Code et Gazette
À la fin de la semaine, le sablier des Serpentard était déjà rempli de pierres vertes, alors que ceux des trois autres maisons ne montraient que peu de points chacun. Les autres professeurs tentaient vaillamment de récompenser leurs maisons respectives, mais tous les points qu'ils gagnaient avec Chourave, Flitwick ou McGonagall se faisaient presque aussitôt effacer par Rogue et les Carrow.
Vega voulut profiter de la fin de semaine pour essayer de croiser Rionach et d'enfin pouvoir lui parler. Elle n'avait pas osé lui envoyer de hibou, la rumeur voulait que toutes les missives sortant de Poudlard et y entrant étaient fouillées, et elle ne voulait pas courir le risque que leur relation se fasse démasquer. Alors après le déjeuner, disant vouloir profiter de l'une des dernières belles journées de l'automne – le fond de l'air était déjà frisquet au début septembre, l'hiver s'annonçait long et ardu –, elle réussit avec peine à convaincre Tory de la laisser seule et sortit du château.
Elle vit tout de suite qu'elle n'était pas la seule à avoir eu cette idée : un petit groupe d'élèves était installé sur la rive du lac, lançant des bouts de pain que le calmar géant attrapait avec ses tentacules. Vega s'approcha du groupe avec espoir, mais constata rapidement que celle qu'elle cherchait n'en faisait pas partie. Elle croyait reconnaître un ou deux Serdaigle de son année, et se préparait à faire demi-tour quand l'un d'eux se retourna et l'aperçut, donnant un coup de coude à ses voisins jusqu'à ce que tous se soient retournés. Les quelques sourires qui s'étaient trouvés sur les visages fondirent comme neige au soleil, et les regards la fixaient, jusqu'à ce qu'elle leur tourne le dos, la tête baissée. Ce ne fut que quand elle s'était éloignée de plusieurs mètres qu'elle entendit les conversations reprendre.
Si seulement elle avait eu le courage de leur parler, ou au moins de leur sourire. Elle soupira. L'ironie de la situation était flagrante : ses traits de caractère prouvaient qu'elle avait bien été répartie, alors que jamais elle n'avait eu tant l'impression d'appartenir à la mauvaise maison.
Elle continua à avancer se promener lentement, à l'orée de la forêt interdite. Plusieurs fois, elle vit au loin d'autres élèves, seuls ou en groupe, qui profitaient aussi de l'air frais, mais elle ne répéta plus l'erreur de s'en approcher.
Après une heure, elle n'avait pas vu Rionach, ni Ginny, ni aucun des amis des deux Gryffondor. Décidant qu'elle tenterait sa chance à un autre moment – peut-être pourrait-elle l'intercepter à la bibliothèque, ou dans un couloir vide –, Vega se prépara à rebrousser chemin et remonter vers le château. Ses pas l'avaient menée vers le terrain de Quidditch, et ce ne fut qu'à ce moment qu'elle remarqua qu'il n'était pas vide. Des formes en balai volaient d'une extrémité du terrain à l'autre, lançant des balles dans les anneaux dorés, criant quand ils atteignaient la cible. Elle plissa les yeux et constata que les joueurs étaient vêtus de vert. Curieuse malgré elle, Vega s'approcha du terrain, se glissant entre les gradins. Urquhart volait à mi-hauteur des anneaux, un sifflet dans la bouche. Plusieurs autres joueurs se tenaient non loin d'elle, les visages tournés vers l'action, leurs balais dans la main ou à leurs pieds.
Avant que Vega ne puisse s'éclipser discrètement, Grace l'aperçut et, avec un grand sourire, se dirigea vers elle.
— Vega ! s'exclama-t-elle en s'approchant, les bras grands ouverts. J'ai été prise dans l'équipe de Quidditch !
Alors que Grace la serrait dans ses bras, Vega, sans répondre à l'étreinte, fronçait des sourcils.
— Mais..., dit-elle quand la jeune Nott s'éloigna. Tu as oublié comment ton frère a réagi l'an dernier ?
— Oh, lui !
Grace fit un signe de la main en riant, comme si elle débarrassait l'air devant elle de poussière.
— On en a parlé, il m'a donné sa permission pour cette année.
Elle plissa alors les yeux et regarda Vega de plus près.
— Alors ? Tu n'es pas contente pour moi ?
Vega déglutit et força ses lèvres à sourire.
— Bien sûr, absolument. Félicitations ! Mais...
Une petite voix hurlait à Vega de lâcher le sujet et de rentrer sans terminer sa pensée, mais elle ignora cette voix et fonça.
— Mais après ce que t'a fait Theodore l'an dernier, je n'aurais jamais cru que tu voudrais te tenir avec lui et ses amis. Nous nous inquiétons pour toi, Tory et moi...
Vega crut voir un éclair de rage traverser à toute vitesse le regard brun de Grace, mais celui-ci disparut aussitôt. Elle répondit d'une voix joyeuse, mais ferme :
— Le passé, c'est le passé. Il ne sert à rien de se morfondre, on ne peut rien y changer. Alors je pense au futur, à la place que ma famille aura dans ce futur, à celle que je veux avoir...
Derrière elle, Urquhart siffla et indiqua d'un grand geste qu'il voulait que tous s'approchent de lui.
— Il faut que j'y retourne, dit Grace. Tu diras à Astoria qu'il faudra qu'on célèbre ce soir !
Elle se tourna et courut vers sa nouvelle équipe, sa queue de cheval noire rebondissant entre ses omoplates. Vega la regarda tristement prendre sa place entre Harper et Crabbe, puis fit demi-tour pour remonter vers le château.
Tout espoir de croiser Rionach avait disparu, c'était maintenant Tory qu'elle devait absolument trouver. Elle devait l'avertir.
***
Pendant le premier mois de l'année scolaire 1997, les différences avec les débuts d'année précédents ne firent que s'accentuer. Aucune maison n'avait jamais reçu autant de points en quatre semaines que Serpentard – même pas Gryffondor quand Potter faisait des exploits en fin d'année avec ses amis –, et Vega et ses camarades de classe n'avaient jamais reçu autant de devoirs. Certains professeurs semblaient vouloir faire comme si cette année ne serait différente d'aucune autre, et que les élèves de cinquième année devaient se préparer pour les BUSEs de fin d'année. D'autres enseignants, par contre, semblaient d'avis que plus les Serpentard étaient occupés avec leurs devoirs, moins ils auraient le temps de faire autre chose. Vega ne savait pas exactement de quoi les professeurs avaient peur, mais après ce que Drago Malefoy avait fait de ses temps libres l'année précédente, elle les comprenait de se méfier.
Vega ne se plaignait pas du soudain afflux de devoirs, au contraire. Tous ces chapitres à lire et essais à écrire lui permettaient de passer des heures au calme à bibliothèque, loin de Grace et de ses idées arriérées. Souvent, Tory montait étudier avec elle, et les deux filles passaient des heures en silence entre deux rayons, ne rentrant dans leur salle commune que quand le couvre-feu approchait.
Mais quelques fois, Vega réussissait à monter seule à la bibliothèque, disant avoir un travail à faire en divination, cours que Tory ne suivait pas. Souvent, elle avait vraiment un devoir à terminer et passait la soirée à travailler, mais une fois de temps en temps elle s'installait à une table vide, sortait une feuille de parchemin vierge sur laquelle elle faisait semblant de travailler, et épiait l'entrée de la bibliothèque, qu'elle voyait entre deux livres du rayon voisin.
Quand Rionach entrait – si elle entrait –, Vega éternuait, et la Gryffondor venait la voir. Si elle était en compagnie de camarades, elle ne passait qu'une minute ou deux dans le rayon de Vega, sous prétexte de chercher un livre précis, et les filles ne pouvaient que s'échanger quelques nouvelles à voix basse. Mais si elle était aussi seule, elle venait tout de suite s'asseoir face à son amie. Elles sortaient toutes les deux des manuels, des parchemins et des plumes, pour pouvoir dire qu'elles travaillaient si quelqu'un les voyait, mais heureusement, personne n'avait encore été trop curieux. Elles auraient eu du mal à donner une raison pour laquelle elles travaillaient ensemble, ne partageant plus aucun cours.
Ces soirs-là, elles pouvaient parler plus librement, des tâches de préfète de Rio, de l'ambiance nocive de la salle commune de Serpentard et des cours des Carrow – qui étaient trois fois plus durs pour les autres maisons que pour les Serpentard. Mais elles abordaient également des sujets plus amusants – la rumeur que Trelawney avait été tellement ivre après le festin de la rentrée qu'elle ne s'était même pas réveillée pour son premier cours, l'indigestion qui avait terrassé Amycus Carrow pendant la deuxième semaine de cours quand il avait bu du jus de citrouille avarié, Miss Teigne qui avait passé une nuit complète enfermée dans un placard en balais pendant que son maître avait passé une nuit blanche à la chercher dans tous les coins du château. À son grand malheur, aucun suspect ne s'était présenté à lui, et il n'avait pu punir personne.
Souvent, elles se tenaient la main sous la table, et deux fois, quand la bibliothèque était vide, elles avaient même osé s'embrasser rapidement, se penchant chacune de con côté de la table.
Malgré tous ses efforts, cependant, Vega n'arriva pas à convaincre Rionach de lui en dire plus sur le Gallion
— Tu le sauras quand quelque chose arrivera, disait-elle chaque fois, sa voix plus en plus impatiente. Et à ce moment, Ginny ou moi on te trouvera pour t'expliquer. Aie encore un peu de patience !
Tous les soirs en se couchant, Vega touchait le coin du matelas où la pièce était cachée. Si Tory et Grace étaient déjà endormies, elle sortait sa baguette et murmurait les sortilèges qui lui permettaient de la sortir et de l'examiner de près, cherchant tout changement. Mais il n'y avait jamais rien à voir.
Ce ne fut qu'à la mi-octobre, le mardi avant leur première sortie à Pré-au-Lard, qu'il y eut quelque chose à noter. Elle serra le coin du matelas entre ses doigts, ne s'attendant à rien, une fois de plus, mais remarqua tout de suite la chaleur de l'endroit : la pièce devait être brûlante ! Un cri de surprise faillit lui échapper, mais heureusement elle réussit à se mordre la lèvre avant de faire un son. Après avoir pris quelques secondes pour se composer une expression tranquille, elle entre-ouvrit son rideau. Grace était toujours assise sur le lit voisin, son manuel de potions ouvert sur les genoux. Les rideaux du dernier lit près de la porte étaient tirés, mais on voyait toujours de la lumière qui s'en échappait, signe que Tory n'était pas encore couchée.
— Je ferme la lumière, les filles, dit-elle. Bonne nuit.
— Déjà ? s'exclama Grace, surprise. Il n'est même pas vingt-deux heures !
Vega regarda l'horloge au-dessus de la porte de leur dortoir et jura intérieurement.
— J'ai super mal dormi hier, mentit-elle en bâillant largement. Je suis crevée.
— Dors bien alors, dit Grace avant de se replonger dans sa lecture.
— Nuit Vega ! appela Tory derrière ses rideaux.
La jeune fille se recala dans son lit, éteignit la lumière. Ne lui fallait plus que patienter. Son corps voulait se tortiller dans tous les sens, débordant d'énergie nerveuse, mais Grace et Tory devaient la croire endormie, alors elle s'obligea à rester immobile.
Il lui semblait qu'il s'écoula une éternité et demie avant d'entendre ses deux camarades de dortoir fermer boutique à leur tour, puis éteindre leurs lumières. Vega compta jusqu'à cent en tchèque – une opération qui lui prenait toujours une demi-douzaine de minutes puisqu'elle ne connaissait toujours pas bien la langue de sa famille maternelle –, et seulement à ce moment se permit de tirer à elle sa baguette entre les rideaux. Avec ses doigts, elle sentit la pièce – de nouveau froide – et murmura « Diffindo » pour pouvoir la prendre dans sa main.
Au toucher, rien n'avait changé, mais Vega était certaine de ne pas avoir imaginé la chaleur qu'elle avait sentie plus tôt. Alors elle risque un « Lumos » chuchoté – elle dirait avoir fait un cauchemar si l'une de ses deux voisines lui demandait ce qu'elle faisait – et approcha sa baguette de la pièce.
Au premier coup d'œil, elle ne remarqua rien ; les gravures du dragon d'un côté et du tout premier ministre de la magie n'avaient pas bougé. Elle n'avait pas rêvé pourtant, quelque chose devait s'être passé, la chaleur ne pouvait pas être le seul signal !
C'est alors qu'en examinant la tranche du Gallion, Vega remarqua que la série de chiffres gravés avait changé. Elle comportait maintenant des lettres, et elle était pourtant certaine que la monnaie sorcière normale n'était identifiée que par des chiffres.
Il était près de minuit quand Vega cessa de tenter de déchiffrer le code – elle était certaine qu'il s'agissait d'un code secret – qui était apparu, recacha la pièce et éteignit sa baguette. En se réinstallant sous ses couvertures, elle se dit que si Rionach ou Ginny refusaient toujours de répondre à ses questions, le lendemain, elle allait hurler.
***
Le lendemain matin, elle surveillait la table de Gryffondor d'un regard pointu. Ni Rio ni Ginny n'était arrivée à l'heure où les hiboux du courrier entrèrent dans la Grande Salle. Elle grignotait un scone quand une chouette se posa à côté d'elle, un journal dans le bec. N'étant pas abonnée à la Gazette du Socier, Vega n'y prêta pas attention, et se tourna à temps pour voir Ginny entrer dans la Grande Salle et se diriger vers la table de Gryffondor, sans adresser de regard à Vega. Celle-ci dut serrer les poings pour s'empêcher de se lever : elle ne pouvait pas simplement aller parler à une Gryffondor comme ça, il lui fallait une bonne excuse.
À ce moment, la chouette s'impatienta, laissa tomber le journal, et donna un coup de bec au bras de Vega.
— Aïe ! cria-t-elle en se frottant l'avant-bras. Mais qu'est-ce qui te prend ? Ce n'est pas moi que tu cherches !
Le volatile visa à nouveau Vega, mais celle-ci l'évita habilement. Tory se tourna vers elle.
— Un problème ?
— Ouais, elle veut absolument que je lui prenne son journal, je sais pas pourquoi...
Astoria tira vers elle l'exemplaire et dit :
— C'est même pas le numéro d'aujourd'hui. Il est sénile, ce hibou...
À moitié par curiosité, à moitié par désir que la chouette la laisse tranquille, Vega reprit le journal des mains de son amie, qui s'en était déjà désintéressée. Elle le posa à plat devant elle, lut en diagonale l'article de la page titre, portant sur le registre des nés-Moldus, se demandant qui diable lui avait envoyé le journal de la veille, puis le mit de côté. Elle avait déjà un mystère devant elle, et ne tenait pas particulièrement à s'en rajouter un second.
Elle releva la tête, cherchant à nouveau Ginny des yeux. Celle-ci était installée à la table de Gryffondor, seule, une assiette vide et un journal devant elle. Quand elle vit que Vega la regardait, elle lui envoya un regard significatif, puis ouvrit le journal et se cacha derrière.
Les sourcils foncés, Vega fit de même avec celui qui lui avait été envoyé, lisant les titres et cherchant une explication quelconque.
À la cinquième page, son cœur fit un bond. Des mots avaient été gribouillés près du pli central.
16 h, là où je t'ai sauvé la vie.
Le message n'était pas signé, mais Vega n'avait aucun doute sur qui lui avait envoyé. Elle replia le journal et regarda à nouveau vers Ginny. Celle-ci avait également reposé le sien et, croisant le regard de Vega, voyant que celle-ci avait reçu le message, hocha la tête.
Cinq minutes plus tard, elle avait avalé son déjeuner et avait quitté la Grande Salle. Vega ne la revit plus de la journée.
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