué, en rentrant de la gare. On apprend à se défendre.

— Vous défendre ? Vous défendre contre quoi ?

Vega leva les yeux au ciel.

— Maman, on a déjà eu cette discussion ! Un Patronus corporel est très difficile à réaliser, et si tu ne sais pas être fière de moi, va chercher papa. Lui va comprendre au moins...

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