Reconstruction et renouveau

Le reste de l'été 1998 se passa sous le thème de la reconstruction. Celle de Poudlard, bien sûr, mais aussi celle de l'amitié entre Vega, Grace et Astoria.

Ces dernières ne se présentaient pas toujours au château pour aider à la reconstruction. Parfois, quand Irene et Vega quittaient la maison le matin, Grace se disait malade, ou trop fatiguée pour se joindre à elles. Et quand elles arrivaient à l'école, ni Astoria ni sa sœur n'était dans les parages. Mais Vega comprenait ; tous les Serpentard qui venaient aider se faisaient regarder de travers. Les professeurs et architectes les envoyaient souvent travailler dans des endroits isolés, où personne n'aurait à les voir ou à leur parler de la journée. Vega leur adressait un sourire et un signe de la main quand elle les croisait, mais n'osait pas en faire plus. Elle avait travaillé si fort pour se tailler une place dans l'AD, elle ne voulait pas mettre toutes ces relations en péril en rappelant à tous sa maison. Ses plus vieilles amies, c'était une chose, mais elle n'allait pas risquer sa peau pour Millicent Bulstrode.

Grace et Tory venaient néanmoins mettre l'épaule à la roue au moins deux fois par semaine, si bien que les gens qui fréquentaient Vega finirent par se faire à leur présence. Même Seamus, après avoir fait tomber Grace dans une flaque de boue un jour de pluie torrentielle – « depuis le temps que je te la devais, celle-là ! » ­– finit par accepter leur existence, les ignorant quand elles s'asseyaient à leur table pour le déjeuner au lieu de leur lancer des piques.

— C'est un pas dans la bonne direction, je vous jure ! les rassurait Vega. Donnez-lui trois mois et il va finir par vous dire bonjour.

Maintenant qu'elles n'avaient plus à se cacher, Vega et Rionach profitaient de leur relation à fond. Quand les parents de Rio partirent en vacances et que celle-ci avait décidé de rester en Angleterre pour continuer à aider la reconstruction, la Serpentard sauta sur l'occasion d'aller chez elle pour terminer ce qu'elles avaient commencé la veille de la bataille. Elle avait dit à sa mère qu'elle allait passer quelques jours chez Astoria avec Grace, et quand elle finit par se rendre chez les Greengrass, avec seulement quelques jours de retard, elle leur raconta tout.

— Je sais qu'on s'était juré il y a des années de se raconter nos premières fois, mais si j'avais su que la tienne serait avec une fille et avec une Gryffondor, je crois que j'aurais changé d'avis, dit Astoria.

Vega leva les yeux sèchement, prête à hurler, mais Tory la regardait avec un grand sourire et les yeux pétillants.

— Je suis contente pour toi, ajouta-t-elle.

Des fois, Vega sombrait dans un trou noir dans lequel son père lui manquait terriblement. Mais chaque fois, Grace et Astoria, ou bien Rionach, Romilda et Charlene, étaient capables de l'en extirper. Quand elle les voyait ensemble, toutes les cinq, à Poudlard ou dans le jardin des King, discutant de tout et de rien sans se haïr et s'insulter, elle savait que Rigel serait fier d'elle. Fier des amitiés qu'elle avait bâties, des liens qu'elle aidait à tisser entre d'anciens ennemis. Dans ces moments, elle s'approchait, mettait la tête sur l'épaule de Rio ou un bras autour du cou de Grace, et profitait de ce nouvel univers qui s'ouvrait à elle.

Un des meilleurs moments de l'été fut à la mi-juillet, quand Allanah fut enfin libérée de Ste Mangouste. Sa copine Cassie avait organisé une petite fête de bienvenue chez elles, à laquelle toutes les nouvelles amies de la vendeuse étaient bien évidemment invitées. Malgré l'insistance de Vega, Grace avait fermement refusé de l'accompagner ce jour-là.

— Je ne la connais même pas ! disait-elle. Ça serait trop bizarre !

— Tu ne connaissais personne de l'AD avant de commencer à nous aider, rétorquait son amie. Mais tu as bien fini par te faire accepter, non ?

Mais Grace continuait à secouer la tête. Finalement, elle avait signé la carte qu'avait préparée Vega, mais celle-ci s'était présentée seule chez Allanah et Cassie.

La vendeuse de Pré-au-Lard portait toujours un épais bandage à son cou, où la blessure infligée par l'Acromentule avait refusé tout traitement magique et devait se cicatriser à la moldue.

— Autrement dit, lentement, disait Allanah en levant les yeux au ciel. Et sans doute en laissant une cicatrice moche.

— Tu dis moche, moi je dis sexy, avait répondu Cassie en lui passant une main dans les cheveux.

Les quatre jeunes Poudlardiennes avaient passé un après-midi génial, rougissant jusqu'à la racine des cheveux chaque fois qu'un des membres de la grande famille d'Allanah les remerciait profusément d'avoir sauvé la vie de leur nièce, de leur sœur, de leur cousine. Quand Vega lui avait donné la carte contenant ses souhaits de prompt rétablissement, ainsi que ceux de sa mère et de Grace, elle avait vu une ombre passer sur le visage d'Allanah. Celle-ci n'avait jamais rencontré Grace, mais elle avait entendu parler d'elle, en des termes pas toujours élogieux, par les membres de l'AD qui l'avaient visitée à l'hôpital.

Finalement, Allanah avait levé les yeux vers Vega avec un sourire.

— Tu les remercieras pour leurs gentilles pensées, avait-elle dit. Toutes les deux.

***

Cette année-là, le premier septembre marqua un renouveau. Si l'ambiance sur le quai neuf et trois-quarts avait été triste et sombre l'année précédente, en 1998, elle était explosive. Des cris de joie et des rires se faisaient entendre à droite et à gauche, et les adultes présents semblaient aussi excités que leurs enfants.

À onze heures moins le quart, Irene embrassa Grace et Vega, leur souhaitant une excellente année – « sans guerre cette fois, hein ! » – et elles montèrent dans le train rouge. Dans un compartiment du deuxième wagon, elles virent Astoria, et commencèrent à y entrer pour installer leurs malles. Au même moment, la porte menant au wagon suivant s'ouvrit et la voix de Romilda appela :

— King, Nott, Greengrass ! On est tous dans le dernier wagon !

Vega regarda ses deux amies, les sourcils haussés. Elle leur laissait le choix. Après un instant, Tory et Grace hochèrent la tête avec un sourire.

— Allons-y.

Les trois amies suivirent la Gryffondor, et finirent par arriver dans le dernier wagon, tout ouvert et sans compartiment. L'ambiance y était bien différente que quand c'étaient les Serpentards qui l'occupaient : Vega y reconnaissait des gens de toutes les maisons – même de Serpentard, avec non seulement ses amies et elle, mais aussi le frère de Romilda et un de ses copains assis avec Dennis Crivey ­–, et tous étaient souriants, parlant et riant à gorge déployée. Pour la première fois en trois ans, tout le monde semblait avoir hâte de retourner à l'école. Vega supposait que ce sentiment durerait jusqu'à leur premier devoir.

Elle s'assit à côté de Rio et l'embrassa, posant la cage en osier de Nox sur ses genoux, avant de sursauter en remarquant la personne assise à quelques bancs d'elle. Hermione Granger était en grande discussion avec Ginny et, pendant que Vega la regardait, éclata de rire.

— C'est Granger ! s'exclama Vega. Je croyais qu'elle avait fini Poudlard !

— L'année dernière n'a pas trop compté, répondit Charlene. Elle a décidé de revenir finir sa scolarité.

Vega se tourna et balaya le wagon des yeux.

— Qui tu cherches ? demanda Grace.

— Potter et Weasley.

Les trois Gryffondor éclatèrent de rire.

— Non mais tu les vois revenir à l'école ? Non, ils ont pris le diplôme honorifique qu'offrait Shacklebolt et se sont enfuis.

— Et c'est quoi cet intérêt envers Harry et Ron ? dit Rionach, faussement indignée. Je devrais être jalouse ?

Jamais un trajet en Poudlard Express n'était passé aussi vite. Le wagon retentissait des explosions des multiples parties de Bataille explosive en cours, résonnait de toutes sortes de discussions, respirait les effluves de toutes les friandises achetées pendant le trajet. Il semblait à Vega qu'ils venaient à peine de sortir de King's Cross quand la nuit était tombée, ils avaient dû se changer puis descendre sur le quai de Pré-au-Lard.

— On se voit tout à l'heure, dit Vega en grattouillant les oreilles de Nox avant de descendre à la suite de ses amies.

— C'est moi ou il y a beaucoup de première années cette année ? demanda Tory.

Les cinq autres filles regardèrent vers le bout du quai, où Hagrid était entouré d'une bonne cinquantaine de nouveaux. Y avait-il eu une explosion de naissances onze ans auparavant ?

— En plus des nouveaux de l'année, il y a aussi tous les nés-Moldus qui auraient dû faire leur rentrée en 1997, expliqua Ginny, qui passait à côté d'elles et avait entendu la question. Ils vont faire un cursus accéléré cette année, pour pouvoir rejoindre leurs camarades l'an prochain.

Quand les élèves arrivèrent aux carrosses, la foule fut parcourue d'exclamations de surprise et de choc. Pour Vega, rien n'avait changé, mais elle voyait à droite et à gauche des élèves s'approcher de l'avant d'un carrosse et poser sa main apparemment dans le vide. Grace sortit un morceau de viande de sa poche en s'approchant du leur avec un sourire.

— Il semble que je ne suis plus la seule à voir les Sombrals.

Les nouvelles sixième année grimpèrent dans le carrosse et se laissèrent amener vers le château, le regardant s'approcher avec émerveillement. Des lumières brillaient aux fenêtres à tous les étages, les tours se tenaient bien droites contre le ciel étoilé, il respirait la chaleur et l'accueil. Rien ne laissait soupçonner qu'à peine quatre mois auparavant, il avait semblé prêt à s'écrouler.

Les amies se séparèrent en entrant dans la Grande Salle pour s'installer chacune à leur table de maison. À la table des professeurs, seules deux chaises étaient vides : celle de McGonagall, comme toujours lors des rentrées, et celle du centre de la table, la grande chaise réservée au directeur. Vega avait su que cette année, Poudlard fonctionnerait sans directeur. L'école prendrait le temps de faire son deuil de Dumbledore, de l'année précédente. En tant que directrice adjointe, la professeure McGonagall se chargerait des tâches nécessaires, avec l'aide des autres directeurs de maison, mais pour le moment, le bureau protégé par la gargouille resterait vide.

Une fois que tous les élèves furent installés devant leurs assiettes vides, les doubles portes de la Grande Salle s'ouvrirent et la professeure de métamorphose entra à l'avant de la longue file de nouveaux qu'ils avaient vue sur le quai. Ceux-ci regardaient autour d'eux avec l'émerveillement habituel, et sans la méfiance que Vega avait aperçue sur quelques visages l'année précédente.

Quand elle sentit un coup de coude dans ses côtes, elle se tourna vers Grace.

— C'est pas Lorne et Cohen, là-bas ?

Vega suivit le regard de son amie et vit les deux élèves dont elle parlait, deux jeunes qui avaient été répartis à Serpentard en 1997 et qui, semblaient-il, allaient se faire répartir de nouveau.

— Ils ont demandé à repasser sous le Choixpeau, les informa Jessica, nouvelle Préfète-en-chef. Ils avaient l'impression d'avoir été répartis par erreur, d'avoir suivi l'effet de masse l'an dernier, et veulent s'assurer de bien être à leur place à Serpentard.

Les filles hochèrent la tête, puis se tournèrent vers l'avant quand le Choixpeau commença sa chanson de l'année.

Il y a mille ans on m'a créé
Pour une tâche bien en particulier
Dès qu'à Poudlard les élèves étaient arrivés
Dans une Maison je devais les envoyer

À Serpentard allaient les plus rusés
Et à Serdaigle les esprits aiguisés
Poufsouffle prenait les acharnés
Et Gryffondor les bien trempés

Mais s'il y a une chose que je sais maintenant
C'est que je n'ai pas raison tout le temps
Les gens peuvent être deux choses simultanément
Ou même autre chose complètement

Alors je vais continuer à vous répartir
Mais il ne faut pas me laisser vous définir
Il faut plutôt continuer à vous unir
Et vous découvrirez ensemble ce que vous allez devenir.

Sous les applaudissements et les murmures qui suivirent cette chanson si appropriée, McGonagall s'approcha du tabouret, la liste qu'elle tenait à la main frôlant les dalles du plancher, et appela le premier nom :

— Appleby, Leonard !

Un jeune garçon à la peau basanée grimpa les quelques marches, puis les redescendit après une petite minute avec un grand sourire, courant vers la table de Poufsouffle qui l'accueillit à bras ouverts.

Cette répartition dura près d'une heure et demie, mais personne ne se plaignit, même si les grondements des estomacs affamés se faisaient de plus en plus sonores le long des tables. Les Serpentard suivirent avec intérêt les re-répartitions de leurs camarades d'un an. Cohen fut renvoyé chez les vert et argent, mais Lorne traversa la Grande Salle vers la table de Serdaigle.

Finalement, à près de vingt heures trente, la petite dernière – Fiona Zuckerman – fut envoyée à Gryffondor. Le tabouret portant le Choixpeau fut renvoyé dans la petite salle attenante à la Grande Salle, et McGonagall reprit sa place à table, à la droite de la chaise vide du directeur. Avant de s'asseoir, elle posa longuement le regard sur chacune des tables de maison, une après l'autre.

— Bonne année à tous, dit-elle simplement. Et bon appétit.

Les assiettes dorées furent soudainement remplies de mets plus appétissants les uns que les autres. En quelques instants, la Grande Salle fut remplie des cliquetis d'ustensiles, de conversations animées et d'éclats de rire. On aurait presque pu croire que rien n'avait changé à Poudlard.

Mais Vega savait que dorénavant, tout serait différent.

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