Amitié et vie sexuelle
— J'ai des nouvelles de Dean aussi.
C'était une nouvelle réunion de l'Armée de Dumbledore, la dernière du mois de novembre. Seamus s'était levé, et donnait à ses camarades les nouvelles qu'il avait récoltées récemment. Au nom de Dean, tous levèrent la tête, espérant des nouvelles positives, mais Vega se tourna vers Rio, les sourcils froncés.
— Dean Thomas, Gryffondor de septième année, murmura-t-elle sans détourner le regard. Meilleur ami de Seamus.
— Il est en sécurité, continua l'Irlandais à l'avant. Il se cache avec deux gobelins, Ted Tonks et... je ne sais pas, je n'ai pas trop compris, quelqu'un avec les initiales DC...
— Dirk Cresswell, dit Ginny. Un collègue de papa, né-Moldu. Maman m'a dit qu'il était en fuite depuis qu'il avait réussi à s'enfuir avant d'arriver à Azkaban, il y a quelques semaines.
Plusieurs adolescents exprimèrent leur soulagement que leur ami se porte bien, et que quelqu'un ait réussi à fuir au nez et à la barbe des Mangemorts. Vega échangea un sourire avec Ginny ; elle aussi connaissait vaguement monsieur Cresswell, l'ayant croisé quelques fois dans le bureau de son père.
Ils parlèrent tous entre eux quelques minutes, jusqu'à ce que Neville tape dans ses mains, demandant leur silence et leur attention.
— McGonagall m'a donné un Épouvantard qu'elle a trouvé dans son armoire l'autre jour. Je lui avais dit que Seamus et moi en avions besoin pour nous entraîner pour nos ASPIC.
Vega déglutit. Rionach lui avait annoncé avec excitation, une vingtaine de minutes plus tôt quand elle était entrée dans la salle sur demande, qu'ils allaient s'entraîner à faire des Patronus, un sortilège que la Serpentard n'avait jamais tenté. Elle n'avait même jamais vu de Détraqueur de près ; pendant sa première année, quand ils avaient envahi l'école, elle avait réussi à les éviter, ne les apercevant que de loin alors qu'ils erraient autour du périmètre du château.
— Jake ?
Un troisième année de Poufsouffle s'approcha de la malle que Neville avait fait léviter vers le tapis. Elle ne lui avait pas expliqué pourquoi, mais Rio avait dit que les Épouvantards se transformaient en Détraqueurs devant Jake, comme ils l'avaient fait avec Potter l'année précédente.
Pendant que Jake s'installait, les jambes écartées et la baguette sortie, les autres membres de l'AD se placèrent derrière lui, formant une file approximative. Vega se retrouva entourée d'un groupe de Gryffondor ; Rionach, Romilda, Ginny, Lavande et Cormac. Les quatre autres filles serraient leurs baguettes, l'air déterminé. Cormac vit l'air inquiet de la Serpentard et lui fit un clin d'œil.
— C'est ma première fois aussi, dit-il. On me dit que c'est moins horrible qu'on croit.
— Qui t'a dit ça ? interpela Ginny. Lavande ? C'est pas bien de mentir, tu sais !
Soudainement, Cormac perdit son air assuré et Vega fut prise d'une envie abrupte d'éclater de rire. Ginny leur posa tous les deux une main sur l'épaule, un sourire en coin.
— Vous en faites pas, dit-elle. Pensez à un moment heureux, le plus heureux dont vous vous souvenez, et dites « Spero Patronum » de toutes vos forces. J'ai foi en vous.
— En même si vous vous ratez, c'est qu'un Épouvantard, il peut rien vous faire !
Ginny leva les yeux au ciel, et Lavande se retourna en riant, prête à affronter le Détraqueur-Épouvantard.
Après une succession bien trop rapide de Patronus plus ou moins bien réussis – quelques animaux revenaient se pavaner près des sorciers après avoir forcé leur adversaire à battre en retraite, d'autres ne prenaient que la forme de vagues nuages argentés –, Vega se retrouva à l'avant du groupe qui attendait encore son tour. Elle se tourna vers Rionach et Cormac, derrière elle, mais ils ne lui furent d'aucune aide.
— « Spero Patronum », répéta sa copine en lui donnant une poussée encourageante dans le dos. Vas-y, lance-toi !
Avec une grande inspiration, Vega se tourna pour faire face à la créature encapuchonnée qui s'avançait vers elle. Elle entendait sa respiration tremblante, sentait le froid qui semblait émaner d'elle. La Serpentard fut traversée d'un violent frisson, et repensa tout d'un coup à un vieux souvenir qu'elle pensait avoir enfoui. Elle avait à peine cinq ans, et sa mère l'avait amenée au Chemin de Traverse. À Gringotts, elles étaient descendues dans les grottes. Pendant qu'Irene était allée retirer de l'argent, Vega était sortie du coffre-fort et s'était égarée dans les couloirs sombres. Elle avait eu tellement peur, s'était sentie tellement seule...
— Vega !
Avec un sursaut, elle remarqua que le Détraqueur n'était plus qu'à un mètre d'elle. Elle serra le poing autour de sa baguette, tenta de remplir son esprit de souvenirs heureux – sa rencontre avec Grace et Tory, leur première sortie à Pré-au-Lard, son premier baiser avec Rionach.
— Spero Patronum !
Un nuage translucide émergea du bout de sa baguette. Le Détraqueur s'arrêta à peine trois secondes, avant de sortir une main putride de sous sa cape et de faire un geste de balayage. La tentative de Patronus disparut aussitôt, et Vega fit un pas maladroit vers l'arrière, trébuchant presque sur son propre talon.
— Spero Patronum !
Rio s'était avancée, et avait lancé un renard vers le Détraqueur, qui fit aussitôt demi-tour. Vega la remercia d'une voix tremblante et la Gryffondor lui passa un bras rassurant autour des épaules.
— Pour un premier essai, ç'aurait pu être pire !
***
Le temps que l'entraînement se termine, Vega avait eu une autre chance contre le Détraqueur, qui s'était à peine mieux passée que la précédente. Elle avait essayé une nouvelle série de souvenirs, mais son nuage de Patronus n'avait duré que quelques secondes de plus avant que Rionach ne doive venir la sauver.
Au moins, une fois l'Épouvantard évaporé, Ginny avait sorti un grand mannequin et ils avaient tous pu se défouler jusqu'à sa destruction. Vega avait pu lui envoyer deux « Reducto » bien sentis pendant la séance, avant qu'il n'explose et que Neville appelle la fin de la réunion.
Vega était en train de se rhabiller – si elle retournait dans la salle commune sans sa cravate, ses amis se poseraient des questions – quand Cormac et Lavande s'approchèrent d'elle. La Serpentard se redressa aussitôt, méfiante, mais les deux Gryffondor lui souriaient.
— Lav et moi on va rester pour que je continue à pratiquer mon Patronus, expliqua Cormac. On s'est dit que tu voudrais peut-être t'entraîner un peu avec nous avant de partir ?
Par-dessus l'épaule du jeune homme, Vega voyait Rionach qui souriait largement, mais aussi Seamus, derrière elle, qui ne faisait même pas d'effort pour cacher sa grimace. Elle regarda sa montre : il était déjà près de vingt et une heures trente.
— C'est gentil, dit-elle. Mais c'est bientôt le couvre-feu, et si je rentre trop tard, mes amis vont se poser des questions...
Au moment où elle parla de ses camarades de Serpentard comme de ses amis, elle vit ses deux interlocuteurs sourciller, mais ils retrouvèrent vite leur sourire.
— On comprend tout à fait, dit Lavande.
— À la prochaine ! ajouta Cormac alors qu'ils se plaçaient à nouveau sur le tapis.
Pendant qu'elle retournait vers les cachots, Vega ne pouvait s'empêcher de ressasser ce dernier échange avec Lavande et Cormac. Aurait-elle dû utiliser un autre mot qu'« amis » ? Camarades ? Compagnons ?
Cela l'amena à se demander si les Serpentard étaient toujours, effectivement, ses amis. Leurs divergences d'opinions, affichées ou pas, devaient-elles signer la fin d'amitiés de plusieurs années ? Ne pouvaient-ils pas rester amis, de nom du moins, même sous les circonstances extrêmes actuelles ? Vega était certaine que la plupart d'entre eux – Grace en tête de liste – n'agissaient ainsi que pour répondre à la pression de leur entourage. De leur famille, des autres Serpentard.
En arrivant face au mur qui camouflait l'entrée de sa salle commune, Vega leva la tête, le regard décidé. Si les membres de l'Armée de Dumbledore n'arrivaient pas à accepter qu'elle ait toujours des amis à Serpentard, des amis aux idées contre lesquelles ils se battaient, eh bien, tant pis pour eux. Elle ne leur tournerait pas le dos.
***
— Vous croyez que je vais perdre beaucoup de points si mon chat a toujours un bec comme queue ?
Vega et Grace tournèrent la tête vers la table d'Astoria, et éclatèrent de rire en voyant son pauvre chaton se renifler le derrière d'un air confus.
Leur prochain cours de métamorphose, mardi matin, serait un examen pratique du dernier sortilège qu'ils avaient appris. Les trois Serpentard avaient donc emprunté des théières, samedi après l'heure du dîner, et avaient investi une salle de classe vide pour s'entraîner à les transformer en chaton.
Pour l'instant, aucune des trois n'avait encore réussi parfaitement. Le poil blanc du chaton de Grace était resté décoré des petites roses de sa théière, et celui de Vega était incapable de marcher avec des poignées comme pattes avant.
— Finite Incantatem.
La théière réapparut sur la table de Tory. Alors que ses amies la regardaient de près, leurs propres chatons ratés sur leurs bureaux, la blonde ferma les yeux et prit une grande inspiration, rassemblant toutes ses forces et sa concentration. Puis, posant le bout de sa baguette légèrement sur le dessus de la théière, elle prononça fermement la formule, mettant bien l'emphase sur la deuxième et la dernière syllabe, comme leur avait dit la professeure McGonagall.
La théière disparut immédiatement derrière un nuage blanc. Après un moment, celui-ci se dissipa pour laisser voir un adorable petit chat tout noir, dont les yeux verts passaient d'une fille à l'autre, l'air de se demander ce qu'il faisait là. Quand il émit un miaulement aigu, Tory répondit d'un petit cri excité.
— J'ai réussi ! s'exclama-t-elle en laissant courir sa main de la petite tête jusqu'au bout de la queue, qui n'avait plus rien d'un bec de théière.
Avec des applaudissements, Vega et Grace s'approchèrent à leur tour pour jouer avec le chaton, qui répondait à leurs caresses par des ronronnements sonores. Leurs deux tentatives, oubliées derrière elles, regardaient jalousement leur camarade réussi qui s'attirait toute l'attention. Après un moment, Grace dit :
— Mon frère m'a appris quelque chose l'autre jour. Je vous montre ?
Tory et Vega acquiescèrent avec enthousiasme, et reculèrent de quelques pas alors que Grace remontait les manches de son chandail.
— Ils ont appris ça avec Carrow, en Forces du Mal.
Devant le chaton de Tory, elle leva sa baguette et se concentra un instant. Juste avant qu'elle n'ouvre la bouche, un éclair de dureté passa dans ses yeux, et Vega sut ce qui suivrait.
— Cruc –
— NON !
La baguette de Grace vola dans les airs, et Vega l'attrapa d'une main. Quand les deux autres jeunes filles tournèrent des yeux abasourdis vers elle, elle baissa les yeux et remarqua que sa propre baguette était levée, dirigée vers Grace. Elle avait lancé un Expelliarmus informulé par réflexe.
Baissant rapidement sa baguette, elle rendit la sienne à son amie, non sans dire d'un ton ferme :
— C'est un sortilège impardonnable, Grace, à quoi tu penses ?
— Et à quoi pense Carrow d'enseigner ça à Poudlard ? ajouta Tory. Il est fou ?
Grace leva les yeux au ciel avec un rire.
— Vous êtes trop sensibles. C'est pas comme s'ils avaient appris l'Avada Kedavra. Et c'est pas comme s'ils le pratiquaient sur d'autres sorciers.
Elle leva à nouveau sa baguette vers le chaton, et Vega sentit tous ses muscles se tendre, mais elle ne fit que lancer un « Finite Incantatem », d'abord sur l'animal de Tory, puis sur le sien et sur celui de Vega.
— C'est même pas de vrais animaux, finit-elle d'un ton moqueur. C'est des théières.
Dans un silence tendu, elles retournèrent chacune à leur théière, mais l'atmosphère confortable de concentration avait disparu. Malgré tous ses efforts, Vega n'arrivait plus à se concentrer. À chacun de ses essais, elle ne voyait que Grace en train de torturer un être sans défense.
Après une petite vingtaine de minutes de silence interrompu seulement par des sortilèges et des jurons quand le résultat n'était pas celui escompté, la jeune Nott rangea ses affaires et passa son sac par-dessus son épaule.
— J'ai du Quidditch, dit-elle en se dirigeant vers la porte, sans se retourner vers ses amies. À ce soir.
Tory et Vega restèrent encore quelques minutes dans la salle, mais quand ni l'une ni l'autre n'arriva à un résultat plus probant qu'une théière poilue, elles décidèrent d'un commun accord de mettre un terme à l'exercice et de retourner à la salle commune.
Et de ne plus jamais parler de ce qu'il s'était passé aujourd'hui.
***
Vega regardait autour d'elle, mi-amusée, mi-intimidée. Elle était aux Trois Balais, assise entre Astoria et Grace. Autour d'elles, à la même table, se trouvaient Pansy Parkinson, Millicent Bulstrode et Daphné, ainsi qu'Isadora Duncan et Simini Rowell, de sixième année. Les camarades de dortoir de ces dernières, les jumelles Blocker, étaient installées à une autre table, un peu plus loin. Des sorcières de sang mêlé, elles n'avaient visiblement pas été invitées à cette table.
Un an, deux ans plus tôt, Vega aurait vendu son âme pour se trouver ici. Avec ses aînées, au sein du groupe de filles les plus populaires de la maison – de l'école, si on croyait tout ce qu'elles disaient. Mais maintenant que ce rêve était devenu réalité, elle réalisait qu'elle aurait préféré passer son après-midi à Pré-au-Lard comme elle le faisait d'habitude, avec son groupe de cinquième années, à se promener dans les boutiques. Son regard erra par la fenêtre, sur les montagnes de neige blanche dans les rues, et elle soupira intérieurement. La suggestion d'une bataille de boules de neige ne serait sans doute pas très populaire dans ce groupe-ci.
— King, tu es avec Kendrick depuis quand ?
Vega se retourna en entendant son nom, et rougit en constatant que toutes les filles de la table la fixaient. Elle ne savait même pas laquelle d'entre elles lui avait parlé.
— Je... Pardon ?
— Isadora demande depuis quand tu es avec Richard, expliqua Grace en la foudroyant du regard.
— Oh ! Depuis octobre, répondit Vega. Cette année. L'an dernier on a été ensemble un moment aussi. Quatre mois.
— Et tu as quel âge ?
— Quinze ans...
— Bientôt seize, ajouta Grace.
Vega fronça les sourcils. Pourquoi avait-elle l'impression d'être mise aux enchères ?
— Et est-ce que vous avez officialisé ça déjà ?
— Officialisé ? demanda-t-elle, confuse. Comment ? Je ne comprends pas...
— Est-ce que vous avez couché ensemble, intervint sèchement Daphné.
Vega se sentit rougir encore plus profondément. À sa droite, Astoria avait les mains crispées autour de son verre de bièraubeurre, et à sa gauche, Grace avait le regard fixé sur la surface de la table. Ses amies ne lui seraient d'aucune aide.
— N-non, bégaya-t-elle. Pas encore. Je veux dire –
— Je te conseille de ne pas tarder, la coupa Millicent. Kendrick est un bon parti, tu devrais mettre le grappin dessus le plus tôt possible.
— Si tu as besoin de conseils, demande à Nott, ajouta Pansy d'un ton amusé. Je suis sûre qu'elle en a plein.
Vega jeta un regard en biais à son amie, qui n'avait pas bougé d'un millimètre. Sa mâchoire était crispée, et elle crut voir une larme perler au coin de son œil. Sous la table, elle tendit un bras et posa une main sur le genou de Grace, le serrant pour essayer de lui transmettre du réconfort.
Au grand soulagement des trois amies, leurs aînéeschangèrent à ce moment de sujet, et la vie sexuelle des sang-pur ne revint passur le tapis de la journée.
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