Anniversaire et rupture
Il s'écoula près de cinq semaines avant que quelque chose ne vienne remettre un peu de vie dans Grace. L'anniversaire de quinze ans de Vega aurait lieu le vingt-deux février, et la jeune Nott se jeta corps et âme dans l'organisation d'une fête pour l'événement. Elle parla au professeur Rogue et obtint la permission de louer une pièce vide des cachots, non loin de leur salle commune, pour quelques heures samedi soir. Elle demanda aux elfes de maison de la cuisine – que Tory et elle avaient fini par trouver – de leur préparer un petit buffet pour qu'ils puissent souper dans les cachots plutôt que dans la grande salle. Elle avait préparé des cartons d'invitation qu'elle avait distribués à tous leurs camarades de Serpentard.
— Vous croyez qu'il va venir ? avait demandé Tory, les joues rosies, après avoir donné des invitations à un groupe de sixième année assis autour de Drago Malefoy.
Vega avait vu, par-dessus l'épaule de son amie, le blond envoyer l'invitation dans le feu de la cheminée sans même la lire.
— Peut-être, avait-elle quand même répondu.
Le lundi avant son anniversaire, Vega avait pris une des quelques invitations qu'il restait sur le bureau de Grace sans le lui dire, et avait passé tout le cours de divination à la triturer nerveusement dans sa poche. Elle écoutait à peine ce que lui disait Richard, qui interprétait une poignée d'os de Doxy qu'elle venait de jeter pêle-mêle sur la table.
— Je crois que cette petite montagne, ici, veut dire que tu vivras bientôt un grand changement, disait-il. Et ici, le X... que tu vas être contrariée ? Par le changement ? Oh, j'y comprends rien !
— Um-hum...
— Oh, là, samedi, tu vas avoir une excellente surprise !
Vega se tourna alors vers lui, sa curiosité piquée au vif. Richard la regardait, une étincelle dans les yeux.
— Ça va sans doute être pendant la fête. Je me demande ce que ça sera.
Avec un grand sourire, Vega lui prit la main. C'était un bon augure : sa décision était prise. Après le cours, elle dit aux garçons de partir sans elle, qu'il fallait qu'elle passe aux toilettes avant le cours, et elle attendit au bas de l'échelle que les Gryffondor descendent à leur tour.
Quand Rionach apparut, discutant avec une camarade de classe, Vega s'approcha d'elles.
— Excusez-moi de vous interrompre... Est-ce que je pourrais parler à Rio ?
La Gryffondor jeta à Vega un regard suspicieux, mais quand l'Irlandaise hocha la tête elle sortit de la petite pièce ronde sous la salle de cours.
— Oui ? demanda Rionach dès que les deux filles furent seules.
Avant de pouvoir se dégonfler, Vega sortit la main de sa poche et tendit à son amie le carton d'invitation qu'elle avait dérobé le matin même.
— Je fête mes quinze ans samedi, expliqua-t-elle. Mes copines ont organisé une petite fête et... ça me ferait plaisir si tu pouvais passer.
Un petit sourire flottait sur les lèvres de Rionach, mais Vega n'arrivait pas à décider si celui-ci était ravi ou moqueur.
— Merci, répondit-elle simplement en glissant l'invitation dans son sac. J'y penserai.
Après un geste de la main, Vega se mit en route vers son cours de potions. Malgré son empressement, elle arriva bien après que le professeur Slughorn eût commencé de donner les instructions, et perdit cinq points à sa maison. Mais ça allait valoir la peine, se dit-elle en se glissant à la place que lui avait réservée Richard, si la chance lui souriait samedi.
***
Le reste de la semaine passa à la vitesse de l'escargot, et Vega avait l'impression qu'il s'était écoulé un mois et demi avant qu'elle n'ouvre enfin les yeux le matin du vingt-deux février.
— Bon, enfin ! s'exclama Tory dès qu'elle se tourna sur son oreiller. On attend depuis des heures pour te souhaiter un bon anniversaire !
Derrière elle, Grace leva les yeux avec un sourire.
— Tory, tu es debout depuis dix minutes seulement !
— Mais tais-toi, elle a pas à le savoir ça !
Tout en se chamaillant de bon cœur, Grace et Astoria s'assirent au bout de son lit et lui déposèrent sur les jambes – déplaçant sans vergogne Kotka – une petite montagne de cadeaux. Vega ouvrit des paquets de ses parents, de ses oncles et tantes anglais comme tchèques, et de ses amies.
— Richard nous a dit qu'il te donnerait son cadeau ce soir.
Ce ne fut qu'avec cette remarque de Grace que Vega se rendit compte qu'elle n'avait effectivement rien déballé de la part de son copain. Elle camoufla le petit malaise que cette réalisation fit naître en son sein – elle était une bien mauvaise copine ! — en s'enveloppant dans la magnifique écharpe grise que lui avaient offerte ses parents.
— Habille-toi maintenant ! s'exclama Tory en lançant ses vêtements au visage de Vega. J'ai faim !
Le reste de la journée fut reposante, comme se devait de l'être une journée d'anniversaire. Grace se laissa convaincre de ne pas passer la journée enfermée dans le dortoir, comme elle le faisait presque toutes les fins de semaine depuis le retour des vacances, et les filles organisèrent une grande partie de Bavboules dans la salle commune. Richard, Alex et Joffrey mirent de côté leurs devoirs de potions pour se joindre à elles, formant trois équipes de deux personnes. Richard fit bien sûr équipe avec Vega, et ne cessait de la toucher, de lui poser une main sur la taille, de l'embrasser dans le cou, de jouer avec une mèche de ses cheveux alors qu'elle se penchait pour viser. Personne ne sembla remarquer que Vega n'était pas entièrement réceptive à ces avances, mais Grace lui lança un regard curieux quand elle fit un mouvement brusque pour éviter de se faire prendre la main par son copain. Quelques secondes plus tard, Vega se tourna alors et planta un baiser sonore sur les lèvres de Richard quand celui-ci fit exploser une des boules de Tory et Harper. Elle répondit au sourire que lui faisait Grace. Tout allait bien.
***
En fin d'après-midi, Vega était assise seule dans la salle commune, apparemment abandonnée par tous ses amis. Elle s'était rendue dans leur chambre pour enfiler la robe bleue que lui avaient donnée ses amies le matin même, sous leurs ordres, et quand elle était retournée dans la salle commune, elles avaient disparu. Vega se tournait les pouces depuis déjà une dizaine de minutes quand Tory et Grace apparurent à la porte et s'approchèrent d'elle.
— C'est l'heure, mademoiselle la fêtée ! s'exclama Tory en la tirant par les bras.
— Tout est prêt, expliqua Grace. Viens !
Vega n'avait pas voulu que ses amies lui organisent une fête surprise, mais elles avaient tout de même insisté pour qu'elle ne lève pas le petit doigt pendant la préparation. Voyant l'enthousiasme que l'organisation donnait à Grace, et sachant que Tory serait toujours avec elle, Vega s'était laissée mettre de côté. Quand ses amies vinrent la chercher, elle sauta sur ses pieds, ravie. Elle les suivit jusque dans le corridor, où elles croisèrent Drago, qui se pressait dans la direction opposée. Il hocha la tête en les voyant, tout en tentant de cacher ce qu'il avait dans les mains sous sa cape.
— Tiens, où est-ce que tu as trouvé de l'hydromel ? demanda Grace. Les elfes de maison n'ont même pas voulu nous en donner une goutte pour ce soir.
Le visage pâle du préfet s'obscurcit, et il repartit à toute vitesse, marmonnant quelques mots incompréhensibles dans sa barbe et bousculant Vega au passage. Celle-ci se tourna et lança un regard à Tory, un sourcil haussé.
— Il est de plus en plus étrange, l'amour de ta vie.
Quelques minutes plus tard, au fond d'un couloir abandonné, Grace ouvrit une porte sur une grande salle que Vega n'avait jamais vue. Des ribambelles multicolores étaient accrochées aux murs, une table croulait presque sous les nombreuses pâtisseries et friandises que leur avaient préparées les elfes de maison, et des chandelles vert et argent flottaient au-dessus de leurs têtes, prêtant à la scène une agréable lueur tamisée. Près d'une dizaine de ses amis l'attendaient dans la pièce. Tous ses camarades de quatrième année, bien sûr, mais aussi les deux fillettes à qui elle donnait des cours d'appoint en histoire de la magie depuis l'année précédente, la copine de Harper de troisième année, la sœur jumelle de Joffrey, Jocasta, et un couple de cinquième année que Vega ne reconnaissait que de vue.
— Joyeux anniversaire ! retentit un chœur de voix quand elle entra dans la pièce.
En riant allègrement, un bras autour de la taille de Richard, elle remercia chaleureusement tout le monde. Elle parcourut la petite foule des yeux, mais Jocasta, de Serdaigle, était la seule représentante d'une maison autre que Serpentard. Ce n'est pas si étonnant que ça, se dit-elle, tentant de raisonner avec son regret. Rionach est à Gryffondor. Bien sûr qu'elle ne voulait pas passer la soirée avec les ennemis jurés de sa maison. À quoi avait-elle pensé en l'invitant ?
Quand Tory passa à côté d'elle, Vega lui attrapa la manche et fit un signe de la tête vers les deux cinquième année avec un bruit interrogateur. La blonde sourit en levant les yeux au ciel.
— Je crois qu'ils sont là juste pour le gâteau.
Bientôt, avec un coup de baguette de Grace vers le tourne-disque, la salle s'emplit de la musique des Bizarr' Sisters – comme Vega avait été déçue de ne pas pouvoir assister à leur concert dans la Grande Salle, deux ans auparavant ! Elle venait de se mettre une poignée de bonbons explosifs dans la bouche quand Richard la prit par la main et la tira sur le plancher de danse. Après l'avoir faite tournoyer devant lui, il la tira dans ses bras et plaqua ses lèvres sur les siennes. Vega sentit le bout de sa langue se glisser dans sa bouche, mais avant qu'elle ne puisse décider quoi faire – répondre ou s'éloigner –, les lèvres de Richard disparurent et se rapprochèrent de son oreille.
— Tu goûtes sucré, murmura-t-il. J'aime bien !
Vega rigola en pressant son corps contre celui de son copain, posant sa tête pour son épaule quand les premières notes d'une chanson lente – La valse des sirènes, sa préférée – se firent entendre.
Durant l'heure qui suivit, la porte de la salle s'ouvrit périodiquement, laissant entrer des Serpentard que Vega reconnaissait plus ou moins, qui semblaient tous répondre davantage à l'appel des desserts qu'à celui de l'anniversaire de la jeune fille. Elle en vit plus d'un, d'ailleurs, sortir de la pièce avec une assiette pleine de gâteaux sans qu'ils ne lui aient adressé un seul regard.
Chaque fois que la porte s'ouvrait, qu'elle soit en train de danser avec Richard ou de discuter avec ses amis, elle se tournait, son cœur ayant fait un bond, mais ce n'était jamais la Gryffondor qu'elle attendait. Vers vingt et une heures et demie, elle était assise avec Grace et Tory quand une énième personne rejoignit la fête.
— Tu attends quelqu'un ? demanda Grace quand Vega s'était interrompue en pleine phrase pour tendre le cou vers la porte.
Elle se mordit la lèvre, puis vit que Tory aussi regardait vers la porte. Elle lui sourit.
— Je suis aussi curieuse de voir si Drago va venir à un moment ce soir.
Avant que son amie ne puisse questionner cette excuse, Richard vint s'asseoir entre elles, passa un bras autour des épaules de Vega et lui plaqua un baiser sur la joue.
— Je peux te donner ton cadeau maintenant ?
— Avec plaisir, répondit-elle avec un grand sourire.
Mais plutôt que de lui donner quelque chose, il la prit par la main et la tira à ses pieds, se frayant un chemin vers la porte à travers la foule qui occupait maintenant le plancher de danse. Vega le suivit jusqu'à l'extérieur, curieuse.
La porte fermée derrière eux, ils n'entendaient plus un bruit de la fête – Joffrey, le meilleur de leur groupe avec sa baguette, avait dû y poser un sortilège d'insonorisation. Richard continua à s'éloigner de la fête, et de leur salle commune.
— Où est-ce qu'on va ? demanda Vega, de plus en plus intriguée.
Mais son copain ne répondit rien. Dans la première niche qu'ils croisèrent, deux élèves de septième année étaient en train de s'embrasser à pleine bouche, ignorant tout de ce qui les entourait. Quand la fille glissa une main dans les pantalons du garçon et que celui-ci gémit contre ses lèvres, Vega sentit le rouge lui monter aux joues en espérant que ce n'était pas pour cela que Richard l'avait sortie de la fête.
Richard poursuivit son chemin, tournant dans le prochain corridor qu'ils croisèrent - entièrement vide, celui-ci - et tirant Vega jusque sous une torche. Là, il s'arrêta et se tourna vers elle, une étincelle dans les yeux.
— Ferme les yeux !
Elle le regarda avec suspicion.
— Alors quoi, tu ne me fais pas confiance ?
Alors elle consentit à baisser les paupières. Elle l'entendit sortir quelque chose de sa poche, puis il tira doucement une de ses mains vers lui et y posa ce qui semblait être des morceaux de carton.
— Tu peux regarder, dit-il sans lui lâcher la main.
Vega ouvrit les yeux et posa le regard sur ce qu'il lui avait mis dans la main. Après quelques secondes de silence, elle hurla et se jeta à son cou.
— Deux billets pour les Bizarr' Sisters ! Merci merci merci !
Sans la décrocher de son cou, il s'avança jusqu'à ce que le dos de Vega soit appuyé contre le mur. Il lui caressa une joue, puis la regarda droit dans les yeux et dit :
— Je t'aime, Vega King.
Il se pencha aussitôt pour l'embrasser, doucement, langoureusement, longuement, ne voyant pas ses yeux écarquillés et son expression figée. Quand il recula, plusieurs moments plus tard, une petite ride était apparue sur son front. Les bras de Vega étaient toujours autour de lui, ses doigts croisés derrière son cou, mais ceux-ci étaient si raides qu'ils le pinçaient presque.
— Je t'aime, répéta-t-il d'une voix incertaine.
— Je...
Vega essaya de lui répondre, mais elle ne pouvait pas. Sa voix s'étouffa dans sa gorge : elle ne pouvait pas lui mentir. Ne voulait pas. Elle soutint son regard de plus en plus déçu quelques secondes, puis baissa le sien en fermant la bouche.
— Je vois.
Sans dire un mot de plus, Richard défit les mains de Vega et les laissa retomber à ses côtés. Il fit volte-face après un dernier regard vers la jeune fille et partit vers l'embouchure d'un pas raide.
— Richard, attends !
Mais le garçon ne s'arrêta pas, et Vega ne lui courut pas après. Elle resta appuyée contre le mur. Elle attendait que viennent la tristesse, les larmes ; c'était ce qui suivait toujours les ruptures dans les romans de Wonn. Mais rien ne vint, rien d'autre qu'un étrange soulagement. Elle allait pouvoir arrêter de jouer un rôle, de mentir. Toute cette relation avait été injuste pour elle, pour Richard, et pour...
Elle secoua la tête. Plutôt que de retourner à la fête, elle décida de rentrer à son dortoir et de se coucher derrière des rideaux fermés. Demain serait bien assez tôt pour expliquer à Grace et à Tory ce qu'il s'était passé.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top