Répartition et étude des Moldus
L'atmosphère dans la Grande Salle, le soir du banquet de la rentrée, rappelait celle du quai neuf et trois quarts plusieurs heures plus tôt : une foule beaucoup moins dense, des humeurs beaucoup plus sombres, sauf de la part des Serpentard. Grace n'avait même pas regardé Vega et Tory en s'installant avec ses nouveaux amis, entre Harper et son frère.
— Tu as vu ? marmonna Tory, en indiquant du signe de la tête les deux Nott. C'est comme si elle avait oublié l'année dernière...
Pas oublié, pensa Vega. Décidé d'ignorer. Elle avait décidé, au cours de l'été, qu'il y avait maintenant des choses plus importantes dans sa vie.
Elle regarda vers la table de Gryffondor, beaucoup moins remplie qu'à l'habitude. Potter et ses deux amis brillaient par leur absence, mais la rousseur de Ginny, elle, était toujours bien là. La dernière représentante des Weasley à Poudlard était assise avec Londubat, Rionach, et d'autres adolescents dont elle ne connaissait pas le nom.
Et maintenant qu'elle le remarquait, Ginny nota aux deux autres tables de maison, elles aussi à moitié vides, des petits groupes qui s'étaient installés ensemble, mêlant les années scolaires. Même Loufoca, habituellement seule, avait aujourd'hui des voisins qui semblaient être ravis d'être là. Peut-être ne voulaient-ils simplement pas être seuls dans ce nouveau Poudlard. L'union fait la force, comme on dit. Mais pour une raison quelconque, Vega croyait qu'il y avait plus que du hasard dans ces ensembles. Sans qu'elle s'en rende compte, dans sa poche, ses doigts trituraient une fois de plus le Gallion que lui avait donné Ginny.
Elle fut tirée de ses pensées quand les portes de la Grande Salle s'ouvrirent, laissant passer la professeure McGonagall suivie de l'habituelle file de nouveaux petits sorciers. Cette classe était la plus petite que Vega avait vue en cinq rentrées : elle ne comptait que quatorze sorciers, moins encore que les années qui l'avaient précédée, où les sorciers étaient nés en année de guerre.
Les visages des nouveaux arrivants de onze ans étaient tout aussi pleins d'émerveillement que d'habitude, admirant le plafond magique, la grandeur de la Grande Salle. Vega en remarqua cependant plusieurs qui jetaient des regards – inquiets pour certains, envieux pour d'autres – vers la table de Serpentard.
Quand ils furent tous alignés devant la table des professeurs et que McGonagall se fut rassise, le dos raide, entre les professeurs Flitwick et Chourave à une extrémité de celle-ci, le nouveau directeur se leva et s'avança vers le podium doré. Son nouveau poste ne l'avait visiblement pas changé ; ses cheveux étaient toujours aussi graisseux, ses dents aussi jaunes et sa peau aussi pâle. Vega eut un accès de pitié pour les petits élèves qui lui faisaient face, ceux qui n'avaient pas regardé la table de sa maison avec envie.
— Nul doute que vous avez remarqué que certaines choses ont changé au château. Dorénavant, les choses seront faites plus proprement, et Poudlard n'enseignera les secrets de la magie qu'aux vrais sorciers.
Des cris d'encouragement et des applaudissements se firent entendre à la table de Serpentard – les plus forts d'entre eux provenant du coin de Malefoy et ses sbires –, alors que la majorité des élèves des autres maisons les foudroyaient du regard. Vega pensa soudainement à tous ces petits sorciers nés-Moldus qui auraient dû faire partie de cette rentrée, qui ne sauraient jamais, maintenant, ce qu'ils avaient en eux.
À l'avant de la salle, Rogue attendit patiemment que son ancienne maison se calme, puis reprit son discours :
— J'ai également le plaisir de vous présenter également les deux nouveaux membres de notre corps professoral. Amycus Carrow sera votre enseignant de forces du mal.
Vega nota le changement du nom du cours alors qu'un petit homme à la peau blanchâtre se levait et hochait la tête pour accepter les applaudissements de Serpentard.
— Et Alecto Carrow prendra les cours d'étude des Moldus. Elle remplace Charity Burbage, qui n'a... pas jugé bon de revenir vous enseigner cette matière cette année.
Malefoy et quelques-uns de ses amis se mirent à ricaner. N'ayant jamais suivi les cours d'étude de Moldus, Vega ne connaissait pas la professeure Burbage, mais elle ne put réprimer un frisson d'inquiétude. Ces ricanements n'auguraient rien de bon.
Rogue retourna à sa place et la sœur Carrow se leva, tenant le Choixpeau magique par sa pointe, avec une expression presque de dégoût sur le visage, et le posa sur son tabouret. Elle recula d'un pas et un silence tomba dans la Grande Salle ; tous les élèves, anciens comme nouveaux, attendaient avec impatience de savoir ce que le chapeau, dans toute sa sagesse, leur chanterait cette année.
Mais le silence dura, et la fente du Choixpeau ne s'ouvrait pas. Il restait obstinément silencieux et immobile, pendant si longtemps que des murmures commencèrent à se faire entendre à toutes les tables, même à celle de Serpentard. Jamais, dans toute l'histoire de Poudlard, le Choixpeau n'avait-il pas eu quelques bons mots pour accueillir la nouvelle génération de petits sorciers.
Carrow finit par se racler la gorge et dérouler un court parchemin devant elle.
— Chadwick, Auston !
Un garçon aux cheveux noirs se pressa vers le tabouret, et Vega le vit lancer un regard envieux vers la table des vert et argent avant que le chapeau ne lui cache les yeux. Elle savait quel serait le résultat de la répartition avant même que le Choixpeau ne crie :
— SERPENTARD !
Avec un grand sourire, il courut presque vers sa nouvelle maison sous les applaudissements tonitruants de ses camarades. Pendant ce temps, une fillette blonde avait pris sa place. Elle ne regardait que le bout de ses pieds, et le Choixpeau l'envoya à Poufsouffle.
C'était un règlement non écrit de l'école que la répartition était un moment où les rivalités entre les maisons disparaissaient. Chaque maison encourageait ses propres nouvelles recrues, bien sûr, mais il était extrêmement mal vu de réagir en mal à celles des autres maisons.
Alors quand des rires et des sifflements se firent entendre de la table de Serpentard, assez fort pour noyer les applaudissements des quelques Poufsouffle qui avaient pu revenir, tout le monde resta figé un moment. Puis, la table de Gryffondor se joignit aux applaudissements des Poufsouffle, bientôt suivie par les Serdaigle. À la table des professeurs, la plupart des professeurs avaient réagi. Chourave avait le visage plus blanc que celui du Baron Sanglant, et McGonagall, au contraire, était si rouge qu'on aurait cru qu'elle s'apprêtait à exploser. Alecto Carrow la regardait du coin de l'œil avec un sourire, semblant n'attendre rien de mieux qu'une confrontation avec la professeure de métamorphose. Rogue, lui, regardait avec soin le bout de ses doigts, son expression inchangée, même un peu ennuyée. Il n'allait visiblement rien faire.
— Dumbledore n'aurait jamais accepté ça ! siffla Tory, enragée, à l'oreille de son amie.
La nouvelle Poufsouffle avait enfin atteint la table de sa maison, le visage rouge pivoine et couvert de larmes, et une préfète rousse l'avait serrée dans ses bras.
Après cela, quatre élèves de suite se firent envoyer à Serpentard. Vega n'était pas surprise : elle aussi aurait eu peur de se faire répartir ailleurs après une telle démonstration.
À la fin de la répartition, sa maison avait attiré la moitié des nouveaux. Poufsouffle n'avait eu qu'un autre nouveau, Gryffondor deux et Serdaigle trois.
Vega plaignait tous les nouveaux, même ceux de Serpentard. Leur répartition aurait dû être un souvenir heureux qu'ils auraient chéri toute leur vie. Elle ne savait pas ce que les nouveaux retiendraient de leur première expérience à Poudlard, mais elle doutait que ce serait quelque chose qu'ils raconteraient fièrement à leurs enfants, dans le futur.
***
Après le banquet, Tory et Vega furent parmi les premières à atteindre la salle commune. Elles souhaitèrent une bonne nuit à Daphné, qui s'était elle aussi éclipsée aussitôt sa dernière bouchée avalée, avant même que les assiettes ne se nettoient d'elles-mêmes, et se rendirent directement à leur dortoir. Leurs malles étaient déjà arrivées, chacune posée au pied des trois lits. Vega chercha des yeux son chat, par réflexe, avant de se souvenir avec déception qu'elle l'avait laissé à la maison. Elle aurait bien aimé avoir ses ronronnements réconfortants près d'elle ce soir.
Grace était toujours dans la Grande Salle. Vega n'y avait pas pensé une seule fois depuis l'été, mais la cinquième année était celle de la nomination des préfets. D'une certaine façon, dans ce nouveau régime, il n'était pas du tout surprenant que cet honneur soit revenu à une Nott.
Tory et Vega se mirent rapidement en pyjama, sans vraiment se parler. Il n'y avait plus rien à dire.
Quand elles entendirent des bruits dans la salle commune, signe que les préfets étaient arrivés avec les nouveaux, d'un commun accord, Vega et Tory éteignirent chacune leurs lampes de chevet d'un coup de baguette et tirèrent les rideaux autour de leur lit, les serrant jusqu'à ce que même pas un rai de lumière passe au travers.
Quelques minutes plus tard, la porte du dortoir s'ouvrit avec grand bruit, mais Vega ne réagit pas, et elle n'entendit rien non plus du côté de Tory.
— Vega ? demanda Grace d'une voix forte. Astoria ? Vous êtes réveillées ?
Après quelques secondes de silence, elle referma la porte derrière elle et se rendit dans la salle de bain, sans même essayer de ne pas faire de bruit.
Quand le seul bruit du dortoir était l'eau qui coulait derrière la porte fermée de la salle de bain, Vega tira le Gallion de la poche de son pyjama. Il fallait qu'elle trouve un endroit où le cacher, quelque part où ni Grace ni Tory ne risqueraient de le trouver. Avant de savoir ce que représentait la pièce de monnaie, elle ne pouvait courir le risque de la perdre, ou de se la faire voler.
Alors dans l'obscurité, elle tira les draps du coin de son matelas et prit sa baguette.
— Diffindo, murmura-t-elle d'une voix presque inaudible.
Elle glissa la pièce dorée dans la fente qu'elle avait créée, puis murmura à nouveau « Reparo », et elle se referma. En passant ses doigts sur le coin du matelas, elle sentait la solidité du Gallion. Elle savait qu'elle retrouverait facilement l'endroit où elle l'avait caché.
Rassurée, elle reposa sa baguette sur sa table de chevet et se coucha enfin.
Peut-être tout cela n'était-il qu'un mauvais rêve, se dit-elle en descendant vers le sommeil. Elle se réveillerait le lendemain matin et tout serait revenu à la normale.
***
Mais le lendemain matin, rien n'avait changé. La table de Serpentard était pleine à craquer pour déjeuner, alors que celles des trois autres maisons peinaient à sembler occupées.
Vega se tourna vers la porte de la Grande Salle au moment où Rionach y entrait, seule. La Serpentard remarqua pour la première fois l'enseigne de préfet sur la poitrine de son amie, et se demanda pourquoi elle ne le lui avait pas dit, dans une de ses lettres.
Sentant un regard peser sur elle, Rio se tourna et croisa le regard de Vega. Celle-ci aurait voulu lui faire un signe de la main, ou au moins lui sourire, mais Grace était assise face à elle. Toute indication d'autre chose que de l'antipathie envers un membre de la maison honnie aurait été source de problèmes. Alors Vega se contenta d'un hochement de tête à peine perceptible avant de se détourner. Avec un peu de chance, les cours de divination seraient toujours avec les Gryffondor cette année et elle aurait une excuse pour lui parler avant trop longtemps.
Vers la fin de l'heure du déjeuner, Slughorn passa le long de la table pour distribuer les nouveaux horaires de sa maison. Vega parcourut le sien avec avidité, à la recherche de cours en commun avec les Gryffondor, mais n'en trouva aucun. Non seulement ça, mais ils ne semblaient avoir de cours en commun avec aucune autre maison cette année-là, ni les cours à option, ni ceux du tronc commun.
— Professeur Slughorn ? demanda-t-elle avant que le maître des potions ne se soit trop éloigné. Nous n'avons pas de cours avec les autres maisons cette année ?
Vega sentit plusieurs regards se tourner vers elle, dont celui de Grace, mais refusa de rougir ou de tourner les yeux.
Slughorn secoua la tête.
— Comme vous êtes si nombreux à Serpentard, les professeurs Rogue et Carrow ont décidé de combiner plutôt les trois autres maisons pour tous les cours.
— Et c'est tant mieux comme ça !
Theodore s'était approché de sa sœur et avait entendu la réponse du professeur.
— Des cours individuels pour la seule maison digne de ce nom.
Grace éclata de rire, alors que Slughorn contemplait les Nott avec une expression que Vega n'arrivait pas à lire. Tory se mordait la lèvre et regardait le ciel magique, semblant vouloir faire mine de n'avoir rien entendu.
— Ne me dis pas que tu aurais aimé partager tes apprentissages avec ceux-là, King ! dit Theodore en faisant un vague signe de la main derrière son épaule, indiquant tous les autres élèves de Poudlard.
Grace tourna vers elle un regard amusé, et Vega fut obligée de laisser échapper un petit rire.
— Bien sûr que non.
Elle espérait que son visage ne montrait pas tout le dégoût qu'elle ressentait.
***
Les cinquième année de Serpentard n'eurent pas de cours avec l'un des nouveaux professeurs avant mardi après-midi. Jusqu'alors, ils avaient vu Slughorn, légèrement moins jovial qu'avant, Flitwick, l'air d'avoir développé une peur bleue de son ombre au courant de l'été, et McGonagall, dont les rides semblaient s'être accentuées au même rythme que sa sévérité.
Des occupants habituels du château, seul Rusard semblait se réjouir du nouveau directorat. Il racontait à qui voulait – ou ne voulait pas – l'entendre que les Carrow lui avaient promis de bientôt lui laisser utiliser toutes les méthodes de punition dont il avait toujours rêvé.
— Je suis seulement désolé que les jumeaux Weasley soient déjà partis, répétait-il. Oh, ils y auraient goûté, ces deux-là...
Ce jour-là, après le dîner, Vega entra donc dans la classe d'étude des Moldus. Elle s'installa à la table du fond avec Tory, et les deux jeunes filles regardèrent autour d'elles. Vega n'avait jamais mis les pieds dans cette salle de classe avant aujourd'hui, mais elle aurait mis sa main au feu que ce n'était pas Charity Burbage qui l'avait décorée ainsi.
D'immenses tapisseries sombres recouvraient tous les murs, montrant des sorciers resplendissants souffrant les morts les plus affreuses – décapitation, noyades, écartèlements – alors que des Moldus aux faciès de singes riaient et applaudissaient autour des victimes.
— Fascinants, n'est-ce pas ?
Vega sursauta et se tourna vers l'avant de la salle, où Alecto Carrow venait d'apparaître. Ses cheveux étaient tirés vers l'arrière dans le même chignon serré qu'elle avait porté lors du banquet de bienvenue et, maintenant qu'elle la voyait de près, Vega constata que la rousseur était striée de gris.
Carrow fit un geste montrant les tapisseries qui s'alignaient aux murs.
— Voici ce que les Moldus nous faisaient avant, dit-elle à voix basse. Ce qu'ils aimeraient nous faire aujourd'hui.
Des murmures parcoururent la salle et les Serpentard se tournèrent à nouveau vers les tapisseries, les yeux écarquillés. Vega eut envie de lever les yeux au ciel. Ils étudiaient les anciennes guerres entre Moldus et sorciers depuis la troisième année, ils n'étaient en train d'apprendre rien de nouveau !
— Qui sait pourquoi les Moldus ont toujours senti une rivalité avec les sorciers qui les poussait à nous traiter, nous leurs supérieurs, de cette manière ?
La moitié des mains se tendirent vers le plafond, et Carrow les désigna toutes l'une à la suite de l'autre.
— Parce qu'ils craignent toujours ce qui est meilleur qu'eux, suggéra Harper.
— Ils ne sont pas assez intelligents pour trouver d'autres solutions ! ajouta Grace.
— Ils croient que tout leur est dû, proposa Joffrey.
— Toutes d'excellentes réponses, dit fièrement Carrow. Trente points pour Serpentard !
Tory poussa vers Vega un parchemin sur lequel elle avait gribouillé un croquis. Dessus, une sorcière au dos courbé et au nez crochu, qui ressemblait néanmoins à leur enseignante, se tenait devant son chaudron en se léchant les babines. « Hmm, disait-elle, du bon potage de Moldus, mon repas préféré ! »
Vega sourit à son amie, et celle-ci, d'un coup de baguette, fit disparaître le dessin.
Elle avait bien raison. Mieux valait rire de cette situation pitoyable qu'en pleurer.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top