Choc et funérailles
— STUPÉFIX !
La jeune fille sentit comme un coup de poing lui frapper la cuisse – au moins elle savait que son opposant, quiconque c'était, ne voyait pas mieux dans le noir qu'elle – et perdit instantanément toute sensation et tout contrôle de ses membres inférieurs. Jurant intérieurement, Vega se sentit perdre l'équilibre, basculant tout doucement vers l'arrière. Étendue sur le dos, ses jambes raides devant elle, elle se tortilla le mieux qu'elle pouvait pour extirper sa baguette de sa poche, puis la tendit devant elle d'un bras tremblant, essayant de se souvenir de tous les sortilèges qu'elle avait appris lors de ses quatre années à Poudlard qui pourraient lui être utiles, et attendant avec une inquiétude grandissante que les lumières reviennent.
Son cœur battait tellement fort que Vega était certaine que les inconnus qui se trouvaient devant elle l'entendaient. Elle s'attendait à se faire attaquer d'une seconde à l'autre et gardait sa baguette devant elle, mais rien ne se passa. Les voix continuèrent devant elle, tentant de lancer des sortilèges, mais elle ne comprit pas davantage ce qui se passait.
Il ne faisait noir que depuis deux minutes, au maximum – même si Vega avait l'impression d'être à terre depuis des heures –, quand la lumière revint dans le couloir, d'abord graduellement, puis tout d'un coup. Les yeux plissés contre le soudain assaut, Vega put enfin mettre une visage sur la personne qui l'avait attaquée. Elle fut stupéfaite de reconnaître les longs cheveux roux de son ancienne amie. Les deux jeunes filles ouvrirent la bouche en même temps :
— Vega ? demanda la rousse.
— Ginny ! s'exclama la brune.
Ron Weasley se tenait à côté de sa sœur, sa baguette aussi brandie devant lui. Alors qu'ils se regardaient tous tour à tour, un autre garçon rejoignit les Weasley, tournant le coin du corridor adjacent. Vega le reconnut tout de suite, bien sûr : Neville Londubat. Il regarda rapidement Vega, puis leva les yeux vers Ginny.
— C'est qui ? demanda-t-il.
— Tu crois qu'elle sait qui c'était ? interrogea Ron.
— Ginny, qu'est-ce qui se passe ? termina Vega d'une voix où pointaient l'inquiétude et un début de panique.
La rousse ne répondit à personne. Elle releva sa baguette et la dirigea vers Vega, qui aurait reculé à toute vitesse si elle l'avait pu.
— Finite Incantatem.
En tendant la main à la jeune fille pour l'aider à se relever, elle répondit à Neville.
— Vega King est la fille d'un collègue de papa au ministère. Une vieille amie d'enfance.
Elle se tourna vers les deux garçons.
— Il faut les retrouver, vite, dit-elle d'une voix autoritaire. Ils sont partis par là-bas, allez-y.
Sans attendre de réponse, elle fit volte-face vers Vega.
— Et toi, tu retournes dans ton dortoir immédiatement.
Pendant que Ron et Neville disparaissaient au coin en courant, Vega resta immobile, regardant Ginny, les yeux ronds. Où était passée la petite fille timide avec laquelle elle passait des heures à jouer à la poupée pendant que leurs pères travaillaient ? Quand Ginny était-elle devenue si sûre d'elle, si autoritaire, au point où même ses aînés lui obéissaient ?
— Vega ! claqua la voix de Ginny, la faisant sursauter. Bouge !
— Mais dis-moi ce qui se passe ! Je ne comprends rien !
Ginny soupira.
— On a envahi Poudlard, répondit-elle simplement. Probablement une mission pour Tu-Sais-Qui.
Vega fronça les sourcils.
— Non, c'est pas possible. Ils ne viendraient pas ici, et –
Brutalement, Ginny la repoussa contre le mur, brandit sa baguette devant elle, et cria :
— REDUCTO !
Une petite explosion retentit au bout du couloir et, sans attendre, Ginny s'empara du bras de Vega et se mit à courir. Tout juste avant qu'elles ne tournent le coin, un jet de lumière verte frappa le mur à côté de Vega, faisant éclater quelques morceaux de brique. Son cœur fit un saut dans sa poitrine et elle redoubla de vitesse. Elle entendait Ginny, tout juste derrière elle. Elles ne ralentirent pas avant d'arriver aux escaliers, où Ginny attrapa la manche de Vega pour la faire arrêter et se placer derrière une statue. Elle observa les alentours, mais tout était silencieux : personne ne les poursuivait. Elle se tourna vers Vega.
— Tu disais ?
***
— Basilic.
Après avoir donné son mot de passe, Vega se retourna pour remercier Ginny de l'avoir raccompagnée jusqu'à sa salle commune – et de lui avoir sauvé la vie –, mais la Gryffondor était déjà repartie au pas de course vers les escaliers. Vega haussa une épaule, se disant qu'elle reverrait bien Ginny plus tard, et entra dans sa salle commune.
Il était déjà trente minutes après le couvre-feu. Vega s'attendait à ce que la salle soit calme, comme d'habitude à cette heure-là, que ses camarades soient occupés à leurs études, à un jeu de table, ou encore déjà couchés. Mais un mur de son et de lumière la frappa dès qu'elle eut fait deux pas dans la salle commune.
— Vega ! cria Tory à son oreille en l'attrapant par un bras. On avait trop peur ! Tu étais où ?
— Au septième. J'ai eu une mésaventure en revenant, j'ai –
— Vega !
Grace montait les marches quatre à quatre vers ses amies.
— Tu as entendu ? Des Mangemorts sont entrés à Poudlard !
— Oui, je sais, je les ai croisés, justement.
Astoria, Grace, et les quelques autres élèves qui étaient assez près d'elle pour l'avoir entendue se turent, bouche bée, puis firent signe à leurs camarades de se taire. Bientôt, le silence complet était retombé sur la salle commune, et Grace demandait des détails à son amie.
— Eh bien, je ne sais pas grand-chose, dit Vega, le rouge aux joues. C'était au septième étage, et il faisait tout noir. Je ne sais pas ce qu'ils font ici, mais –
— Mais ils sont là ! termina une voix près de la cheminée.
À la surprise et l'effarement de Vega, des sifflements et des cris de joie accueillirent ces mots. À ses côtés, même Grace souriait en applaudissant. Vega regardait autour d'elle, réalisant pour la toute première fois ce que cela signifiait vraiment, d'être à Serpentard.
— Mais il a voulu me tuer, marmonna-t-elle.
Quelqu'un prit sa main gauche et la serra. Vega tourna la tête et constata, aux traits tirés d'Astoria, qu'elle n'était peut-être pas la seule que les événements de la soirée ne réjouissaient pas.
***
Quelques jours plus tard, des funérailles furent organisées. Tous les élèves étaient invités, bien sûr, mais leur présence n'était pas obligatoire. Le Poudlard Express ferait, pour une rare fois, deux voyages de suite vers Londres, le premier le jour prévu, et un second le lendemain de la cérémonie pour ceux qui tenaient à y assister.
L'ambiance dans la salle commune, depuis ce jour fatal de fin juin, était au beau fixe, contrastant horriblement avec celle du reste de l'école. Bon nombre des Serpentard étaient fiers de leur directeur de maison, se demandant s'ils allaient le revoir pour pouvoir lui dire leur admiration, et parlaient de Drago dans un ton de révérence : c'était lui qui avait fait entrer des Mangemorts dans le château, lui qui avait vaincu Dumbledore, lui qui avait fui avec les meilleurs sbires de Vous-Savez-Qui. Quel héros !
Sans grande surprise, près des trois quarts de la maison avaient décidé dès le lendemain de prendre le premier train pour rentrer à la maison, sans rester pour faire leurs adieux au directeur. Grace annonça à ses amies qu'il n'y avait pas de question à se poser, que c'était une évidence pour elle qu'il fallait qu'elle rentre.
— Vous croyez vraiment que c'est l'endroit pour une fille de Mangemort ? Croyez-moi, personne ne veut que je reste, et c'est tant mieux comme ça.
Elle empilait joyeusement ses vêtements dans sa malle sous les regards de ses amies.
— Tu vas rester avec ton frère ? demanda Vega. Tout l'été ?
Grace interrompit son mouvement et leva des yeux sombres.
— Au cas où t'avais pas remarqué, il me regarde même plus, dit-elle d'une voix dure. Et puis on ne sait jamais, papa pourrait revenir à la maison plus tôt que prévu...
Tory aussi allait quitter l'école le lendemain. Elle semblait moins convaincue de sa décision que l'était Grace, mais quand Daphné était venue lui dire que leurs parents voulaient qu'elles rentrent le plus tôt possible, elle avait semblé presque soulagée. Elles avaient presque bouclé leur malle, le soir du premier juillet, quand elles remarquèrent que Vega n'avait pas touché à la sienne.
— Me dis pas que tu vas aller voir les funérailles ? dit Grace d'un ton moqueur.
Gardant les yeux baissés, Vega répondit :
— Mon père veut venir, on va rentrer ensemble après.
Grace ouvrit la bouche, mais Tory lui envoya un coup de coude dans les côtes, et secoua la tête. Ce n'était pas le moment de parler de cela.
***
Vega n'était jamais restée à Poudlard pendant les vacances de Noël, mais elle imaginait que l'atmosphère dans la salle commune devait ressembler à celle qu'il y avait actuellement. Il ne restait qu'une demi-douzaine d'élèves de Serpentard et, mis à part un garçon de cinquième année, elle était la plus vieille. Dans la Grande Salle, cependant, les trois autres tables restaient presque pleines à craquer, et Vega sentit souvent des regards interrogateurs peser sur elle. Elle croisa quelques fois le regard de Rionach, ou celui de Ginny, et recevait des sourires, mais aucune invitation à se joindre à elles.
Alors Vega passa le plus clair de cette première journée de « vacances » sous un arbre près du lac, lisant un roman qu'elle devait rendre à madame Pince avant de partir pour l'été, ou bien simplement rêvassant. Les cours étant terminés, elle avait pu ranger son uniforme, et sans sa cravate vert et argent ou le logo de Serpentard sur sa robe, elle n'était pas reconnaissable. Pour la première fois de sa scolarité, elle était ravie de cet anonymat.
Vers le milieu de l'après-midi, une ombre se posa sur elle. Elle leva la tête, portant sa main en visière, et reconnut Rionach qui s'était approchée d'elle.
— Je peux m'asseoir ?
Vega ferma son livre et fit signe à son amie de s'installer. Pendant que Rio se posait sur l'herbe et s'appuyait contre le tronc d'arbre, Vega la regardait curieusement. Pourquoi était-elle là ? Depuis quand une Gryffondor acceptait-elle d'être vue en public avec une Serpentard ?
— Ginny m'a raconté ce qu'il vous est arrivé avant-hier soir
Vega cligna des yeux.
— Tu connais Ginny ?
— On est dans la même maison, au cas où tu avais pas remarqué, rit Rionach.
Après un instant de silence, elle poursuivit :
— Elle m'a dit que tu avais été surprise. Déçue ?
— Ils ont voulu me tuer, dit Vega. Ils ne m'ont même pas regardée, ils ont juste...
Elle haussa les épaules, réprimant un frisson, et la Gryffondor continua à la fixer pendant plusieurs secondes, avant de hocher la tête et de se relever.
— On se voit à la cérémonie demain ?
Vega acquiesça. En regardant Rionach remonter vers le château, elle avait l'étrange impression que celle-ci venait de lui faire passer un test. Elle se demanda si elle l'avait réussi.
***
Rigel rejoignit Vega en fin de matinée, le jour des funérailles. En voyant apparaître sa fille dans la Grande Salle, il la rejoignit en quelques enjambées et la serra de toutes ses forces dans ses bras. Vega sentit toute la tension des derniers jours, dont elle n'avait même pas remarqué la présence, la quitter pendant qu'elle serrait la chemise de son père dans ses poings.
Ils restèrent immobiles pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce que Vega s'éloigne avec un reniflement. Son père la prit par les épaules et la regarda droit dans les yeux.
— Ça va, toi ?
La jeune fille hocha la tête avec un sourire hésitant, et les deux King sortirent dans la cour, bras dessus bras dessous.
Des rangées de chaises blanches avaient été alignées sur la rive du lac, devant un autel, et la foule commençait déjà à s'y installer. Les visages tristes et l'ambiance sombre contrastaient affreusement avec le soleil éclatant de ce début d'été. Dumbledore aurait trouvé ça parfait, se dit Vega en observant la scène. Il n'aurait pas voulu que tout ne soit que malheur.
En se frayant un chemin à travers la foule, Rigel s'arrêta plusieurs fois pour serrer la main à des collègues du ministère ou pour échanger des nouvelles avec d'anciens camarades de classe. Sa fille et lui trouvèrent enfin deux sièges libres à la dernière rangée et Vega s'y laissa tomber, soulagée. De sa place, ses propres camarades pourraient difficilement la voir et se poser des questions sur sa présence.
Elle vit arriver toute la famille Weasley, à l'avant de l'assemblée, avec Potter et Granger. Elle inspira brusquement en voyant Bill – de qui elle avait été profondément amoureuse pendant son enfance, chaque fois qu'elle le croisait chez Ginny – et ses nouvelles cicatrices. Cette vision, plus qu'autre chose, sembla concrétiser dans son esprit les conséquences des événements des derniers jours, et de la guerre en général.
— Tes amies ne sont pas là ? demanda Rigel.
Vega secoua la tête, expliquant qu'elles étaient toutes les deux rentrées l'avant-veille.
— J'aurais pensé peut-être voir les Greengrass, au moins. Je m'entendais bien avec le père d'Astoria à l'école.
Pendant le concert des sirènes, Vega ne put s'empêcher de sourire, s'imaginant ce que Grace aurait à en dire si elle était là. Elle aurait certainement un commentaire ou deux à faire sur leur apparence, en tout cas.
De leurs places, les King voyaient mal ce qui se passait à l'avant, mais la voix du maître de cérémonie était transportée jusqu'à leurs oreilles, leur permettant de ne pas échapper un mot de ce qui était dit sur Dumbledore.
Après quelques minutes, cependant, Vega laissa son esprit et son regard vagabonder. Les dernières rangées étaient occupées par des employés du ministère, et des gens de Pré-au-Lard. Elle reconnaissait madame Rosmerta, à la rangée devant elle, et plusieurs travailleurs des boutiques où ses amies et elles aimaient traîner lors de leurs sorties. Elle devinait, loin à l'avant, la rangée des têtes rousses des Weasley, et voyait les immenses silhouettes de Hagrid et de la directrice de Beauxbâtons.
Quand le mage arrêta finalement de parler, Vega entendit des exclamations de surprise à l'avant, et se leva pour voir ce qu'il se passait.
Le corps du directeur semblait avoir été avalé par des flammes bleues, qui s'élevaient dans tous les sens. Juste quand elle commençait à se demander d'où elles étaient venues, elles s'éteignirent et furent remplacées par une tombe de marbre blanc. Vega dut retenir une envie soudaine d'applaudir.
Plusieurs minutes plus tard, Vega et son père étaient remontés dans le hall.
— Tu as encore quelque chose à faire ici où on rentre tout de suite ? demanda Rigel.
Vega regarda autour d'elle, mais la foule était tellement dense qu'elle n'avait aucun espoir d'y trouver Rionach. Et comme elle avait vu que Ginny était restée près de la tombe de Dumbledore, avec Potter et sa famille, elle sourit à son père :
— Je vais chercher ma malle.
— Je peux venir avec toi ? demanda Rigel avec un petit sourire. Ça fait tellement longtemps que je suis allé dans la salle commune.
Avec un rire, Vega acquiesça, et les deux King descendirent dans les cachots. Rigel prit un mauvais tournant, et Vega arrêta d'avancer, attendant qu'il se rende compte de son erreur avec un sourire narquois. Il se retourna après quelques pas dans la mauvaise direction et se passa une main dans les cheveux avec une grimace.
— Apparemment, je perds la mémoire dans mon grand âge.
Sa fille leva les yeux au ciel et le prit par la main, le tirant derrière elle vers le bon mur, deux corridors plus loin.
— Basilic.
Elle descendit les marches de l'entrée à toute vitesse et était déjà à mi-chemin vers les dortoirs des filles quand elle réalisa que son père ne la suivait plus. Rigel était toujours en train de descendre les escaliers, une marche à la fois, regardant tout autour de lui avec les yeux ronds.
— Papa, tu as passé sept ans ici, tu connais ça !
— Mais ça a changé depuis que j'ai fini ma scolarité ! dit Rigel, atteignant le plancher. Les fauteuils étaient en cuir noir, et... Cette fenêtre, là, elle montrait la Forêt interdite, pas le lac !
Vega laissa son père devant l'aquarium – « je me demande si c'est des descendants des poissons de mon époque ! » – et entra dans sa chambre. Elle avait bouclé sa malle le matin même, l'avait déjà placée à côté de la porte. Elle n'eut qu'à mettre la main sur Kotka – plus facile à dire qu'à faire – pour l'enfermer dans sa cage en osier.
— Ça sera moins long que d'habitude aujourd'hui, promis ! lui dit-elle entre les barreaux, évitant adroitement un coup de patte irrité. Pas de train, on rentre directement à la maison, et tu pourras chasser des gnomes pendant deux mois complets !
Quand elle retrouva son père dans la salle commune, il était en train de raconter à deux garçons de deuxième année des aventures de sa scolarité pendant les années 1960.
— ... et puis... elle a trébuché et tout son devoir est tombé dans le feu !
Tous trois éclatèrent de rire, et Vega leva les yeux au ciel. Elle avait dû entendre cette histoire au moins cinquante fois depuis son enfance !
— Papa, je suis prête, tu viens ?
— Passez de bonnes vacances, mes chers Serpentard, dit Rigel aux deux garçons en se dirigeant vers sa fille.
Il tapa sa lourde malle de sa baguette, et celle-ci devint immédiatement légère comme une plume. Il faudrait qu'elle lui demande de lui apprendre ce sortilège, se dit Vega en le suivant vers la sortie de la salle commune, la cage de son chat sur le bras.
Ils montèrent jusque dans la cour, où les attendaient des carrosses pour les amener au village, d'où ils pourraient transplaner. Avant d'y monter, Vega regarda vers le lac. Toutes les chaises étaient toujours installées, mais la foule qui s'y trouvait plus tôt avait disparu. Plus aucune tête rousse n'était visible. Elle porta alors son regard sur la tombe blanche, qui semblait resplendir sous le soleil. Tout allait changer, maintenant.
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