NVL SCRT et placard à balais
Quand ils rentrèrent dans la Grande Salle à l'heure du dîner, quelques heures plus tard, ce fut pour y trouver une ambiance encore plus tendue qu'à l'habitude. Ils s'approchèrent de la table de Serpentard, au bout de laquelle Daphné mangeait seule, plongée dans son manuel de métamorphose. Astoria s'approcha de sa sœur, passant une main dans ses cheveux ébouriffés par le vent, et lui demanda :
— Qu'est-ce qui s'est passé ? On est dehors depuis dix heures.
Daphné leva à peine les yeux et haussa les épaules.
— Rogue et les Carrow sont tout excités depuis ce matin. Sais pas pourquoi.
— Les Carrow ? s'exclama Grace. Je croyais qu'ils étaient à l'étranger. Alors l'urgence de ce matin était à Poudlard ? C'est quoi ?
Cette fois, la blonde de septième année leva la tête avec un soupir et posa sa fourchette.
— Si c'est des rumeurs que tu veux, va voir ton frère. C'est lui le spécialiste des potins. Moi, je veux juste qu'on me fiche la paix.
Grace la foudroya du regard et s'avança vers le plus gros groupe de septième année constitué de Théodore, de Drago et de Blaise. Les garçons de cinquième année la suivirent rapidement puis, plus lentement, Astoria leur emboîta le pas.
Vega, elle, resta près de Daphné. Une impression la titillait depuis qu'elle était rentrée dans la Grande Salle, et en survolant celle-ci du regard, elle mit le doigt dessus : les tables des trois autres maisons, déjà décimées depuis le début de l'année, étaient encore plus vides que d'habitude. Presque tous les élèves de septième année étaient absents, et elle remarqua la disparition de nombreux membres de l'AD. Son cœur s'accéléra, mais elle aperçut bien vite Rionach, qui mangeait silencieusement avec Romilda. Vega la fixa plusieurs secondes, espérant que sa copine allait le sentir et lever la tête, mais Daphné coupa court à ses espoirs :
— Tu vas pas rejoindre tes petits amis, King ?
Un peu plus loin, autour de la table, les cinquième et les septième années étaient toujours en grande discussion. Pendant que Vega les regardait, Richard se tourna vers elle, lui faisant un signe pour lui demander ce qu'elle faisait. Se disant qu'elle aurait les explications plus tard – parce que les rumeurs des Serpentard seraient sans doute bien éloignées de la vérité –, elle le rejoignit et se serra contre lui, se plaquant un air intéressé sur le visage.
***
Tout l'après-midi, l'ambiance dans les couloirs resta tendue et électrifiée. Personne ne savait exactement ce qui se passait, mais les rumeurs couraient. Potter avait été aperçu à Pré-au-Lard, disaient certains. Une meute de loups-garous s'était installée dans la Forêt Interdite, déclarant la guerre aux centaures, croyaient d'autres. Le Lord en personne allait visiter le château cette fin de semaine, affirmaient les plus fervents.
Bien entendu, Vega ne croyait rien de tout cela, mais malgré tous ses efforts, elle ne parvint à croiser aucun membre de l'AD cette journée-là. Après son dernier cours, elle vit bien Seamus, au bout d'un corridor, arborant une nouvelle coupure fraîche sur le front, mais il s'était retourné et avait disparu avant qu'elle ne puisse le rejoindre.
Son Gallion restait tout aussi silencieux. Plusieurs fois, elle avait cru sentir la pièce se réchauffer dans sa poche et s'était précipitée aux toilettes pour la consulter, mais le message n'avait jamais changé.
— Ça va pas ? demanda Tory au retour de Vega de sa quatrième escapade à la salle de bain des deux dernières heures.
— J'ai dû manger quelque chose d'étrange, répondit la brune en se massant le bas-ventre.
Ce ne fut finalement qu'après minuit qu'un nouveau message se manifesta. N'ayant pas réussi à s'endormir, Vega avait fini par ouvrir son manuel d'histoire pour s'instruire sur leur prochain cours, tirant les épais rideaux autour de son lit pour ne pas que la lumière de sa baguette réveille ses deux camarades. Le Gallion était posée sur sa table de chevet et elle y jetait de temps à autre des coups d'œil, de plus en plus inquiète et curieuse.
Aussitôt le Gallion se mit-il à chauffer et briller que Vega s'en empara, cessant sa lecture au milieu d'une phrase, et l'approcha de son visage. Elle fut si rapide qu'elle vit le dernier message disparaître dans le métal, et les nouvelles lettres réapparaître :
« NVL SCRT SSD DEM 1P1 »
Vega attendit encore un peu, mais aucune lettre supplémentaire n'apparut. Elle tourna le Gallion dans tous les sens sans trouver autre chose que cette étrange série de lettres qu'elle ne comprenait pas. Alors avec un soupir, elle s'attela à la tâche d'essayer de comprendre le message qu'on lui avait envoyé.
NVL. Neville, peut-être ? Vega avait bien remarqué son absence continue à l'heure du souper dans la Grande Salle, alors que la majorité des autres membres de l'AD étaient réapparus, certains amochés, d'autres non.
SCRT... Secret ? Sécurité ? Neville avait-il un secret ou était-il en sécurité ? Elle espérait que le second cas était le bon. Puisque le prochain mot – SSD – signifiait très certainement la Salle sur Demande, il serait logique que Neville annonce sa sécurité dans celle-ci.
Mais malgré tous ses efforts, Vega n'arrivait pas à deviner ce que signifiait la fin du message – DEM 1P1. Jamais elle n'avait autant envié les membres des autres maisons. Elle imaginait Rio, Charlene et Romilda, assises ensemble sur un lit décoré de rouge et or, en train de déchiffrer ensemble le même message qu'elle – et sans doute avec plus de succès.
Quand elle se demanda si Neville cherchait peut-être un secrétaire pour leurs réunions, elle jugea qu'elle était trop fatiguée pour cette mission. Elle glissa donc le Gallion et son message incompréhensible à sa place habituelle sous son matelas, et se laissa tomber sur son oreiller. Ses yeux se fermaient tous seuls. Elle trouverait un membre de l'armée le lendemain, le plus tôt possible, et lui demanderait des explications.
***
Finalement, elle n'eut même pas à se compliquer la vie. Elle avait passé la moitié de l'heure du déjeuner à chercher à penser à un moyen de semer les Serpentard assez longtemps pour avoir une discussion avec un membre de l'AD, quand le courrier arriva.
— J'ai hâte qu'il arrête d'être en retard tous les matins, grommela Tory en détachant une lettre de sa mère de la patte du hibou des Greengrass.
— Il faut bien un moyen de pouvoir intercepter la contrebande, répondit Grace en ouvrant son exemplaire de la Gazette du Sorcier.
Vega décrocha la lettre accrochée à la patte du hibou blanc qui s'était posé devant son assiette, puis sursauta quand elle reconnut l'écriture de son père sur l'enveloppe. Le hibou qui s'envolait n'était pas celui de la famille, pourtant !
Curieuse, elle décacheta l'enveloppe et lut les quelques mots écrits par son père.
Chère Vega,
J'ai bien reçu ta dernière lettre, où tu m'as dit avoir eu une mauvaise note sur ton examen de divination. Tu devrais étudier davantage à la fin des cours. Je te conseille le Manuel complet de Llewellyn, que tu trouveras à la bibliothèque de Poudlard. Tu m'en donneras des nouvelles.
Je t'aime,
Papa
Le verso de la simple feuille de parchemin était vierge, et l'enveloppe ne contenait rien d'autre. Peut-être un autre message avait-il été caché en encre transparente, mais... Rigel n'avait jamais communiqué avec sa fille ainsi. Et il n'utilisait jamais de hibou autre que celui de la famille, du moins pas sans lui en parler dans la lettre. Sans parler du fait qu'elle ne lui avait jamais écrit avoir eu de mauvaise note en divination...
C'était à ne rien y comprendre !
— Ch'est quoi ? demanda Astoria en se penchant vers elle, la bouche pleine d'un scone.
— Une lettre de papa, répondit Vega en résistant à la tentation de poser son bras sur la table pour empêcher son amie de voir celle-ci. Et avale avant de parler, tu veux bien ?
Toute la journée, Vega fit subir à la lettre tous les sortilèges révélateurs qu'elle connaissait. Sachant que son père – si c'était même lui qui l'avait envoyée – ne lui enverrait jamais de mystère qu'elle ne saurait pas résoudre, elle songea qu'un indice se trouvait peut-être dans les mots eux-mêmes. Elle relut tant de fois la lettre que ceux-ci finirent par s'incruster dans son esprit.
Ce fut finalement en métamorphose, le dernier cours de la journée, qu'une idée lui vint. La lettre parlait de la fin des cours, de la bibliothèque et d'un livre en particulier. Peut-être que celui ou celle qui lui avait fait parvenir le message – elle doutait maintenant que son père ait été impliqué de quelque façon que ce soit – l'y attendrait. Elle aurait juste à garder sa baguette à portée de main, au cas où.
En se dirigeant vers la bibliothèque, à la fin de son cours – elle avait prétexté avoir un livre à rendre à madame Pince –, elle réalisa soudainement qu'elle n'avait pas repensé au message incompréhensible du Gallion depuis plusieurs heures. Apparemment son cerveau n'avait la place de contenir qu'un mystère à la fois.
À l'intérieur de la bibliothèque, elle contourna les quelques tables d'étudiants en plein travail et trouva aisément la section sur les arts divinatoires, heureusement vide. Le Manuel complet de Llewellyn était à sa place sur les rayons, l'air parfaitement normal. Vega le tira à elle, le cœur s'accélérant, se demandant s'il allait lui arriver quelque chose. Elle le feuilleta, le tint même à l'envers, mais aucun indice supplémentaire n'en tomba.
— Ah cool, Charlene m'avait parié que tu ne comprendrais pas ma lettre. Elle me doit deux Mornilles !
Vega sursauta et faillit laisser tomber le lourd manuel. Rionach sourit et lui prit des mains, le replaçant à la place.
— As-tu compris le message du Gallion cette nuit ?
Vega secoua la tête et Rio fit la moue.
— Génial, je dois deux Mornilles à Romilda maintenant.
— Donc le message, dit Vega, décidant d'ignorer les paris que prenaient les Gryffondor contre elle. C'était bien Neville qui –
Rionach posa un doigt ferme sur les lèvres de la Serpentard, lui fait comprendre de garder le silence. Après être restée immobile un instant pour s'assurer que personne ne les écoutait, elle se pencha vers sa copine et lui murmura à l'oreille :
— Fais-un tour dans la Salle sur Demande tout à l'heure.
— Tout de suite ? Mais –
Rionach lui serra la main.
— Fais-moi confiance.
Puis, sans un mot de plus, la Gryffondor disparut aussi rapidement qu'elle était arrivée.
Vega resta plusieurs moments entre les rayons, la tête bourdonnant de questions qu'elle aurait voulu poser. Ce ne fut quand un jeune homme aux couleurs se Poufsouffle entra dans le rayon, puis sursauta et rougit à sa vue, qu'elle se décida à bouger. Elle hocha la tête en sa direction en sortant rapidement de la bibliothèque, puis tourna aussitôt vers la gauche et les escaliers qui la mèneraient au septième étage. Elle avait déjà réussi à semer les Serpentard une fois pour la journée, autant en profiter pour faire tout ce qu'elle avait à faire seule d'un coup.
Elle croisa quelques personnes en se rendant à la Salle sur Demande, mais heureusement personne qu'elle ne connaissait, et personne qui ne sembla s'intéresser à elle outre mesure. Elle arriva sans encombre au portrait de Barnabas et ses trolls, et entama les allers-retours requis. Quelque chose lui disait qu'elle ne cherchait pas la salle d'entraînement habituelle, alors elle pensa simplement à un endroit où on l'attendait. Quand la porte se matérialisa, bien plus petite et simple qu'à l'habitude, elle la tira avec un peu d'hésitation, se demandant quel genre de salle elle allait trouver. La petite salle de réunion qu'ils avaient découverte au mois de mars, peut-être ?
Mais la pièce dans laquelle elle entra était presque aussi grande que leur salle d'entraînement. Les tapis avaient cependant disparu, et l'espace habituellement ouvert était parsemé de colonnes supportant des hamacs. Un mur était orné de la bannière de Gryffondor, celui d'en face arborait l'aigle de Serdaigle.
— Vega ! Manquait plus que toi !
Vega remarqua Neville, assis dans un hamac dans un coin de la salle. Terry Boot et Michael Corner étaient avec lui, et tous trois s'approchèrent de la nouvelle venue.
— Au moins plus personne ne pourra douter de ta sincérité, dit Michael. Neville a demandé des protections spéciales contre les Carrow et leurs petits amis.
Vega regarda autour d'elle, les yeux ronds.
— C'est... C'est quoi cet endroit ?
— Une cachette sécuritaire, répondit Neville. Les Carrow ont décidé hier que finalement je causais trop de problèmes pour eux, alors il a fallu que je trouve in extremis un endroit où je serais à l'abri. J'ai demandé et j'ai reçu.
Il fit un geste pour montrer la grandeur de l'endroit.
— Apparemment la Salle sur Demande pense que je ne serai pas seul ici bien longtemps. Michael et Terry ont déjà décidé de se joindre à moi –
— On avait un examen de forces du mal demain, ça aurait pas été drôle, dit Terry.
— – et il semble y avoir de la place pour tous les autres membres de l'AD, si besoin. Même si je doute que tu vas devoir tu joindre à nous.
Vega baissa les yeux, mais Neville lui posa une main sur l'épaule.
— Ce n'était pas un reproche, au contraire, la rassura-t-il. Tu as fait un super boulot toute l'année à garder toute tes activités pour l'AD secrètes. Nous sommes tous très impressionnés.
Michael et Terry hochaient la tête avec des sourires.
— Et il faut que quelqu'un reste dehors, pour nous amener à manger, ajouta Terry en rigolant. Stupide loi de Gamp !
— Je t'ai dit que je vais penser à une solution ! grommela Neville. Je suis à depuis même pas vingt-quatre heures, et je suis pas un cerveau sur pattes comme vous !
— Si ça continue longtemps comme ça je vais devenir un estomac vide sur pattes !
— Je pourrais peut-être repasser après souper..., commença Vega.
Mais Neville l'interrompit avec un rire.
— C'est gentil Vega, mais Seamus a déjà dit qu'il nous apporterait à souper. Et malgré les doutes de Boot ici, je suis sûr que je vais vite penser à une solution.
Il jeta un rapide coup d'œil à l'horloge accrochée au mur.
— Parlant de souper, tes amis ne vont pas se demander où tu es passée ?
— Je leur ai dit que je devais passer à la bibliothèque, mais...
Vega sursauta en constatant qu'il était déjà près de dix-huit heures et demi.
— Aïe, oui effectivement il faudrait que j'y aille !
Elle se tourna vers la porte d'entrée, mais Michael lui attrapa le bras et lui indiqua une autre porte qu'elle n'avait pas remarquée, toute petite, dans un coin.
— On a une nouvelle sortie, dit-il.
— T'es sûr que c'est pas le placard à balais ?
— Tu verras, dit-il avec un clin d'œil.
Vega ouvrit la porte avec curiosité. Aussitôt fût-elle refermée derrière elle que tous les bruits de la Salle sur Demande disparurent. Elle descendit les quelques marches de l'escalier en colimaçon qui avait apparu devant elle, et se trouva devant une seconde porte en bois, qu'elle poussa avec soin pour se retrouver... dans un placard à balais.
— Ils se foutent de moi ? grommela-t-elle en se frayant un chemin entre les seaux et les torchons vers la troisième porte qu'elle apercevait dans l'obscurité.
En posant la main sur la poignée, elle entendit des voix à l'extérieur et suspendit son geste.
— J'espère qu'il va y avoir de la dinde pour souper...
Vega fronça les sourcils. Où était-elle exactement ?
Quand le silence fut retombé de l'autre côté de la porte, elle entre-ouvrit celle-ci et jeta un coup d'œil par la fente. Personne n'était visible, alors elle sortit rapidement du placard à balais en époussetant sa robe. Avant de refermer derrière elle, elle jeta un regard à l'intérieur : un placard tout ce qu'il y a de plus normal. La porte par laquelle elle était arrivée avait disparu, remplacée par un simple mur de pierres grises impénétrables. Vega secoua la tête. La Salle sur Demande réservait décidément bien des surprises.
Après avoir refermé la porte derrière elle, elle regarda enfin autour d'elle pour voir où elle avait atterri. Sa mâchoire se décrocha de surprise quand elle constata qu'elle venait de sortir du placard à balais de l'entrée du château, à quelques pas de la Grande Salle. Elle aurait volontiers passé plus longtemps à se poser des questions sur la physique de la chose, mais le bruit de pas qui s'approchaient la poussèrent à se mettre en marche vers la Grande Salle.
Elle vit tout de suite Grace et Astoria assises au bout de la table de Serpentard. Quand elle s'approcha de ses amies, celles-ci levèrent vers elle un regard étrange.
— Tu étais où ? demanda Grace pendant qu'elle s'asseyait.
— Comment, j'étais où ? Je vous ai dit que –
— On est allées à la bibliothèque, l'interrompit Astoria. Tu n'étais pas là.
Vega sourit. Merci Tory !
— J'en ai profité pour répondre à la lettre de mon père. Je devais déjà être partie pour la volière quand vous êtes arrivée.
Cette explication sembla satisfaire les deux Serpentard et elles reprirent leur discussion sur leur devoir d'arithmancie. Vega soupira intérieurement. À la fin de l'année, elle pourrait ajouter « menteuse exceptionnelle » à sa liste de talents.
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