Pastille de gerbe et anniversaire surprise

Le matin de la Saint-Valentin, le dortoir était toujours plongé dans l'obscurité quand Vega sortit la pastille de sa table de chevet. Rionach l'avait avertie qu'elle serait frappée de nausées aussitôt la moitié orange avalée, mais elle doutait toujours de l'efficacité du bonbon a l'air si innocent. C'est pourquoi elle resta au lit.

Elle cassa la pastille entre ses doigts et glissa la partie orange sur sa langue, grimaçant contre son goût amer. Elle l'avala d'un coup, puis se redressa abruptement quand une vague de nausée la submergea. Elle eut à peine le temps de rejeter la moitié violette dans sa table de chevet et de se précipiter dans la salle de bains du dortoir avant de vomir tout ce qu'elle avait dans le corps.

— Vega ?

La lumière s'alluma, éclairant Grace et Tory dans l'embrasure de la porte, l'air aussi effaré l'une que l'autre.

— Je crois que je suis malade, gémit Vega avant de se repencher au-dessus de la cuvette.

Grace lâcha un jappement de rire et se pencha pour tenir les cheveux de son amie.

— T'es sûre ? Sûrement la nervosité. J'ai entendu dire que ça serait un grand jour pour Richard et toi aujourd'hui !

Le prochain geignement de Vega ne fut, lui, pas lié aux torsions de son estomac.

— Tu veux qu'on lui dise que tu pourras pas ? demanda doucement Astoria en s'agenouillant à ses côtés, lui posant une main fraîche sur le front.

— Absolument pas ! répondit Grace. Elle va très bien, elle est juste un peu nerveuse, mais il n'y a pas de quoi s'en faire. Elle va très bien aller dans deux minutes, pas vrai Vega ?

Pour toute réponse, Vega eut un nouveau haut-le-cœur au-dessus de la toilette.

Une quinzaine de minutes plus tard, Grace finit par se laisser convaincre, tant par les arguments de Tory que par les vomissements répétés de Vega, que celle-ci n'était réellement pas en état de passer la journée à Pré-au-Lard avec son copain. Après avoir laissé leur amie se morfondre dans son lit, lui promettant qu'elles transmettraient ses excuses à Richard, elles sortirent enfin du dortoir, fermant doucement la porte derrière elles.

Aussitôt qu'elle fut seule, Vega sortit la pastille violette du tiroir où elle l'avait caché, mais ne fit que la tenir dans sa paume sans se la glisser dans la bouche. Elle ferait tout pour se débarrasser de cette nausée qui la terrassait, mais elle entendait toujours du bruit dans la salle commune, des élèves qui n'étaient pas encore partis. Et si une des filles revenait dans le dortoir ? Elles ne pouvaient pas la trouver déjà guérie. Elle resta donc allongée, les bras encerclant son ventre, tendant l'oreille. Dès que le silence retomberait dans la salle commune, elle avalerait cette pastille et irait trouver à déjeuner dans la cuisine.

Elle avait failli se rendormir quand la porte se rouvrit doucement, la faisant sursauter. Derrière les rideaux à moitié tirés de son baldaquin, elle ne voyait pas qui se trouvait à la porte.

— Tu as oublié quelque chose ? demanda Vega à, pensait-elle, Grace ou Tory, se félicitant de ne pas encore avoir pris la seconde moitié de la pastille de Gerbe.

Elle entendit les pas se diriger vers elle, puis le rideau de velours vert fut écarté, laissant paraître le visage inquiet de Richard.

— Je ne voulais pas te réveiller, dit-il en prenant la main de Vega. Les filles m'ont dit que tu es trop malade pour venir à Pré-au-Lard.

— Oh, euh... oui. Mais tu peux y aller sans moi...

— Et laisser ma copine seule le jour de la Saint-Valentin ? Jamais de la vie. Et puis qui sait, tu pourrais te sentir mieux d'ici ce soir.

Richard fit un clin d'œil à Vega, et celle-ci maudit Salazar Serpentard. Rionach lui avait raconté que dans la salle commune de Gryffondor, les escaliers se transformaient en toboggan si des garçons essayaient d'entrer dans les dortoirs des filles. Le fondateur de la maison vert et argent n'avait visiblement pas eu la même pudeur que son collègue...

Quand elle ouvrit la bouche pour répondre, un haut-le-cœur lui monta dans la gorge, et elle se précipita dans la salle de bain juste à temps. En toute logique, son estomac aurait dû être vide, mais il continuait à être productif. Que diable avaient mis les jumeaux Weasley dans ces pastilles infernales ?

Elle desserra le poing dans lequel elle tenait encore celle-ci. Elle ne pouvait pas risquer de la prendre, maintenant. Elle ne pouvait pas prendre le risque de ne pas paraître malade devant Richard. Se résignant à passer une journée particulièrement déplaisante – juste parce qu'elle avait voulu échapper à un autre type de journée déplaisante, quelle ironie –, elle glissa le bonbon dans le poche de sa robe de chambre et tira la chasse d'eau avant de ressortir dans le dortoir. Richard n'avait pas bougé.

— Je doute sérieusement que j'irai mieux de sitôt, dit Vega, sachant que sa voix faible et son visage verdâtre suffiraient à convaincre le garçon. Tu devrais vraiment y aller sans moi...

— Il n'y a aucun intérêt à Pré-au-Lard le quatorze février sans copine, répondit Richard. Dors si tu veux, j'ai un article à écrire pour le prochain numéro du Journal, je resterai ici pour m'occuper de toi.

Quand Richard sortit pour récupérer son sac, Vega se tourna sur son oreiller avec un gémissement. Ç'aurait presque été mignon, si ce n'était pas aussi chiant.

***

Quand son Gallion l'informa, le samedi suivant, qu'elle aurait une réunion le lendemain – le jour de son seizième anniversaire –, Vega fut ravie. Depuis le début de l'année, elle considérait les membres de l'AD comme ses pairs et ses amis – oui, même Seamus ! – davantage que ses camarades de Serpentard.

Puisque Richard avait une rencontre éditoriale et Grace un entraînement de Quidditch le vingt-deux, ils avaient décidé de la fêter la veille, lui offrant des cadeaux et un gâteau orné d'un serpent qu'elle avait dû faire semblant d'apprécier.

À la suite de la soirée, elle avait dû prétexter être menstruée quand Richard avait fait mine de la tirer dans son propre dortoir. Il avait à peine réussi à masquer son air de dégoût avant de lui laisser tomber la main et l'embrasser chastement. Vega avait failli éclater de rire. C'était bien la première fois qu'elle avait désiré pouvoir être menstruée plus qu'une fois par mois.

Le soir de ses seize ans, elle monta donc jusqu'au septième étage d'un pas léger. Personne d'autre ne se trouvait dans les environs de la Salle sur Demande, mais elle ne s'en formalisa pas ; après près de six mois, elle n'avait plus de problème à faire apparaître la porte elle-même. Trois allers-retours, un clin d'œil aux trolls danseurs au passage, et voilà la grande porte qui se dessinait dans la pierre. Jetant un dernier coup d'œil à gauche et à droite pour s'assurer que personne n'était apparu, elle posa ses deux mains sur une des poignées et poussa.

— SURPRISE !

La mâchoire de Vega se décrocha de surprise. Elle ne pouvait que regarder le groupe qui lui faisait face, tout sourire, avec des yeux éberlués. Après un moment, Rio, au centre de l'assemblée, éclata de rire.

— Faudrait que tu fermes la porte, chérie.

S'ébrouant enfin, Vega se tourna pour faire disparaître l'entrée de la Salle sur Demande. Quand elle fit à nouveau face à l'intérieur de la salle, la majorité du groupe qui l'avait accueillie s'était éparpillé, mais sa copine s'était approchée d'elle, un bouquet de fleurs à la main. Elle lui déposa un baiser sur les lèvres, lui mit le bouquet entre les mains, puis lui passa le pouce sur la joue.

— Mais pourquoi tu pleures ?

Vega éclata de rire en se plaquant les deux mains sur le visage.

— C'est des larmes de joie ! Jamais mes amis de Serpentard m'ont fait de surprise comme ça.

— Ils sont cons, tes amis, dit Rio d'une voix douce en la serrant contre elle.

— Eh oh, la fêtée ! retentit une voix amusée.

Vega renifla et vit Seamus qui la regardait, un air moqueur d'impatience sur le visage.

— Tu comptes nous faire attendre encore longtemps ? Déjà que ta petite amie nous a obligés à nous pointer avec dix minutes d'avance pour te surprendre, on aimerait bien commencer à s'entraîner avant demain !

Rio lui tira la langue, et les deux jeunes femmes allèrent s'asseoir avec Charlene et Romilda, qui souhaitèrent toutes les deux chaleureusement un joyeux anniversaire à la Serpentard.

Ce soir-là, Vega n'eut aucun mal à créer de Patronus.

***

La prochaine fois que son Gallion se manifesta, une dizaine de jours plus tard, Vega fronça les sourcils en mettant la main dans sa poche. Neville leur avait dit que la prochaine réunion allait sans doute être un samedi. Qu'y avait-il à annoncer ce mardi ? Pour ne pas éveiller les soupçons, elle dut attendre la fin du cours de Slughorn, trépignant d'impatience et passant à un poil de licorne de faire exploser son chaudron, avant de pouvoir fausser compagnie à ses camarades pour pouvoir se réfugier, seule, dans une toilette.

Heureusement, elle n'avait plus de problème à déchiffrer les codes secrets de l'AD, et comprit tout de suite qu'elle était conviée à une réunion le soir même. Dans quatre heures. Pas pour la première fois, Vega envia les membres des autres maisons, qui pouvaient discuter entre eux sans soucis et sauraient sans doute de quoi retournait cette réunion imprévue. En l'état, elle n'eut donc pas le choix de prendre son mal en patience et faire comme si de rien n'était, réussissant de justesse à fausser compagnie à ses camarades de maison à neuf heures et quart.

Espérant de toutes ses forces ne croiser personne – elle aurait encore plus de mal que d'habitude à expliquer ce qu'elle faisait si loin de sa salle commune un mardi soir si près du couvre-feu –, elle monta les marches quatre à quatre jusqu'au septième étage, traversa les corridors au pas de course, et fit apparaître la Salle sur Demande à toute vitesse, presque sans réfléchir.

Si bien que quand elle y entra et vit non pas l'habituelle grande salle d'entraînement, mais une petite pièce intime, chauffée par un feu ronflant et occupée par une simple grande table, elle s'arrêta abruptement, croyant s'être retrouvée au mauvais endroit.

— Vega !

La jeune Serpentard vit Rionach non loin d'elle, gesticulant pour qu'elle vienne la rejoindre. Elle s'assit sur la dernière chaise libre autour de la longue table, admirant cet endroit qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Au moment même où elle fut assise, Neville, à la tête de la table, se leva et se racla la gorge. Même Ginny, assise à sa gauche, tourna vers lui un regard curieux. Visiblement, Vega n'était pas la seule à ne pas savoir de quoi il en retournait ce soir.

— Vous vous demandez sûrement pourquoi je vous ai appelés ici un mardi soir, commença-t-il. Je vous rassure, ce n'est rien de grave.

Certains poussèrent un soupir de soulagement audible, mais cela ne les rendait que plus curieux sur la raison de la réunion.

— J'ai parlé à Hagrid cet après-midi. Il prévoit de tenir une fête « Soutenez Harry Potter » chez lui dans deux semaines.

Le silence tomba autour de la table et tout le monde regardait Neville, avec des expressions variant de l'incertitude à la surprise totale.

— « Soutenez Harry Potter » ? finit par répéter Ernie MacMillan. Il est suicidaire ?

— Pensez-y, ça sera le moyen idéal de se remonter le moral, de sortir un peu de ce régime écrasant qu'imposent Rogue et les Carrow. C'est quand la dernière fois qu'on a eu l'occasion de se détendre en compagnie de gens en qui on pouvait faire confiance ? C'était certainement pas à la fête de Noël de Slughorn.

Vega vit plusieurs Gryffondors sourire au souvenir de cette soirée qui, apparemment, avait été mémorable.

— Qui d'autre sera invité, il te l'a dit ? demanda Susan Bones.

— Non, il n'en parle pas. Mais je suppose qu'il y aura les membres de l'Ordre libres cette soirée-là, peut-être quelques profs. McGonagall, Flitwick.

— Nick Quasi-Sans-Tête, sûrement, ajouta Seamus en souriant. Il se plaignait l'autre jour que le nouveau gouvernement avait démantelé le Club des Chasseurs Sans Tête.

— Il veut continuer à s'en faire refuser l'entrée ?

Les Gryffondor rigolèrent, puis Neville reprit la parole :

— Moi, j'y serai, en tout cas. Quelqu'un voudra m'accompagner ?

— J'y serai, dirent en même temps Ginny et Seamus.

— Vous pouvez compter sur moi, dit Ernie.

Romilda, Charlene et Rio offrirent elles aussi leur appui à cette fête, mais Vega se mordait la lèvre. Participer aux réunions hebdomadaires, même à une mission une fois de temps en temps, c'était une chose, mais cette fête, c'était une autre paire de manches. Rionach sembla sentir l'hésitation de sa copine et se tourna vers elle.

— Ne t'en fais pas, je suis sûre que personne s'attend à ce que tu viennes, dit-elle. Ça serait bien le seul endroit où ton statut de Serpentard ne te serait d'aucune aide, au contraire.

— On te rapportera un morceau de gâteau, proposa Romilda avec un clin d'œil.

Finalement, tous les membres de l'AD sauf Vega dirent qu'ils assisteraient à la fête clandestine de Hagrid. Si l'idée avait paru suicidaire au début, elle était maintenant très attirante. Comme l'avait prédit Rio, personne ne sembla s'étonner du fait que Vega ne se joindrait pas à eux.

— Il m'a seulement dit qu'elle se déroulerait le dix-huit mars, les informa Neville. Il me donnera les détails plus tard. Gardez l'œil sur vos Gallions.

Ils quittèrent la salle par petits groupes, afin de ne pas attirer l'attention, et pour une fois Vega fut la seule à devoir se presser. Il restait dix minutes avant le couvre-feu, et la salle commune de Serpentard étant la plus éloignée de la salle sur demande, elle dut refaire le trajet inverse à celui qu'elle avait fait à peine vingt minutes auparavant encore plus rapidement, maudissant les Gryffondor et les Serdaigle qui repartaient d'un pas tranquille vers les étages supérieurs.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top