Botanique et géant

Quelques jours plus tard, les Serpentard se trouvaient dans la serre numéro trois. Une nouvelle couche de neige était tombée pendant la nuit, et leur classe de cinquième année avait été la première à la traverser, ce matin-là. À regarder dehors, l'épaisseur de neige par terre, le lac toujours gelé et les branches du Saule Cogneur lourdes de glace, on se serait cru au début janvier, pas près de la mi-mars. Vega frissonna malgré l'air bien chauffé de la serre, et reporta son attention à l'avant.

— Le professeur Slughorn m'a demandé de lui récolter de nouvelles feuilles de Chou mordeur de Chine, était en train de dire la professeure Chourave.

Elle avait placé sur le bureau devant elle ce qui ressemblait à un pied de salade tout ce qu'il y a de plus banal.

— Tiens, je ne savais pas que Poudlard offrait des cours de cuisine, dit Grace d'une voix moqueuse juste assez forte pour que tout le monde l'entende.

Ses camarades ricanèrent, mais Chourave ne réagit pas. Elle attendit simplement que l'attention revienne sur elle, puis avança une main gantée vers le plant. Son doigt l'avait à peine touché qu'il écarta ses feuilles, ouvrant grand ce qui semblait être une bouche. Celle-ci se serait refermée sur la main de la professeure si elle n'y avait pas rapidement placé un bout de bois. La gueule verte se referma d'un coup sec et le bâton explosa, envoyant des copeaux dans tous les coins.

Plus personne ne riait.

— Ils ont de bonnes mâchoires ne se gênent pas pour mordre tout ce qui se trouve dans leur chemin, expliqua Chourave en plaçant une main sur le dessus du chou. Heureusement pour nous tous, ils n'ont pas de dents. Ils peuvent nous broyer les mains, mais pas nous les arracher.

— Quel soulagement, murmura Tory en levant les yeux au ciel.

— Ils n'ont pas non plus de pattes, et ne peuvent donc pas se déplacer seuls. Ni s'enfuir quand vous leur arrachez des feuilles.

La professeure fit alors la démonstration. Appuyant fermement sur la plante, l'épinglant au bureau, elle tira sur une des feuilles vertes. Celle-ci se décrocha avec un bruit de papier qu'on déchire après quelques secondes, et le chou se mit à se débattre vigoureusement.

— Malgré les apparences, cela ne leur fait pas mal. Les sorciers chinois mangent ces choux depuis des générations, et les élèvent en grands groupes. Laissés seuls, ils vont s'arracher les feuilles matures entre eux. C'est une question d'entretien.

Autour d'elle, Vega avait vu les regards de ses camarades s'allumer d'intérêt en voyant le chou s'énerver. Chourave avait dû oublier qu'elle n'était pas en train de s'adresser à sa propre maison ; les Serpentard s'en fichaient complètement d'infliger de la douleur aux autres.

— Les feuilles matures sont celles qui ont commencé à s'enrouler sur elles-mêmes. Vous vous mettrez en équipe de deux, un pour tenir le chou et l'autre pour arracher les feuilles matures. Seulement les feuilles matures !

Grace se rendit à l'avant de la serre pour récupérer une plante, et revint la déposer avec fermeté devant Vega. Elle y mettait tellement de pression que le pauvre chou n'était même pas capable d'ouvrir la bouche. Faisant tout en son possible pour garder un visage neutre, Vega arracha les feuilles le plus rapidement qu'elle le pouvait, espérant en avoir fini le plus vite possible avec cette tâche.

Même pas cinq minutes plus tard, une collection d'une petite quinzaine de feuilles s'amoncelait sur le bureau des filles. Vega examina leur plante sous toutes les coutures, mais ne voyait aucune autre feuille mature.

— J'ai fini, dit-elle à Grace. C'est bon, tu peux lâcher.

La jeune Nott retira aussitôt sa main, et le chou enragé tenta frénétiquement de mordre tout ce qu'il y avait à sa portée. Vega était ravie que ces bestioles n'avaient pas de jambes, sinon il lui aurait sauté à la gorge.

Faisant bien attention de ne pas poser ses mains sur le bureau, Vega se tourna vers la table voisine. Astoria tenait un chou du bout des bras, une grimace sur le visage, alors qu'Alex cherchait les feuilles à récolter. Pendant que Vega les observait, les mains de Tory glissèrent et son partenaire passa à un poil de perdre un pouce.

— Greengrass ! jappa Alex. Fais gaffe à ce que tu fais, j'ai pas envie de me faire broyer la main à cause de toi !

Secouant la tête avec un sourire, Vega se retourna vers Grace. Celle-ci avait la main à la hauteur du visage, et observait avec intérêt une chenille velue qui la traversait calmement. Sentent le regard de son amie peser sur elle, elle leva les yeux, sourit, et lui dit :

— J'ai envie d'essayer un truc.

Et avant que Vega ne puisse réagir, Grace avait attrapé la chenille entre deux doigts et l'avait jetée dans la gueule béante du chou. Celui-ci referma la mâchoire en un claquement sonore, laissant entendre un bruit de liquéfaction qui donna un haut-le-cœur à Vega. Un liquide verdâtre et gluant fut arrosé partout, jusqu'au bureau voisin, et elle vit que la bouche de la plante en était remplie quand elle ouvrit à nouveau la bouche.

Derrière elles, Joffrey et Richard éclatèrent de rire. Astoria lâcha un petit cri, et Alex un juron quand il faillit à nouveau se faire mordre.

— Tu es dégueulasse, Grace ! s'exclama leur amie en essuyant frénétiquement sa manche maculée de glu verte.

— NOTT ! KING !

Vega et Grace se tournèrent d'un seul mouvement vers la professeure qui s'avançait vers elles à grands pas, la première avec un air inquiet, la seconde avec un visage moqueur.

— Bravo, vous venez de me tuer un chou ! dit Chourave d'une voix sèche en arrachant la plante de leur bureau. Ces plantes ne sont absolument pas carnivores ! Mais qu'est-ce qui vous a pris ? Vous êtes comme des –

— Oui ?

Les yeux plissés, mais toujours un sourire moqueur au coin des lèvres, Grace fixait la professeure de botanique. Elle avait crié après des élèves de Serpentard. Si elle les insultait, les punissait, Rogue et les Carrow seraient mis au courant et cela ne se passerait pas bien pour elle. Les vert et argent jouissaient d'un statut protégé depuis le début de l'année, et certains d'entre eux en profitaient éhontément.

Après un court affrontement du regard, Chourave poussa un soupir frustré et retourna à l'avant sa la serre, le chou condamné entre les mains. Grace se rassit sur son tabouret, le dos droit et une étincelle de succès dans les yeux.

Un nouveau clou dans le cercueil de leur amitié.

***

Toute la journée de la fête clandestine chez Hagrid, le Gallion de Vega ne dérougit pas, communiquant un message après l'autre. Elle les déchiffrait tous, déçue à chaque fois de ne pas pouvoir se joindre à eux, mais en même temps une partie d'elle était soulagée de ne pas avoir à se mettre en danger.

À dix-neuf heures, l'heure où elle savait que les premiers membres de l'AD devaient descendre chez le garde-chasse, Vega ne tenait plus en place. Elle n'avait presque pas pu avaler de la dinde qui leur avait été servie pour dîner tant son estomac était plein de papillons, et n'arrivait même pas à se concentrer sur le devoir pour Binns – deux pieds sur les guerres de trolls du treizième siècle, un devoir qui, normalement, l'aurait fascinée.

Elle se tourna alors vers la seule occupation encore capable de la distraire : les échecs.

— Je m'emmerde, annonça-t-elle en sortant dans la salle commune, son plateau sous le bras. Qui veut essayer de me battre ?

Jessica, une sixième année contre laquelle Vega jouait régulièrement, se montra intéressée et s'approcha de la table où Vega était en train de s'installer. Elle plaqua une boîte de crapauds à la menthe sur celle-ci.

— Pour la gagnante, dit-elle avant de s'asseoir.

Pendant près d'une heure, les filles se menèrent une bataille sans merci. Une fois de temps en temps, Vega apercevait des façons de gagner, deux ou trois mouvements qui mettraient en échec et mat le roi de Jessica. Mais elle savait que si la partie se terminait, son inquiétude reprendrait le dessus, alors elle ignorait ces possibilités et laissait son aînée continuer à se défendre.

L'horloge de la salle commune de Serpentard venait de sonner vingt heures quand Vega sentit le Gallion de l'AD chauffer contre sa cuisse. Décidant qu'elle avait assez poireauté, elle saisit la prochaine occasion d'en finir de sa partie, et son fou finit par transpercer le roi de Jessica de son épée. Celui-ci avait à peine fini de tomber sur le plateau de jeu que Vega avait attrapé les crapauds et était allée s'enfermer dans la salle de bain de son dortoir. D'une main fébrile, elle sortit le Gallion de sa poche et en déchiffra le message qui, pour une rare fois, n'était pas codé du tout.

« NE VENEZ PAS »

Vega fronça des sourcils. Que se passait-il ? Qui avait envoyé ce message ? Comment pourrait-elle avoir des nouvelles ?

Sous ses yeux, le Gallion redevint chaud et un nouveau message remplaça l'ancien.

« SSD MAINTENANT »

L'AD se donnait un nouveau rendez-vous dans la Salle sur Demande. Oserait-elle s'y rendre ? Elle regarda sa montre : seulement huit heures et le quart. Assez tôt pour prétexter avoir affaire à la bibliothèque, et être revenue avant le couvre-feu...

Bien décidée, elle hissa son sac sur son épaule et sortit du dortoir. Elle traversa la salle commune, mais avant qu'elle arrive à la sortie, le mur s'ouvrit et laissa entrer Alex et Joffrey.

— Il se passe quelque chose dehors, cria Alex.

Tous les occupants de la salle commune se tournèrent vers les garçons, plus ou moins curieux. Quelque chose qui se passait dehors, à Poudlard, ce n'était pas forcément très intéressant.

— Il y a plein de Rafleurs qui sont arrivés dans la cour, ajouta Joffrey. Et les Carrow sont en train de se battre avec Hagrid devant chez lui !

Le cœur de Vega plongea dans ses talons. Voilà qui confirmait l'interruption de la fête. Mais à part Hagrid, qui était impliqué ? Qu'était-il arrivé aux invités, à l'AD ? Il était encore tôt, ils ne seraient pas tous arrivés. Où était Rio ? Et Ginny, Charlene, Romilda ? Vega avait envie de hurler son inquiétude, alors même que ses camarades de maison hurlaient de rire, applaudissaient, se tapaient dans le dos comme s'ils venaient personnellement de gagner une grande victoire.

— Viens !

Sans que Vega s'en rende compte, Richard était apparu à ses côtés. Il l'attrapa par le coude et commença à la tirer vers la sortie de la salle commune, où nombre de leurs camarades se pressaient déjà. Vega ouvrit la bouche pour protester, mais la referma avant d'avoir dit quoi que ce soit. Après tout, c'était probablement la seule façon qu'elle aurait d'avoir des nouvelles ce soir-là.

Pleins d'une joie de vivre qu'on leur voyait rarement, les élèves vert et argent traversèrent quelques corridors, puis montèrent les escaliers vers l'entrée du château. Les premiers à atteindre la porte, Drago et Blaise, l'ouvrirent grand. Vega s'inquiéta un instant qu'ils allaient descendre dans la cour et se joindre aux Carrow et aux Rafleurs, entraînant le reste de la maison à leur suite, mais ils s'arrêtèrent sur le perron. Richard et Vega s'avancèrent le plus qu'ils pouvaient, poussant derrière eux quelques étudiants de troisième année jusqu'à se retrouver à l'avant de la foule, avec une vue parfaite sur toute la cour.

Devant la cabane du garde-chasse, une bataille faisait rage. Des jets fusaient aussi rapidement des baguettes des Carrow que du parapluie de Hagrid, et les jappements furieux de Crocdur résonnaient jusqu'à eux.

— Il y a d'autres gens là-bas !

La voix criarde de Pansy attira l'attention de ses camarades, qui suivirent du regard la direction qu'elle indiquait. En effet, juste à l'ombre du château se trouvaient quelques silhouettes, l'une d'entre elles visiblement blessée et les deux autres la soutenant du mieux qu'elles pouvaient. Pendant que les Serpentard regardaient, deux Rafleurs se détachèrent de leur groupe et se lancèrent à leur poursuite. L'une des silhouettes lança par-dessus son épaule un sortilège sans se retourner ni faire de pause, et une douzaine de chauves-souris se lancèrent vers le Rafleur. Celui-ci les évita habilement avec un coup de sa propre baguette, et les spectateurs crièrent leurs encouragements, mais Vega se mordit la lèvre.

Elle avait reconnu les chauves-furies. C'était Ginny, là-bas.

— J'espère que les Rafleurs vont les prendre, dit Richard, la voix tremblante d'excitation. Encore des locataires pour Azkaban !

— Pourquoi tu dis ça ? demanda Astoria, qui s'était glissée derrière eux. On sait même pas c'est qui.

— Ils s'enfuient, répondit Richard en haussant une épaule. C'est donc qu'ils ont quelque chose à cacher.

Un hurlement strident retentit à ce moment, mettant heureusement un terme à ce début d'argument.

Une jeune première année pointait vers l'orée de la forêt d'un doigt tremblant, le visage blanc comme un drap. Vega suivit son regard et son souffle fut coupé par la vision qui s'offrait à eux.

Une bête de plusieurs mètres de haut courait vers la hutte de Hagrid, hurlant des mots incompréhensibles et brandissant un petit tronc d'arbre qu'il avait dû arracher en chemin. Un morceau de chaîne traînait à sa cheville, signe que quelqu'un avait tenté de le contenir. Sans grand succès, visiblement.

— Depuis quand il y a des géants dans la Forêt interdite ? demanda Tory d'une voix blanche.

Après l'arrivée de ce nouveau combattant, la bataille ne dura plus que quelques minutes. Vega fut soulagée de voir les deux Rafleurs qui poursuivaient Ginny faire volte-face et prendre leurs jambes à leurs cous. Les Carrow tentèrent d'amadouer le géant à coups de magie, mais leurs jets de toutes les couleurs ne faisaient que rebondir sur la peau épaisse de la bête, si bien qu'ils finirent eux aussi par fuir vers le château.

Drago et Pansy descendirent du perron pour les accueillir et leur proposer de l'aide, mais les professeurs ne firent que les foudroyer du regard et repousser leurs questions du revers de la main. En voyant leur maison presque entière qui les attendait de pied ferme, ils ne firent que se renfrogner encore davantage.

— Qu'est-ce que vous faites là ? claqua la professeure d'étude des Moldus. Retournez dans votre dortoir. Immédiatement.

— Ce n'est pas encore le couvre-feu, interpela Richard. Nous voulions juste savoir ce qui se passait, pour –

— Qu'est-ce qu'on vient de dire ? jappa l'autre Carrow en suivant sa sœur. Redescendez, maintenant, ou j'enlève cent points à Serpentard.

Cette menace envers leur maison, probablement la première qu'ils avaient eue de toute l'année, réussit à les faire taire. Les deux Carrow avaient disparu à l'étage depuis déjà plusieurs secondes quand les Serpentard s'ébrouèrent enfin, commençant à redescendre vers la salle commune.

— Je suis sûr qu'on en saura plus demain, dit Richard.

Oui, se dit Vega, tentant de ne pas paraître trop inquiète. Demain.

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